Avis défavorable.
Je profite de l'occasion pour répondre à M. Quatennens, ainsi qu'à M. Woerth, à propos des objectifs de la réforme.
Je rappellerai d'abord quelques chiffres. Nous sommes le pays d'Europe où la part de la répartition dans le versement des prestations de rente est la plus élevée. Chaque année, nous versons aux retraités, dans le cadre du système par répartition, des prestations dont le montant s'élève à environ 300 milliards d'euros. À titre de comparaison, la somme versée chaque année au titre des divers fonds d'épargne retraite du système par capitalisation s'élève à environ 6 milliards d'euros. La retraite par capitalisation est donc bel et bien un appoint. Elle ne deviendra pas la base du système français de retraites : les chiffres le démontrent.
Par ailleurs, il ne faut pas opposer le système par répartition et le système par capitalisation. Le premier demeure le choix collectif fait en France, ce qui est fondamental. Mais la capitalisation n'est pas l'ennemie de la répartition. Elle est au contraire son alliée, car elle permet de compléter les retraites versées dans le cadre du système par répartition.
Le paradoxe, monsieur Quatennens, est que ce sont ceux dont la situation est la plus favorable qui bénéficient du meilleur accès aux dispositifs par capitalisation. En facilitant cet accès, contrairement à ce que vous affirmez, nous rendrons ces derniers plus populaires et accessibles à ceux dont le niveau de revenu est plus faible. Notre logique est donc très différente de la présentation que vous en faites.
Le principe de la réforme – Éric Woerth en a rappelé certaines caractéristiques – est d'abord la simplicité. Le dispositif actuel est trop complexe : il comporte de multiples produits d'épargne retraite, tels que les contrats « article 83 », le plan d'épargne pour la retraite collectif – PERCO – et le contrat Madelin, dont chacun obéit à des règles propres. Nous voulons soumettre tous les produits d'épargne retraite aux mêmes règles.
Deuxièmement – c'est une injustice fondamentale pour ceux qui sont obligés de changer d'entreprise ou de métier, monsieur Quatennens – , les produits d'épargne retraite ne sont pas portables. Dans ces conditions, comment voulez-vous qu'un salarié – surtout s'il est peu qualifié – obligé de changer de métier plusieurs fois au cours de sa vie souscrive à un produit d'épargne retraite ? Il sait qu'on lui demandera, cinq ou dix ans plus tard, de changer de métier, et qu'il en perdra alors le bénéfice.
Il est déjà assez difficile d'épargner ; si, en plus, on ne peut pas conserver un produit d'épargne retraite tout au long de sa vie professionnelle afin de préparer sa retraite, celui-ci ne présente plus aucun intérêt. C'est en grande partie ce qui explique, à mes yeux, que les encours demeurent dérisoires. En rendant ces produits portables, vous améliorez l'accès des salariés à des produits d'épargne retraite, lesquels leur ouvrent des perspectives en vue de leur retraite.
Troisièmement, ces produits sont bien trop contraignants. En effet, on ne vous laisse aucune liberté de choix à la sortie. Nous voulons instaurer une entière liberté de choix à la sortie s'agissant des versements volontaires, que vous avez mis vous-même de côté.
Enfin, nous voulons assouplir le système en faisant en sorte que ceux ayant décidé de mettre de l'argent de côté puissent l'utiliser pour acheter leur résidence principale. Il s'agit de l'un des changements importants en la matière. Je remercie les membres de la majorité, qui ont formulé des propositions utiles sur ce point. Nous y reviendrons sans doute tout au long du débat qui va suivre.
J'évoquerai toutefois l'une des dispositions essentielles. Vous avez vingt-cinq ou trente ans, vous envisagez d'ouvrir un produit d'épargne retraite, votre budget mensuel peut être très serré, et vous avez envie d'acheter votre résidence principale. Si on vous explique que les sommes versées sur votre compte d'épargne retraite ne seront jamais accessibles, vous hésiterez à l'ouvrir. Si on vous annonce qu'il existe un cas de figure – l'achat de votre résidence principale – dans lequel vous pourrez débloquer votre plan d'épargne retraite, c'est puissamment incitatif.
J'ajoute que nous avons également élaboré un dispositif relatif à la réversion, à laquelle nous sommes très attachés. C'est, me semble-t-il, une question de justice.
Il s'agit bel et bien du grand soir de l'épargne retraite. Monsieur Quatennens, un grand soir, voilà qui ne devrait pas vous faire peur !