Intervention de Guillaume Vuilletet

Séance en hémicycle du mardi 9 octobre 2018 à 21h30
Lutte contre la manipulation de l'information — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Vuilletet :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, je veux tout d'abord dire à notre collègue non inscrit que j'aime la nation, et que je n'ai aucun besoin d'en dévoyer le mot pour la défendre. C'est au nom de cela que je vous parlerai de deux textes qui me paraissent utiles à l'intérêt de notre pays, à l'intérêt de la nation.

Nous voici donc réunis pour examiner, en nouvelle lecture, ces deux textes relatifs aux fake news, dont nous avions déjà été saisis avant l'été. Ils font écho à une préoccupation de plus en plus présente dans notre société, et ils prolongent celle exprimée le 3 janvier 2018 par le Président de la République à l'occasion de ses voeux à la presse : lutter contre des campagnes de désinformation massives ayant pour but de perturber le processus électoral.

Ils répondent à un besoin évident de transparence, les citoyens devant être éclairés sur qui fait quoi et sur qui est derrière un contenu, tant la contrefaçon de l'information est un péril majeur pour la démocratie. Cela vaut d'ailleurs pour bien d'autres domaines au-delà des seuls débats électoraux, mais cela prend une acuité particulière quand il s'agit d'une échéance précise, qui engage le destin d'un pays pour les années à venir.

Personne ne peut refaire l'histoire, évidemment, mais, en la matière, chacun aura en tête l'année 2016. Ce que nous vivons au jour le jour s'en trouve fortement coloré. À cet égard, mon analyse sera un peu différente de celle du président Mélenchon s'agissant du système électoral américain.

La volonté de manipuler l'information n'est pas nouvelle. Les fausses informations ne sont pas un fléau propre à notre époque ; mais aujourd'hui, les acteurs, la tribune et l'auditoire ne sont plus les mêmes. Internet et les réseaux sociaux ont redistribué les cartes. Il y a des stratégies d'influence qui peuvent passer par Twitter : on tweete et retweete sans identifier la source. La diffusion peut être massive, instantanée et artificiellement provoquée. Une fois déclenché, le processus n'a plus d'auteur, et c'est cela, entre autres, qui le différencie des phénomènes couverts par la loi de 1881. Je suis donc convaincu que la désinformation constitue l'un des principaux défis de notre temps.

C'est bien pour cela que nous avons voulu légiférer. Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls, puisqu'un travail législatif intense est en cours au niveau européen. La proposition de loi, que j'estime d'intérêt public, est d'abord vouée à protéger le temps sacré qu'est le scrutin électoral au sein d'une démocratie. Mais, grâce au travail de notre assemblée, son champ a été étendu pour protéger les citoyens et donner à ceux qui le deviendront les outils d'un usage éclairé de la profusion d'informations qui constituent déjà leur environnement.

Puisque nous sommes en nouvelle lecture, il est utile de porter un regard sur nos premiers débats et sur ce qui les a suivis. Prétendument liberticide, fruit d'« un moment que George Orwell aurait adoré prophétiser », selon le titre d'un quotidien, elle a, dans le même temps, été jugée inefficace et simplement cosmétique, parfois par ceux-là mêmes qui en dénonçaient le danger. Depuis, les fake news continuent d'alimenter notre actualité.

Nos débats auront au moins servi à ce qu'une attention particulière soit portée à ces rumeurs et à ces fausses vérités d'autorité, génératrices d'angoisses, de préjugés et de ressentiments. Je n'ai plus entendu dire que ces deux textes sont les chevaux de Troie d'une dictature en marche, et je me réjouis de ne plus entendre de tels propos ce soir – en tout cas pour le moment. Pour autant, le débat sur la défense de la liberté d'expression est toujours, par essence, légitime. À ce stade, le dispositif que nous proposons comporte trois blocs.

Le premier concerne les périodes électorales, dont j'ai souligné la sensibilité. L'intervention du juge des référés, juge de l'évidence, n'est ni anodine, ni exagérée. Elle n'est pas anodine, car ce juge peut faire cesser la diffusion d'une information manifestement fausse et non exagérée, parce que son indépendance et son discernement font de lui, précisément, le juge de l'évidence. Sur ce point, nous avons nourri notre réflexion de nos précédents débats, et avons voulu mieux encadrer encore l'intervention de ce magistrat en précisant la définition de la « fausse information ». Nous aurons aussi, je crois, à nous pencher sur la question de l'appel, qui revêt également une grande importance.

Autre élément de ce premier bloc : donner au citoyen une information cruciale, celle qui se cache derrière des publicités qui ne disent pas forcément leur nom. Il est clair que l'identification de l'émetteur d'un message permet d'en apprécier la crédibilité. Cette transparence est indispensable à l'exercice démocratique.

Par ailleurs, nous avons voulu ajouter une dimension éducative à cette proposition de loi. Il faut une éducation à l'appréhension des médias et des réseaux sociaux dans l'instruction civique que reçoivent nos enfants. Cette dimension est fondamentale : la démocratie est le lieu de décision de citoyens éclairés par une information diversifiée et pluraliste, qu'ils considéreront avec discernement. Face à la profusion de données dont il peut lui-même assurer la diffusion, le citoyen est encore davantage acteur de l'information qu'il reçoit et qu'il relaie.

Enfin, nous avons voulu toucher au coeur du système. Ce qui crée les fake news, c'est le fonctionnement même des plateformes, lequel découle de leur modèle économique. La digitalisation permet une diffusion massive et quasi instantanée d'un message ou d'une donnée. C'est cette rapidité et ce volume qui permettent aux plateformes de valoriser les écrans publicitaires qui nous assaillent quand nous surfons sur internet. On peut prendre acte de ce modèle, mais les plateformes doivent être confrontées à leurs obligations et à leurs responsabilités. C'est aussi tout l'objet du titre II bis.

La proposition de loi a profondément évolué au cours de nos débats, même s'ils ont été difficiles. Si l'on peut regretter que le Sénat n'ait pas voulu y apporter sa pierre, elle est utile et elle nous permettra d'avancer dans la voie que j'évoquais.

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