Intervention de Jean-François Mattei

Réunion du mercredi 19 septembre 2018 à 17h15
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Jean-François Mattei, ancien ministre de la santé, président du comité d'éthique de l'Académie de médecine :

C'est l'interrogation par laquelle a commencé le débat sur la bioéthique : le médecin a-t-il l'obligation morale de satisfaire toutes les demandes qui lui sont faites au motif qu'il possède la technique ? Si l'on répond « oui », on transforme le médecin en prestataire de services. Si l'on répond « non », le médecin a besoin d'être guidé et c'est en partie pourquoi les lois de bioéthique ont été adoptées – par exemple pour qu'il dise « Non, vous n'avez plus l'âge ». Je suis heureux que vous ayez posé cette question, parce que l'on ne dit pas ces choses suffisamment. On m'opposera l'exemple de la chirurgie esthétique. D'expérience, et pour en avoir beaucoup parlé avec les psychiatres, cela n'est pas tout à fait du même ressort. Une personne dont les oreilles sont très décollées ou dont le nez ne lui convient vraiment pas peut souffrir, développer un complexe et avoir des troubles psychologiques ; cette personne, une fois opérée, n'aura plus ces troubles psychologiques. On pourrait penser la même chose pour l'AMP si le produit n'en était pas un enfant. On oublie toujours que le produit qui va guérir, c'est l'enfant qui arrivera ; pour ma part, je trouve que l'on ne peut pas. Vous l'entendez, mes propos sont nuancés ; je comprends très bien l'évolution en cours. Outre la rupture anthropologique que j'évoquais tout à l'heure et qui conduit à une évolution de la société qui va très loin, je pense que l'on ne peut pas répondre au besoin des femmes – je mets les hommes de côté parce que je crois que la GPA a été écartée de façon générale. On ne peut pas considérer qu'avoir un enfant par le biais d'une AMP pour satisfaire le désir d'une femme soit forcément sans danger pour l'enfant : cela peut laisser des traces, mais cela peut très bien ne pas en laisser, je vous l'ai dit honnêtement. Nous n'avons pas pris position, nous avons simplement parlé de l'enfant. Les grossesses consécutives à une AMP représentent quelque 4 % des grossesses, soit 4 % des enfants. Le modèle global du couple homme-femme demeurera, et les enfants nés ainsi seront minoritaires. Les pédopsychiatres ont beaucoup insisté sur le fait que les enfants qui auront deux mères, ou en tout cas pas de père, se poseront des questions. Je vous l'ai dit, je pense que le médecin ne devrait pas avoir l'obligation morale de satisfaire toutes les demandes qui lui sont faites au motif qu'il possède la technique.

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