Permettez-moi de revenir sur la présentation du budget que vous venez de nous faire, en mode édulcoré et avec des chocolats. C'est en réalité un budget en trois actes.
Le premier est le renoncement, car les dépenses publiques continueront à augmenter en volume, de 0,6 point. Si le déficit public doit augmenter, puisqu'il passera de 2,6 à 2,8 % du PIB entre 2018 et 2019, c'est parce que les dépenses publiques continueront aussi à le faire : vous ne pouvez pas le nier. De ce fait, l'ajustement structurel affiché pour 2019 se limitera à 0,3 point de PIB. C'est par des artifices, comme l'augmentation du cinquième acompte de l'impôt sur les sociétés, que le déficit est moins impacté qu'il aurait pu l'être, mais aucunement grâce à la maîtrise des dépenses publiques : c'est presque une fuite en avant. Puisque Mme de Montchalin a déclaré qu'il faut faire ce que l'on dit, ce qui est en effet très important, je voudrais simplement rappeler que le Premier ministre s'était engagé en juillet 2017 à stabiliser la dépense publique, hors inflation, jusqu'en 2020...
Votre deuxième acte est le manque d'ambition. Nous avons eu un environnement favorable, mais en raison de vos choix, comme le président de notre commission l'a rappelé, la France n'a pas profité de la croissance. Pour ce budget 2019, vous êtes finalement pris en étau : dans l'incapacité de réduire structurellement la dépense, vous poursuivez une politique du rabot, par exemple en revalorisant a minima les prestations sociales, ce qui représentera 3 milliards d'euros d'économies par an. Le résultat est que la dette atteindra 98,6 % du PIB en 2019. Je suis d'accord avec M. Le Maire lorsqu'il déclare que la dette est un poison lent, mais je regrette que l'on essaie de la réduire non pas en agissant sur les dépenses, mais en procédant à des cessions d'actifs.
J'en viens à l'acte III, qui est la géométrie variable de ce budget. Le ministre de l'économie a parlé de constance, de stabilité, de visibilité et de lisibilité, ce qui correspond en effet à ce que souhaitent les entreprises et les ménages. Seulement, que faites-vous ? Lors de la présentation du budget pour 2018, une diminution des charges patronales a été annoncée pour janvier 2019, puis en août 2018, patatras, vous avez reporté la date d'application de dix mois. Il en est de même pour l'exit tax : le Président de la République a déclaré le 2 mai qu'elle allait être supprimée, mais il est maintenant question d'un simple aménagement. Enfin, l'annonce qu'il y aurait une réforme des droits de succession a été démentie quelques jours plus tard par le Président de la République. Tout cela ne crée pas de la confiance. Le bouquet final a été l'annonce, ce matin, que les impôts diminueraient de 6 milliards d'euros en 2019, ce qui serait du jamais vu depuis dix ans. Or il ne suffit pas d'additionner les baisses d'impôt : c'est l'ensemble de la réalité qu'il faut prendre en compte. En 2018, il y a eu 4,5 milliards d'euros de prélèvements obligatoires supplémentaires – c'est l'INSEE qui l'a dit au début de l'année –, et en 2019 votre politique fiscale sur les carburants, ne vous en déplaise, ira chercher plus de 2 milliards d'euros supplémentaires chez les automobilistes, qui sont pour l'essentiel des gens qui travaillent, en plus des 4 milliards d'euros déjà prélevés en 2018, de sorte que l'on aboutira peut-être à plus de 10 milliards d'euros en 2022. Par ailleurs, la CSG ne sera pas compensée pour les retraités – il y a aura uniquement un ajustement pour 300 000 personnes, sur les 8 millions de retraités concernés.
Il y a un dicton que l'on aime bien citer dans l'Orne : « à force de traire une mamelle sèche, on n'obtiendra rien d'autre que des coups de sabot ».