Intervention de Didier Sicard

Réunion du mercredi 19 septembre 2018 à 18h15
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Didier Sicard, professeur de médecine, président d'honneur du Comité national consultatif d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) :

Certes, la contraception a mis du temps à émerger, mais la société était vraiment différente de la nôtre et la médecine était relativement modeste. Elle prescrivait des oestroprogestatifs, elle encourageait l'utilisation des préservatifs. Il ne s'agissait pas d'activités médicales. Désormais, la fécondation in vitro est une discipline noble, avec ses grands manitous. Elle est devenue une branche sophistiquée de la médecine, extrêmement dépendante des innovations.

Les sujets de bioéthique n'ont pas à être « canalisés ». Il n'y a pas ceux qui sont du ressort de la loi et les autres. De manière étrange, les lois de bioéthique françaises ont fini par créer un cadre artificiel. Les autres pays s'interrogent sur nos choix : pourquoi avoir légiféré sur les greffes, l'assistance médicale à la procréation, la fin de vie – alors qu'elle n'est pas une question de bioéthique à mon sens. L'intelligence artificielle, les questions de marché, l'accès aux gênes, l'accès aux soins, le handicap sont également importants et ne méritent pas cette exclusion de la loi.

Enfin, vous m'avez interrogé sur l'accès à la procréation pour les couples homosexuels. Jusqu'au XXIe siècle, l'humanité, c'était deux personnes qui enfantent un enfant, que ces personnes soient hétérosexuelles – dans leur immense majorité – ou que la société ait considéré que l'amour de deux femmes pouvait se concrétiser par un enfant, ce que je respecte. À partir du moment où la société a considéré que leur union devait être reconnue légalement, je ne vois pas au nom de quoi on les empêcherait d'avoir un enfant, si la médecine peut effectivement le leur permettre. Cela n'a absolument rien à voir avec la GPA, qui consiste en l'utilisation d'un tiers rémunéré – la femme porteuse. C'est un peu comme si des hommes devenaient donneurs payants de spermatozoïdes pour des femmes. On pourrait aboutir à des situations sordides, voire des élevages d'hommes donneurs de sperme, comme le régime hitlérien l'a expérimenté avec les SS. La situation serait alors radicalement différente et l'amalgame me paraîtrait un peu excessif.

Je me force probablement un peu en affirmant que les couples homosexuels de femmes doivent pouvoir bénéficier de l'assistance médicale à la procréation, la notion d'un homme et d'une femme me paraissant prioritaire. Mais à partir du moment où la société a évolué, cela paraîtra peut-être évident dans vingt ou trente ans. Et dès lors que la France a fait ce choix, il faut le respecter.

En revanche, je suis très hostile à l'accès à l'assistance médicale à la procréation pour les femmes seules car les raisons qui concourent à l'assistance par l'État à cette procréation solitaire d'une femme me semblent à l'opposé de la philosophie de la filiation française.

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