Intervention de Bruno le Maire

Réunion du lundi 24 septembre 2018 à 14h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

J'invite M. Roussel à accorder son violon avec celui de Mme Rabault, car l'un dit exactement le contraire de l'autre, notamment sur le CICE. Pour les uns, c'est « jackpot » ; pour les autres, ce n'est pas assez. Je vais tâcher d'éclaircir tout cela dans mes réponses.

Sur le cinquième acompte d'IS, nous ne modifions pas le périmètre des entreprises concernées, défini par l'article 1668 du code général des impôts. J'ai tenu à ce que nous gardions le même périmètre pour que la mesure ne se traduise pas par de nouvelles obligations pour quelque entreprise que ce soit. C'est le montant du taux que nous modifions et non le périmètre.

Monsieur le rapporteur général, je partage totalement ce que vous avez dit sur la croissance. Nous avons en France une croissance solide et soutenue. Je considère que nous pouvons encore faire mieux et c'est bien l'objet du projet de loi que nous aurons l'occasion d'examiner demain.

Oui, nous supprimons l'exit tax. Nous la supprimons en mettant fin au délai de quinze ans qui avait conduit nombre de contribuables à quitter le territoire français. Nous la supprimons car elle avait un rapport très faible pour le Trésor public, de l'ordre de 140 millions d'euros, du fait que les gens partaient et n'exerçaient pas leurs plus-values. Cette mesure nous permet de supprimer également les modalités administratives complexes dont elle était assortie, notamment la constitution de garanties auprès d'un comptable public, sauf pour les pays qui n'auraient pas de convention d'assistance fiscale avec la France.

L'exit tax est supprimée mais nous avons prévu un dispositif contre les abus, en fixant à deux années le délai pour un dégrèvement complet des plus-values latentes. Nous ne voulons pas en effet que des contribuables puissent faire des allers-retours avec un pays étranger et optimiser fiscalement ces dispositions. Ce seuil de deux ans nous semble raisonnable.

Faut-il, ensuite, passer d'un montant de capital mobilier à un montant de plus-value ? Je vois l'intérêt d'une telle proposition. J'indique simplement qu'il existe un risque d'effet de seuil très important. Ainsi, si un contribuable détient 810 000 euros de plus-values latentes, il sera imposé sur ces plus-values dès le premier euro, ce qui représenterait, au prélèvement forfaitaire unique, un impôt de 243 000 euros, alors que celui qui n'aurait des plus-values que de 790 000 euros ne serait redevable d'aucun impôt. Il me semble donc sage de s'en tenir au dispositif que nous vous proposons.

Le taux réduit pour les brevets est un sujet majeur au regard de la politique de soutien à l'investissement et à l'innovation que nous proposons. Nous sommes le dernier pays de l'OCDE à ne pas avoir adopté ces règles sur la fiscalité des brevets. Or il est très compliqué d'expliquer que l'on est pour le multilatéralisme et le respect des règles européennes sans respecter les règles quand cela ne nous arrange pas. Il est par exemple très compliqué de défendre, comme je le fais avec le Président de la République, la taxation des géants du numérique, à l'Union européenne et auprès de l'OCDE, sans en même temps obéir aux règles que respectent tous nos partenaires européens. Je rappelle par ailleurs que la mise en place du ratio Nexus, qui est le coeur de cette transformation du régime des brevets, proportionne le bénéfice du régime à la recherche réalisée en France ; c'est donc aussi une incitation à relocaliser la recherche et le développement.

Enfin, nous travaillons depuis plusieurs mois avec les entreprises à l'amélioration du dispositif. Nous allons limiter la recapture en ne l'appliquant qu'aux dépenses de recherche-développement à compter de l'option pour le taux réduit de brevet, ce qui permet aux stocks de ne pas être touchés. Nous allons privilégier une approche de groupe, comme cela a été demandé par la plupart des entreprises. Nous allons intégrer à 100 % le revenu des logiciels dans le champ des revenus éligibles, ce qui sera, pour toutes les entreprises – Dassault Systèmes en est un bon exemple –, un avantage considérable. Enfin, nous proposons le maintien du taux de 15 % dans le texte initial ; je sais que vous avez d'autres propositions, monsieur le rapporteur général ; nous les étudierons.

Vous nous reprochez, madame Louwagie, d'appliquer la technique du rabot et de ne pas prendre de décisions structurelles. Je vous invite à voter toutes les réformes structurelles que nous allons engager dans les mois à venir et qui nous permettent de réduire la dépense publique : les décisions qui seront prises sur l'indemnisation du chômage, la réduction des emplois aidés, auxquels nous substituons des emplois dans le secteur marchand, la réforme des chambres de commerce et d'industrie (CCI), dont le résultat sera 400 millions d'économies sur quatre ans, l'indépendance du fonctionnement, le recentrage des décisions autour de CCI France et la transformation du régime des salariés. Je vous invite également à soutenir la transformation des services déconcentrés de la direction générale des entreprises, dont les effectifs vont passer d'un peu plus de 500 à un peu plus de 100 en l'espace d'une année. Voilà les transformations structurelles que nous portons et que vous aurez à coeur de soutenir, j'en suis certain.

S'agissant des droits de succession, je le redis, le Gouvernement n'a jamais envisagé d'y toucher.

S'agissant de la fiscalité écologique, c'est un choix. Je suis élu d'une circonscription rurale, et j'étais ce week-end à Évreux, où j'ai entendu un certain nombre de personnes me faire observer que le carburant était trop cher. Je les comprends mais je note aussi que la prime à la conversion est un immense succès, que 170 000 personnes en ont bénéficié et que 250 000 en bénéficieront sans doute d'ici à la fin de l'année. Nous accélérons la transition écologique et les changements de modalités de transports des citoyens.

Monsieur Bourlanges, s'agissant du CICE, il est vrai que sa suppression a été critiquée par le Mouvement des entreprises de France, mais ce sont les mêmes, et je le leur ai rappelé, qui demandaient à cor et à cri il y a quelques années que ce crédit d'impôt soit transformé en allégement de charges pérennes. C'est tout le charme de la vie politique et économique française : on réclame souvent tout et son contraire.

Monsieur de Courson, l'output gap était en effet négatif en 2018 ; nous l'avons comblé et il sera positif en 2019, ce qui signifie que notre niveau de croissance potentielle retrouve aujourd'hui notre niveau de croissance effectif, parce que nous sortons du cycle de crise dans lequel nous étions entrés en 2008. Je pense néanmoins que nous pouvons augmenter encore notre niveau de croissance potentielle car il reste trop faible par rapport aux capacités du pays. Cela passe par un choix, celui d'une politique d'amélioration de l'offre de l'économie française, par de l'investissement et de l'innovation. Ce choix, je ne l'assume pas : je le revendique. C'est le seul qui nous permettra de rattraper nos principaux partenaires européens, Allemagne en tête.

Le cours du pétrole est aujourd'hui élevé ; le prix du baril, qui était à 50 dollars il y a encore quelques mois, a bondi récemment. C'est la principale cause d'augmentation de l'inflation. Raison de plus pour se libérer des hydrocarbures et accélérer la transition écologique.

Je confirme qu'il y aura un point de prélèvements obligatoires en moins d'ici à 2022. Il faut retrancher le cinquième de point supplémentaire de prélèvements obligatoires lié à France Compétences, qui explique l'écart que vous avez mentionné.

Le suramortissement, Madame Rabault, sera proposé par amendement, comme le Premier ministre s'y était engagé. Il sera centré sur les PME du secteur industriel, sa durée sera de deux ans, il concernera la robotisation et la transformation numérique des entreprises, le taux sera fixé à 30 % et il entraînera une dépense de 150 à 180 millions d'euros.

MM. Coquerel et Roussel me permettront de leur faire une réponse conjointe : oui, nous conduisons une politique de l'offre. Les politiques précédentes ne nous ont pas permis d'avoir un niveau de croissance élevé ni de sortir de l'endettement massif, qu'elles ont au contraire accéléré, ni de baisser les impôts. Il est temps d'essayer une politique différente, une politique de l'offre. Je ne considère pas que ce soit un échec quand je vois que le chômage décline, même s'il faudrait qu'il baisse plus rapidement, et que cela nous permet de réduire dette, dépenses et prélèvements obligatoires sur la durée du quinquennat. L'échec de l'autre politique peut se constater par un seul chiffre, celui du déficit commercial de la France. Nous ne sommes pas condamnés à avoir un déficit commercial aussi important ; au début des années 2000, nous n'étions pas en déficit.

Changeons de politique pour renforcer la compétitivité de notre pays, avoir des entreprises plus profitables qui investissent davantage et innovent. Le niveau de marge de nos entreprises, 31 %, est l'un des plus faibles des pays de l'OCDE. Il faut donc alléger la fiscalité sur le capital, ce que nous faisons, pour que nos entreprises aient plus de marges pour investir, innover, avoir de meilleurs produits, exporter, rétablir la balance commerciale et créer des emplois.

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