Monsieur le ministre, monsieur le président, chers collègues, c'est avec une certaine émotion que je m'adresse à vous pour la dernière fois dans cet hémicycle en tant que rapporteur du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.
L'élaboration de cette loi est un travail au long cours qui a commencé voilà un an et demi, au lancement des états généraux de l'agriculture et de l'alimentation. Nous l'avons construite ensemble, avec tous les acteurs de la chaîne agricole et alimentaire réunis autour d'une même table. L'esprit des états généraux de l'alimentation, c'est ce travail collectif que nous avons réussi à mettre oeuvre, au-delà des postures idéologiques et politiques parfois tenaces. Cette philosophie ne doit pas s'arrêter au vote de la loi : nous devons la poursuivre en accompagnant les acteurs dans l'application des mesures que nous avons votées. Au total, nous avons passé 45 heures en commission des affaires économiques et 109 heures dans cet hémicycle, pour plus de 6 300 amendements discutés depuis la première lecture du texte en commission.
Parce qu'il y a urgence dans nos campagnes et que la souffrance de nos agriculteurs s'est même accentuée cet été avec la sécheresse, nous avons adopté des mesures fortes pour réformer radicalement le modèle agricole et alimentaire français. Nous tous, agriculteurs, consommateurs, distributeurs et industriels, avons pris conscience que notre modèle agricole et alimentaire français était à bout de souffle. Pour que nous ayons sur nos étals des produits de qualité, locaux et respectueux de l'environnement, nos producteurs doivent avoir les moyens de les produire.
L'objectif du titre I du texte est de leur permettre de vivre de leur métier. Dorénavant, les paysans auront de réels moyens pour reprendre la main dans les négociations commerciales agricoles. Cette loi leur assurera plus de transparence et de sécurité dans cette période qui était source de stress pour nombre d'entre eux. Ce sont désormais les producteurs agricoles qui proposeront le prix de leurs produits à leurs premiers acheteurs, en prenant en compte leurs coûts de production. Cette question, certes technique, est un pas important pour mieux rémunérer le travail des agriculteurs à sa juste valeur.
Le prix que les agriculteurs mettront sur la table des négociations se fondera sur des indicateurs de coût et de prix validés par l'ensemble des acteurs de chaque filière agricole. Ainsi, les producteurs, les distributeurs et les transformateurs devront se mettre d'accord sur ces indicateurs au sein de leur interprofession avant de débuter les négociations. Les interprofessions seront accompagnées dans ce travail : elles pourront demander l'avis de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, l'OFPM, et l'appui du médiateur des relations commerciales agricoles pour élaborer leurs propres indicateurs, les diffuser et parvenir à un compromis.
Dans un second temps, les relations entre les producteurs et les distributeurs seront strictement dénoncées grâce au rôle renforcé de l'Autorité de la concurrence et du médiateur des relations commerciales agricoles, qui aura un pouvoir de nommer et dénoncer, ou « name and shame ».
La guerre des prix, qui détruit la valeur des produits alimentaires, est mortifère pour nos agriculteurs. Nous avons décidé d'agir efficacement pour y mettre fin, grâce à l'encadrement des promotions et au relèvement de 10 % du seuil de revente à perte. Je rappelle à un célèbre distributeur, professionnel avant tout de la communication, que, pour réduire ses marges, on n'est pas obligé de réduire le prix de vente, mais qu'on peut aussi augmenter le prix d'achat – mais il semble qu'il ne l'ait toujours pas compris et souffre, en la matière, d'une certaine hémiplégie.