Je vous remercie, professeur, pour ce très bel exposé. Rares sont les personnes qui ont cette connaissance exceptionnelle des préoccupations de la femme en termes de fécondité et de procréation. Les cas concrets que vous avez rapportés font appel non seulement à notre raison mais aussi à notre conscience et à notre émotion.
Aujourd'hui, l'égalité des droits entre hommes et femmes est encore un objectif un peu lointain. C'est la raison pour laquelle la secrétaire d'État chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes prendra sa part dans le projet de révision de la loi de bioéthique. Il est important de corriger certaines inégalités héritées du passé, fruit de décisions prises par des hommes et imposées à des femmes.
J'estime comme vous que la réimplantation embryonnaire post-mortem s'imposera naturellement lorsque la procréation médicalement assistée sera étendue aux femmes seules ou aux femmes homosexuelles en couple. Si une femme seule a droit à la PMA, on ne saurait l'interdire à une femme qui vient de perdre son mari et dont les embryons ont été congelés.
J'ai écouté avec intérêt votre réponse sur l'eugénisme. Notre pays a besoin d'évoluer. Une nouvelle appellation peut contribuer à lever des blocages, nous le savons. Lorsque l'avortement est devenu « interruption volontaire de grossesse », le changement de terminologie a permis de progresser, en tout cas d'accompagner l'évolution des mentalités.
Je me demande s'il n'est pas temps aujourd'hui de créer deux mots distincts. Nous pourrions conserver le mot « eugénisme » pour désigner l'eugénisme d'État tel qu'il a été pratiqué par les nazis, mais aussi par de très nombreux États au XXe siècle, comme la Suède ou les États-Unis et même la France où il a été institutionnalisé par le grand médecin mais malheureusement mauvais humaniste qu'était Alexis Carrel : il allait certes authentifier les miracles à Lourdes, mais il est allé jusqu'à organiser la mort par affamement de milliers de malades mentaux dans les hôpitaux psychiatriques. Dans des cas pareils, on peut continuer à parler d'eugénisme.
En revanche, faut-il encore l'utiliser pour désigner la pratique destinée à éviter la naissance d'enfants atteints de pathologies graves, souvent mortelles dans l'enfance ou la jeunesse, notamment dans les familles ayant déjà eu des enfants souffrant de ces mêmes maladies ? Pour m'être préoccupé des maladies dites rares, mais qui ne le sont pas tant que cela, je connais comme vous le désarroi de ces parents et leur souci d'échapper à des drames successifs. Je sais bien que certains disent que si nous commençons comme cela, nous finirons par sélectionner des enfants blonds aux yeux bleus, mais je ne vois pas comment on peut rapprocher la volonté d'éviter une maladie génétique gravissime et la sélection positive. Cela n'a non plus rien à voir avec cette aberration qu'a été cette banque de sperme de prix Nobel et de personnes au quotient intellectuel supérieur à 130 organisée dans d'autres continents. Il est normal que des philosophies et des convictions s'opposent sur ce sujet ; mais nous ne parlons pas de la même chose.
Que pensez-vous du fait qu'aujourd'hui, malgré la loi votée il y a cinq ans, la recherche sur l'embryon humain est rendue infiniment plus difficile que la recherche sur le nouveau-né ? Pourquoi l'embryon doit-il être davantage protégé que le nouveau-né humain ? J'ai peine à le comprendre. Avez-vous une explication ? Quelles améliorations envisagez-vous ?
Que pensez-vous des enfants à trois parents ? Je veux parler de cette pratique qui consiste, lorsqu'il y a un risque de maladie mitochondriale, à mêler une partie de l'ovocyte de la mère avec le matériel mitochondrial issu de l'ovocyte d'une autre femme avant la fécondation par les spermatozoïdes du père.
Comment envisagez-vous la lutte contre la pénurie de gamètes ? Pour les spermatozoïdes, vous allez sans doute me répondre qu'il importe de lancer des campagnes plus efficaces afin de doubler, comme l'ont fait les Anglais, le nombre de donneurs. Pour les femmes, j'ai bien noté le caractère choquant de l'obligation qui leur est faite en France de donner d'abord avant de pouvoir garder leurs derniers ovocytes. Ne pourrait-on modifier le dispositif de manière que l'auto-conservation soit autorisée et que la femme puisse utiliser ses ovocytes d'abord pour elle-même, et de donner à autrui seulement les ovocytes surnuméraires ?