Intervention de Hervé Saulignac

Séance en hémicycle du jeudi 11 octobre 2018 à 15h00
Consolidation du modèle français du don du sang — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Saulignac :

À l'évidence, l'esprit du législateur, en 2016, prévoyait de s'orienter vers une égalité des droits en 2017. Or, l'arrêté de 2016 fait obstacle à l'esprit du législateur. L'objet de cet amendement est donc de sécuriser le principe de non-discrimination dans la loi, afin qu'aucun arrêté ne puisse la dévoyer. Madame la ministre, cet amendement ne fige rien : ce qui est figé, c'est l'incapacité de la puissance publique, depuis tant d'années, à régler cette question.

Ici et maintenant, nous pouvons mettre un terme à des décennies de combats et de tentatives pour corriger cette injustice. Beaucoup ont essayé et n'y sont pas parvenus. Ils ont néanmoins fait avancer la cause, et je les salue. C'est à nous qu'il revient d'en finir une bonne fois pour toutes avec la stigmatisation absurde de populations dites « à risque ». Seuls les comportements sont à risque, indépendamment des orientations sexuelles. L'irresponsabilité dans les pratiques n'est pas le fait des uns plus que des autres.

Dans ces conditions, l'abstinence de douze mois pour les hommes homosexuels n'a aucun fondement, ni du point de vue du droit, ni du point de vue scientifique. L'ajournement de quatre mois serait parfaitement sûr du stricte point de vue sanitaire.

La liste est longue de ceux qui ont réclamé la fin de cette injustice. Je pense à celui qui était alors Défenseur des droits, Dominique Baudis et, en son temps, à la HALDE – Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. La liste est longue aussi de celles et ceux qui ont promis d'agir. Je pense aux ministres de la santé Xavier Bertrand, Roselyne Bachelot et Marisol Touraine, laquelle a fait progresser le code de la santé, sans empêcher un ajournement qui a réduit cette mesure au rang de bonne intention reportée à plus tard.

Aujourd'hui, c'est à vous, mes chers collègues, qu'il appartient d'agir. Serons-nous en deçà de l'Italie, de l'Espagne ou du Portugal, et même de la Pologne ou de la Russie, qui ont mis un terme à cette exclusion insupportable ? L'absurdité est d'autant plus grande que les hommes homosexuels peuvent faire don de leur moelle osseuse, de leur plasma et de leurs organes dans les mêmes conditions que les hétérosexuels.

L'amendement sur lequel vous aurez à vous prononcer, a été adopté en commission des affaires sociales et je remercie celles et ceux qui ont dit, par leur vote, leur intention d'ouvrir enfin la porte à plus de 20 000 donneurs.

Je sais pourtant que cet amendement ne fait pas l'unanimité. Je sais notamment le discours qui prévaut encore souvent dans la communauté homosexuelle et selon lequel il vaut mieux le statu quo de la discrimination plutôt que de risquer le traumatisme d'une nouvelle stigmatisation. Mais le politique peut-il raisonnablement valider ces principes s'ils heurtent frontalement sa conscience ?

L'occasion vous est donnée d'honorer un rendez-vous trop souvent repoussé. Nous avons trente-cinq années d'injustice derrière nous : en 2018, nous pouvons y mettre un terme. Si le combat politique pour ouvrir des droits nouveaux demeure le plus noble d'entre tous les combats, soyez de ceux qui ouvrent des droits nouveaux. Soyez de ceux qui vont éteindre une discrimination et rallumer ainsi, un peu, la flamme de la cohésion sociale, du progrès, de l'égalité et de la fraternité.

Il ne s'agit pas ici de disserter sur l'ancien monde ou sur le nouveau, mais de construire le monde tel que nous le voulons. En adoptant cet amendement, vous serez tout simplement dans le monde de ceux qui font grandir la République, parce qu'à chaque fois que nous effaçons une inégalité, oui, nous faisons grandir la République.

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