Intervention de Françoise Nyssen

Séance en hémicycle du mardi 9 octobre 2018 à 21h30
Lutte contre la manipulation de l'information — Discussion générale commune

Françoise Nyssen, ministre de la culture :

Je remercie l'ensemble des députés pour leur contribution : ceux de la majorité qui m'ont apporté leur soutien comme les autres, qui ont fait part de leurs critiques ou de leur incompréhension. J'y répondrai de façon synthétique.

Je commencerai par quelques mots sur la méthode. On ne peut soutenir que le texte souffre d'un défaut de concertation des professionnels concernés, qu'il s'agisse des journalistes, des représentant des médias écrits ou audiovisuels, des plateformes numériques ou des experts de la société civile : tous ont été entendus dans le cadre des nombreuses concertations menées par mes services et par moi-même, comme du cycle d'auditions conduites par les rapporteurs.

Ce texte n'a pas non plus été élaboré dans la précipitation, et il a fait l'objet d'un travail technique approfondi et dense. Je vous rappelle que le Conseil d'État, saisi, a validé l'ensemble de ses orientations tout en proposant des clarifications et des précisions techniques, pour la plupart reprises par l'Assemblée nationale.

D'autre part, on ne peut se contenter d'en appeler, de façon un peu incantatoire, à une réponse européenne globale. Bien sûr, je partage les objectifs exprimés en ce domaine : vous le savez, je suis la première à porter les débats majeurs devant l'Union européenne ; mais lorsqu'elle tergiverse et fait le choix d'une autorégulation purement volontaire en lieu et place d'une intervention législative, il est légitime, compte tenu de l'urgence et de la gravité des enjeux, que la représentation nationale se saisisse du sujet.

J'en viens au fond. Le référé pose problème à certains d'entre vous, qui l'estiment inutile et dangereux. Je récuse ces critiques, qui me paraissent d'ailleurs assez contradictoires. Le référé est utile car notre droit, aujourd'hui, n'offre d'autre protection que la sanction a posteriori des auteurs. Or, ce dont nous avons besoin en période électorale, c'est d'une réponse rapide permettant d'endiguer la diffusion d'une information manifestement fausse lorsqu'elle s'inscrit dans une campagne de manipulation délibérée et orchestrée. Ce référé ne porte en rien atteinte à la liberté d'expression ou au droit à l'information. Dans le cas contraire, le Conseil d'État n'aurait pas manqué de le relever.

Les critères qui encadrent l'intervention du juge des référés sont précis et exigeants. Je rappelle que le référé, limité aux périodes électorales, ne concernera que les informations manifestement fausses, diffusées de manière artificielle et massive, et susceptibles de tromper l'électorat. Et ce sera au demandeur de prouver que ces critères sont réunis. Le travail du juge des référés se concentrera donc sur l'évidence de l'information manifestement fausse et diffusée via les technologies de diffusion virale.

Pour conclure, je rappellerai que certaines dispositions visent à introduire plus de transparence et plus de coopération dans le fonctionnement des plateformes numériques. Ces dispositions, je crois, pourraient tous nous réunir, à l'heure où l'on plaide pour une plus grande régulation desdites plateformes. La transparence des contenus sponsorisés en période électorale répond à un principe de bon sens qui, je le répète, pourrait nous rassembler.

Le devoir de coopération des plateformes, quant à lui, est le seul remède efficace, moyennant deux écueils que nous voulons tous éviter. Le premier, que beaucoup ont souligné, serait la passivité totale à l'égard de ces plateformes, qui pourraient s'abriter derrière leur simple statut d'hébergeurs pour ne rien faire face à la circulation d'informations délibérément trompeuses, dont elles tirent par ailleurs, rappelons-le, un profit commercial. Le second serait celui de l'autorégulation pure, que l'on a souvent évoqué aussi relativement à l'Europe : il permettrait aux mêmes plateformes de s'ériger en arbitres du vrai et du faux. Ainsi, elles décideraient seules, selon des règles discrétionnaires et opaques, de la façon dont l'information doit être filtrée et hiérarchisée.

Si l'on y ajoute l'attention toute particulière portée à l'éducation aux médias, je suis convaincue de la nécessité de ces deux textes pour notre démocratie. Ils constituent une avancée considérable face aux dangers que représente, aujourd'hui, la manipulation de l'information à l'heure du numérique et de la propagation virale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.