Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la secrétaire de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, chers collègues, j'ai participé vendredi soir dans ma circonscription à un formidable rendez-vous citoyen dans un quartier populaire de Caen, le Chemin-Vert. J'ai pu y mesurer une nouvelle fois à quel point les attentes de nos concitoyens sont élevées et combien la décision publique doit leur être sans relâche expliquée, tant elle apparaît lointaine à beaucoup d'entre eux. Nous parlerons souvent cette semaine de millions et de milliards ; je sais toutefois que, sur tous les bancs, nous cherchons à ne jamais oublier la politique à hauteur d'hommes et de femmes.
Le projet de loi de finances pour 2019 s'inscrit dans une trajectoire de redressement des comptes publics, une nécessité de mieux en mieux comprise par les Français. Un rapide calcul nous montre l'urgence de ne pas fléchir dans ce redressement. Ainsi, lorsque l'on additionne toutes les sommes consacrées par l'État à l'écologie, à l'enseignement supérieur, à la vie étudiante, à la culture, à la justice, à l'agriculture et à l'aide publique au développement, on arrive très précisément à 42 milliards d'euros, montant astronomique… qui correspond précisément au montant que l'État versera en 2019 au titre des seuls intérêts de sa dette. Le difficile exercice de rétablissement des comptes publics n'est donc plus une simple exigence : il est l'un des principaux leviers pour développer les services et les politiques publics de demain.
Ce projet de loi de finances s'inscrit aussi dans un contexte politique particulier qu'il faut bien garder à l'esprit. À cet égard, je soulignerai deux préoccupations. La première est le défi européen, qui est immense, car, jour après jour, on voit apparaître des démocraties tamisées, dont l'éclat, dont l'idéal de liberté et d'humanisme laissent peu à peu la place au nationalisme et au repli sur soi. L'envie de renverser la table a pris le pas, dans certains pays, sur celle de construire des ponts et de rapprocher les peuples. Nous, Normands, connaissons tout particulièrement le prix de la liberté en Europe ; nous rendrons d'ailleurs hommage aux héros, civils et militaires, qui, sur les plages, ont contribué à sauver nos peuples il y a bientôt soixante-quinze ans. L'année 2019 sera une année européenne ; puissions-nous ne pas l'oublier dans nos débats budgétaires, notamment par le souci constant de sincériser nos comptes et de mener des politiques favorisant la convergence sociale et fiscale avec nos voisins.
La seconde préoccupation qui ne cesse de nous habiter est le défi climatique. Le rapport du GIEC – Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat – ne cherche pas à dissimuler cette vérité qui nous dérange : notre temps est compté pour éviter l'irréversible. S'agissant de ce défi comme de bien d'autres, nous avons besoin d'Europe et d'unité pour que, sur tous les textes, sur tous les thèmes, sur tous les tons, la question du climat et sa traduction énergétique soient centrales, tout simplement parce qu'il n'y a ni session de rattrapage ni deuxième lecture pour notre planète.
On peut toujours maîtriser une dette publique ; on ne peut pas renégocier une dette écologique. C'est ce défi qui nous conduit, par exemple, dans ce projet de budget, à doper et à accompagner les mesures de fiscalité incitative en faveur d'une économie circulaire, à augmenter des prélèvements sur des polluants ou à accompagner les industries les plus volontaristes en matière de transition écologique.
Enfin, ce budget comprend aussi les moyens déployés en faveur des jeunes générations, en particulier en matière d'éducation et de formation. À cet égard, je suis fier d'appartenir à une majorité qui consacre davantage de moyens à l'éducation et aux compétences, de la maternelle jusqu'au premier emploi, sans oublier l'apprentissage. Cette ambition est collective et continue, comme l'illustrent les orientations présentées ce matin même par M. Blanquer, ministre de l'éducation nationale, sur l'avenir de l'école, véritable courroie de transmission de la République.
Ces orientations comprennent un budget pour l'école pour tous dès trois ans, mesure essentielle pour les 25 000 enfants, très souvent d'origine modeste, qui ne la fréquentent pas et qui en tireront un grand bénéfice ; un budget pour défendre l'école de la confiance, qui passe par un dédoublement salutaire de 100 % des classes de CP et CE1 dans les écoles REP – réseau d'éducation prioritaire – et REP + – réseau d'éducation prioritaire renforcé – , mesure qui a des effets directs et durables sur la réussite des enfants ; enfin, un budget pour la mise en oeuvre en année pleine de la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants, qui a mis fin à l'indécence du tirage au sort et qui accroît considérablement les chances de réussite pour chaque étudiant accédant à l'enseignement supérieur.
Connaissant bien l'université pour y enseigner depuis longtemps, je mesure déjà, chers collègues, que quelque chose est en train de changer dans nos facultés et que la confiance dans cette institution, longtemps érodée, se rétablit. Loin de faire le choix de l'échec, nous avons fait celui de l'orientation dès le lycée, de l'accompagnement à la mobilité géographique et de la personnalisation accrue des cursus. Il s'agit d'un devoir d'investissement dans un monde de moins en moins linéaire et qui nous invite à un rapport renouvelé aux compétences tout au long de nos vies.
Parce qu'il est le socle de notre ambition éducative et qu'il contribue à nous préparer aux grands défis de l'avenir, le projet de loi de finances pour 2019 est un texte qui doit être porté haut et fort.