Intervention de Jean-Louis Touraine

Réunion du mercredi 19 septembre 2018 à 17h15
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine, rapporteur :

Vous avez rappelé que l'éthique, si elle était bien appliquée, aurait pour vertu d'éviter les affrontements passionnels entre des points de vue divers mais tous respectables. Vous dites que, s'agissant par exemple de l'AMP, il ne faut pas mêler les questions de santé et les questions sociétales. Le président de la section Éthique et déontologie du Conseil national de l'Ordre des médecins a souligné que le rôle des médecins est d'apaiser les souffrances, qu'elles soient physiques ou psychiques, que le désir d'enfant est une souffrance et que le médecin doit l'entendre, même s'il peut y avoir une clause de conscience pour ceux qui qui ne veulent pas s'associer à la procédure. Comment concilier ce point de vue et celui que vous avez exprimé ?

Vous privilégiez la recherche du consensus. C'était l'attitude adoptée par le CCNE à l'époque où Jean Bernard le présidait, avec cette limite que cela aboutissait parfois au plus petit commun dénominateur et que cela ne permettait pas de trancher les questions sur lesquelles il est difficile d'avoir l'adhésion de tous. D'autre part, un comité d'éthique ne peut pas remplacer une loi de bioéthique, seule à même d'encadrer les pratiques et de prévoir les sanctions appropriées pour ceux qui transgressent les règles fixées.

Vous vous êtes prononcé contre la révision régulière de la loi de bioéthique – mais alors, que faire d'autre ? Si l'on s'en tient à élaborer les textes en tant que de besoin, la réaction est lente. J'en veux pour preuve ce qui s'est passé pour les transplantations : elles ont commencé à la fin des années 1950, et la loi Caillavet n'a été adoptée que seize ans plus tard. Cela signifie que, pendant seize ans, tous les chirurgiens de France qui faisaient des transplantations de rein à partir d'un donneur vivant pouvaient être mis en prison, puisqu'à l'époque il était interdit d'amputer une personne saine d'un de ses organes pour le donner à quelqu'un d'autre. Je redoute que, sans structure permanente – soit une délégation parlementaire à la bioéthique, soit une révision périodique de la loi –, cette lenteur ne se reproduise. Que mettre en place pour qu'il y ait une préparation, ne serait-ce que psychologique, que les comités éthiques régionaux soient mobilisés et que la réflexion ait déjà commencé au Parlement afin que lorsque la question doit être tranchée on ne soit pas paralysé pendant plusieurs années et que l'on finisse par trouver une solution quand le problème a déjà changé de nature ?

J'aimerais connaître votre avis de généticien sur l'élargissement sollicité par certains du nombre de maladies dont le dépistage devrait être systématique chez le nouveau-né, dans l'intérêt de l'enfant, comme cela se fait dans plusieurs autres pays européens. S'agissant du diagnostic préimplantatoire, êtes-vous contre l'extension des indications, et si c'est le cas, pour quelles raisons ? Pour ce qui est enfin du recours aux tests génétiques pour les adultes, pratique beaucoup plus encadrée en France que dans d'autres pays, puisqu'une prescription médicale est nécessaire pour y avoir accès, faut-il recommander aux médecins d'être plus larges, ou plus restrictifs, dans leurs indications ?

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