Intervention de Michèle de Vaucouleurs

Séance en hémicycle du jeudi 11 octobre 2018 à 15h00
Consolidation du modèle français du don du sang — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle de Vaucouleurs :

Donner son sang est un acte de solidarité, un acte citoyen, un acte vital. C'est considérer que l'on peut donner de son temps – même si, rappelons-le, le don du sang ne prend au total que quarante-cinq minutes – et un peu de soi à un inconnu. Parce que nous pourrions être demain à la place de cet inconnu, parce que nous avons un proche malade qui nous fait prendre conscience de l'importance d'un don, parce qu'en tant que société, nous nous devons de nous porter assistance : les raisons pour donner sont toutes bonnes. Comme l'a justement souligné l'Établissement français du sang lors d'une de ses dernières campagnes de communication, à l'heure de l'économie du partage où nous partageons nos photos, vidéos, musiques, appartements ou voitures, pourquoi ne pas partager son sang ?

Le groupe MODEM tient à saluer l'intention de cette proposition de loi visant à renforcer notre modèle de don du sang. Nous le savons, les besoins en produits sanguins labiles et en médicaments dérivés du sang sont importants : 10 000 dons de sang par jour sont nécessaires pour soigner les malades. Besoins chroniques pour soigner les maladies du sang ou les cancers, situations d'urgence en cas d'hémorragie sur une table d'opération : les besoins sont variés. Avec l'allongement de la durée de vie et les progrès de la médecine, les besoins se sont accrus ces dernières années, et même s'ils se stabilisent, certaines périodes comme la période estivale restent très sensibles. Nous ne pouvons accepter qu'un malade ou qu'une personne accidentée ne puisse être soigné faute de don. De même, nous ne pouvons pas ne pas penser aux situations d'extrême urgence dans lesquelles notre pays a été plongé après les attentats qui ont touché la France ces dernières années. Grâce à l'élan citoyen et à la solidarité nationale, des vies ont pu être sauvées. Nous devons rester préparés à affronter ces situations dans le cadre d'un modèle solide et solidaire.

Aujourd'hui, notre modèle français est exemplaire. Volontariat, anonymat, non-profit et bénévolat en sont les valeurs essentielles. Cependant, cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas l'améliorer afin de le rendre encore plus efficient. En tant que législateur, nous devons nous assurer que survive notre modèle, avec ses valeurs, qu'il évolue avec notre société et ses nouvelles exigences, et qu'il soit demain encore plus performant et solide.

En commission, j'avais pointé les difficultés que comportaient certains articles de ce texte, malgré les intentions louables qui étaient exprimées. La consolidation de notre modèle ne peut se faire par des contraintes : elle doit reposer sur des incitations, sur de nouveaux leviers et, éventuellement, sur l'élargissement des possibilités de don. L'amendement que nous proposons va dans ce sens : convaincus que les entreprises ont un rôle à jouer, nous voulons inscrire la promotion du don du sang dans leur stratégie RSE – responsabilité sociale des entreprises.

Le texte a été profondément remodelé en commission, tenant compte des doutes qui avaient été exprimés. L'article subsistant vise à abaisser l'âge minimum du don à 17 ans, comme le prévoit la directive européenne en vigueur. Le groupe MODEM comprend les avantages que cela comporte en termes d'élargissement de la base des donneurs et de sensibilisation des plus jeunes à cet enjeu. Cependant, parce que nous accordons une importance et une valeur particulières à cet acte de don du sang, il nous semble que c'est un acte d'adulte qui doit se faire de manière personnelle et éclairée. Loin de nous l'idée de vouloir infantiliser nos jeunes – la sensibilisation doit commencer dès le plus jeune âge – mais le volontariat doit être total et nous devons nous prémunir contre d'éventuelles pressions familiales. De plus, un jeune peut méconnaître certains risques ou les sous-estimer lors de l'entretien pré-don si ce dernier se fait en famille. Enfin, on connaît l'avis réservé des médecins sur ce sujet, les malaises vagaux étant bien plus nombreux chez les personnes les plus jeunes.

Une disposition a également été introduite afin qu'aucune distinction ne soit faite en raison du genre ou du sexe du ou des partenaires avec qui le donneur aurait entretenu des relations sexuelles. Nous nous réjouissons de pouvoir aborder ce sujet dans le cadre de cette proposition de loi. Nous le savons aujourd'hui, une personne hétérosexuelle ne peut donner son sang si elle a eu des relations avec plusieurs partenaires dans les quatre mois précédant le don. Pour un homme ayant des relations sexuelles avec un homme, il faut qu'il se soit abstenu de toute relation sexuelle dans les douze derniers mois. Cette différence de traitement ne nous paraît pas justifiée : la contre-indication doit résulter des pratiques potentiellement à risque et non du sexe de la personne avec qui l'on a des relations sexuelles.

Nous sommes donc attachés à ce que le droit évolue sur ce sujet, soit en supprimant cette distinction dans le cadre de la présente proposition de loi, comme cela nous est proposé, soit en obtenant toutes les garanties que cela sera fait par arrêté. Il en va de l'égalité entre tous. Il est aussi dans notre intérêt de favoriser le don tant qu'il est sûr pour le receveur. Cet obstacle au don doit donc être levé, et nous espérons que cela sera fait le plus rapidement possible. Au Portugal, en Pologne ou en Bulgarie, par exemple, ces restrictions n'existent pas.

Si des efforts restent à faire en matière de sensibilisation des jeunes publics et auprès des entreprises, nous ne devons pas douter de notre modèle, qui est l'un des plus sûrs et des plus éthiques au monde. Nous devons poursuivre nos efforts pour qu'il soit encore plus juste et plus efficace : notre assemblée devra donc continuer ses travaux sur ce sujet capital.

Notre groupe aborde l'examen de ce texte dans l'hémicycle avec une large ouverture d'esprit et une volonté de dialogue et de débat. En fonction des différents amendements qui seront adoptés ou des engagements que nous aurons pu obtenir, nous serons prêts à voter cette proposition de loi.

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