Chacun sait qu'une « fausse nouvelle » n'est fausse bien souvent qu'au regard de ceux qu'elle gêne, au regard des intérêts installés qu'elle dérange.
Vous objecterez que, dans le cas d'une fausse nouvelle avérée, il faut pouvoir, lors d'une campagne électorale, agir très vite. J'entends cet argument, dès lors que l'honneur de quelqu'un est mis en cause. Pourquoi, dans ce cas, ne pas alléger et accélérer la gestion des procédures en diffamation plutôt que de bricoler à la va-vite une interdiction judiciaire visant de manière large les prétendues « fausses nouvelles » ? En réalité, vous comptez sur l'effet dissuasif de ces textes et vous instaurez une interdiction par l'autocensure. Vous comptez sur leur aspect répressif, en organisant la ruine matérielle et l'atteinte à la réputation de celui qui se sera risqué à l'exercice de sa liberté.
Allez-vous aussi demander aux magistrats de déterminer la vérité politique ? Vous vous engagez, là encore, vers une dictature des juges, dangereuse au regard des libertés publiques.
Plus largement, ces textes s'ajoutent aux puissantes tentations liberticides qui semblent habiter ce pouvoir. La tentation d'opposer à tout débat ouvert une réponse qui relèverait de la morale – par exemple, si vous défendez la nation, on ne discute pas avec vous : vous êtes un « lépreux », un « délinquant », voire un « fou ».