Intervention de Marc Delatte

Séance en hémicycle du jeudi 11 octobre 2018 à 15h00
Consolidation du modèle français du don du sang — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Delatte :

Oui, nous pouvons affirmer que l'Établissement français du sang est l'un des plus sûrs et des plus aboutis, en ce sens qu'il garantit une autosuffisance aux besoins de notre population dans des conditions strictes de sécurité sanitaire et respectant les principes éthiques du don.

Le don est par essence anonyme et gratuit. Il est désintéressé dans le sens où il n'est pas lié à un échange, où il n'attend pas une rétribution ou une réciprocité.

Comme le disait Sénèque, qui a fait don pour recevoir n'a pas fait de don. Le don est autotélique. C'est un bienfait sans attente d'un retour. Il affirme le souci de l'autre. C'est un message de solidarité dans l'esprit du message de la philia. Il est témoin d'une démarche généreuse et solidaire. Notre société a su le démontrer lors d'événements graves qui ont endeuillé la nation et l'humanité toute entière : la tuerie du Bataclan, le 13 novembre 2015, ou celle de Nice, le 14 juillet 2016. Tous, nous saluons la forte mobilisation citoyenne, par l'intermédiaire des associations de bénévoles qui organisent, sous l'égide de l'EFS, un maillage efficace de notre territoire en vue des collectes de sang.

Si nous voterons l'article tendant à abaisser l'âge des donneurs à 17 ans, c'est non seulement pour augmenter le nombre de donneurs, mais aussi pour témoigner que notre jeunesse est généreuse. C'est également une bonne manière d'appréhender l'acte citoyen dans sa dimension collective, d'appréhender la dimension éthique par un choix libre et éclairé, le consentement du mineur étant accompagné de celui de ses parents. Je dirais même que c'est une bonne occasion d'en parler en famille, car l'apprentissage de la citoyenneté commence là.

Pour en revenir à l'EFS, il est utile de rappeler la valeur inégalable de ce modèle et d'en décliner les spécificités. C'est aussi l'occasion de rappeler quelques pages d'histoire : 1670, première expérience de transfusion sanguine ; 1902, découverte des groupes sanguins ; 16 octobre 1914, le caporal Henri Legrain est le premier Français sauvé par une transfusion ; 1928, création du premier centre de transfusion sanguine à l'hôpital Saint-Antoine ; 1940, découverte du système Rhésus ; 1949, création du Centre national de transfusion sanguine – CNTS – et 1950, création de la Fédération française pour le don de sang bénévole ; 1952, la loi reconnaît le don éthique ; 1993, renforcement de la sécurité des donneurs ; 2000, création de l'Établissement français du sang, unique opérateur civil de la transfusion sanguine en France.

Encore aujourd'hui, l'EFS remplit parfaitement les missions qui lui sont dévolues, soumises aux dispositions du code de la santé publique et à la législation européenne sur le sang concernant les tissus et les cellules.

Ces missions garantissent à la fois la sécurité de la filière – avec les consultations pré-don sous responsabilité médicale, la séparation de la collecte et du fractionnement, l'activation du système d'hémovigilance – , l'éthique du don – l'EFS étant le seul à connaître l'identité du donneur et du receveur afin de garantir la traçabilité des produits – et l'autosuffisance, certes en produits sanguins labiles, grâce aux collectes nationales, mais aussi en médicaments dérivés du sang, par le biais du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies.

Concernant les produits sanguins labiles, 10 000 dons de sang par jour sont nécessaires, on l'a rappelé, pour couvrir les besoins tant pour les situations d'urgence, notamment en cas d'hémorragies aiguës, que pour les pathologies chroniques comme les anémies et cancers. L'autosuffisance a constamment été garantie grâce aux campagnes de mobilisation, par des appels aux dons toujours indispensables.

Pour leur part, les médicaments dérivés du sang, nécessaires à près de 500 000 malades par an en France, sont utilisés dans le cadre de traitements contre le déficit immunitaire et les troubles de la coagulation, ainsi qu'en réanimation. Ces médicaments, issus du fractionnement du plasma sanguin, sont, en tant que tels, soumis à la réglementation relative aux médicaments et doivent obtenir l'autorisation de mise sur le marché – AMM – préalablement à leur commercialisation. L'AMM est accordée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé dans le cadre d'une procédure nationale ou européenne de reconnaissance mutuelle et décentralisée. Rappelons également qu'une AMM dérogatoire de deux ans peut être accordée si le médicament apporte une amélioration en termes d'efficacité ou de sécurité thérapeutique, ou encore si des médicaments équivalents ne sont pas disponibles en quantités suffisantes pour satisfaire les besoins sanitaires – c'est ce qui nous est imposé, en tant que médecins, dans le cadre de nos obligations de moyens.

Enfin, madame la ministre, mes chers collègues, si nous saluons le principe de non- discrimination dans l'accès au don en raison de l'orientation sexuelle, déjà inscrit dans la loi – principe auquel nous sommes tous attachés – , les progrès scientifiques actuels dans le dépistage des virus vont permettre de faire évoluer les critères de sélection des donneurs. À ce principe de non-discrimination, au principe de justice, il faut adjoindre le principe de responsabilité, qui s'applique à tous, sans distinction, et renforce la sécurité des produits, quand bien même l'EFS garantit la sécurité de la filière. Nous vous rejoignons, madame la ministre, sur ce principe de sécurité : il faut éviter de figer dans la loi des dispositions relevant du domaine réglementaire, car cela rendrait très difficile tout ajustement, toute évolution qui serait rendu nécessaire pour assurer une sécurité transfusionnelle maximale. Le groupe La République en marche partage et suivra vos orientations, madame la ministre.

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