Intervention de Jean-Louis Touraine

Réunion du jeudi 6 septembre 2018 à 11h25
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine, rapporteur :

Chacun le sait, vous êtes le père scientifique d'Amandine, le premier enfant issu d'une fécondation in vitro en France. À ce titre, votre parcours est très proche de celui de Bob Edwards, lauréat du prix Nobel, dont les recherches ont permis la naissance de Louise Brown en Grande-Bretagne. J'aimerais que vous expliquiez comment vos positions sur la bioéthique ont pu être à ce point opposées !

Tandis que Bob Edwards, décédé récemment, s'enthousiasmait pour toutes les avancées scientifiques qui ne posaient pas de problèmes éthiques nouveaux, vous avez manifesté davantage de prudence à l'égard du progrès médical, suggérant que la réflexion bioéthique devrait conduire à des décisions a priori, avant même que les progrès ne soient développés. Pensez-vous qu'il aurait été possible de réaliser des FIV dans l'espèce humaine si une réflexion bioéthique avait été menée sur cette hypothèse au préalable ? Aurait-on même inventé la vaccination – une forme de transhumanisme – dans l'état d'ignorance où l'on se trouvait ? N'est-il pas un peu dangereux de vouloir définir la règle éthique opportune a priori, avant que les progrès ne soient développés ?

Si nous sommes tous d'accord pour privilégier l'hyperhumanisme sur quelque transhumanisme effrayant que ce soit, il est peut-être responsable de décider que la réflexion bioéthique ne peut survenir que lorsque l'on sait exactement de quoi est constitué le progrès proposé, quand les bénéfices et les inconvénients potentiels en sont connus. Conduire la réflexion a priori, c'est risquer de porter un coup d'arrêt au progrès médical.

Par ailleurs, n'êtes-vous pas embarrassé par le fait que l'on utilise le même terme, « eugénisme », pour qualifier deux choses tout à fait différentes ? L'eugénisme d'État, l'eugénisme de masse lié aux idéologies totalitaire du milieu du XXe siècle, l'eugénisme auquel est associé le nom d'Alexis Carrel, qui a conduit à la stérilisation des femmes présentant des troubles psychiatriques dans de nombreux pays, n'a rien de comparable à la pratique du DPI, qui prévient des pathologies graves dans des cas individuels. Le DPI n'a jamais évolué vers des choix de caractères jugés positifs : personne ne l'a utilisé pour faire naître des enfants blonds aux yeux bleus. Faut-il user du même vocable pour désigner deux réalités aussi distinctes ?

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