Le prélèvement à la source soulève depuis plusieurs mois des inquiétudes légitimes chez nos concitoyens et les gesticulations dont vous nous avez gratifiés l'été dernier n'ont pas aidé à les dissiper. Cette réforme, censée symboliser la modernité, est en réalité un serpent de mer de la politique française depuis plusieurs décennies. Le Président de la République a décidé de la mener à terme malgré les avis contradictoires qui circulent et auxquels le Gouvernement n'a pas su répondre. Le Conseil des prélèvements obligatoires lui-même, dans son étude de 2012, exprimait déjà des réserves et exposait d'autres solutions plus pertinentes, d'autant que 60 % des contribuables ont déjà opté pour le prélèvement mensualisé de leur impôt sur le revenu. De plus, cet impôt bénéficie d'un taux de recouvrement spontané record : 98,5 %. Nous comprenons donc mal l'argument selon lequel le prélèvement à la source représenterait un gain d'efficacité : au contraire, l'intervention d'un tiers, le chef d'entreprise, est source de complications supplémentaires. Le système actuel n'est sûrement pas parfait mais il est loin d'être inefficace.
Le prélèvement à la source sera complexe à mettre en place : comme l'ont révélé les tests entrepris par la direction générale des finances publiques, il sera pratiquement impossible de se prémunir contre les nombreux dysfonctionnements dont souffre le logiciel. Si on y ajoute les complexités administratives qui pèseront sur les petites et moyennes entreprises, nous sommes loin de l'objectif de simplification visé par le Gouvernement.
Enfin, et ce n'est pas négligeable, cette réforme est lourde de symboles, en érigeant notamment le chef d'entreprise au rang de collecteur d'impôts. Vu le contexte économique, on peut supposer que les dirigeants des PME ont mieux à faire ! Je sais bien que tout est déjà décidé ; je sais aussi que cette réforme ne sera pas abandonnée mais je demande au moins que sa mise en oeuvre soit repoussée jusqu'à ce que tout soit prêt, afin que les Français ne soient pas une nouvelle fois pénalisés.