Je voudrais rappeler la philosophie des articles 8 et 9 du projet de loi, qui visent à tirer les conséquences de la censure par le Conseil constitutionnel de l'article L. 811-5 du code de la sécurité intérieure, que l'on appelait l'exception hertzienne.
La rédaction très imprécise de cet article laissait penser qu'elle permettait aux pouvoirs publics de surveiller sans aucun encadrement les communications hertziennes, c'est-à-dire celles qui empruntent la voie des ondes électromagnétiques par opposition à la voie filaire. Pour remplacer cette exception hertzienne, trop permissive, le Gouvernement a choisi de mettre en place deux régimes distincts : un régime des communications hertziennes que l'on pourrait qualifier de privatives, car assimilables à des communications échangées à titre confidentiel ou privé - c'est l'objet des alinéas 3 à 5 de l'article 8 qui créent une nouvelle technique de renseignement -, et un régime hertzien allégé et résiduel pour la surveillance des communications hertziennes ouvertes et publiques, c'est-à-dire des communications qui sont diffusées sur les ondes, comme le sont des émissions de radio ou de télévision que n'importe qui peut capter, pourvu qu'il possède l'antenne idoine - c'est l'objet des alinéas 7 et suivants.
Pour prendre une image parlante, on peut raisonner par analogie avec la technique de captation de parole. Le régime hertzien privatif est assimilable au cas où deux personnes conversent dans la rue : il n'est pas question de les écouter sans porter atteinte à leurs droits, au respect de leur vie privée et au secret de leur correspondance. Cette surveillance doit, à l'évidence, être strictement encadrée, comme toutes les techniques de renseignement.
Le régime hertzien ouvert correspond à l'inverse au cas où une personne prendrait un porte-voix pour crier dans la rue. Il est clair que le fait de l'écouter n'attente pas à ses droits et à ses libertés.
L'article 8 vise donc à redéfinir une base légale propre aux interceptions de communications exclusivement hertziennes et ne faisant pas intervenir d'opérateur de communication électronique. Ces interceptions menées depuis le territoire national, et je souhaite fortement insister sur ce point, ne portent pas sur des communications privées, alors que ces dernières transitent sur des fréquences accessibles à toute personne, comme l'interception des communications émises à partir de talkies-walkies, et donnent lieu à des échanges le plus souvent codés - le morse en constituant un exemple. Elles présentent, quoi qu'il en soit, un intérêt opérationnel majeur dans le cadre de la lutte contre les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation.
Par ailleurs, et si certaines de ces communications, comme celles utilisant des talkies-walkies numériques disposant d'une clef de chiffrement, peuvent être regardées comme ayant un caractère privé, les interceptions afférentes, ainsi que le prévoit explicitement le projet de loi et contrairement à ce que soutiennent certains amendements qui vont suivre, ne peuvent concerner le wi-fi ou la téléphonie 3G qui transitent par un opérateur.
En outre, alors même que le recours à cette technique de renseignement n'a pas pour effet de porter atteinte à la vie privée et au secret des correspondances, il fera l'objet d'un contrôle a posteriori par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Ce contrôle portera sur les données conservées par les services à la date à laquelle la demande est formulée par la Commission, conformément au souhait de celle-ci. Au travers de ces modalités de contrôle, la Commission sera en mesure de s'assurer que l'autorisation légale n'est pas utilisée à d'autres fins que celles assignées par la loi.