La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour le groupe La France insoumise.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre qui, hier matin encore, était ministre de l'intérieur. Nous ne réclamons aucune faveur.
Nous voulons la justice. Hier, le mouvement La France insoumise a été traité comme s'il était une association de malfaiteurs. Contre nous, une centaine de fonctionnaires de police a été mobilisée, pour mener une quinzaine de perquisitions.
Dix heures de perquisition : pourquoi ? Des données personnelles, des photos de vacances et des agendas saisis : pourquoi ? Au nom de quelle urgence ? Qui a décidé qu'un dispositif si disproportionné soit déployé ?
… moins encore dans le cadre d'une simple enquête préliminaire, qui – je tiens à le rappeler – n'est pas diligentée par un juge d'instruction indépendant, mais par un procureur placé sous l'autorité du ministre de la justice.
Pourquoi ? Nos comptes de campagne ? Depuis le 8 juin 2018, nous en avons demandé un réexamen exhaustif – sans réponse. Les assistants au Parlement européen ? En trois ans, pourquoi ne pas les avoir convoqués afin de vérifier la réalité de leur travail ?
Après des heures de perquisition dans nos locaux, aucun procès-verbal n'a été présenté à la signature de nos responsables.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Qui peut accepter que l'on saisisse des fichiers de sympathisants et de militants hors de tout cadre légal ? Nous réclamons justice. C'est une question de principe, pour tous – y compris pour vous !
Nous constatons que le procureur de Paris n'a même pas envisagé d'ouvrir une enquête préliminaire sur les comptes de campagne de La République en marche. Ni les locaux de cette formation, ni le domicile personnel de son président – actuel ministre de l'intérieur – n'ont été perquisitionnés. Et je ne rappellerai pas la vraie-fausse perquisition du domicile de M. Benalla.
Monsieur le Premier ministre, est-ce l'État de droit que celui-là ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Mme Faucillon applaudit également.
Monsieur le député, hier à la même heure, le président du groupe parlementaire dont vous êtes membre, M. Mélenchon, m'interrogeait sur les mêmes faits, en posant une question allant, au fond, dans le même sens que la vôtre. Je lui répondais avec un grand calme, me semble-t-il, et beaucoup de précision, indiquant combien j'étais personnellement, politiquement et fonctionnellement – en tant que chef de gouvernement – attaché à l'indépendance de la justice.
Vous m'interrogez aujourd'hui en me posant fondamentalement la même question – sur un ton calme, je vous en donne acte. Il se trouve que, depuis hier, j'ai vu des images dont je dois dire, monsieur le député, qu'elles m'ont choqué.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM ainsi que sur quelques bancs des groupes LR et UDI-Agir.
Je ne me départis jamais d'une certaine forme de mesure lorsque je m'exprime, mais je peux comprendre, peut-être, que les mots, dans le feu de l'action, dépassent la pensée – même si, lorsqu'on est un responsable politique, il est toujours préférable de se maîtriser en toutes circonstances. Mais je peux le comprendre.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
En tout état de cause, les images que j'ai vues étaient d'une très grande violence à l'égard de fonctionnaires de police exerçant leur mission.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Elles étaient d'une très grande violence à l'égard de procédures ne relevant pas du Gouvernement. Je ne pense pas, monsieur le député, que nous ayons quoi que ce soit à gagner à mettre en cause l'indépendance de la justice.
S'agissant des procédures qui pourraient être engagées ou qui ont pu l'être par le passé, j'ai le souvenir – contrairement à ce que vous avez indiqué – que des procédures ont déjà été mises en oeuvre contre des formations politiques. J'en ai un souvenir assez net, croyez-moi, et je pense que beaucoup de gens, sur les bancs de cette assemblée, s'en souviennent aussi.
Des perquisitions dans des locaux de formations politiques, c'est déjà arrivé ! Des mises en cause de personnalités ayant ou ayant eu un rôle politique, c'est déjà arrivé !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Cela n'est jamais agréable, mais j'observe, monsieur le député, que tous ceux qui ont été mis en cause, et qui parfois – je le reconnais – ont vu leur honneur mis en cause, tous ceux-là, me semble-t-il, ont systématiquement conservé à l'égard des forces de police comme de l'institution judiciaire un très grand calme.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM, dont quelques membres se lèvent.
La parole est à M. Brahim Hammouche, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
En cette journée mondiale du refus de la misère, ma question s'adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé. Je profite de cette occasion qui m'est donnée pour saluer la nomination de Mme la secrétaire d'État, qui inscrit la lutte contre la pauvreté dans nos priorités politiques.
Ce sont 9 millions de nos concitoyens, dont 3 millions d'enfants, qui vivent dans la pauvreté : le scandale, aurait pu écrire Jankélévitch, est là sous nos yeux et nous ne le voyons plus – par habitude, par paresse, ou pire, par indifférence. La pauvreté serait devenue une fatalité.
Non, le déterminisme social n'est pas une fatalité ! C'est un reniement à notre promesse républicaine d'émancipation sociale.
Madame la ministre, votre stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, c'est le meilleur de notre esprit républicain ! La liberté, l'égalité et la fraternité ne sauraient être victorieuses sans solidarité sociale. C'est tout le sens de notre projet de transformation pour un État-providence du XXIe siècle. Il faut éradiquer la pauvreté pour sortir des inégalités de destin.
Ces 8,5 milliards d'euros programmés c'est, de l'aveu même des citoyens concernés, acteurs et bénéficiaires, un engagement sans précédent pour prévenir la pauvreté dès l'enfance, pour accompagner vers l'emploi et mieux former la jeunesse, pour rétablir le lien avec le travail de ceux qui, à la suite à un accident de parcours professionnel, de vie, de santé ou de famille, ont vu leur vie basculer, perdant toute emprise sur leur propre destinée.
Madame la ministre, cette stratégie soulève des espoirs nouveaux. Pouvez-vous détailler cette feuille de route ? Quels sont les moyens que vous entendez déployer pour cette stratégie réaliste d'éradication de la pauvreté ?
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Merci, en cette journée symbolique, de me permettre de présenter à nouveau devant cette assemblée la stratégie de lutte contre la pauvreté exposée par le Président de la République le 13 septembre dernier.
Nous avons, vous l'avez dit, décidé de lutter contre la pauvreté dès le plus jeune âge, en prenant les choses à la racine, au moment où se creusent les inégalités. Une étude de l'OCDE montre qu'il faut aujourd'hui six générations pour qu'un descendant d'une famille pauvre puisse espérer rejoindre la classe moyenne. Six générations, ce sont cent quatre-vingts années !
Nous avons donc décidé d'investir massivement pour aider la petite enfance…
… en favorisant la mixité dans les crèches et en ouvrant des crèches dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville – car nous savons que la socialisation précoce améliore l'acquisition du langage et du savoir-être. Nous allons supprimer l'avance de frais pour l'accès à des gardes d'enfant et des assistantes maternelles. La politique menée par Jean-Michel Blanquer, en particulier le dédoublement des classes de CP et CE1 et la scolarisation obligatoire à trois ans, participe évidemment de cette stratégie.
Nous allons également réduire le coût des cantines scolaires, afin que tous les enfants puissent y accéder ; les familles les plus défavorisées paieront un euro par jour.
Nous allons également proposer des petits-déjeuners dans toutes les écoles classées en REP et REP+, car un enfant qui a faim, nous le savons tous, ne peut pas apprendre.
Nous misons donc sur la petite enfance. Pour cela, nous dégageons un budget d'environ 1,5 milliard d'euros. C'est l'un des piliers de notre stratégie, dont le budget global est de 8,5 milliards ; le reste concerne les adolescents, la jeunesse et l'insertion professionnelle.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ainsi que sur de nombreux bancs du groupe MODEM.
Monsieur le Premier ministre, il y a quelques jours, les médias révélaient le contenu d'une note, émanant du Service central du renseignement territorial, sur la progression du communautarisme musulman à l'école : refus de dessiner des représentations humaines ou d'écouter de la musique, refus de jeunes garçons de donner la main à des petites filles, pratique du ramadan par des enfants de plus en plus jeunes, refus d'aller à la piscine, refus d'écouter certains contes pour enfants, refus d'utiliser du mobilier scolaire de couleur rouge, refus des voyages scolaires...
Mille cas de manquements à la laïcité ont été signalés entre les mois d'avril et de juin derniers.
Cette dérive communautariste ne peut être ni tue, ni sous-estimée, ni relativisée.
Le mal est profond et inquiétant. En de multiples endroits de France, l'école est désormais atteinte par le danger du communautarisme aggravé par le radicalisme religieux.
Vous avez créé une cellule de signalement et d'écoute des professionnels, qui sont souvent démunis devant un phénomène nouveau par son ampleur et par la jeunesse d'enfants endoctrinés de plus en plus tôt. Cela ne suffit pas ; ce phénomène appelle un sursaut d'ampleur dont le Gouvernement doit donner le signal sans trembler.
Car c'est à l'école que l'on transmet les savoirs, mais aussi les valeurs et les savoir-être. C'est à l'école que l'on dessine l'avenir de ces enfants, mais aussi celui de notre société.
La réponse selon laquelle d'autres religions seraient concernées nous laisse, compte tenu des faits rapportés, sceptiques. Ils augurent mal d'une réponse adéquate et déterminée.
« Mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde », a écrit Camus.
Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire pour restaurer dans nos écoles la laïcité menacée par l'islam radical ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Certains députés non inscrits applaudissent également.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Madame la députée, s'il y a un domaine où nous avons accepté, assumé même, de bien nommer les choses, c'est bien celui-là ! Nous avons agi dès que nous sommes arrivés aux responsabilités en créant un conseil des sages de la laïcité. Il a produit un document de quatre-vingts pages qui constitue une référence pour tous les personnels de l'éducation nationale en matière d'atteinte à la laïcité ; ce document pourrait, je crois, faire l'unanimité sur les bancs de cette assemblée.
Mais nous ne nous payons pas de mots. Nous agissons !
Ainsi, nous avons créé, dans chaque rectorat de France, les « équipes laïcité », capables d'intervenir concrètement dans les écoles, les collèges et les lycées dès que c'est nécessaire. Plus de 400 interventions de ce type ont été réalisées depuis le mois d'avril, ce qui est considérable. À chaque fois, il a été mis fin au trouble qui avait été constaté.
C'est la première fois depuis une vingtaine d'années que l'on agit vraiment pour constater les dérives ; c'est la première fois qu'il y a un tel volontarisme de l'action publique pour traiter les problèmes à la racine.
Nous avons créé une adresse dédiée, à laquelle tous les personnels de l'éducation nationale peuvent écrire. C'est elle qui a permis de recueillir les signalements dont vous parlez.
Oui, madame la députée, ces problèmes sont bien réels. Je confirme qu'ils ne viennent pas d'une seule religion. Je l'ai constaté, et il ne sert à rien de dire le contraire de la vérité. Bien sûr, nous le savons tous, le fondamentalisme islamiste est derrière la plupart de ces faits.
Je n'en disconviens pas. Mais d'autres religions sont parfois en cause : c'est la réalité et il faut le dire.
Nous ne nions pas, je le redis, que le fondamentalisme islamiste est derrière la plupart de ces incidents. Nous agissons et nous continuerons de le faire !
La parole est à Mme Fiona Lazaar, pour le groupe La République en marche.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.
Ce mois-ci, 18 millions de Français reçoivent leur taxe d'habitation et constatent que nous avons bien tenu nos engagements.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LaREM – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
D'ici à 2020, la taxe d'habitation sera supprimée pour 80 % des Français, avec une première baisse de 30 % dès cette année.
C'est plutôt la fin de l'autonomie de gestion des collectivités territoriales !
Cette première baisse est sans conséquence sur les ressources des collectivités locales, qui sont compensées à l'euro près par l'État.
Certaines ont décidé, et c'est leur liberté, d'augmenter cette année les taux. Je respecte leur choix et je condamne le lancement, par une minorité, d'un #BalanceTonMaire sur les réseaux sociaux.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Informer et dénoncer sont deux choses bien différentes, comme nous le savons ici.
C'est à Argenteuil, dans ma circonscription, que la taxe d'habitation est la plus élevée de France. Après quinze ans de hausse des taux sous des majorités municipales de gauche comme de droite, pour la première fois, cette taxe baissera pour quatre Argenteuillais sur cinq, avec une économie moyenne de 236 euros cette année.
Mêmes mouvements.
Vous l'avez rappelé lundi, lors de votre venue à Argenteuil, monsieur le secrétaire d'État, supprimer la taxe d'habitation, c'est une mesure pour le pouvoir d'achat des Français.
Mais c'est aussi une mesure de justice sociale et territoriale. En effet, était-il normal qu'à situation équivalente, on paie 1 440 euros à Argenteuil et 481 euros à Paris ?
La taxe d'habitation, c'est une loterie qui n'a fait aucun gagnant. Il était temps d'en finir !
Alors que nous allons acter dans le projet de loi de finances pour 2019 une nouvelle baisse de la taxe d'habitation, certains veulent entretenir un faux suspense sur la réalité de sa suppression.
Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'État, rassurer les Français sur la mise en oeuvre de cet engagement présidentiel et nous préciser à nouveau ses modalités de calendrier et d'application ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.
Madame la députée, nous étions ensemble, lundi matin à Argenteuil, …
… pour constater que plus de 85 % des habitants de cette commune, la principale de votre circonscription, bénéficient d'une première baisse de la taxe d'habitation.
En réponse à votre question, je le dis de manière très claire, très transparente, nous allons supprimer la totalité de la taxe d'habitation.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Pour 80 % des ménages, la suppression sera effective en 2020, et d'ici à 2022, pour les 20 % de ménages restant. Nous le faisons en dégrevant la taxe d'habitation de 30 % en 2018, de 35 % en 2019 et de 35 % en 2020 pour les 80 % de ménages que j'ai évoqués.
Nous le faisons sans conséquence pour les recettes des collectivités locales. J'invite tous les maires à constater que, sur les douzièmes de fiscalité qu'ils perçoivent, le dégrèvement ne télescope pas le niveau de leurs recettes. Au contraire, nous prenons même en compte, et c'est normal, l'évolution des valeurs locatives.
Avec Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu, nous allons travailler pour faire en sorte qu'au printemps prochain, un nouveau modèle fiscal soit mis en place, afin de garantir l'ensemble des recettes des collectivités locales, comme le Président de la République s'y est engagé.
Il l'a dit il y a presqu'un an, dans une allocution lors du Congrès des maires : il faut que les collectivités disposent de ressources justes, pérennes, équitables et dynamiques.
Nous travaillons à cela, et nous le faisons en concertation.
Certains Français, effectivement, n'ont pas vu leur taxe d'habitation baisser, soit parce qu'ils relèvent des 20 % de Français qui ne seront concernés qu'à partir de 2021, soit pour des raisons diverses – révision de leur valeur locative à la suite de travaux ou modification de la composition du ménage, par exemple.
Par ailleurs, 6 200 communes ont connu une évolution à la hausse de la taxe d'habitation,
Exclamations sur les bancs du groupe SOC
en application du principe de libre administration et de la liberté de choix des élus locaux, qui ont cette possibilité, et l'assument, comme leurs autres responsabilités.
Je terminerai par un mot pour conforter votre raisonnement, madame la députée. L'économie et le gain de pouvoir d'achat pour les ménages représentent 200 euros en moyenne, dès cette année, et 600 euros d'ici à 2020.
Au total, ce sont 22 milliards d'euros qui seront rendus aux Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, quarante ans après les scandales de l'amiante, qui ont touché et tué des travailleurs, ce sont des enfants qui sont exposés à ce poison dans le milieu scolaire. Parmi les établissements disposant d'un diagnostic technique amiante, 38 % des écoles publiques, 73 % des collèges et 77 % des lycées contiennent de l'amiante. De nombreuses d'écoles restent par ailleurs sans diagnostic.
Le lycée Georges Brassens de Villeneuve-le-Roi est emblématique du déni des autorités face à la dégradation des matériaux amiantés dans les bâtiments publics. Décidément, « le temps ne fait rien à l'affaire », comme le chantait Brassens.
Pour ce lycée, les expertises de 2015 indiquaient qu'il n'y avait pas d'amiante. Deux ans plus tard, un grave incident lié à l'amiante, toujours inexpliqué, a pourtant bel et bien eu lieu. Aujourd'hui, face à la vétusté du bâti et à l'état de dégradation des flocages, il est refusé d'appliquer le principe de précaution, ce qui met de nouveau en danger la santé d'élèves mineurs, et de reconnaître la légitimité du droit de retrait des membres du personnel. « Je n'y mettrais pas mes enfants, pourquoi accepterais-je d'y mettre mes élèves ? », disait l'un d'entre eux. Et vous, monsieur le ministre, que feriez-vous ?
Pourquoi refusez-vous de valider ce droit de retrait des personnels du lycée Brassens en exerçant des pressions, alors même qu'un lycée modulaire, construit à quelques centaines de mètres, sera disponible après les vacances ? Pourquoi refusez-vous aux enseignants l'accès à des salles saines du collège attenant, afin qu'ils puissent assurer leurs enseignements, comme ils le demandent ?
Qu'attend l'État, responsable de la construction de l'essentiel des établissements amiantés avant les lois de décentralisation, pour engager un grand plan de diagnostic et de désamiantage en milieu scolaire, sans se défausser sur les collectivités territoriales ?
Il y a urgence, monsieur le ministre, à ne pas sombrer dans les erreurs du passé. Elles ont déjà abîmé de trop nombreuses vies.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC – Mme Caroline Fiat applaudit également.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Madame la députée, vous posez deux questions importantes et sérieuses, qui méritent une réponse dès à présent et d'autres, beaucoup plus approfondies, par la suite.
Le lycée Georges Brassens connaît des problèmes de bâti depuis fort longtemps, pour lesquels des solutions ont commencé à être apportées ces derniers temps, notamment, vous l'avez dit, avec la construction d'un nouveau lycée, juste à côté de l'actuel établissement. Il sera prêt au retour des vacances de la Toussaint. Les problèmes que vous venez d'évoquer seront donc terminés à ce moment-là.
S'agissant de ce lycée, il y a donc un problème de jonction entre maintenant et les vacances de la Toussaint. Le conseil régional d'Île-de-France, qui est compétent pour ces bâtis, a fait réaliser une analyse technique, qui a conclu à la non-dangerosité de ces locaux. Dès lors qu'une conclusion, fondée sur le plan technique, est posée, toutes les conséquences sont tirées. Les élèves peuvent y aller, tout le monde peut y aller ; il n'y a donc pas de raison d'exercer son droit de retrait.
Je comprends que les personnels soient très vigilants sur ces questions. Ils ont eu parfaitement raison de réclamer les analyses, de s'inquiéter. Cela est tout à fait normal. Mais les réponses ont été apportées. Surtout, la bonne nouvelle dans toute cette affaire, qui ne comporte pas que de bonnes nouvelles, c'est que tout pourra revenir à la normale à partir du retour des vacances de la Toussaint. Évidemment, le conseil régional d'Île-de-France, comme le rectorat de Créteil, suivront avec beaucoup de bienveillance le cas du lycée Georges Brassens.
Par ailleurs, il y a le problème de l'amiante en général, et celui de sa présence dans les établissements, avec les statistiques que vous avez données, madame la députée. Nous savons que ces statistiques ne portent que sur une partie des écoles et des établissements. En outre, cela ne signifie pas que tout cet amiante est dangereux, fort heureusement. Mais il y a un sujet, ce que je reconnais bien volontiers.
C'est pourquoi nous allons créer une cellule sur le bâti scolaire au ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse. Nous le ferons en lien avec Jacqueline Gourault et le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, nouvellement créé, et avec la Caisse des dépôts et consignations, qui fourniront les conseils nécessaires.
Vous avez raison, madame la députée, nous ne devons pas nous déresponsabiliser, mais travailler avec les collectivités territoriales pour porter un jugement lucide sur ce qu'il y a à faire au cours des prochaines années.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à Mme Sabine Thillaye, pour le groupe La République en marche.
Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, ce soir, les vingt-sept chefs d'État et de gouvernement se réuniront à Bruxelles pour échanger sur le Brexit. Ce Conseil européen a été présenté par beaucoup comme celui de la dernière chance tant le compte à rebours est désormais largement engagé. Le retrait effectif du Royaume-Uni de l'Union européenne interviendra le 29 mars 2019 à minuit. Il reste donc moins de six mois, pour nous préparer, pour anticiper tous les scénarios possibles – accord ou pas.
Malgré les efforts déployés de part et d'autre, la perspective d'un Brexit dur ne peut plus être exclue. Alors que les négociations se poursuivent, deux exigences me semblent fondamentales.
La première exigence, c'est l'unité. Un an et demi après le déclenchement de l'article 50 du traité sur l'Union européenne, l'Europe a su rester unie. Elle démontre ainsi que, lorsque son destin est en jeu, elle sait parler d'une seule voix.
La seconde exigence, c'est l'anticipation. Un projet de loi a été présenté en conseil des ministres la semaine dernière afin d'habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures de préparation d'un retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne en l'absence d'accord.
Monsieur le ministre, un compromis est-il encore envisageable à ce stade des négociations ? Quelles seront les positions défendues par la France lors de ce Conseil, notamment pour préserver l'intégrité du marché unique ? En cas de sortie sèche sans accord, en quoi le projet de loi proposé par le Gouvernement permettra-t-il de limiter les conséquences négatives du Brexit ? Enfin, comment comptez-vous inciter les acteurs concernés – opérateurs économiques, collectivités locales, administrations – à se préparer à cette échéance ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Madame la présidente de la commission des affaires européennes, nous gardons confiance dans la négociation. Il est vrai que le temps presse, notamment à l'aune de la nécessaire ratification de l'accord de retrait par le Parlement européen et par le Parlement britannique, mais nous gardons confiance.
Ces derniers jours, les négociations entre les autorités britanniques et Michel Barnier, qui agit dans le cadre d'un mandat que les vingt-sept États membres approuvent, ont été constructives mais, dimanche, le Gouvernement britannique a indiqué son refus de souscrire à la proposition qui lui était faite, principalement à cause de la frontière entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande.
Nous souhaitons que cette difficulté soit surmontée. Ce soir, les échanges porteront, entre autre, sur ce point et j'imagine que les chefs d'État et de gouvernement attendront de la part de Mme May les engagements politiques nécessaires.
Ceci étant, nous devons nous préparer à toutes les éventualités. La France souhaite un accord mais elle a le devoir de se préparer à un échec. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a demandé à Mme Loiseau et moi-même de préparer un projet de loi, qui a été présenté en conseil des ministres il y a quelques jours, autorisant le Gouvernement, dans le cas où les négociations n'aboutiraient pas, à procéder par ordonnances sur tous les sujets difficiles – les infrastructures, les contrôles douaniers, le statut des Britanniques en France et des Français au Royaume-Uni. Ce texte sera rapidement soumis au Parlement.
Nous souhaitons l'aboutissement des négociations mais nous nous préparons à l'hypothèse d'un échec.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Pierre-Yves Bournazel, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.
En quelques semaines, Paris a connu une multiplication inquiétante des agressions à caractère homophobe : le 19 septembre, un couple d'hommes était insulté et frappé devant un théâtre du vingtième arrondissement ; le 6 octobre, deux hommes subissaient les coups d'agresseurs, rue du Maroc, dans le dix-neuvième arrondissement ; le 8 octobre, place de la République, un couple de femmes était frappé en raison de son orientation sexuelle ; le 13 octobre, un jeune homme était victime d'une violente agression dans le quinzième arrondissement ; hier soir encore, une nouvelle agression homophobe a eu lieu près du métro Étienne Marcel : c'est le président de l'association Urgence homophobie qui s'est fait insulter et casser le nez. Ces actes de haine et de violence sont inadmissibles.
Les députés des groupes UDI-Agir, MODEM, LaREM, SOC, GDR et FI ainsi que certains députés non-inscrits se lèvent et applaudissent. – Les députés du groupe LR applaudissent.
Dans notre République, nous ne pouvons pas accepter que des femmes et des hommes craignent pour leur sécurité en raison de ce qu'ils sont. Je veux dire avec force que la République les protégera toujours ; nous ne laisserons pas faire ! La France est la patrie des droits de l'homme, Paris est la capitale de l'ouverture et de la tolérance. Chacun est libre de vivre sa vie comme il l'entend. L'homophobie n'est pas une opinion, c'est un délit ! C'est un poison qui mine notre société.
Applaudissements sur tous les bancs.
Je tiens à saluer le travail de la DILCRAH – délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT.
Dans le climat actuel de tensions et de violence, je souhaite que soit désigné dans les commissariats un référent en charge de ces actes homophobes.
Il faut lutter contre l'ignorance et l'intolérance en soutenant l'engagement des associations. Il faut déconstruire dès l'école les préjugés et les stéréotypes.
Au-delà de ce travail de fond, quels moyens et quelles mesures immédiatement opérationnelles le Gouvernement compte-t-il prendre afin de mettre fin à ces violences homophobes insupportables ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir, MODEM, LaREM, sur plusieurs bancs des groupes SOC, GDR et FI ainsi que sur certains bancs du groupe LR et parmi les députés non-inscrits.
La parole est à Mme la secrétaire d'État, auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Vous l'avez souligné à juste titre, monsieur le député, les actes homophobes connaissent une recrudescence, tout comme les actes de violence gratuite. Le Gouvernement condamne fermement et sans réserve tous les actes homophobes, transphobes et LGBT-phobes où qu'ils aient lieu.
Le rapport annuel de l'association SOS homophobie montre une augmentation préoccupante de ces violences. C'est la raison pour laquelle le porte-parole du Gouvernement et moi-même recevrons dans les jours à venir l'ensemble des associations LGBT afin de les écouter et d'agir avec elles. Le ministre de l'intérieur, Christophe Castaner, suit également la situation de très près.
La DILCRAH que vous avez citée a lancé un appel à projets en direction des associations, doté d'une enveloppe de 2 millions d'euros, afin de compléter le projet annoncé par Jean-Michel Blanquer de lutte contre l'homophobie dès l'école et les travaux menés main dans la main avec Muriel Pénicaud et destinés à lutter contre ce fléau.
Le Gouvernement lutte contre l'homophobie dans l'ensemble du territoire. Ainsi, lorsque j'ai délocalisé mon cabinet à Trappes, j'ai annoncé, aux côtés de la députée Nadia Hai, des subventions aux associations locales afin que, partout en France, chacun soit protégé et que jamais personne ne soit insulté, menacé, discriminé, ou frappé à raison de sa vie amoureuse.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à Mme Véronique Hammerer, pour le groupe La République en marche.
Madame la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, il était une fois la loi NOTRe. La législature précédente nous laisse en héritage cette loi, promulguée en 2015, dont les conséquences se ressentent encore à ce jour.
En dépit d'un objectif louable – mutualiser l'action de collectivités et assurer une continuité territoriale – , ce qui aurait dû être un moteur s'est transformé en limite. Le Président de la République a dressé un constat nécessaire : il faut renouer la confiance entre l'État et les territoires. C'est un exercice noble mais ô combien délicat que le vôtre, tant les collectivités, en particulier nos territoires ruraux, ont besoin d'être rassurées.
Car la loi NOTRe est paradoxale : elle voulait renforcer la décentralisation, mais est vécue comme une opposition réelle à l'action de nos communes. De plus, si nous avons besoin de faire société, les besoins des Girondins ne sauraient pour autant être identiques à ceux des Rhodaniens.
La redynamisation des territoires nécessite de les repenser : on ne peut pas tout attendre de l'État ! La métropole doit jouer un rôle important, aux côtés des départements. Cela requiert une méthodologie qui concilie prise en compte des enjeux des territoires et confiance aux intelligences collectives.
L'État ne s'affaiblit pas en se posant en facilitateur des actions territoriales ; il se renforce, tel un chef d'orchestre jouant notre partition républicaine au service de notre devise : liberté, égalité, fraternité.
Je suis heureuse et fière que le Gouvernement, qui comprend désormais trois ministres dont l'action est entièrement dévouée à la cohésion des territoires, ait fait le choix d'écouter et de considérer les territoires pour renforcer son action sur ce sujet majeur.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
N'oublions pas que nos communes rurales sont au coeur du patrimoine culturel de notre pays !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Madame Hammerer, je tiens d'abord à dire que je suis très honorée d'avoir été nommée à la tête de ce ministère, avec, à mes côtés, deux ministres, Sébastien Lecornu et Julien Denormandie.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
La création de ce ministère traduit l'ambition du Président de la République et du Premier ministre de répondre à la demande des territoires et des associations d'élus, et de renouer une relation de confiance plus forte avec eux.
Ce ministère sera le principal outil pour faire vivre une République véritablement décentralisée, à l'écoute de ses territoires. Vous l'avez dit, madame la députée, cela n'appelle pas une réponse uniforme.
Notre action sera constamment guidée par le souci d'assurer la cohésion des territoires et d'en recoudre les fractures, qu'il s'agisse des quartiers urbains en difficulté, des territoires ruraux, des villes moyennes ou des métropoles, comme vous l'avez souligné.
Ce ministère sera, enfin, au service du parcours de vie de nos concitoyens, non seulement de l'accès au logement, aux réseaux et aux services publics, mais également de l'amélioration de leur cadre de vie.
Je veillerai à ce que les actions déjà engagées par le Gouvernement…
… s'amplifient et soient mises en oeuvre. J'ouvrirai aussi un dialogue permanent avec mes collègues du Gouvernement pour que la cohésion des territoires trouve sa place dans l'ensemble des politiques publiques.
La tâche est importante et exigeante. Nous sommes à pied d'oeuvre, dès aujourd'hui, pour incarner la réconciliation des territoires.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Ce n'est pas une réponse ! C'est un réquisitoire contre ce qui s'est passé antérieurement !
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour le groupe Socialistes et apparentés.
Monsieur le Premier ministre, notre engagement auprès des plus vulnérables est un devoir certes envers la génération future, mais également envers ceux qui souffrent aujourd'hui.
En septembre dernier, vous nous avez présenté une stratégie destinée essentiellement à lutter contre la pauvreté des enfants. Les mots étaient ambitieux, les espoirs grands, mais les actes, eux, sont cruels. Car derrière les formules – « faire plus pour ceux qui ont moins », « État-providence du XXIe siècle », « réduire les inégalités de destin » – , votre projet de budget et vos lois ne masquent plus les séductions du discours et les fissures du décor.
Les associations sont inquiètes du manque d'éléments concrets dans la mise en oeuvre et l'évaluation de votre stratégie.
Ce sont désormais les incohérences de vos choix, préjudiciables à la justice sociale, qui ruissellent aux yeux des français. Vos cadeaux ne sont pas gratuits : les pensions de retraite, l'allocation aux adultes handicapés et la prime d'activité seront désindexées ; le revenu de solidarité active ne sera pas revalorisé ; le reste à charge zéro est un mirage, car il fera fatalement augmenter le prix des complémentaires santé ; la loi ELAN déstabilise durablement le modèle économique du logement social et fragilise l'accès des plus pauvres à celui-ci.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Plus personne n'ignore combien votre politique favorise les plus riches. Comment pouvez-vous prétendre protéger les plus vulnérables sans mener, pour chacun, la bataille du pouvoir d'achat ? La cohésion sociale de notre pays est en train de s'affaisser sous les effets du modèle libéral que vous appliquez, quitte à sacrifier une génération.
En cette journée mondiale du refus de la misère, les députés socialistes déposeront une proposition de loi d'expérimentation du revenu de base. Dix-huit départements sont prêts. Nous sommes convaincus que les collectivités peuvent apporter leur contribution. Nous vous demandons de soutenir cette proposition.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe GDR.
Madame Biémouret, je souhaite d'abord saluer votre engagement à la tête du groupe d'études « pauvreté, précarité et sans-abri », aux côtés de Nicolas Démoulin.
Il importe effectivement de rappeler que c'est aujourd'hui la journée mondiale de lutte contre la misère et que cette misère concerne non pas quelques individus, mais 800 millions de personnes dans le monde et 9 millions de nos concitoyens, dont 3 millions d'enfants. C'est la raison pour laquelle nous avons présenté, vous le savez, une stratégie de lutte contre la pauvreté, ambitieuse, …
… qui s'attaque non seulement aux racines des inégalités dès la petite enfance, mais vise aussi à améliorer le quotidien des personnes. Car la pauvreté, nous le savons, est un combat du quotidien pour accéder au travail, au logement, à la santé et à une alimentation.
Dans le cadre de cette stratégie de lutte contre la pauvreté, nous travaillons selon quatre axes. Le budget correspondant est le plus ambitieux jamais alloué par un gouvernement à une telle stratégie : 8,5 milliards d'euros seront investis sur quatre ans pour améliorer l'égalité des chances dès la petite enfance, pour offrir un parcours de formation garanti à tous les jeunes, pour rendre les droits sociaux plus accessibles, plus équitables et plus incitatifs à l'activité – nous allons créer, vous le savez, le revenu universel d'activité ; nous allons y travailler dans les deux ans qui viennent – et, enfin, pour mieux accompagner les personnes vers l'emploi. Il s'agit d'investir pour l'insertion sociale. Nous réalisons, je le rappelle, un investissement sans précédent.
Il convient évidemment de mentionner, à côté de cette stratégie, les mesures prises par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse pour l'accès à l'éducation et à la formation, les mesures prises par la ministre du travail pour l'accès à la formation tout au long de la vie et les mesures que je prends dans le champ de la santé. Je pense notamment au reste à charge zéro et à l'accès aux complémentaires santé, mesures qui figurent dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et seront, je l'espère, votées par votre groupe.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.
La parole est à M. Philippe Berta, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
Madame la ministre des solidarités et de la santé, la dernière livraison de la revue internationale The Lancet, qui fait autorité en médecine, lance un cri d'alarme sur l'augmentation des naissances par césarienne sans indication médicale avérée.
En quinze ans, le taux de naissance par césarienne a plus que doublé. Dans certains pays, comme le Brésil, la césarienne est même devenue le mode d'accouchement majoritaire, et même largement majoritaire. Beaucoup de raisons non médicales peuvent expliquer cette tendance, comme le confort de la programmation du moment de l'accouchement ou des tarifs plus attractifs.
Une meilleure compréhension des effets de la césarienne sur la santé des mères et des enfants devient cruciale. La prévalence de la morbidité et de la mortalité maternelle est plus forte en cas de césarienne. De plus, ces dernières années ont vu la publication de diverses alertes sur la santé des enfants, en lien avec les grandes pandémies actuelles : altération de leur développement immunitaire, augmentation de leur susceptibilité à l'asthme et aux allergies, réduction de la diversité de leur microbiote intestinal, qui pourrait justifier une fraction de la pandémie d'obésité actuelle ou encore moins bonne imprégnation hormonale, en particulier d'ocytocine, dont on sait le caractère essentiel pour le développement neurologique du nouveau-né, et qui pourrait contribuer à certaines formes d'autisme.
Ces observations s'ajoutent au questionnement légitime sur la composition chimique du liquide amniotique dans l'environnement qui est le nôtre aujourd'hui.
En résumé, un nombre toujours croissant de travaux scientifiques nous alerte sur l'importance de la vie intra-utérine et également de la parturition, c'est-à-dire de l'accouchement.
En France, l'enquête nationale périnatale 2016 se veut rassurante et indique une stabilisation du taux de césariennes depuis 2010. Mais celui-ci est élevé, puisqu'il concerne plus de 20 % des naissances, et il masque la disparité entre les maternités.
Je sais votre intérêt pour la santé de la femme enceinte et de son enfant. Envisagez-vous, au vu des avancées récentes, d'accentuer une politique de prévention axée sur la vie intra-utérine et sur l'accouchement ?
Applaudissements sur les bancs de groupes MODEM et LaREM – Mme Émilie Bonnivard applaudit.
Monsieur le député, merci de poser cette question. Effectivement, la France affiche aujourd'hui un taux de césariennes de l'ordre de 20,2 %. C'est stable. C'est mieux que dans la plupart des pays. Mais cela masque d'immenses disparités territoriales.
Dès 2012, le ministère de la santé, avec la Haute Autorité de santé, s'était penché sur ce problème et avait développé un programme d'optimisation de la pertinence des actes de césarienne. La Haute Autorité de santé avait élaboré un guide de bonnes pratiques des recommandations, ainsi que des documents d'information pour les femmes.
Une expérimentation a été menée de 2013 à 2014. Elle a intégré 165 maternités françaises, soit un tiers des maternités, et montré que, lorsque celles-ci sont accompagnées, les pratiques changent. Dans ces maternités, les indications de césarienne sont discutées entre plusieurs professionnels et donnent lieu à une décision collégiale.
Cette expérimentation a été pérennisée. Elle sera valorisée dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens entre les agences régionales de santé et les établissements de santé qui pratiquent de l'obstétrique. Et surtout dans le cadre du plan de santé présenté par le Président de la République « Ma santé 2022 », nous avons défini un axe prioritaire qui concerne la pertinence des soins, c'est-à-dire le fait de prodiguer le bon soin au bon patient.
Il faut évidemment valoriser les bonnes pratiques. La pertinence des soins est un enjeu prioritaire de la réforme de la santé et les établissements seront bien entendu accompagnés dans cette démarche d'amélioration et d'optimisation.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à Mme Catherine Osson, pour le groupe La République en marche.
Ma question s'adresse à Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État, auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
« Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l'homme sont violés. S'unir pour les faire respecter est un devoir sacré. » Telle est la phrase inscrite sur le parvis des droits de l'homme.
Nous célébrons en ce 17 octobre la journée mondiale du refus de la misère. Pour la députée que je suis, élue d'une circonscription du Nord qui comprend une des villes les plus pauvres de France, il s'agit d'un moment important qui prend tout son sens.
Lancée par le fondateur de l'association ATD Quart Monde, cette manifestation vise à faire entendre la voix des plus démunis. Aujourd'hui ce sont plus de 8 millions de Français qui vivent sous le seuil de pauvreté dont, vous le savez, une majorité de femmes et de jeunes.
Cette journée est l'occasion de leur donner la parole. Refusons ensemble la misère, nous tous, pour eux, car eux aussi, ils sont la République !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Refusons-la, pas seulement en ce jour, mais tous les jours à venir ! Aujourd'hui, des centaines d'initiatives sont organisées en France et partout dans le monde, et des milliers de citoyens se rassemblent pour dire le refus de la fatalité.
Je veux rendre devant la représentation nationale un hommage vibrant à toutes les associations et à tous les militants de cette cause, qui consacrent leur vie à venir en aide aux plus démunis.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Ce sont des exemples pour nous tous et une incitation constante à agir.
Je sais, madame la secrétaire d'État, qu'il s'agit d'un problème qui vous tient à coeur. Le Président de la République a présenté le 13 septembre dernier un plan de lutte contre la grande pauvreté doté de 8 milliards d'euros et qui comprend trois grands piliers d'action des pouvoirs publics : l'éducation, la prévention et le retour au travail.
Comment comptez-vous mettre concrètement en oeuvre ce plan ambitieux pour atteindre l'objectif fixé par le Président de la République de suppression de la pauvreté en une génération ?
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à Mme la secrétaire d'État, auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Mmes et MM. les députés des groupes LaREM et MODEM se lèvent et applaudissent.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je voudrais tout d'abord vous dire combien je suis honorée d'avoir été nommée secrétaire d'État auprès de Mme Buzyn et d'intégrer ainsi le Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Madame la députée, je vous remercie pour votre question, qui me permet de compléter les propos qui viennent d'être tenus à l'instant. Mme la ministre l'a en effet rappelé : nous agissons dès la petite enfance pour suspendre la reproduction des inégalités sociales, mais nous agissons aussi sur l'accompagnement pour permettre à chacun de s'émanciper et de vivre dignement.
C'est sur quoi je voudrais insister. Chaque année, 60 000 jeunes deviennent des « perdus de vue ». Ils ne sont ni à l'école ni en formation ni en emploi. Que faisons-nous pour eux ? Nous étendons l'obligation de formation jusqu'à dix-huit ans. Aucun jeune ne pourra désormais se retrouver sans solution.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
La garantie jeunes bénéficiera à 500 000 jeunes au cours du quinquennat, grâce à un investissement de 100 millions d'euros. Il y aura un repérage des jeunes décrocheurs en continu dans les établissements scolaires. Pour les 3 000 jeunes sortant de l'aide sociale à l'enfance et qui se retrouvent seuls, sans solution, nous étendons le dispositif concernant jusqu'alors les jeunes adultes de dix-huit à vingt et un ans.
Ces mesures trouveront un écho dans les réformes majeures du marché du travail, de la formation professionnelle et de l'apprentissage, menées par Muriel Pénicaud et soutenues par la majorité.
Et parce que trop de familles, trop de travailleurs pauvres ou de personnes en situation d'exclusion méconnaissent leurs droits, nous simplifions les droits sociaux. Le nouveau système sera plus accessible, plus équitable et plus incitatif à l'activité.
Le coeur même de notre politique sociale n'est pas que les plus pauvres vivent un tout petit peu mieux dans la pauvreté, mais qu'ils s'en sortent durablement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.
Monsieur le ministre de l'intérieur, vous vous êtes rendu, dès votre nomination, aux Lilas, dans ce que l'on appelle le « premier district policier » de la Seine-Saint-Denis où, malheureusement, des affrontements entre bandes, qui se généralisent dans ce département et interviennent malheureusement trop régulièrement, venaient d'avoir lieu, entraînant le décès que l'on sait. Quand on est aux Lilas, on se trouve juste de l'autre côté du périphérique, soit en face de Paris. Mais, à Paris, il y a quatre fois plus de policiers qu'en Seine-Saint-Denis. Même en tenant compte des contraintes particulières de la Ville de Paris, liées notamment à la surveillance de bâtiments officiels, il y a au moins deux à trois plus de policiers par habitant à Paris qu'en Seine-Saint-Denis.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Je veux vous dire, monsieur le ministre de l'intérieur – bien que vous ne soyez pas responsable de cette situation, puisque vous venez de prendre vos fonctions – que ce n'est pas le seul endroit de France où la répartition des effectifs est inadaptée et n'offre pas l'équité nécessaire pour garantir une véritable égalité à nos concitoyens.
J'imagine que vous avez entendu que, dans ce premier district de la Seine-Saint-Denis, les citoyens ne peuvent plus porter plainte le week-end dans leur commissariat, faute d'officier de police judiciaire, et doivent se rendre à un commissariat situé à plusieurs kilomètres de chez eux. En réalité, ils n'ont plus accès à la même sécurité. Pire, les brigades anticriminalité de ce district n'opèrent plus par commissariat mais ont été regroupées, les effectifs étant en chute libre. De surcroît, il y a quelques semaines, la préfecture de police expliquait qu'on allait supprimer des commissariats et les regrouper.
Dans l'endroit le plus criminogène de notre pays, on a le droit à la sécurité et à la présence policière, comme partout ailleurs en France. C'est ce que j'attends du nouveau ministre de l'intérieur comme, sans doute, beaucoup de parlementaires, et assurément les citoyens de notre département. Pourriez-vous nous apporter la garantie, monsieur le ministre, qu'à Paris comme en tout point du territoire, les citoyens bénéficieront du même niveau de sécurité et d'une présence équivalente de policiers ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le président Lagarde, comme c'est l'usage, je réponds à la question posée par un président de groupe.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.
Sourires.
Comme vous le savez, le 25 septembre dernier, j'ai eu l'occasion de recevoir à Matignon l'ensemble des députés et des sénateurs de Seine-Saint-Denis, toutes tendances politiques confondues, pour étudier avec eux le rapport rédigé par M. Cornut-Gentille et M. Peu et faire le point sur la situation, leurs attentes et les sujets d'inquiétude qu'ils souhaitaient évoquer. Je dois dire, monsieur le président Lagarde, que j'ai apprécié cet échange, au cours duquel a été réaffirmée notre très lourde responsabilité collective pour apporter des réponses crédibles et efficaces à la concentration de difficultés dans le département dont vous êtes élu. J'ai relevé – je le dis d'emblée, sans aucune naïveté – que tous les parlementaires, quels que soient les groupes et assemblées auxquels ils appartiennent, après avoir reconnu que la Seine-Saint-Denis concentre des difficultés, en matière d'éducation, de pauvreté, d'accès aux soins et de sécurité, ont tous considéré que ce département offrait un potentiel, une chance considérable pour notre pays,
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Peu applaudit également
et je partage cette conviction.
Vous évoquez la question plus spécifique de la sécurité. Nous savons tous que cette question s'incarne, en Seine-Saint-Denis, dans des conditions très particulières. Vous relevez le fait, curieux et insatisfaisant, que la densité des forces de l'ordre est inférieure, dans un département qui connaît beaucoup de difficultés, à celle qui prévaut dans d'autres départements, notamment Paris. C'est malheureusement une donnée ancienne – vous avez d'ailleurs eu l'honnêteté de le souligner – sur laquelle nous devons travailler.
Je voudrais aller dans votre sens en rappelant que le développement des effectifs de la police nationale trouvera en Seine-Saint-Denis un champ naturel d'expansion. D'ores et déjà, depuis le mois de septembre, des effectifs supplémentaires ont été affectés à un certain nombre de commissariats de ce département. Bien entendu, au fur et à mesure des recrutements, nous continuerons, non pas à rattraper complètement un retard ancien, mais, en tout cas, à compenser cette sous-densité.
Par ailleurs, car cette question ne peut pas entièrement sécuritaire, la Seine-Saint-Denis bénéficie à plein, ce qui est très juste, des mesures prises pour le dédoublement des classes en CP et en CE1. C'est une excellente mesure dont nous savons que, si elle ne produit pas un résultat immédiat, elle permet la construction de l'avenir. Vous n'ignorez pas non plus que le département de la Seine-Saint-Denis bénéficie, dans sa totalité – ce qui est un cas unique – , de l'expérimentation sur les emplois francs. J'espère que les résultats en termes d'accès à l'emploi seront au rendez-vous. Nous devons faire connaître ce dispositif, qui est extrêmement avantageux et parfaitement adapté à la réalité et aux difficultés d'accès à l'emploi dans ce département.
Enfin, j'ai pris, à la fin de ce déjeuner, un engagement auprès de l'ensemble des parlementaires de Seine-Saint-Denis : travailler avec les parlementaires et, bien entendu, les collectivités territoriales, pour aborder concrètement et de façon crédible ces questions. Avec la ministre de la cohésion des territoires et l'ensemble des ministres concernés – l'intérieur, la santé, l'éducation – , nous aurons l'occasion de vous faire des propositions sur une méthode nous permettant d'avancer et de mesurer dans le temps nos résultats en Seine-Saint-Denis.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir. – M. Peu applaudit également.
La parole est à Mme Jacqueline Dubois, pour le groupe La République en marche.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Monsieur le ministre, vous avez dévoilé les résultats des évaluations nationales pour les classes de CP et CE1.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Ces évaluations, lancées le 17 septembre dernier auprès de 1,6 million d'élèves, portaient sur les connaissances en français et en mathématiques.
Mêmes mouvements.
Elles ont eu le mérite de donner des indicateurs actualisés sur le niveau scolaire de nos élèves.
Ainsi, en début de CP, près de 23 % des élèves ont des difficultés à reconnaître les lettres et le son qu'elles produisent.
En classe de CE1, un élève sur deux connaît des difficultés en calcul mental et 30 % d'entre eux lisent moins de trente mots par minute, alors que l'objectif national est de cinquante mots. Ces constats, partiellement controversés, résonnent comme un nouveau signal d'alarme. L'an dernier, une étude du programme international de recherche en lecture scolaire alertait sur une baisse des compétences en lecture et en compréhension des écoliers français.
C'est pourquoi il convient de définir aujourd'hui les directions à suivre pour faire évoluer les méthodes d'enseignement et les conditions d'apprentissage. Rectifier le tir est d'autant plus urgent qu'il existe une corrélation importante entre les différences de niveau et les disparités sociales des enfants. À ce jour, notre système scolaire semble hélas incapable de résorber ces inégalités, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes sur l'évaluation de l'éducation prioritaire, publié ce matin.
Monsieur le ministre, vous avez présenté en début de semaine les grandes lignes du projet de loi École pour la confiance, qui sera prochainement débattu au Parlement. Quelles seront les mesures retenues pour mettre un terme à cette tendance et redonner à nos élèves toutes leurs chances ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Madame Jacqueline Dubois, votre question porte sur l'évaluation et, à travers elle, sur l'évolution de notre système scolaire. Vous le savez, la priorité des priorités est l'école primaire. Notre objectif est que chaque enfant de notre pays, lorsqu'il quitte l'enseignement primaire, sache réellement, solidement, lire, écrire, compter et respecter autrui. Pour cela, il n'y a pas une recette, mais une série de mesures. Nous en avons pris un certain nombre, et d'autres figureront dans le projet de loi que vous avez évoqué.
La première mesure prise est, évidemment, le dédoublement des classes de CP et de CE1, qui touche aujourd'hui 190 000 élèves parmi les plus défavorisés de France, et concernera l'année prochaine 300 000 d'entre eux. C'est une mesure massive pour lutter contre les inégalités, en les traitant à la racine.
Le deuxième élément d'évolution concerne les évaluations. Les résultats que vous venez de mentionner sont évidemment extrêmement intéressants. Ils ne doivent pas nous alarmer mais nous permettre d'agir. Ils sont très cohérents avec ce que nous révèlent habituellement les enquêtes internationales. Toutefois, ces dernières concernent des élèves de quinze ans et arrivent a posteriori. Cette fois-ci, nous avons, en début de CP et de CE1, des éléments très précis sur chacune des compétences qui sous-tendent la lecture, l'écriture et le calcul. C'est absolument fondamental, car cela signifie que chaque professeur des écoles, en France, aujourd'hui, a le portrait de son élève et peut agir tout au long de l'année pour l'aider à progresser. C'est aussi, autre vertu attendue, un outil de communication entre le professeur et la famille. Enfin, cela va rendre possible l'aide personnalisée pour chacun des élèves.
Cela sera complété par les mesures figurant dans le projet de loi que vous avez mentionné, notamment l'instruction obligatoire à trois ans ; le texte mettra ainsi l'accent sur l'école maternelle, si importante, qui prépare tous les élèves à la suite de leur scolarité.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à M. Jean-Bernard Sempastous, pour le groupe La République en marche.
Madame la ministre Jacqueline Gourault, vendredi dernier, le Conseil national de la montagne, présidé par le Premier Ministre, était installé dans le Puy-de-Dôme. Lieu de concertation privilégié entre le Gouvernement et les représentants de la montagne sur les politiques à mettre en oeuvre, le CNM est consulté sur les projets de textes spécifiques à la montagne.
Vous connaissez, madame la ministre, l'engagement des élus de la montagne, qui sont toujours mobilisés pour que les spécificités de nos territoires soient prises en compte dans l'ensemble des politiques publiques. Car, en couvrant 30 % du territoire national et en réunissant près de 8,5 millions d'habitants, les espaces de montagne sont bien souvent le révélateur des difficultés subies par l'ensemble de nos territoires : déserts médicaux, fracture numérique, problèmes de mobilité, fermeture des services publics et détresse des agriculteurs face à la prolifération des actes de prédation.
Ces difficultés donnent parfois aux habitants et aux acteurs de la montagne le sentiment de ne pas être suffisamment entendus.
Nous devons aujourd'hui répondre à de nombreux défis structurels, comme celui du vieillissement des populations de montagne, qui menace l'équilibre de nos territoires, et celui du réchauffement climatique. Nous devons accompagner nos stations pour qu'elles se réinventent. En comptant sur l'appui du conseil interministériel du tourisme, il faudrait réunir régulièrement les acteurs du tourisme en montagne.
Lieu de production agricole au coeur de la biodiversité, riche de tradition fortes comme le pastoralisme, socle de l'économie blanche et lieu d'attractivité touristique, la montagne ne doit pas être vue simplement comme un territoire où l'on skie et randonne quelques jours par an, car elle est un véritable lieu de vie, avec ses richesses et ses difficultés.
Alors, madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur les ambitions du Gouvernement pour renforcer la cohésion dans et avec nos territoires de montagne ?
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
Monsieur le député, permettez-moi de féliciter votre rapporteur général, Joël Giraud, pour son élection à la présidence de la commission permanente de ce Conseil national de la montagne,
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et LR
organe reconnu par tous les élus de la montagne, quelles que soient les tendances politiques, qui cherchent à y bâtir des consensus importants sur les questions qui les concernent.
Demain, je serai au congrès de l'Association nationale des élus de montagne – l'ANEM – , où j'aurai l'occasion de revenir en détail sur les enjeux dont vous avez dressé la liste. Je souhaite mettre trois priorités en avant.
La première est, bien évidemment, le désenclavement et le sentiment d'assignation à résidence. Ce thème recouvre, dans la continuité de ce que Julien Denormandie a enclenché ces derniers mois, tous les sujets liés aux accès, notamment à la téléphonie mobile et au numérique. Le plan « Ma santé 2022 », lancé par Agnès Buzyn, est également concerné, nous y reviendrons dans les jours qui viennent.
La deuxième priorité a trait au défi climatique, donc à la prévention des risques et à l'alimentation en eau, que ce soit sur le petit comme sur le grand cycle : là aussi, des moyens importants ont été mis sur la table ces derniers jours, avec une augmentation de 50 % des crédits des agences de l'eau pour les territoires ruraux, en particulier montagnards. Le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, François de Rugy, a décidé de négocier deux contrats de transition écologique spécifiques aux territoires de montagne.
La troisième priorité est la mise à l'échelle, territoire par territoire, en repartant de la montagne et non de Paris. Elle recouvre les questions de l'expérimentation, de la simplification et de l'adaptation, sur lesquelles nous travaillons avec Jacqueline Gourault. Dans les jours qui viennent, nous sortirons le fameux décret sur les pneus neige, les préfets nous faisant remonter des propositions sur le sujet. D'ores et déjà, le droit d'alerte permet de travailler sur le développement des énergies renouvelables dans les refuges de montagne, qui était une ancienne demande sur laquelle, là encore, nous avançons concrètement. Merci monsieur le député.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, « Le diesel plus cher à la pompe que l'essence : du jamais vu ! » :...
... voilà ce que la presse de notre pays titre depuis deux jours. Du jamais vu, en effet, mais, cette augmentation, les Français, eux, l'ont bien vue venir. Ils l'ont vue venir à travers vos discours de culpabilisation permanente de ceux qui n'ont pas d'autre choix que de prendre leur voiture pour aller au travail, surtout en milieu rural.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Ils l'ont vue venir avec vos mesures fiscales punitives : 3,7 milliards d'euros d'augmentation des taxes sur les carburants des particuliers en 2018 et 2 milliards supplémentaires prévus dans votre budget pour 2019, soit, d'ici à 2022, près de 15 milliards de hausse des taxes sur les carburants !
Ainsi, au-delà de la flambée du baril de pétrole, la hausse des taxes sur les carburants, qui est de votre seule responsabilité, représentera, pour un couple avec deux enfants, une perte de pouvoir d'achat de 600 euros par an sur le diesel et de 300 euros par an sur l'essence. Au regard de ce prix à la pompe exorbitant, votre prime à la conversion est une goutte d'essence.
Monsieur le Premier ministre, les Français attendent de vous que vous harmonisiez vos choix budgétaires avec vos publicités en faveur du pouvoir d'achat ; si je puis me permettre, ils aimeraient vous croire ! Hier, hélas, vous avez rejeté notre proposition d'instaurer le ticket carburant pour nos compatriotes les plus modestes.
Alors, ce soir, soutiendrez-vous l'amendement de gel des taxes sur les carburants en 2019, présenté par Les Républicains ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le député, vous êtes élu d'un département rural et je le suis également. J'ai conscience, comme vous, des difficultés qu'induit, pour tous ceux qui travaillent, le fait de payer plus cher l'essence ou le diesel à la pompe. Mais, monsieur le député, je connais votre honnêteté intellectuelle et vais vous dire ceci : soit la maison brûle, soit elle ne brûle pas, mais si elle brûle, il est temps de s'en occuper et d'apporter des réponses.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Tous les partis politiques ici ont proposé, monsieur Delatte, une trajectoire carbone visant à réduire l'utilisation des énergies fossiles.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Tous les partis politiques ici sont soucieux de lutter contre le réchauffement climatique, et c'est l'honneur et la fierté de cette majorité de le faire,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
parce que, oui, il est temps de prendre à bras le corps le problème climatique et de faire en sorte que notre croissance soit durable.
Vous auriez pu rajouter, monsieur Delatte, que nous avons fait en sorte que la feuille de paie soit, en fin de mois, plus élevée pour tous ceux qui travaillent, parce que nous voulons que le travail paie.
Nous avons prévu d'accompagner tous ceux qui, aujourd'hui, voudraient participer à cette lutte contre le réchauffement climatique. Nous avons augmenté le crédit d'impôt à la transition énergétique,...
.. nous avons fait passer le chèque énergie de 150 euros à 250 euros, en moyenne, en 2019, pour accompagner les ménages les plus modestes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La prime à la conversion, que vous devriez soutenir, est un immense succès, puisque 250 000 ménages en ont profité cette année. Je souhaite qu'elle soit encore plus efficace et, comme le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, qu'elle soit renforcée pour tous les véhicules hybrides rechargeables, afin que nous gagnions, ensemble, ce combat contre le réchauffement climatique et pour la transition énergétique. Rejoignez-nous dans ce combat, nous avons besoin de tout le monde !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Hugues Renson.
Ce sont plutôt des amendements d'appel afin de souligner tout d'abord la générosité des Français. Aujourd'hui, les dons des particuliers s'élèvent dans notre pays à 2,6 milliards, les donateurs bénéficiant d'un avantage fiscal leur permettant de déduire de leur impôt sur le revenu 66 % des sommes versées aux associations.
Avec les modifications fiscales en cours, notamment, depuis l'année dernière – la fin de l'impôt sur la fortune et son remplacement par l'impôt sur la fortune immobilière, l'IFI – les associations ont hélas constaté une baisse significative des dons effectués par ces généreux Français. Le manque à gagner est patent pour les associations et les bénéficiaires.
Je propose donc que, pour cette année au moins, le crédit d'impôt soit plus fort, non pour ces généreux donateurs mais pour tous les petits donateurs que nous sommes, de manière à ce qu'un plus grand nombre de personnes bénéficie de cet avantage.
Je tiens à répéter qu'il s'agit là de deux amendements d'appel visant principalement à soulever la question du don pour les gros donateurs et à avoir le sentiment de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur cette dernière, ainsi que sur l'application de l'IFI.
La parole est à M. Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.
Dès lors qu'il s'agit d'amendements d'appel, je vous propose de les retirer, Madame Motin, et d'entendre la réponse du ministre qui vous intéresse.
La parole est à M. le ministre de l'action et des comptes publics, pour donner l'avis du Gouvernement.
J'entends votre argument, madame la députée. Je travaille en ce moment même avec les associations, notamment caritatives, qui si j'ose dire bénéficient de la générosité des Français.
J'ai bien compris qu'il s'agissait là d'amendements visant à recueillir les explications du Gouvernement et à faire état, peut-être, de possibles évolutions l'année prochaine.
Ce sera pour l'année prochaine, monsieur le député, puisque nous payons maintenant l'impôt sur les revenus de l'année dernière.
Nous pouvons donc améliorer un certain nombre de choses l'année prochaine mais où je ne suis pas d'accord avec vous – comme c'était déjà d'ailleurs le cas l'année dernière – c'est que nous n'allons pas garder des déductions ou des niches fiscales sur un impôt qui est supprimé. Je vous renvoie par exemple à notre discussion de l'an passé sur l'ISF-PME, où d'aucuns voulaient conserver un avantage fiscal lié à cet impôt… supprimé. Avouons que c'est là bien français que de vouloir garder les trous d'un gruyère qui a disparu ! C'est une fiscalité imaginative, comme nous l'évoquons parfois…
Nous avons cependant créé l'IFI-Dons. Vous aurez d'ailleurs constaté, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, que l'IFI rapporte plus que ce qui était prévu puisque, pour faire vite, nous avions envisagé entre 800 et 900 millions de recettes et que nous nous situerions plutôt, si j'ai bien compris, à 1,5 milliard – peut-être un peu moins, monsieur le directeur de cabinet, que je regarde en ce moment même ? Peut-être 1,4 milliard ?
S'agissant du sujet qui vous intéresse, nous vous dirons ce qu'il en est, madame la députée, dès que nous disposerons des chiffres globaux.
Nous devrons continuer à simplifier les dispositifs, notamment pour les associations. L'impôt sur le revenu peut toujours faire l'objet d'une déduction fiscale pour les petits, voire – quand il est conséquent – les grands dons ; l'IFI également, et son rattachement à la déclaration de l'impôt sur le revenu représente une simplification. Nous pouvons améliorer les choses l'année prochaine et nous suivrons votre demande, madame la députée. L'impôt à la source, dont vous êtes une grande porte-parole – ce dont je vous remercie – encourage également à donner, puisqu'il est bien plus intéressant d'avoir un crédit d'impôt dès le mois de janvier. L'année prochaine, la volonté du Gouvernement de rendre les choses plus claires et plus simples, mais également le passage au prélèvement à la source devraient améliorer l'ensemble des dispositifs.
Je voudrais néanmoins souligner – j'en ai souvent discuté avec des associations caritatives – qu'on ne donne pas uniquement parce que cela donne lieu à une déduction fiscale.
La générosité ne tient pas seulement à cette possibilité – sinon il ne s'agit pas d'une générosité totalement désintéressée. Certes, cela peut aider, mais le fait de supprimer un impôt le peut également. En effet, quand on fait un don à une association caritative, on a droit à 66 % de déduction sur l'impôt sur le revenu : un don de 100 euros en coûte quand même 34 au donateur. En supprimant l'ISF, on a certes supprimé la déduction dont cet impôt pouvait faire l'objet – elle est désormais applicable à l'IFI, mais tout le monde ne paie pas ce nouvel impôt, en tout cas pas dans les mêmes proportions – , mais on a aussi donné aux Français, notamment les plus aisés d'entre eux, la possibilité, s'ils le souhaitent, d'être plus généreux. Je ne voudrais donc pas qu'on dise qu'on ne donne qu'à cause de la déduction fiscale et ce n'est d'ailleurs pas le but de la fiscalité que d'encourager à 100 % la générosité. Les Français sont parfois généreux sans pouvoir bénéficier d'une déduction fiscale ; je connais même des gens qui n'encaissent pas…
Qui ne déclarent pas les dons pour des raisons morales ou parce qu'ils ont peur que l'on s'intéresse aux organismes auxquels ils donnent, alors que les dons sont, répétons-le, anonymisés. Je vous propose donc, madame Motin, de retirer vos amendements.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je suis ravie qu'on travaille sur l'IFI dons et plus globalement à une simplification des dons aux associations.
L'amendement no 1649 n'est pas adopté.
L'amendement no 1650 n'est pas adopté.
Sur l'amendement no 498 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir cet amendement.
C'est aujourd'hui la journée du refus de la misère. À l'occasion de la séance de questions au Gouvernement, chacun a dit sa volonté d'agir ; il s'agit maintenant de savoir si nous allons la traduire dans les textes. Il existe un dispositif – l'amendement Coluche – qui permet d'avantager un peu plus les dons destinés à l'alimentation des plus pauvres, des plus misérables, en un mot pour lutter contre la faim. Cet amendement bénéficie à de multiples associations telles que les banques alimentaires, et en particulier aux Restos du coeur. Cet amendement est limité, et c'est légitime : actuellement, ce n'est que jusqu'à 531 euros qu'on peut bénéficier d'un abattement de 75 %, au lieu de 66 % comme pour les autres dons. Mon amendement a pour objectif de faire passer cet avantage de 531 à 1 000 euros.
C'est raisonnable et c'est un vrai signe. Mes chers collègues, si nous arrivions aujourd'hui, en ce jour de refus de la misère, à traduire les propos unanimes que nous tenions tout à l'heure en mesure concrète, ce serait un progrès. Cet amendement devrait être adopté à l'unanimité ; c'est ce que je vous propose de faire. J'imagine que personne n'osera s'opposer à un tel projet.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Eh bien si, monsieur Le Fur, je crains de devoir donner un avis défavorable. Votre amendement, qui double le plafond des dons à ces organismes non lucratifs, n'est pas chiffré, mais son coût serait d'autant plus élevé que ces dons ne sont pas pris en compte dans le plafond général de 20 % du revenu imposable et que le taux applicable est de 75 et non 66 %, comme dans le cas général.
Je voudrais revenir sur ces questions de mécénat. Si l'on prend l'exemple des instituts Pasteur, Curie et Gustave-Roussy, on observe, en cette fin d'année, une diminution de près de 20 % du mécénat des ménages lié à l'impôt sur le revenu et à l'ISF devenu IFI. Cela pose beaucoup de problèmes.
Les raisons avancées par ces trois organismes de recherche sont les suivantes : d'une part, les petits donateurs âgés, très nombreux, mettent en avant l'augmentation de la CSG qui leur a posé problème ; d'autre part, il y a l'incertitude liée au prélèvement à la source ; enfin, les contribuables qui paient l'IFI sont trois fois moins nombreux que ceux qui payaient l'ISF. Vous avez raison, monsieur le ministre, de souhaiter examiner la situation et en dresser le bilan. En revanche, la solution ne me paraît pas résider dans l'augmentation des taux. En effet, c'est le contribuable – la collectivité publique – qui paie pour un taux de 66 %, a fortiori de 75 %. Il faudrait regarder dans une autre direction : pour l'IFI, on pourrait augmenter le plafond, mais il me semble impossible d'envisager dans l'avenir une augmentation des taux, très élevés. Il faut trouver d'autres pistes pour faire face à ce désengagement problématique des particuliers vis-à-vis du mécénat.
Je voudrais remercier M. Carrez pour son intervention raisonnable. En effet, l'État est déjà extrêmement généreux et c'est le contribuable qui paie à la fin. Si l'on suit la démonstration de M. Le Fur, on finira par donner de l'argent aux gens pour qu'ils en donnent !
Vous avez raison, cela existe déjà en partie.
En revanche, monsieur Carrez, vous avez peut-être tort sur deux points. Premièrement, au mois d'août ou de septembre, quand les associations – dont celles que vous évoquez – se sont émues de la situation, l'annonce du versement, dès janvier, de l'acompte de 60 % du crédit d'impôt pour tous les dons, grands comme petits, n'avait pas encore été faite. Cette perspective est rassurante et je ferai moi-même plusieurs déplacements et déclarations pour insister sur le fait que 5 millions de donateurs, petits et grands, bénéficieront d'une avance dès le mois de janvier. Cela devrait rasséréner les associations.
Deuxièmement, c'est maintenant que l'on cessera de payer l'ISF. On a tendance à dire que cet impôt a été supprimé l'année dernière, mais il l'est en réalité dans l'impôt de cette année. C'est donc maintenant que les contribuables vont constater qu'ils ont plus d'argent que lorsqu'ils payaient l'ISF ; on pourrait alors les encourager à donner davantage. Vous le savez, les dons sont surtout concentrés en fin d'année, quand chacun fait son propre bilan comptable ; c'est donc plutôt en janvier ou en février prochain qu'il faudra dresser le bilan des nouvelles mesures.
Que vous le vouliez ou non, nous sommes un jour singulier. Nous avons tenu des propos ; allons-nous ou non les traduire en mesures concrètes ? Monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, vous dites que ma proposition coûte 38 millions d'euros ; je ne suis pas en mesure de vous répondre quand vous nous balancez ces chiffres… ,
… mais si vous estimez que le coût est trop lourd, alors au lieu de porter le plafond à 1 000 euros, contentons-nous de 700 ou 800 euros.
Écoutez M. Carrez !
Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous précisiez le chiffrage de manière argumentée. Mes chers collègues, je le dis avec solennité : jeudi dernier, vous avez fait une petite sottise à l'égard du monde du handicap ; ne faites pas la même à l'égard d'institutions qui se battent pour lutter contre la misère alimentaire de nos compatriotes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Ne faites pas la même sottise ! Mes chers collègues, c'est un vote public, les votes seront enregistrés, les noms, identifiés.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Nous avons entendu des orateurs favorables à l'amendement ; notre règlement prévoit que je donne la parole à quelqu'un qui y serait opposé.
La parole est à Mme Amélie de Montchalin.
Dans cet hémicycle, nous avons le devoir de ne pas nous payer de mots, de ne pas faire de menaces ni de donner l'impression que la politique ne serait qu'un vaste théâtre.
Le principe, c'est que nous faisons de la politique et cherchons des résultats.
M. le ministre explique que cette mesure est certes symboliquement intéressante – je pense que tout le monde, sur ces bancs, peut vous l'accorder – , mais le chiffrage montre qu'elle est coûteuse. Il y a peut-être d'autres mécanismes à envisager. Nous allons mener un grand débat sur la réforme du mécénat, les fondations d'utilité publique et les grandes causes collectives et associatives. Personne ici n'a envie de prendre en otage qui que ce soit, surtout pas les plus modestes et les plus fragiles, ni de faire de la politique politicienne…
… alors que le débat budgétaire montre que la mesure proposée est trop coûteuse.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Nous ne sommes pas contre les Restos du coeur, nous les soutenons. Dans tous nos territoires, nous sommes engagés à leurs côtés.
Du concret qui coûte 38 millions au budget de l'État. Le ministre et le rapporteur général nous indiquent que cette politique n'est aujourd'hui pas financée…
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur Di Filippo, nous avons l'habitude de vous entendre. Vous interrompez fréquemment les orateurs, mais vous pouvez quand même le faire en restant respectueux !
Je mets aux voix l'amendement no 498 .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 89
Nombre de suffrages exprimés 86
Majorité absolue 44
Pour l'adoption 30
Contre 56
L'amendement no 498 n'est pas adopté.
Un petit mot de méthode, du point de vue du Gouvernement. Nous avons encore devant nous de longues journées et de longues nuits de débats ; quelque 1 900 amendements doivent encore être examinés, ce qui représente beaucoup de travail. J'ai tout mon temps et suis à la disposition du Parlement tant qu'il voudra siéger, y compris samedi, dimanche ou tard dans la nuit. J'espère que ceux qui retardent le débat par des interventions intempestives seront également là vendredi, samedi matin ou dimanche soir.
Ceux qui s'intéressent au budget toute l'année devraient également s'y intéresser dans les heures tardives où nous nous retrouvons dans un cadre sympathique, mais fatigués. Le rapporteur général comme le président de la commission souhaitent qu'on échange des arguments, quitte à s'arrêter sur des points importants comme on l'a fait hier et aujourd'hui. M. Carrez, dont la voix compte, m'interroge ; il me paraît normal de lui répondre. Quand, hier, M. Le Fur a posé une question sur le prélèvement à la source, je lui ai également répondu même si ce débat avait déjà eu lieu. Quand M. Jacob intervient, je lui réponds avec respect, de même qu'à tous les présidents de groupe. Quand le président de la commission intervient, il est normal que le ministre réagisse. Mais si l'on veut tenir des délais à peu près raisonnables sur le projet de loi des finances, nous avons tous intérêt – y compris le Gouvernement, donc j'essaie de ne pas être trop bavard – à éviter les provocations et à ne pas passer des heures sur chaque amendement.
Monsieur Cordier, nous devrions avancer, d'autant qu'il y a des sujets qui, comme l'outre-mer, exigeront de prendre un peu plus de temps.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Je pensais intervenir un peu plus tard sur cette question, mais puisque le ministre l'a évoquée, je tiens également à dire qu'à ce rythme, nous ne pourrons pas examiner la première partie du projet de loi de finances dans le temps qui nous est imparti. Il nous reste en effet 1 900 amendements à examiner, et nous travaillons assez lentement. C'est souvent le cas au début de l'examen d'un texte, et nous savons tous qu'un débat avance par à-coups, mais il me semblait utile de vous prévenir.
Au jour d'aujourd'hui, je ne vois pas comment nous pouvons nous en sortir sans siéger ce week-end. Il faut donc que chacun s'y prépare et s'organise pour être présent. Il semble par ailleurs indispensable, monsieur le président, que nous ayons d'ici ce soir une petite réunion informelle avec la présidence, les présidents de groupes et le rapporteur général, pour voir sur quelles parties du texte nous pouvons accélérer et sur quels articles nous devrons, au contraire, avoir un long débat.
Cet amendement concerne les dons versés aux candidats à une élection.
En France, les campagnes électorales sont financées en grande partie par les dons des contribuables, qui font l'objet de déductions fiscales. L'amendement vise à rendre dégressive la déduction fiscale sur les dons qui sont versés aux candidats, car il apparaît que ces dons constituent une pratique de défiscalisation pour les contribuables les plus aisés. Il semble normal, pour une meilleure représentativité des foyers les plus modestes – qui ne peuvent se permettre de donner autour de 5 000 euros à un candidat – , que la déduction fiscale soit dégressive.
J'émettrai un avis défavorable sur cet amendement mais, comme je l'ai indiqué en commission, je souhaite qu'un travail transpartisan soit mené sur la question des dons en période de campagnes électorales. En effet, je suis convaincu que certaines entreprises contournent l'interdiction qui leur est faite de faire un don en effectuant des dons de « particuliers » au montant maximal autorisé. Il serait bon qu'un travail soit mené par l'ensemble de la représentation nationale sur cette question importante, qui relève de la morale politique.
L'amendement no 1595 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Aurélien Taché, pour soutenir l'amendement no 2356 .
Avec cet amendement, je propose la création d'un crédit d'impôt pour les Français qui hébergent des réfugiés, à hauteur de 1 500 euros maximum, à raison de 5 euros par nuitée. J'avais déjà présenté cet amendement en commission, mais je l'avais retiré pour le retravailler, sur deux points. Premièrement, j'ai exclu du dispositif les demandeurs d'asile qui n'ont pas encore obtenu la protection de la France, parce qu'il faut favoriser l'intégration de ceux à qui la France a accordé sa protection, et je limite même le dispositif à ceux qui ont obtenu cette protection depuis moins d'un an. Deuxièmement, afin de ne pas favoriser d'éventuels marchands de sommeil, le dispositif prévoit un contrôle : ce crédit d'impôt ne s'appliquera que si les réfugiés concernés sont suivis par une association agréée par le préfet.
L'intégration est une priorité de cette majorité, comme en témoigne le projet de loi de finances. Au cours des dernières années, aucun budget n'avait à ce point augmenté le nombre d'heures de français proposées aux étrangers accueillis en France, ni le nombre d'heures de formation civique, qui vont doubler ; aucun budget n'avait à ce point favorisé l'insertion professionnelle des réfugiés protégés par la France. Mais, pour indispensables que soient ces outils, je crois que nous ne réussirons pas l'intégration si les Français et les réfugiés ne se connaissent pas. Gérard Collomb, lorsqu'il a quitté le ministère de l'intérieur, s'est inquiété du fait que, dans certains quartiers, les Français vivent côte à côte et risquent demain de vivre face à face. Avec cet amendement, je propose que l'on se donne les moyens, dès le départ, de vivre ensemble.
L'objectif de ce crédit d'impôt, c'est de favoriser les rencontres entre des gens qui ont dû quitter leur pays dans les pires conditions et le pays qui les accueille ; c'est de mettre fin à la situation actuelle, qui fait que les seules rencontres que font les réfugiés pendant deux ans se limitent à leurs visites à la préfecture ou dans une association. Il est important que les réfugiés puissent rencontrer les gens avec qui ils vont vivre et avec qui ils devront construire le pays.
Cet amendement permettra aussi d'avancer sur la question de l'accès au logement des réfugiés puisque, aujourd'hui, 13 000 personnes protégées vivent encore dans des centres. Le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration – OFII – , qui s'occupe de cette question, a dit hier, en audition, que cette mesure serait un vrai moyen d'aider les réfugiés à sortir de ces centres.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Vous avez effectivement retravaillé l'amendement, mais les difficultés que je pointais demeurent. La certification des nuitées par une association pose toujours les mêmes problèmes, de complexité, et surtout de contrôle. Je reste donc défavorable à cet amendement, même si je comprends la préoccupation humanitaire qui vous anime.
Je vous ferai enfin remarquer que nombre des personnes qui hébergent des migrants sont dans une logique différente et ne souhaitent aucune contrepartie financière. J'en connais beaucoup, pour habiter dans une région où cette pratique est extrêmement courante.
Nous avons voté hier des amendements assez similaires de M. Christophe Blanchet destinés à encourager par des mesures fiscales l'accueil de personnes sans domicile fixe. Mon collègue François Pupponi a alors soulevé le problème de la mixité sociale et proposé d'exclure les quartiers prioritaires de la ville – QPV – de ces incitations. Il me semble que c'est une précaution à prendre pour éviter le communautarisme et les trop fortes concentrations de populations fragiles.
Par ailleurs, j'ai l'impression que cet amendement remplace la solidarité nationale par la solidarité individuelle, ce qui me choque un peu.
M. le rapporteur général a indiqué que nombre des personnes qui accueillent des réfugiés ne souhaitent pas forcément bénéficier de ce crédit d'impôt, mais rien ne les y oblige. Cet amendement propose de faire un geste pour favoriser l'accueil et l'intégration, mais il n'implique aucune obligation.
L'amendement no 2356 est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir l'amendement no 1227 .
L'an dernier, à la même époque, il était décidé de rabougrir le crédit d'impôt pour la transition énergétique – CITE – , au motif qu'il allait être remplacé par un dispositif d'aides directes plus ambitieux, au 1er janvier 2019. Certaines dépenses avaient ainsi été exclues du CITE, notamment les dépenses d'acquisition de chaudière à très haute performance énergétique, ainsi que les dépenses d'acquisition de matériaux d'isolation thermique et de parois vitrées en remplacement de parois à simple vitrage.
Or qu'avons-nous appris, quelques jours à peine après le départ de Nicolas Hulot ? Le report d'un an de la mise en place de ce dispositif d'aides directes ! C'est incompréhensible, de la part d'un gouvernement qui prétend être à la tête du combat environnemental. La mesure serait-elle trop complexe à mettre en oeuvre ? Si nous voulons atteindre nos objectifs en matière environnementale, il importe d'être ambitieux. Le recul, dans ce domaine, paraît difficilement audible, d'autant plus qu'il y a des gisements d'emplois à la clé.
Au recul gouvernemental, préférons l'avancée environnementale ! Notre amendement propose de rendre ces dépenses de nouveau éligibles au CITE jusqu'au remplacement effectif de ce dispositif par un programme d'aides directes. Si cet amendement n'est pas adopté, nous souhaiterions au moins bénéficier de l'éclairage de l'exécutif quant à ce report, qui fait tache.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. D'abord, en plaçant cet amendement en première partie du projet de loi de finances, on crée un effet d'aubaine pour ce qui a eu lieu au cours de l'année 2018, ce qui est ennuyeux. Par ailleurs, nous avons recentré le dispositif, et ce dispositif recentré va faire l'objet, dans la seconde partie, d'une prorogation. Je souhaite donc que nous en restions à ce dispositif, à périmètre constant. Avis défavorable.
Cette question illustre l'incohérence des outils de notre politique environnementale et écologique. Vous avez raison, monsieur le rapporteur, de souligner que cet amendement risque de créer un effet d'aubaine.
Il y aurait une autre manière de procéder, à travers les certificats d'économie d'énergie : nous pourrions instaurer une sorte de « prime à la casse » pour les chaudières, ce qui inciterait nos concitoyens à en changer. Une telle mesure aurait un vrai impact sur les émissions de gaz à effet de serre, puisque les chauffagistes estiment que 50 % des objectifs, dans le domaine du chauffage, pourraient être obtenus grâce à un tel dispositif. La difficulté, c'est que le Parlement n'a pas le droit de discuter des orientations de la politique des certificats d'économie d'énergie, laquelle ne relève pas du budget ; seul le ministre peut le faire. Je vous invite donc à creuser cette piste.
S'agissant du CITE, le resserrement du dispositif qui est intervenu l'année dernière a eu un impact sur certaines PME opérant dans ce secteur et il s'est traduit, pour elles, par un vrai manque à gagner. La transition énergétique doit avoir lieu, mais elle doit prendre en compte l'homme, et surtout les contraintes économiques qui pèsent sur certaines activités.
J'interviens à contretemps, mais je veux pointer l'incohérence de cette majorité. Vous avez refusé d'augmenter l'avantage fiscal attaché aux dons et donc d'accroître les moyens des associations qui nous aident à nourrir nos compatriotes les plus en difficulté, alors que celles-ci sont dans une situation dramatique. Mais vous venez par ailleurs de sous-traiter l'accueil des migrants à nos compatriotes, par des incitations fiscales.
Monsieur Di Filippo, votre intervention ne porte pas sur l'amendement en discussion.
L'amendement no 1227 n'est pas adopté.
La parole est à M. Sylvain Maillard, pour soutenir l'amendement no 948 .
Cet amendement fait écho à la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, que nous avons votée au mois d'août. Il vise à instaurer une réduction d'impôt « Formation » pour les titulaires d'un compte personnel de formation qui font le choix de l'abonder pour suivre une formation professionnelle. Des dispositifs de ce type existent dans beaucoup d'autres pays européens, notamment en Allemagne. La formation est un enjeu stratégique, un investissement pour soi-même, mais aussi pour la nation. Toute mesure susceptible de donner de la force à chacun d'entre nous pour se former nous semble donc être un bon investissement.
Le problème, c'est que le compte personnel de formation, que vous souhaitez modifier, n'est pas encore entré en vigueur. Il me semble qu'il faudrait laisser vivre un peu ce dispositif avant d'envisager de le recadrer. Par ailleurs, votre amendement propose la création d'une nouvelle niche fiscale sans aucune évaluation et sans aucun chiffrage. Je vous signale que 5,3 millions de comptes sont ouverts à ce jour. Avec une réduction d'impôt égale à 50 % des sommes versées et un plafond de 12 000 euros par an, l'application d'une telle mesure plongerait très rapidement les finances de ce pays dans une situation difficilement supportable.
Votre proposition est intéressante, monsieur le député, et elle va dans le sens de l'action menée par le Gouvernement. Je vous invite néanmoins, compte tenu de l'argumentaire du rapporteur, à retirer cet amendement, d'autant que nos compatriotes peuvent déjà déduire de leur impôt sur le revenu un certain nombre de dépenses relatives aux frais de formation. Il faudrait peut-être retravailler votre proposition avec le rapporteur général et, pourquoi pas, déposer un nouvel amendement à l'occasion du projet de loi de finances de l'année prochaine.
Merci pour votre réponse. Il s'agissait bel et bien d'un amendement d'appel, mais je crois que l'idée s'imposera dans les prochaines années. Vous avez raison, cependant : le dispositif du compte personnel de formation ne fonctionnera pleinement qu'en 2020. Je retire donc cet amendement que j'aurai plaisir à retravailler avec vous.
L'amendement no 948 est retiré.
Cet amendement tend à appliquer aux avantages fiscaux dont bénéficient les services à la personne et l'emploi à domicile le plafonnement en vigueur avant le 1er janvier 2013, soit 18 000 euros.
Nous sommes bien évidemment prêts à étudier toute proposition de sous-amendement mais nous souhaitons d'ores et déjà appeler votre attention sur l'importance de l'emploi à domicile, qui concerne des millions de Français et est en pleine expansion. Quand je vois l'amendement qui vient d'être adopté, et qui est loin d'être le meilleur de ceux que l'Assemblée a votés, je me dis que nous pourrions faire l'effort de soutenir et d'accompagner ce secteur.
Nous sommes dans la première partie : votre amendement produirait un effet d'aubaine pour 2018, ce qui suffit à justifier son refus. En outre, la modification du plafond pourrait poser un problème d'ordre budgétaire. En 2017, la dépense fiscale dépassait déjà les 2 milliards d'euros. Elle devrait doubler en 2018 pour atteindre les 4,6 milliards et 4,7 milliards en 2019, sous le seul effet des modifications apportées au dispositif. Il ne serait donc pas raisonnable d'adopter cet amendement.
Par ailleurs, les rehaussements de plafond bénéficient toujours aux ménages les plus aisés, ce qui ne me semble pas aller dans la bonne direction. Avis défavorable.
J'aurais retiré mon amendement si vous n'aviez pas voté tout à l'heure en faveur d'une mesure destinée à favoriser l'hébergement des réfugiés, qui aura des effets d'éviction dévastateurs. Elle a, certes, été adoptée contre l'avis du Gouvernement mais la majorité devra en assumer les conséquences.
Je maintiens donc mon amendement, même si je comprends vos arguments, monsieur le rapporteur général. Nous devrons nous montrer vigilants pour préserver le dynamisme de ce secteur.
Par définition, une déduction fiscale s'applique à un citoyen qui paie des impôts. La moitié de ce pays n'étant pas redevable de l'impôt sur le revenu, l'argument du rapporteur selon lequel cette mesure profitera aux plus aisés est quelque peu spécieux : ceux qui paient cet impôt font, de facto, partie des plus aisés ! C'est consubstantiel au concept de déduction fiscale appliquée à l'impôt sur le revenu.
En outre, par définition, nous parlons de citoyens ayant les moyens d'employer des personnes à domicile.
Certes, on peut critiquer l'ampleur des sommes en jeu, mais vous avez un peu trop tendance à nous opposer l'argument du coût lorsque nous proposons une mesure de déduction fiscale. C'est le principe de la déduction fiscale, justement !
L'amendement no 634 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Typhanie Degois, pour soutenir l'amendement no 2385 .
Cet amendement tend à doubler le montant des plafonds de déductions fiscales accordées dans le cadre de l'article 22-0 A du code général des impôts afin de favoriser les investissements réalisés au sein des TPE-PME.
Le droit actuel prévoit que la réduction dite IR-PME soit intégrée au plafond des niches fiscales pour un montant total de 10 000 euros. Toutefois, ce montant est insuffisant au regard du plafond précédemment appliqué dans le cadre du dispositif ISF-PME, qui s'élevait à 45 000 euros.
Un plafond réduit à 10 000 euros pourrait freiner l'investissement dans les TPE-PME alors que ces entreprises sont des acteurs majeurs de notre territoire.
Les entreprises ont besoin d'être soutenues et d'avoir de la visibilité. À ce propos, monsieur le ministre, pourriez-vous nous apporter des précisions s'agissant du dispositif voté l'année dernière dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, et qui a porté de 18 à 25 % le taux d'IR-PME ? La Commission européenne va-t-elle le valider ?
Dans l'attente du décret d'application concernant le taux de l'IR-PME, mesure importante pour les entreprises, je vous propose, avec plusieurs de mes collègues, de porter de 10 000 euros à 20 000 euros le plafond de l'ensemble des déductions fiscales accordées afin de soutenir l'investissement dans les plus petites de nos entreprises.
En matière de soutien aux PME, le plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises – PACTE – contient des avancées non négligeables, qu'il s'agisse du capital-développement, du déblocage de l'assurance-vie, du PEA, du PEA-PME ou de l'épargne-retraite. Ces dispositifs me semblent plus efficaces qu'un renforcement de la niche fiscale Madelin.
En outre, vous commettez une confusion. Ce plafond de 10 000 euros n'est pas rigide : en cas de dépassement, le code général des impôts prévoit la possibilité d'étaler les déductions sur quatre ans. Je ne suis pas certain, par conséquent, que votre amendement présente un intérêt, sauf pour quelqu'un qui réaliserait chaque année des investissements très importants.
Avis défavorable.
Il est un peu tôt pour dresser le bilan de la mesure que vous avez votée l'an dernier. Et, même si cela ne saurait tarder, nous n'avons pas encore de retour de la part de la Commission européenne.
En effet, quand le ministre Madelin a créé l'IR-PME, en 1994, il ne l'a pas présenté à la Commission. Nous avons dû le faire lorsque vous avez décidé d'en baisser le taux, et celle-ci s'est alors étonnée de n'avoir pas été avertie de l'existence d'un dispositif présent dans le droit français depuis plus de vingt ans.
Nous devrions en savoir plus dans les prochaines semaines ; Bruno Le Maire serait sans doute plus à même de vous répondre précisément. Le dispositif sera vraisemblablement appliqué l'année prochaine, mais on ne saurait dresser le bilan d'une mesure qui n'est toujours pas appliquée, en raison de l'erreur commise par le gouvernement de l'époque lors de la création de l'IR-PME – lequel n'en demeure pas moins un excellent dispositif, tout le monde en convient.
Dans l'immédiat, avis défavorable.
L'amendement no 2385 n'est pas adopté.
Cet amendement s'inspire de la logique qui a présidé à l'instauration du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, celle de « l'année blanche », puisque les revenus de l'année 2018 ne seront pas imposés et que l'on paiera en 2019 les impôts sur les revenus de l'année en cours.
Certains contribuables, du fait de cette disposition, pourraient être doublement imposés lorsqu'ils redeviendront des résidents fiscaux de la métropole. Je pense en particulier aux agents de l'État qui vivent en Nouvelle-Calédonie, territoire qui maintient le décalage d'un an entre la perception des revenus et leur imposition. Ceux qui reviendront en métropole à partir de 2019 seront donc imposables aussi bien sur les revenus qu'ils ont perçus en 2018 en Nouvelle-Calédonie que sur ceux qu'ils percevront en 2019 en métropole – une double imposition contraire à la logique qui a présidé à l'instauration du prélèvement à la source.
Cet amendement tend, par conséquent, à tirer les conséquences de cette situation particulière qui concerne entre 2 500 et 3 000 foyers. Afin d'éviter une double imposition, il prévoit de leur faire bénéficier d'un crédit d'impôt à hauteur du montant qu'ils auront acquitté en Nouvelle-Calédonie, dans la limite d'un plafond correspondant au total de l'impôt qu'ils auraient à acquitter en métropole à leur retour.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir le sous-amendement no 2582 .
Je ne reprendrai pas les arguments de M. Dunoyer. Ce sous-amendement tend simplement à étendre à Saint-Pierre-et-Miquelon les dispositions de l'amendement no 583 .
Une telle situation ne se limite pas à la Nouvelle-Calédonie ni à Saint-Pierre-et-Miquelon : elle concerne tous ceux qui résidaient à l'étranger ou dans une collectivité dotée de l'autonomie fiscale.
Votre proposition se heurte à un problème : le crédit d'impôt modernisation du recouvrement – CIMR – , institué dans le cadre du passage au prélèvement à la source, est par définition exceptionnel, limité à la seule année de mise en oeuvre de la réforme. Or l'amendement a pour but de le pérenniser. J'en comprends les raisons – le problème ne se limite pas à la seule année 2019 – , mais il ne me semble pas réaliste de l'adopter, d'autant que le coût d'une telle disposition n'a pas été évalué. En outre, le mécanisme joue également en sens inverse : un contribuable bénéficiera d'une moindre imposition l'année où il quittera la métropole pour s'installer en Nouvelle-Calédonie ou à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Avis défavorable.
Même avis, même si je comprends les arguments de de M. Dunoyer. Ce n'est pas par la loi que nous pourrons régler le cas des quelques personnes concernées. Comparaison n'est pas raison, mais le régime fiscal auquel est soumis un résident de la Nouvelle-Calédonie peut être assimilé, en raison de l'autonomie de cette collectivité, à celui d'un résident à l'étranger qui voudrait revenir sur le sol national. Nous avons débattu de cette question l'année dernière avec vos collègues élus par les Français de l'étranger. Elle est d'autant plus délicate que nous sommes l'un des derniers pays à mettre en place le prélèvement à la source. Les cas sont donc extrêmement limités, mais ils existent, en particulier pour la Nouvelle-Calédonie.
Deux réponses me semblent possibles. La première est que la Nouvelle-Calédonie, devant l'évident succès de cette réforme – dont j'aurai de surcroît l'occasion de présenter tous les avantages lors d'un prochain déplacement sur ce territoire – , se dote très rapidement d'un dispositif similaire. C'est une boutade, bien évidemment, car je respecte la volonté du gouvernement calédonien.
La deuxième est que je donne instruction à l'administration fiscale de proposer aux contribuables concernés, au cas par cas, des mesures adaptées telles que la possibilité d'un étalement.
Dans la mesure où très peu de pays ou de collectivités ne sont pas encore passés au prélèvement à la source, les cas restent rares de contribuables pouvant subir une double imposition à la suite d'un changement d'adresse. En tout état de cause, la solution à ce problème ne me semble pas relever de la loi.
Je vous invite donc à retirer cet amendement, sinon j'y serai défavorable.
Je vous remercie de vos réponses. Monsieur le rapporteur général, comme l'a noté le ministre, nous sommes l'un des derniers pays à ne pas appliquer encore le prélèvement à la source. La problématique du décalage ne concerne donc que peu de territoires, parmi lesquels figure la Nouvelle-Calédonie.
Par ailleurs, il ne s'agit pas de viser ceux qui partiront après l'application du prélèvement avant de revenir en métropole, mais ceux qui sont déjà partis. Ceux qui partiront à partir de l'année prochaine auront en effet bénéficié de « l'année blanche », ce qui compensera la double imposition qu'ils pourraient subir au retour. Il n'en est pas de même, cependant, des contribuables ayant déjà changé de domicile.
Je remercie cependant le ministre pour son ouverture d'esprit et je prends note de l'instruction qu'il s'engage à donner, ou du moins du traitement privilégié qu'il entend réserver à ces situations. C'est un engagement fort auquel je suis sensible. Je remercie d'avance les services concernés et je retire mon amendement.
La parole est à M. Matthieu Orphelin, pour soutenir l'amendement no 1720 .
Cet amendement tend à harmoniser les dispositifs fiscaux ayant trait à la mise à disposition de vélos en entreprise. La disposition ayant vocation à s'appliquer en 2020, je le retire en vue de le déposer à nouveau en deuxième partie, afin qu'il soit examiné dans le cadre des articles non rattachés.
L'amendement no 1720 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements, nos 1084 rectifié et 1905 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 1084 rectifié .
La parole est à M. Gilles Carrez, pour soutenir l'amendement no 1905 rectifié .
Monsieur le ministre, l'an dernier, vous vous en souvenez, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, nous avons saisi le Conseil constitutionnel sur la situation des 20 % de contribuables qui ne bénéficient pas de la suppression de la taxe d'habitation. Nous avons gagné, puisque le Conseil constitutionnel nous a donné raison à l'horizon 2020. Il a en effet demandé que la situation de ces 20 % de contribuables soit réexaminée, si bien que le Président de la République a décidé la généralisation de la suppression de la taxe d'habitation à compter de 2020, ce qu'a confirmé cet après-midi même votre secrétaire d'État lors des questions au Gouvernement.
Le coût de cette suppression, faut-il vous le rappeler, s'élève à 10 milliards d'euros. Or il ne figure pas dans le programme de stabilité que vous avez transmis à Bruxelles en mai dernier, alors même que vous aviez déjà connaissance de cette mesure. Mon amendement a donc pour objet, d'une part, de rétablir une véritable justice fiscale, comme le demande le Conseil constitutionnel, entre les 80 % de contribuables qui bénéficient de la suppression et les 20 % qui n'en bénéficient pas, et, d'autre part, de garantir la sincérité budgétaire. Il convient effet d'engager dès 2019 la suppression de la taxe d'habitation pour les 20 % de contribuables restants.
Cet amendement permettra, de plus, de protéger les maires, dans le contexte de la campagne « Balance ton maire ». Il semble que le ministre de l'action et des comptes publics n'ait pas compris que, dans de nombreuses villes, notamment dans les grandes métropoles, où les revenus nominaux sont en moyenne plus élevés en raison du coût du logement et où les classes moyennes sont donc surreprésentées, seuls 50 % de la population bénéficie de la suppression progressive de la taxe d'habitation. Or, du fait de cette campagne de dénigrement des maires, de nombreux habitants, qui ne profitent pas du bénéfice de cette suppression, se rendent en mairie pour accuser leur malheureux édile, alors que ce dernier n'y est pour rien puisqu'il n'a absolument pas augmenté la taxe d'habitation.
Trois raisons président donc à cet amendement : la justice fiscale, la sincérité budgétaire et la protection des maires, qui font un travail formidable. Je tiens à ajouter que chacune de ces raison suffirait à elle seule à faire approuver cet amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements en discussion ?
Monsieur Carrez, vous savez tout le respect que j'ai pour vous. Je vous ai toutefois connu plus précis. Tout d'abord, le Conseil constitutionnel n'a pas dit ce que vous lui faites dire. Nous pourrons le vérifier si vous le souhaitez.
Examiner la situation des contribuables non dégrevés : tels sont les termes exacts de sa décision du 28 décembre 2017.
Je sais que M. Carrez peut se vexer d'être pris en flagrant délit de non-précision : je n'éluderai pas ce débat très intéressant.
Je le répète : le Conseil constitutionnel n'a pas dit ce que vous lui faites dire. Du reste, M. de Courson et vous-même m'aviez menacé des foudres du Conseil constitutionnel, tant sur la taxe d'habitation que sur la contractualisation : or je constate avec plaisir qu'il n'en a rien été.
Le Conseil constitutionnel a effectivement observé que nous devrons examiner la situation des 20 % de contribuables qui paient la taxe d'habitation après la réforme, tout en remarquant que notre réforme est constitutionnelle. Ce que le Conseil a précisé, c'est qu'il ne serait pas constitutionnel de ne plus garantir la pérennité de la part des ressources propres des collectivités territoriales, conformément à la loi constitutionnelle de 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République – M. Raffarin était alors Premier ministre. Il convient donc de garantir la pérennité de ces ressources propres, sous forme d'impôts ou de compensations de dégrèvement. Or, avec la suppression des 20 % de taxes d'habitation supplémentaires, nous serions en deçà de la part fiscale que recevaient les collectivités territoriales, toutes collectivités confondues, avant la réforme.
Non, monsieur Carrez : c'est exactement ce qu'a dit le Conseil constitutionnel.
J'ai été le rapporteur pour avis, au nom de la commission des finances, de la loi organique de 2004 sur l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Je le répète : le Conseil a précisé que, si nous supprimions ces 20 % de taxe d'habitation, pour un surcoût non pas de 10 milliards, mais de 6 milliards pour les résidences principales, monsieur Carrez – cette erreur de 4 milliards m'étonne de votre part – , la part des ressources propres garantie aux collectivités territoriales dans l'ensemble des ressources serait en deçà des règles édictées dans le cadre de la loi constitutionnelle de 2003.
Le Président de la République s'est réjoui, par communiqué de presse, au lendemain de la décision du Conseil constitutionnel, de ce que celui-ci n'ait pas censuré la loi de finances pour 2018 que Bruno Le Maire et moi-même vous avions présentée, à l'exception du dispositif relatif à la répartition du produit de la CVAE – cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Nous avons alors précisé que nous présenterions un projet de loi spécifique sur les finances locales au premier trimestre de 2019, en vue de réviser le fonctionnement des finances locales et de la fiscalité locale pour prendre en compte le surcoût – je le répète, non pas de 10 milliards, mais de 6 milliards pour la résidence principale – dû à la suppression de la taxe d'habitation pour les 20 % des contribuables restants.
Permettez-moi également de vous répondre qu'il n'y a pas d'insincérité budgétaire. Dans les sous-jacents de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, nous avons bien intégré ces 6 milliards, tout en précisant les raisons concrètes qui nous permettent d'assurer qu'il n'y aura pas de dérive budgétaire. Le Gouvernement pourra, notamment, choisir de renoncer à des mesures qu'il avait mises dans sa trajectoire et qu'il ne réalisera peut-être pas. Je prends par exemple l'individualisation de l'impôt sur le revenu, que le Président de la République avait évoquée et que j'avais moi-même évoquée devant vous lors de la présentation du projet de loi de programmation des finances publiques : l'impôt à la source permet en effet de s'orienter vers une forme d'individualisation.
Nous aurons le débat pour savoir quelles économies sont nécessaires pour financer la suppression de la taxe d'habitation pour les 20 % de contribuables restants.
Comme vous faites de la politique, ce que je comprends, il est normal que vous soyez moins précis. Nous faisons exactement ce que fait également, et à juste titre, l'Association des maires de France : nous publions des données. Lorsque l'Association des maires de France publie la carte des baisses de dotations aux collectivités locales, personne ne prétend qu'elle mène une campagne ignominieuse contre le Gouvernement : chacun trouve tout à fait normal de savoir où les dotations augmentent, où elles restent stables et où elles diminuent. Il est arrivé à des parlementaires – je l'ai fait moi-même sous le précédent gouvernement – de citer les villes dont ils étaient des élus, voire les maires. Le Gouvernement n'a rien fait d'autre que de publier des taux qui sont publics – vous le savez mieux que moi, puisque votre expérience est plus importante que la mienne : ces taux sont déterminés librement par les conseils municipaux, les intercommunalités ou les personnes publiques qui interviennent sur la taxe d'habitation ou la taxe foncière. Bercy et la DGCL – Direction générale des collectivités locales – ont publié les taux de 2016, de 2017 et de 2018 de toutes les communes. D'ailleurs, la DGCL publie depuis très longtemps toutes les données relatives aux collectivités locales : personne ne trouvait cela scandaleux, lorsqu'il s'agissait de dénoncer, du reste à juste titre, l'incurie de l'État.
J'ai déjà déclaré, monsieur Carrez, que je désapprouve fortement le hashtag « Balance ton maire ». Je suis d'autant plus choqué que j'ai été moi-même élu local. Il est insultant et ceux qui y ont recouru n'ont en rien renforcé la démocratie. Je tiens en revanche à souligner qu'il est normal que, sur la feuille que le Gouvernement envoie aux contribuables, celui-ci indique la nature de la baisse constatée. Il est, de plus, clairement indiqué sur cette feuille que les contribuables appartenant aux 20 % les plus riches, ou les moins modestes, ne sont pas éligibles jusqu'en 2020 à la suppression de la taxe d'habitation. Nous n'avons pas d'indication particulière sur les autres instances qui interviennent sur la taxe d'habitation.
Monsieur le député, je n'ai pas terminé ma démonstration. Ce petit encadré n'est rien d'autre qu'une présentation intelligible de la dernière page de la feuille d'imposition, qui a toujours précisé les augmentations ou les baisses de taux. Lorsque les taux ne changent pas, il n'y a aucun problème : le dégrèvement réalisé par l'État est simplement précisé. En revanche, lorsqu'un changement de taux est intervenu, l'encadré précise le manque à gagner par rapport au dégrèvement réalisé par l'État.
Je tiens à souligner que la Direction générale des finances publiques, qui est placée sous mon autorité, n'a fait aucune erreur sur les 29 millions d'avis de taxe d'habitation envoyés : 5 millions de foyers fiscaux étaient déjà exonérés, 5 autres millions appartiennent aux 20 % de contribuables non exonérés. Les 18 millions de contribuables restants connaissent à l'euro près – personne ne le relève – le calcul fait par l'État.
Cela ne fait que renforcer l'argument du Gouvernement, que vous et le groupe politique auxquels vous appartenez contestez : la taxe d'habitation, comme la taxe foncière, est un impôt non seulement injuste – nous pourrons en rediscuter – mais surtout illisible. Le maire d'une commune de la région Nouvelle-Aquitaine a pu craindre qu'on ne lui demande raison de l'augmentation qu'il n'a pas décidée : puisque j'ai publié les taux, il est protégé de toute accusation. Cette augmentation est de la faute non pas de l'intercommunalité mais des élus régionaux, qui ont augmenté la taxe spéciale d'équipement. Monsieur Carrez, comme moi, vous ne faites certainement pas partie des 80 % de contribuables qui voient leur taxe d'habitation supprimée. Je peux vous passer un exemplaire de leur feuille d'imposition : il y est précisé non pas que c'est le maire qui a augmenté le taux, mais l'une des collectivités qui intervient sur le montant de la taxe d'habitation. Le montant de l'augmentation est donné et la dernière page précise quel taux a été augmenté.
Une collectivité a pu intervenir de différentes façons. Elle a pu augmenter le taux de taxe d'habitation, …
Attendez ! Les contribuables peuvent consulter sur le site internet de la DGCL ou de Bercy la liste des 36 000 communes et les taux qu'elles ont votés. Je n'ai du reste jamais publié la liste des seuls maires qui les avaient augmentés : qu'il s'agisse de la taxe foncière ou de la taxe d'habitation, j'ai publié la liste intégrale des 36 000 communes, en précisant d'ailleurs, que celle-ci avait moins augmenté que l'année dernière.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Autant « Balance ton maire » est une absurdité odieuse, autant publier les taux de taxe d'habitation par commune me paraît tout à fait normal.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. - Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le député, vous dites une sottise aussi grosse que vous : allez sur le site de la DGCL – M. de Courson et M. Carrez pourront vous le confirmer – ,…
Je vous informe que la DGCL est, elle aussi, placée sous mon autorité. J'aurais bien pu publier cette liste sur un site personnel. Depuis qu'elle existe, la DGCL publie la liste de toutes les communes, avec toutes les dotations et tous les taux. Vous proférez une bêtise absolue. Ces données ont toujours été publiées : cela ne fait aucune difficulté.
Monsieur Carrez, je comprends que ce sujet puisse provoquer de l'émoi, d'autant que nous discuterons bientôt de la deuxième tranche de baisse de la taxe d'habitation. L'autre raison pour laquelle les feuilles d'imposition de nos concitoyens peuvent être différentes est la suppression d'un abattement par une collectivité locale.
J'y viendrai.
Enfin, le taux d'imposition peut évoluer selon la composition du foyer, par exemple, si un enfant quitte le foyer fiscal de ses parents. Ce n'est alors ni de la faute de l'élu local ni celle de l'État.
La suppression d'un abattement n'est pas aussi visible que l'augmentation d'un taux. Vous aurez constaté que l'État n'a pas pour habitude de publier la liste des communes qui ont supprimé des abattements. Je ne le ferai pas. J'ai publié les données qui ont toujours été publiées par l'État, notamment sur le site de la DGCL. Des maires ont proposé des suppressions d'abattement, ce qui a provoqué une augmentation de la fiscalité. Ils s'en arrangeront avec leurs contribuables, d'autant que la presse quotidienne régionale ou l'opposition s'en sont fait l'écho. Encore une fois, je n'ai jamais publié la liste des abattements supprimés par les communes : cela ne se fait pas. Elles sont du reste très peu nombreuses, si j'en crois les remontées qui me parviennent des directeurs départementaux des finances publiques.
Vous avez raison, monsieur Carrez : c'est parce que c'est toujours la faute du maire qu'il faut supprimer cet impôt absurde, d'autant que, lorsqu'il augmente, on n'arrive jamais à déterminer les responsables. Nous aurons donc tous intérêt au mois de janvier prochain à discuter du projet de loi spécifique aux fiscalités locales. Un impôt, une collectivité : nous saurons ainsi qui est responsable des baisses et des hausses d'impôts. En l'occurrence, ce sont plutôt la majorité et l'État qui les a baissés cette année.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je soutiens l'amendement de Gilles Carrez. Il a raison : il faut aujourd'hui abattre ses cartes. Supprimerez-vous bien la taxe d'habitation pour 100 % des Français ? Si oui, faites-le dès 2019, les choses seront plus claires. Vous avez décidé de supprimer la taxe d'habitation : c'est votre choix. Vous auriez pu préférer consacrer ces crédits à la compétitivité des entreprises. Il aurait été mieux d'augmenter réellement le pouvoir d'achat plutôt que de créer du pouvoir d'achat faussé par le déroulement même des choses. D'ailleurs, vous n'avez jamais précisé comment vous financerez la mesure : vous n'avez présenté aucun programme d'économies. Il est clair que cette absence de recettes sera financée par la dette, qui est devenue un vrai tonneau des Danaïdes. Un jour, vous augmenterez un impôt national ou la taxe foncière : cette mesure ne sera pas sans conséquences. Qu'arrivera-t-il lorsque la taxe d'habitation aura été totalement supprimée ? Quel sort sera réservé aux collectivités locales ? Les choses sont loin d'être claires.
Il faut savoir reconnaître ses erreurs, monsieur le ministre. Je crois que vous aimez les collectivités locales. Vous avez été maire, vous êtes impliqué dans la vie locale, vous êtes conseiller régional : je n'ai aucun doute en la matière. Vous n'en avez pas moins provoqué ce mouvement de dénonciation des maires : le problème, ce ne sont pas les données qu'a pu publier votre administration, ce sont les propos que vous avez tenus dans les médias, c'est la manière dont vous avez traité le sujet dans Le Figaro ou sur RTL, pointant tel ou tel du doigt.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LR.
Voilà ce que reflète le mouvement « Balance ton maire » !
À Tourcoing, la taxe d'habitation est trois fois plus élevée que dans la plupart des autres communes.
C'est vrai ! À cause des socialistes !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes UDI-Agir et SOC.
Quand un maire augmente la taxe d'habitation de sa commune, croyez-vous que cela lui fait plaisir ? Non, cela ne lui fait pas plaisir !
De combien la taxe d'habitation a-t-elle augmenté à Tourcoing ces dernières années ?
Elle n'a pas augmenté, elle a baissé !
Vous publiez des augmentations par rapport à l'année dernière, mais quid des augmentations par rapport à il y a deux, trois ou quatre ans ? Tout cela n'est pas clair.
Vous transformez l'avis de taxe d'habitation en une sorte de tract politique renvoyant aux élus locaux une responsabilité qui n'est absolument pas la leur.
C'est une très mauvaise manière de faire et la traduction d'un très mauvais état d'esprit vis-à-vis des collectivités locales. Si vous voulez vous réconcilier avec ces dernières, présentez-leur vos excuses !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes UDI-Agir et SOC.
À Chantilly, il y a plus de dotations et plus d'impôts !
S'il n'y avait pas de problème, monsieur le ministre, le Conseil constitutionnel n'aurait pas censuré une partie de cette disposition.
Il n'a rien censuré !
Aujourd'hui, le Président de la République s'est engagé à supprimer la taxe d'habitation pour tout le monde. Nous vous demandons simplement d'aller jusqu'au bout : au nom du principe de sincérité budgétaire, comme l'a dit Gilles Carrez, il faut inscrire dès maintenant cet engagement dans le projet de loi de finances. Dans le cas contraire, je crains que vous ne le teniez pas. Cela représente bien sûr plusieurs milliards d'euros.
Je veux également revenir sur le sentiment de malaise qu'a suscité la campagne « Balance ton maire ». Les maires sont aujourd'hui les derniers remparts de la République. Ils exercent une fonction difficile. Comme l'a très bien expliqué Gilles Carrez, certains sont parfois obligés d'augmenter le taux de leur taxe d'habitation pour répondre à des situations particulières.
Enfin, permettez-moi de vous poser une question. Un maire qui décide d'augmenter le taux de sa taxe d'habitation mais, dans le même temps, crée un abattement ou une exonération à destination des personnes handicapées va-t-il être stigmatisé ?
S'il figure sur la liste, c'est complètement anormal et injuste, car il a fait le choix d'augmenter le taux pour financer un abattement. Monsieur le ministre, même ce qui a été publié par votre administration est injuste !
En réalité, vous avez fait preuve de condescendance et de mépris à l'égard des collectivités territoriales. « Balance ton maire » est tout simplement le symbole de la déconnexion entre la majorité et les territoires, qu'elle ne comprend plus. Vous ne comprenez plus le rôle d'un maire, qui doit malheureusement faire face à toutes ces difficultés au quotidien.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes UDI-Agir et SOC.
Monsieur le ministre, je pensais que l'amendement de M. Carrez serait pour vous l'occasion de faire un point sur la situation. En effet, la décision du Conseil constitutionnel constitue une épée de Damoclès, puisque le Conseil a déclaré qu'il se réservait le droit d'examiner la constitutionnalité de toutes les dispositions contenues dans la loi de finances pour 2018 et, semble-t-il, dans une prochaine loi de finances rectificative – en fait, il se prononcera sur la constitutionnalité de l'ensemble. Et nous ne parlons pas de petites sommes !
Il serait donc intéressant que vous éclairiez la représentation nationale sur l'état de vos réflexions. Allez-vous prendre des mesures dans le cadre de la loi de finances rectificative que l'on nous promet pour la fin du mois de mars ? Ce serait d'ailleurs un peu étonnant, du fait des possibles interactions entre ce texte et les décisions des maires. Certains maires aimeraient baisser le taux de leur taxe d'habitation mais ne savent pas comment cette baisse sera compensée. Le sera-t-elle en fonction du taux en vigueur en 2017 ? Toutes ces questions se posent. Nous sommes dans une situation où les élus ne peuvent plus gérer leurs affaires au niveau communal ou intercommunal car ils ne savent pas où l'on va. Nous ne pouvons plus rester dans cette situation : il est donc urgent de prendre des décisions.
Par ailleurs, certains de mes concitoyens sont venus me demander pourquoi leur taxe d'habitation avait augmenté de 30 %. Leur situation familiale a-t-elle changé ? Non. Habitent-ils toujours le même logement ? Oui. Quel est leur revenu fiscal de référence ? Voilà la question qu'il fallait leur poser : ils ne paient pas le produit d'un taux par une valeur locative car ils sont plafonnés à 3,44 % de leur revenu fiscal de référence.
Or les revenus de la famille avaient augmenté puisque la femme avait repris une activité professionnelle. Ces personnes ne comprenaient pas : on leur promettait une baisse de 30 % mais ils subissaient une hausse de 30 %, tout simplement parce qu'ils faisaient partie des 20 % de redevables plafonnés à 3,44 % du revenu fiscal de référence et que ce dernier avait augmenté.
Rappel au règlement
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1, du règlement relatif au déroulement de la séance. Je vous ai demandé la parole ; vous avez montré que vous aviez compris ma demande mais vous avez finalement donné la parole à l'un des collègues de mon groupe qui l'avait demandée après moi.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je souhaiterais donc savoir, monsieur le président, si vous tenez compte du moment auquel une personne a demandé la parole et comment vous faites votre choix.
Exclamations persistantes sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La solidarité féminine ne justifie pas que nous soutenions n'importe quoi !
La solidarité féminine ne justifie pas que nous soutenions n'importe quoi !
Madame Bonnivard, j'entends bien votre position, mais permettez-moi de rappeler que notre règlement prévoit qu'interviennent, sur chaque amendement, l'auteur de ce dernier, la commission saisie au fond, le Gouvernement, la ou les commissions saisies pour avis et un orateur d'opinion contraire. L'usage, dans notre assemblée, est d'accepter deux orateurs par amendement, ce qui a déjà suscité, au cours de cette séance, quelques interrogations de la part de parlementaires n'appartenant pas au groupe Les Républicains.
Certains groupes ne peuvent pas s'exprimer alors qu'ils le voudraient !
Je n'ai pas vocation moi à m'immiscer dans l'organisation du groupe Les Républicains. Organisez-vous comme vous le voulez…
Pardon de vous répondre, madame Bonnivard…
Je ne donnerai davantage la parole au groupe Les Républicains parce qu'il ne serait pas en capacité de s'organiser.
Nous allons donc poursuivre les débats sur les amendements nos 1084 rectifié et 1905 rectifié . Sur ces deux amendements, je donnerai la parole à six orateurs, ce qui sera déjà une exception à la règle que je viens d'exprimer.
Après l'article 2
Je tiens d'abord à préciser qu'effectivement, le Conseil constitutionnel n'a pas jugé que cette mesure était anticonstitutionnelle et qu'il fallait y mettre fin : il a simplement indiqué qu'il se réservait le droit de se prononcer sur cette question en fonction de la façon dont sera traitée la situation des contribuables restant assujettis à la taxe d'habitation. Il y a un an et demi, j'avais déjà affirmé ici même qu'il n'y aurait pas d'autre choix que d'étendre à tout le monde la suppression de la taxe d'habitation.
La Président de la République l'a compris : il a donc annoncé qu'elle serait supprimée pour l'ensemble des Français.
Je veux aussi revenir sur la publication de la liste des communes sur le site de Bercy. Cela ne me gêne pas : je suis de ceux qui demandent beaucoup plus de transparence. À ce propos, monsieur le ministre, je réitère ma demande de simulation concernant l'article 79 du projet de loi de finances, relatif à la réforme de la dotation d'intercommunalité.
Je ne vais pas critiquer aujourd'hui la publication de cette liste : après tout, elle est normale. En revanche, la campagne sur les réseaux sociaux est infâme. Nous avons tous des exemples de communes qui ont augmenté leur taux, non pas à cause de cette mesure ponctuelle de dégrèvement de 30 % de la taxe, mais parce que c'était prévu dans le cadre d'un plan pluriannuel d'investissement.
J'ai examiné la situation du département du Puy-de-Dôme. Les communes stigmatisées sont essentiellement des communes rurales, de toutes petites communes qui, malgré l'augmentation de leur taux, restent bien en dessous de la moyenne départementale. Je pense que ces communes n'ont pas eu d'autre solution. Dans ma propre commune, où je suis conseillère municipale, nous avons augmenté le taux l'année dernière, puis cette année, dans des proportions assez limitées, mais au préalable, nous nous étions efforcés de rationaliser les dépenses par le non-remplacement de personnels partis à la retraite ou mutés ainsi que des mutualisations avec d'autres communes ou avec la communauté de communes. Franchement, nous ne l'avons pas fait pour vous embêter, monsieur le ministre !
Je retiens trois enseignements de votre intervention, monsieur le ministre.
S'agissant tout d'abord de la campagne « Balance ton maire », elle montre bien la limite de la transparence et du principe « nommer et humilier », dont on a souvent parlé dans cet hémicycle sur d'autres textes.
Elle montre aussi, en creux, la très grande sensibilité aux sujets fiscaux dans ce pays. Cette campagne contraste beaucoup avec le discours officiel. Je me rappelle que, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2018, vous nous demandiez de ne pas nous inquiéter : en début d'année, il y aurait des hausses, mais en fin d'année, les Français constateraient sur leur avis d'imposition que vous aviez effectivement baissé leurs impôts et augmenté leur pouvoir d'achat. Ils n'en sont pas convaincus !
Deuxièmement, vous n'avez pas annoncé si la mesure serait généralisée en 2019 ou en 2020. Mais nous constatons déjà que vous augmentez l'impôt sur le revenu en 2019 par rapport à 2018, par un simple effet mécanique d'indexation. Le prélèvement à la source va se traduire par une augmentation de l'impôt sur le revenu.
Le troisième enseignement, c'est que vous n'avez pas d'autre solution que de supprimer la taxe d'habitation en 2019, pour une simple et bonne raison que vous avez vous-mêmes donnée : l'exonération ne signifie pas forcément une baisse d'impôts. Il y a trop de paramètres : même si vous décidez d'une exonération, le contribuable peut constater une hausse sur son avis d'imposition. La seule manière de garantir aux Français, dans un contexte de changement du mode de prélèvement de l'impôt sur le revenu, que leur pouvoir d'achat augmentera en 2019, c'est de supprimer la totalité de la taxe d'habitation, ce qui se traduira de facto, quelles que soient les décisions des communes, par une hausse du pouvoir d'achat l'année prochaine. Vous avez vous-mêmes démontré que vous n'aviez pas d'autre solution que de voter notre amendement.
Chers collègues de l'opposition, nous voyons clair dans votre jeu politique : vous voulez nous faire porter le chapeau du hashtag « Balance ton maire ».
Vous n'y arriverez pas, tout d'abord parce que ce hashtag date d'octobre 2017. Allez voir sur les réseaux sociaux : vous verrez qu'il n'est absolument pas de notre fait.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
En outre, vous ne trouverez aucun élu, aucun député, aucun responsable de La République en marche ni aucun ministre qui n'ait jamais utilisé ce hashtag. Nous l'avons condamné et nous continuerons de le condamner avec la plus grande vigueur.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Arrêtez donc de porter vos accusations ! Vous n'avez pas le monopole de la ruralité ! Vous nous embêtez avec ce sujet.
Enfin, monsieur Carrez, je suis assez surpris par votre amendement. Vous nous avez expliqué pendant des semaines qu'il ne fallait pas toucher à la taxe d'habitation ; maintenant, il faudrait la supprimer entièrement, toutes affaires cessantes, dès l'année prochaine. Vous nous avez expliqué pendant des semaines qu'il ne fallait pas augmenter les dépenses publiques ; maintenant, d'un seul coup, il faut voter 7 milliards d'euros supplémentaires de dépenses publiques pour l'année prochaine.
Nous ne comprenons pas ce que vous souhaitez faire, monsieur le député.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Nous avons raison de débattre de ce sujet important. J'aimerais répondre plus longuement à la question de M. de Courson et de M. Carrez.
Mais puisque nous en appelons tous à la transparence, j'encourage chacun à aller dans ce sens. Je m'adresse en particulier à M. Cordier – il a malheureusement quitté notre hémicycle – , qui m'interrogeait sur la gestion de la ville de Tourcoing, de même que M. le président de la commission. Lorsque j'étais maire, 45 % des habitants de Tourcoing payaient la taxe d'habitation. La situation était donc un peu différente de celle d'autres villes représentées ici, si vous me permettez cette observation – mais je ne veux pas faire de « name and shame »... Cela ne m'a pas empêché de baisser chaque année le taux de la taxe d'habitation de 2 points. J'essaie de faire en sorte que mon action nationale ne soit pas trop décalée par rapport à mon action locale.
Vous nous dites que, localement, les maires ont des contraintes et qu'ils ne peuvent pas faire autrement que d'augmenter les impôts. Or, au niveau national, nous avons aussi des contraintes, mais vous nous invitez à faire des économies tout en baissant les impôts. Quand on pense cela, il faut le faire partout, au niveau de l'État comme dans les territoires. Mais chacun vit avec ses contradictions…
Madame Pires Beaune, je vous remercie de votre honnêteté intellectuelle sur le sens de la décision du Conseil constitutionnel : vous avez tout à fait raison, il n'y a eu aucune censure. S'agissant de la publication des données en général, l'État est assez en retrait, mais il doit continuer à le faire, notamment à Bercy sur les sujets fiscaux. Nous aurons l'occasion d'y revenir, madame la députée.
En deuxième lieu, madame Pires-Beaune, je vous remercie de votre honnêteté intellectuelle. Il n'y a eu, en effet, aucune censure du Conseil constitutionnel. Il est vrai, par ailleurs, que l'État est, de manière générale, assez en retrait en matière de publication de données et doit poursuivre ses efforts en ce sens, notamment à Bercy à propos des questions fiscales – nous aurons l'occasion d'y revenir.
Il me semble toutefois que la question que vous m'avez posée s'adresse plutôt au ministère de l'intérieur et à la DGCL, …
… mais je veux bien me charger de cette question au nom du Gouvernement et je m'engage à intervenir très rapidement, comme je le fais périodiquement, auprès de M. Sébastien Lecornu et de Mme Jacqueline Gourault, de qui relève désormais la tutelle de la DGCL. Je suis tout à fait disposé à publier des informations, comme je l'ai fait lorsque votre collègue François Pupponi m'a posé, l'année dernière, des questions sur la politique de la ville.
Comme M. de Courson, M. Carrez pose la question de savoir ce qui se passera pour la suite.
Monsieur Carrez, votre amendement n'est même pas un amendement d'appel, mais de provocation.
Vous nous avez demandé l'année dernière – et ça marché – de supprimer notre baisse et j'ai même entendu que, dans sa conférence de presse, M. Laurent Wauquiez indiquait qu'il fallait toujours supprimer la baisse de la taxe d'habitation.
Non, c'était dans une conférence de presse, voilà quinze jours.
Mais ce n'est pas grave. On a le droit. Vous avez toujours été cohérents : vous ne voulez pas qu'on supprime la taxe d'habitation – même si vous nous encouragez ici à aller encore plus vite.
Exactement : buvons-le jusqu'à la lie !
Monsieur Carrez, le Gouvernement présentera en effet, au premier trimestre de l'année prochaine, un texte particulier consacré aux finances locales : c'est là que nous réglerons cette question. Nous continuons à discuter, notamment avec les associations d'élus. En effet, il ne s'agit pas seulement de la taxe d'habitation et des 20 % qui n'en sont pas encore exonérés : il faut également évoquer la taxe foncière et les droits de mutation – nous aurons l'occasion d'y revenir, et sans doute assez longuement.
À l'heure actuelle, le dispositif imaginé par le Gouvernement s'articule, d'ici à la fin du quinquennat, en trois étapes – l'année dernière, cette année et l'année prochaine, avec une baisse de 30 % l'année dernière et de 30 % cette année, soit, pour le dire vite, environ 3 milliards d'euros– pour supprimer les 10 milliards d'euros d'impôts qui concernent 80 % de Français au titre de la taxe d'habitation. Il reste encore près 6 milliards d'euros à dégrever, les résidences secondaires n'étant pas concernées. Nous supprimerions donc la taxe d'habitation avant la fin du quinquennat – en 2020 pour 80 % et en 2021 pour les 20 % qui restent. Pour l'instant, le Gouvernement réfléchit et se demande s'il faut fixer le terme à 2021 ou à 2022, mais il semble que ce doive être plutôt 2021, car le Premier ministre a déclaré voilà quelques semaines dans un communiqué de presse que ce serait à la fin de l'année 2021.
Par ailleurs, monsieur de Courson, l'idée du Gouvernement, qui me semble avoir été évoquée ici même, est de laisser la liberté des taux à toutes les collectivités locales – c'est évidemment leur droit le plus strict, même si cela ne les dispense pas de la transparence – et de compenser à partir des taux de 2017.
Pour tout le monde. D'ailleurs, 600 conseils municipaux ont baissé le taux de la taxe d'habitation.
Nous prendrons les taux et le montant fiscal de 2017 et nous compensons sur le montant fiscal 2017 – accompagné, monsieur Carrez, de la revalorisation que nous votons chaque année et que nous vous proposons encore une fois. L'année dernière, vous avez tous augmenté collectivement la taxe d'habitation, ce qui est d'ailleurs le cas chaque année lors de l'examen du projet de loi de finances, où on la revalorise de 1 ou 1,2 %.
Voilà les hypothèses de travail sur lesquelles le Gouvernement discute avec les associations d'élus. Il y aura un travail gouvernemental, notamment avec le nouveau ministre des collectivités locales, un travail avec les associations d'élus et un travail parlementaire au sein de votre commission des finances et de celle du Sénat.
Enfin, M. Aubert a loupé un petit moment du débat d'hier soir et je ne l'ai malheureusement pas vu – il n'est cependant pas toujours le soleil de mes nuits et je ne le vois donc pas toujours, même quand il est là.
Monsieur Aubert, nous avons évoqué hier l'impôt à la source, qui se traduit par une augmentation de la fiscalité, car il permet un meilleur recouvrement. Il existe des « phobiques administratifs », dont environ 900 000 personnes qui ne déclarent pas leurs impôts chaque année.
Ça existe. Je suis sûr que vous en avez connu. Comme diraient les grands philosophes Chevallier et Laspalès : il y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes. Neuf cent mille personnes ne font pas de déclaration et le recouvrement de l'impôt sera donc plus important sans prendre plus d'impôts aux Français.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Les amendements nos 1084 rectifié et 1905 rectifié , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Cet amendement vise à mettre le régime d'imposition des plus-values immobilières en faveur des opérations de logement en cohérence avec les choix opérés par ailleurs pour les outils de soutien à l'augmentation d'offre de logements, en élargissant à la zone B1 l'abattement exceptionnel sur les plus-values de cession immobilière.
Il s'agit donc d'un amendement de cohérence.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1875 .
Monsieur le ministre, vous avez décidé, l'année dernière, de recentrer les outils de soutien à l'investissement d'offre de logement – le prêt à taux zéro pour l'accession à la propriété et le dispositif Pinel pour l'investissement dans la pierre – sur les zones dites A bis, A et B1. C'est dommage, car cela s'est traduit par un coup de frein sur le reste du territoire, soit 95 % de la France, avec une baisse de 46 % pour ma seule région. Pourtant, il y a aussi des problèmes de logement, des besoins d'investissement et des candidats à l'accession partout en France. Nous regrettons, monsieur le ministre, cette politique qui nous semble inéquitable.
Cela étant, alors que vous affichez la volonté de créer un choc d'offre, comme nous l'avons entendu sans cesse durant la discussion de la loi pour l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique – ÉLAN – , vous menez une politique incohérente et cette incohérence nuit à l'efficacité des outils.
Ainsi, le zonage du dispositif d'abattement exceptionnel sur les plus-values de cessions immobilières, destiné à libérer du foncier afin de construire plus, est beaucoup plus restrictif, car il ne vise que les zones A bis et A. Ainsi, en Lorraine, aucune commune n'est éligible à ce dispositif, même dans les métropoles de Nancy de Metz. En marche ! La libération du foncier n'est pas encouragée.
Je propose donc, avec cet amendement, d'élargir au moins à la zone B1 ce dispositif exceptionnel d'abattement. Il y va de la cohérence de nos politiques publiques entre la demande de logements et l'offre de foncier pour réaliser ces logements.
Placée dans la première partie du projet de loi de finances, l'extension du dispositif représente pour l'année en cours un pur effet d'aubaine. Avis défavorable, donc.
Monsieur le rapporteur général, votre avis serait-il différent si nous déposions cet amendement en deuxième partie du projet de loi de finance ?
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 698 rectifié .
Je pensais initialement que cet amendement serait plutôt rattaché aux articles suivants, mais je constate en le reprenant – et je tiens à féliciter les fonctionnaires des services de l'Assemblée, qui s'en sont avisés – que ce dispositif ne remet pas en cause le prélèvement à la source, à cela près qu'il change cette source. Il est donc assez logique que l'amendement soit appelé ici.
Comme nous vous le disons depuis maintenant bientôt deux ans – il y a en effet deux ans que je me répète, mais j'y crois sincèrement et fermement – , le prélèvement à la source complexifiera inutilement toute l'administration dans nos entreprises, quelle que soit leur taille, et notamment dans les plus petites d'entre elles, et alourdira leurs charges. Le fait que le montant des prélèvements soit désormais connu des directions de ressources humaines aura sur le dialogue social un effet pas toujours sain. Bref, tous ces éléments ne contribueront pas à apaiser le climat social dans nos entreprises.
D'autre part, le bénéficiaire de la collecte de l'impôt reste bien l'administration fiscale, les services fiscaux. Je propose donc, au terme d'un raisonnement assez simpliste, mais novateur, que le prélèvement de l'impôt soit bien contemporain de la perception des revenus – c'était l'un des objectifs du prélèvement à la source – , mais qu'au lieu de passer par l'entreprise, il soit effectué sur le compte personnel du contribuable, lequel aura préalablement fourni à l'administration fiscale un relevé d'identité bancaire. S'il est toujours utile de supprimer un intermédiaire, dans le cas du prélèvement à la source, ce serait à la fois logique, simple et de bon sens.
Le dispositif que vous proposez est exactement le « scénario dégradé » – c'est ainsi qu'il a été désigné – qui a déjà présenté en commission des finances et écarté en raison de sa complexité. Du reste, aucun des nombreux pays qui pratiquent le prélèvement à la source n'a retenu un tel scénario.
L'amendement no 698 rectifié , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.
La parole est à Mme Cendra Motin.
Je me réjouis que nous étudiions aujourd'hui – enfin ! oserais-je dire – , dans la première partie du projet de loi de finances, un article relatif au prélèvement à la source, car il prouve d'une part que ce gouvernement est à l'écoute et, d'autre part, que nous n'hésitons pas à améliorer dès cette année le dispositif.
En effet, l'article élargit autant que possible la base de l'acompte versé aux contribuables sur les avantages fiscaux acquis au titre de l'année 2018 en intégrant ceux liés aux dons et aux investissements locatifs relevant des dispositifs Pinel, Scellier ou Duflot. Il augmente le montant de cet acompte, le faisant passer de 30 à 60 %, de façon à couvrir l'intégralité de la période précédant le calcul de ces avantages. Il décale d'un an la mise en oeuvre du prélèvement à la source pour les particuliers employeurs, afin de leur livrer une solution clé en main finalisée, un « tout-en-un » qui facilitera considérablement les démarches administratives de ces employeurs non-marchands et non professionnels. Enfin, il prévoit que le montant minimum de versement de l'avance soit aligné sur celui appliqué par le Trésor, soit 8 euros au lieu de 100, comme initialement prévu.
Ce sont là autant de mesures de nature à améliorer le prélèvement à la source. Ce dispositif doit maintenant être appliqué, ce qu'attendent plus de 70 % des Français. De leur côté, les employeurs y sont prêts.
La liste des aménagements contenus dans l'article 3 confirme bien que le prélèvement à la source est une véritable usine à gaz, dont nous aurions facilement pu nous passer. Le problème réel qui se posait aux Français n'a jamais été la recherche d'une « contemporanéité » de l'impôt par rapport aux revenus : une telle philosophie n'intéresse que les spécialistes. Il est beaucoup plus concret : ne pas devoir, en fin d'année, sortir de l'argent qu'on a déjà dépensé. La mensualisation, que le groupe Les Républicains a préconisée à plusieurs reprises, était une façon simple de parvenir à cet objectif – mais, me direz-vous, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Le système est d'ailleurs si complexe que pour maximiser le nombre d'utilisateurs du chèque emploi-service universel, il est proposé, à titre temporaire et exceptionnel, de dispenser les particuliers employeurs d'effectuer une retenue à la source sur les salaires qu'ils verseront en 2019. Traduction : puisque c'est compliqué et qu'on n'a pas envie de perdre au passage des utilisateurs du CESU, on botte en touche. À ce stade, ce n'est plus un aménagement, mais une disparition totale !
Monsieur le ministre, je ne vous jette pas la pierre. Vous auriez cependant été bien inspiré d'avoir la même démarche pour l'ensemble du dispositif, et pas seulement pour les particuliers employeurs.
Dans deux mois et demi, le prélèvement à la source sera en vigueur. Ce n'est pourtant pas faute, monsieur le ministre, d'avoir tenté de vous dissuader de le mettre en oeuvre au forceps ! Du reste, le Président de la République lui-même s'est exprimé en ce sens.
Nous mettrons à profit cet article 3 pour régler quelques détails – qui n'en sont d'ailleurs pas pour les contribuables.
Tout d'abord, le champ de l'acompte versé aux contribuables doit s'étendre à tous les dispositifs de réduction des impôts, afin d'éviter que les foyers fiscaux ne soient amenés à en faire l'avance à l'État, ce qui, pour certains d'entre eux, se révélerait insurmontable.
Je me concentrerai en particulier sur le crédit d'impôt qui bénéficie à l'agriculture biologique. Les agriculteurs, vous le savez, sont victimes d'une conjoncture éprouvante. En outre, les retards de paiement qu'ils subissent souvent de la part de l'État ont des conséquences dramatiques sur la situation de leur trésorerie.
De l'autre côté de la chaîne, je vous demande d'accorder aux entrepreneurs, à qui vous imposez une mission nouvelle à laquelle ils ne sont pas nécessairement préparés, une compensation financière pour la charge administrative qu'ils devront supporter, mais aussi de leur garantir pendant deux ans, dans l'esprit de la loi qui a été votée récemment, un « droit à l'erreur » lorsqu'ils sont de bonne foi.
Monsieur le ministre, nous n'échapperons pas au débat sur le prélèvement à la source, préoccupation de nos concitoyens s'il en est et véritable usine à gaz, comme nous allons le démontrer. Jusqu'à présent, l'impôt, payé sur les revenus de l'année passée, était calculé en tenant compte des réductions ou crédits d'impôt. Désormais, on paiera l'impôt et l'effet des réductions et crédits d'impôt sera décalé d'un an. La mauvaise nouvelle, c'est que l'on paye l'impôt tout de suite et que le remboursement interviendra plus tard. Ainsi, certains qui, dans les faits, ne payaient pas d'impôt, devront désormais payer une somme qu'ils se feront rembourser ultérieurement. En termes de trésorerie, pour une famille, cela représentera 500, 600 ou 700 euros, qu'elle ne payait pas naguère.
La meilleure preuve que ce sujet pose problème, c'est que nos collègues socialistes, lorsqu'ils étaient majoritaires, s'en étaient rendu compte et avaient admis qu'il fallait anticiper en versant en début d'année, sous forme d'acompte, 30 % du montant des crédits et réductions d'impôts. Vous en avez pris encore un peu plus conscience – et votre tentative de résoudre la difficulté ou, au moins, d'en atténuer les effets est un hommage rendu à mes arguments – , puisque vous doublez le montant de cet acompte. Malheureusement, ce dernier ne s'applique qu'à une fraction très limitée des réductions d'impôt et des crédits d'impôt – raison pour laquelle je présenterai une série d'amendements destinés à intégrer d'autres avantages fiscaux dans le calcul de cette avance.
Par ailleurs, il existe d'autres problèmes sur lesquels nous voulons absolument connaître votre sentiment, monsieur le ministre, et en particulier celui des emplois à domicile. Les familles, qui ne savent pas très bien à quelle sauce elles seront mangées dès le mois de janvier, attendent des réponses.
... qui concerne des millions de gens, dont beaucoup habitent le 15e arrondissement, monsieur le président.
Dans ce cas, le sujet mériterait que je vous donne un peu plus de temps de parole !
Sourires.
L'existence même de l'article 3 est la preuve que le Gouvernement veut cacher bien des difficultés. Elle démontre que le prélèvement à la source, qui nous est présenté comme une simplification, est en réalité une usine à gaz. Les particuliers devront continuer à déclarer leurs revenus, sur papier ou en ligne, puisqu'il faudra bien accorder leurs violons avec ceux des employeurs. Pour la simplification, on repassera ! Vous auriez pu vous contenter de rendre la mensualisation obligatoire, mais c'était sans doute trop simple !
Cela sera également plus compliqué pour les entreprises. Certes, on nous dit : « pas de souci, les petites entreprises pourront faire appel à l'URSSAF pour effectuer les démarches à leur place » . Mais alors que l'URSSAF, aujourd'hui, est capable de traiter 58 000 dossiers d'entreprises, nous risquons de passer à pratiquement 2 millions : il y aura un peu d'encombrement au portillon !
De même, la question des emplois à domicile n'est pas totalement calée, tant s'en faut.
S'agissant des investissements et travaux d'amélioration effectués par les propriétaires bailleurs, il est prévu une espèce de moyenne sur 2019 mais dans le cas où il n'y aurait pas eu de travaux en 2018, bernique !
Bref, c'est un véritable micmac, source de difficultés techniques aussi bien que psychologiques, et dont les conséquences vont vous revenir en plein visage : vous en subirez l'effet boomerang à partir de janvier, quand les premiers remboursements liés aux achats de Noël, effectués en trois fois sans frais, vont réduire le pouvoir d'achat de nos concitoyens.
Enfin, le prélèvement à la source est, nous le savons, une brèche dans laquelle vous pourrez vous engouffrer à terme afin d'instituer l'imposition individuelle, au risque de bouleverser totalement la politique de la famille. C'est aussi ce que nous voulons dénoncer.
J'estime également que le prélèvement de l'impôt à la source est une erreur. Si l'intention était d'améliorer le recouvrement, comme vous l'affirmez, monsieur le ministre, il aurait été préférable d'opter pour une mensualisation obligatoire. Cela aurait évité d'embêter – pour ne pas employer un autre terme – les entreprises, en particulier les TPE-PME, dont les dirigeants sont aujourd'hui dans un grand désarroi à l'approche de la date à laquelle leur société devra se faire collecteur d'impôts.
Monsieur le ministre, je vous ai posé hier, dans l'hémicycle, une question dont la réponse ne m'a pas satisfait. Elle concernait le mécanisme de calcul de l'acompte qui sera versé aux contribuables au mois de janvier 2019. Interrogé sur le cas des contribuables assumant pour la première fois une charge ouvrant le droit à un crédit d'impôt – comme l'emploi d'un salarié à domicile ou un investissement locatif – , vous m'avez répondu que cela n'aurait pas d'incidence, parce qu'une régularisation interviendrait a posteriori.
Mais avec le système actuel, ces contribuables qui, pour certains, ne sont pas mensualisés et paient donc leur impôt au tiers, auraient la possibilité, dès février, de réduire considérablement leur versement, compte tenu du crédit d'impôt dont ils bénéficient désormais. Ils n'auraient donc pas à faire l'avance d'argent au Trésor public, ni à attendre le mois de septembre et l'édition de leur avis d'imposition pour obtenir une régularisation. Au contraire, avec le prélèvement à la source, ils ne récupéreront leur avance qu'au bout de huit mois. Je ne comprends pas comment on peut tolérer l'existence de deux catégories de contribuables, à qui l'on appliquera des traitements différents : ceux qui bénéficiaient déjà de crédits d'impôt et ceux qui en bénéficient pour la première fois.
Nous en avons fini avec les orateurs inscrits sur l'article.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 1994 , tendant à supprimer l'article 3.
Le prélèvement à la source soulève depuis plusieurs mois des inquiétudes légitimes chez nos concitoyens et les gesticulations dont vous nous avez gratifiés l'été dernier n'ont pas aidé à les dissiper. Cette réforme, censée symboliser la modernité, est en réalité un serpent de mer de la politique française depuis plusieurs décennies. Le Président de la République a décidé de la mener à terme malgré les avis contradictoires qui circulent et auxquels le Gouvernement n'a pas su répondre. Le Conseil des prélèvements obligatoires lui-même, dans son étude de 2012, exprimait déjà des réserves et exposait d'autres solutions plus pertinentes, d'autant que 60 % des contribuables ont déjà opté pour le prélèvement mensualisé de leur impôt sur le revenu. De plus, cet impôt bénéficie d'un taux de recouvrement spontané record : 98,5 %. Nous comprenons donc mal l'argument selon lequel le prélèvement à la source représenterait un gain d'efficacité : au contraire, l'intervention d'un tiers, le chef d'entreprise, est source de complications supplémentaires. Le système actuel n'est sûrement pas parfait mais il est loin d'être inefficace.
Le prélèvement à la source sera complexe à mettre en place : comme l'ont révélé les tests entrepris par la direction générale des finances publiques, il sera pratiquement impossible de se prémunir contre les nombreux dysfonctionnements dont souffre le logiciel. Si on y ajoute les complexités administratives qui pèseront sur les petites et moyennes entreprises, nous sommes loin de l'objectif de simplification visé par le Gouvernement.
Enfin, et ce n'est pas négligeable, cette réforme est lourde de symboles, en érigeant notamment le chef d'entreprise au rang de collecteur d'impôts. Vu le contexte économique, on peut supposer que les dirigeants des PME ont mieux à faire ! Je sais bien que tout est déjà décidé ; je sais aussi que cette réforme ne sera pas abandonnée mais je demande au moins que sa mise en oeuvre soit repoussée jusqu'à ce que tout soit prêt, afin que les Français ne soient pas une nouvelle fois pénalisés.
Je donnerai d'emblée l'avis de la commission sur un certain nombre d'amendements à venir, de façon à ne pas prolonger les débats. Je donnerai un avis défavorable à tout amendement proposant la suppression, partielle ou totale, de l'article, ainsi qu'à toute proposition d'élargir le champ de l'acompte ou d'en augmenter le taux. En revanche, je donnerai un avis favorable à tout ce qui tend à améliorer l'information du public – la commission a déjà adopté des amendements allant dans ce sens, déposés par les groupes LR et GDR.
De même, l'avis sera favorable pour les amendements portant des corrections légistiques.
Je ne prendrai donc la parole que pour rappeler brièvement l'avis de la commission, hormis dans un cas particulier – celui d'un amendement adopté par la commission des finances contre l'avis de votre serviteur et tendant à étendre le champ de l'acompte au crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique.
L'amendement no 1994 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1554 et 614 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 1554 .
Je laisse Mme Louwagie présenter cet amendement adopté par la commission.
Les contribuables ont reçu il y a quelques mois un avis d'imposition faisant mention du taux personnalisé qui leur serait appliqué. Un grand nombre d'entre eux ont voulu savoir comment celui-ci avait été déterminé, ce qui n'est pas forcément simple. Il paraît donc opportun que le mode et les détails de ce calcul soient rendus publics.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l'amendement no 614 rectifié .
Avis favorable. Je propose d'ailleurs de publier sur le site internet www. impots. gouv. fr, avant même l'adoption définitive de la loi, les algorithmes permettant de calculer les taux d'imposition selon les divers cas ainsi que d'autres informations plus accessibles au grand public. En plus de mentionner le taux applicable, les futures feuilles d'impôt indiqueront le lien vers ces documents.
Votre idée, monsieur le ministre, est-elle d'envoyer à chaque foyer fiscal une lettre indiquant le taux applicable ? Actuellement – j'ai fait le test auprès de beaucoup de mes concitoyens – , la plupart ne le connaissent pas. Certes, il figure sur l'avis d'imposition, mais en bas de la page 3 : c'est illisible ! À plus forte raison, ils ne savent pas comment il a été calculé.
Une dame venue me montrer son avis d'imposition a ainsi eu la surprise d'apprendre qu'elle se verrait appliquer un taux de 10 %, alors qu'elle est généralement non imposable, tout cela parce qu'elle a bénéficié de grosses plus-values l'année dernière. Je lui ai donc conseillé d'aller vite voir son inspecteur des impôts. Vous négligez complètement la méconnaissance que nos concitoyens ont du sujet ! Leur adresserez-vous une lettre leur expliquant le détail du calcul et leur précisant le taux de prélèvement ?
En termes de communication, l'entreprise étant collecteur de l'impôt, j'ai bien peur que beaucoup de contribuables ne s'adressent directement à elle en cas de litige ou de contentieux. Comment les informerez-vous pour qu'ils se renseignent directement à leur trésorerie ?
Merci, monsieur le ministre, pour votre réponse.
Outre le taux applicable, les informations devraient porter sur le montant de l'acompte contemporain prélevé sur les revenus des travailleurs indépendants, les revenus fonciers, etc. , car les contribuables concernés ne savent pas non plus comment il est calculé. J'avais déposé un amendement en ce sens mais je ne le retrouve pas dans la liasse ; son adoption aurait pourtant une vraie utilité.
Nous avons eu, l'année dernière, une longue discussion sur le prélèvement à la source. Chacun à son avis sur la question, mais elle a été tranchée ; il ne me semble donc pas utile de refaire le débat. En revanche, je souhaite d'autant plus répondre aux questions de Mme Louwagie, de M. Bricout et de M. de Courson que nous entrons dans une phase de communication à destination du grand public.
Le taux d'imposition a toujours été communiqué, mais il est vrai qu'il était peu visible et que les gens ne s'y intéressaient pas forcément. Sa notoriété tend cependant à croître, même si, je suis d'accord avec vous, ce chiffre n'est pas connu par 100 % de la population.
La première question qui se pose est donc celle de son mode de calcul. À cet égard, je soutiens l'amendement de la commission des finances, je l'anticipe même en proposant de publier deux types d'informations : les algorithmes permettant de calculer les taux, pour les informaticiens et tous ceux qui sont passionnés par cette question du calcul des taux ; une fiche pédagogique, dans l'esprit de ce que la commission des finances propose, expliquant chaque cas particulier. Si je ne propose pas que le calcul du taux d'imposition de chaque foyer figure sur la feuille d'impôt, c'est que cela alourdirait à l'excès un document déjà suffisamment complexe. Nous avons choisi d'indiquer le taux et de renvoyer vers le site des impôts les contribuables qui voudraient savoir comment il a été calculé.
Je constate d'ailleurs que désormais, les contribuables appellent volontiers leur centre des impôts pour savoir comment ce taux est calculé – jusqu'ici, leurs questions portaient plutôt sur les crédits d'impôt. Les agents sont là pour leur répondre, mais je veux bien publier ces données pour que chacun les connaisse.
Il faut quand même relativiser l'importance de cette question, sachant que le taux d'imposition de 90 % des contribuables est compris entre 0 et 10 %, et qu'il est de zéro pour près de 50 % d'entre eux. Ce sont donc les 10 % restants, ceux dont le taux d'imposition dépasse 10 %, qui sont susceptibles de se poser des questions dont la complexité dépend de leur situation personnelle. Cela fait certes beaucoup de personnes à informer.
Deuxièmement, nous devons distinguer ce qui relève du taux de ce qui relève des crédits d'impôts, sur lesquels porte votre deuxième question, madame Louwagie car si je vous ai bien compris, vous m'interrogez sur les acomptes contemporains. Nous allons évidemment lancer une campagne d'information sur ce sujet. Comme j'ai eu le plaisir d'envoyer cet été à tous les Français une lettre les informant du prélèvement à la source, je leur écrirai à nouveau avant janvier sur ces cas.
Je rappelle que ces sommes seront versées directement pour 60 % de ces montants sur le compte des Français le 15 janvier sans qu'ils aient à accomplir quelque démarche que ce soit. Il est vrai qu'une partie d'entre eux vont devoir les restituer si le crédit d'impôt n'est pas récurrent. Si par exemple quelqu'un qui donnait chaque année 1000 euros à une association caritative ne les donne pas l'année prochaine, il va devoir rembourser le crédit d'impôt dont il bénéficiait jusqu'alors.
C'est ce que je vais écrire à chaque Français : « Le 15 janvier, vous allez recevoir un crédit d'impôt directement sur votre compte en banque. Voici comment cela fonctionne. Si la dépense correspondante n'est pas récurrente, vous pouvez être appelé à régulariser la situation. »
Monsieur de Courson, je vais écrire à tous les Français pour leur expliquer comment les choses fonctionnent en ce qui concerne l'application du taux sur les revenus qu'ils vont percevoir. Le gendarme qui prendra sa retraite l'année prochaine et dont l'imposition est calculée sur ses revenus d'activité pourra, le 2 janvier, via internet, le téléphone ou en se rendant à son centre des finances publiques, demander la correction de son taux. Ce nouveau taux s'appliquera dès le mois de février et il bénéficiera d'un remboursement sous un mois en cas d'impôt indu. Nous le ferons savoir, par l'intermédiaire des caisses de retraite, à tous les retraités ainsi qu'aux 400 000 personnes qui prennent leur retraite en 2018 mais qui vont gagner beaucoup d'argent l'année prochaine en raison de l'année blanche.
J'espère que vous savez, madame la députée, que 60 % des contribuables ont totalement dématérialisé leurs démarches fiscales.
Je n'en doute pas ! Vous aurez d'ailleurs remarqué que les contribuables peuvent vérifier tout cela en se connectant à leur espace particulier sur le portail des impôts.
Vous y avez donc découvert votre taux et vous saurez bientôt à quoi il correspond. L'impôt à la source aura au moins permis cela !
Monsieur Bricout, les finances publiques sont bien le seul interlocuteur. Un numéro d'appel gratuit sera mis en place à partir du 1er janvier, comme cela a été demandé. Ce qu'il importe surtout de savoir, c'est que le taux n'est pas calculé par le collecteur – il y a 2 millions de collecteurs, dont 1,7 million d'entreprises, les autres étant les administrations publiques, notamment d'État – ; il est calculé par les finances publiques.
Quoiqu'il arrive, l'entreprise ne peut pas modifier le taux ni son mode de calcul puisque tous les mois, la déclaration sociale nominative permettra l'envoi d'un nouveau taux, ce qui permet d'assurer la contemporanéité de l'imposition. Un sondage de l'institut BVA, soumis au comité exécutif réunissant toutes les semaines l'ensemble des administrations qui s'occupent du prélèvement à la source, démontre que moins de 10 % des contribuables pensent qu'il faut se tourner vers le collecteur d'impôts en cas de problème. Nous devons sans doute communiquer davantage. À partir de la semaine prochaine d'ailleurs, les directeurs départementaux des finances publiques, notamment les services chargés de l'impôt des entreprises, vont réunir les entreprises de leur département – vous y serez associés si vous le souhaitez – pour les informer sur ce sujet. Je crois cependant que cela est entré dans la tête de nos concitoyens.
Quoi qu'il en soit, je répète que j'enverrai une autre lettre à tous les Français fin décembre pour leur rappeler que l'administration fiscale est leur seule interlocutrice sur ce sujet.
Nous publierons ces informations notamment via les portails en ligne et, pour ceux qui n'ont pas internet ou qui ne font pas leur déclaration en ligne, nous les leur enverrons sous format papier.
J'ai bien conscience que ce taux a toujours existé, monsieur de Courson, même s'il passait inaperçu. Désormais, nous le verrons à nu et nous nous en porterons mieux !
Les amendements identiques nos 1554 et 614 rectifié sont adoptés.
Je suis saisi de deux amendements, nos 1645 rectifié et 1996 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Cendra Motin, pour soutenir l'amendement no 1645 rectifié .
Cet amendement vise à renforcer l'engagement que vous venez de réitérer, monsieur le ministre, que l'avance sur les crédits d'impôt sera versée dans le courant du mois de janvier.
Je mesure la difficulté que cela représente pour les services de la direction générale des finances publiques, qui doivent déjà mettre en place de manière accélérée la nouvelle procédure, mais c'est pour moi l'occasion, monsieur le ministre, de vous entendre réaffirmer ici avec force, à l'attention de ceux de nos concitoyens qui se posent encore la question, qu'ils bénéficieront bien de ce crédit d'impôt avant la fin du mois de janvier, de manière à couvrir l'intégralité de leurs dépenses, passées mais aussi présentes. Je rappelle en effet que les dépenses ouvrant droit à ces crédits d'impôt, sont récurrentes – frais de garde d'enfants et autres services à la personne, frais d'hébergement en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD – , etc.
Cet acompte ayant pour but de sécuriser le budget des ménages qui en bénéficieront, je défends cet amendement pour vous entendre leur confirmer cette date.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 1996 .
L'article 3 expose les différentes mesures d'accompagnement du prélèvement à la source. Malheureusement, les promesses que vous aviez faites en la matière semblent avoir disparu.
Ainsi, l'emploi d'un salarié à domicile pour garder de jeunes enfants et les dépenses d'investissement locatif font bénéficier les contribuables de crédits d'impôt que le Gouvernement restituera à hauteur de 60 % lors de la mise en place du prélèvement à la source. Face aux inquiétudes des Français, vous vous êtes engagés à ce que cette restitution ait lieu courant janvier 2019. Or l'article 3 ne modifie pas en ce sens le code général des impôts : La date mentionnée reste le 1er mars de l'année au plus tard.
Je m'étonne que l'engagement du Gouvernement ne se traduise pas par une modification de la loi. Permettez-moi de vouloir sécuriser le contribuable en m'assurant que ces promesses ne demeurent pas lettre morte. C'est le sens de mon amendement.
Je m'engage à ce que, sans que le contribuable ait besoin de procéder à une quelconque démarche, les crédits d'impôt pour dépenses récurrentes – dons aux associations et aux oeuvres caritatives, dont 60 % sont récurrentes, frais d'hébergement en EHPAD, de garde d'enfant, etc. – soient versés le 15 janvier.
Il me semble qu'inscrire dans la loi la date du 31 janvier serait une mauvaise idée, une date aussi rapprochée risquant de faire naître du contentieux. Certes, les données de l'administration fiscale sont généralement fiables, mais s'agissant de 38 millions de contribuables, il peut y avoir quelques ratés – il peut arriver par exemple que les coordonnées bancaires indiquées par le contribuable soient inexactes.
En revanche, je confirme l'engagement que la quasi-totalité de ces crédits d'impôts seront bien versés le 15 janvier. Voilà pourquoi, mesdames les députées, je vous demanderai de retirer vos amendements. De toute façon, votre assemblée, notamment la commission des finances, aura l'occasion de contrôler ce que l'administration fiscale aura fait en la matière. Le Gouvernement vous fournira évidemment tous les éléments qui vous permettront de constater que nous avons tenu notre promesse.
Mon amendement prévoit le cas du rejet d'un virement mais il n'a peut-être pas pris en compte toutes les difficultés possibles. Je vous fais donc confiance, monsieur le ministre, mais vous avez raison : je ne manquerai pas de veiller au grain et de m'assurer que l'engagement aura été respecté !
Je retire mon amendement.
L'amendement no 1645 rectifié est retiré.
Je voudrais rebondir sur l'intervention de notre collègue Arnaud Viala. Vous avez répondu sur le sujet des crédits d'impôts récurrents – versement le 15 janvier, 5 milliards d'avances de trésorerie, etc. Fort bien : on peut espérer qu'au-delà des difficultés d'identification bancaire, cela fonctionne à peu près correctement. Dont acte par avance – vous voyez que je suis plutôt bon garçon !
En revanche, vous n'avez pas répondu s'agissant des primo-contribuables qui sont des centaines de milliers chaque année, notamment les jeunes qui entrent sur le marché du travail. Il y a aussi le cas des contribuables dont les parents entrent en maison de retraite : les difficultés qu'ils rencontreront ne seront absolument pas résolues par ce dispositif. Jusqu'à preuve du contraire, rien n'est prévu pour tous ces gens et vous ne pouvez pas nous rassurer sur ce point, sauf à nous apporter le Saint-Graal ce soir ! Je suis prêt à participer à cette quête, monsieur le ministre.
Que ces acomptes soient versés n'épuise pas le sujet. Ma crainte, c'est que l'administration fiscale n'en demande le remboursement quelques mois plus tard.
Prenons le cas d'un couple avec enfant. Ce qui sera versé au mois de janvier dépendra de la déclaration de revenus de l'année N-2, dès lors que l'on ne connaît que la déclaration de revenus transmise l'année N-1 et reflétant les revenus de l'année N-2.
Ce couple bénéficie d'un crédit d'impôt accordé en raison de la garde de l'enfant. Sitôt que celui-ci entre à l'école maternelle, la garde disparaît, mais les parents percevront l'acompte du crédit d'impôt. Leur en demandera-t-on le remboursement ?
Logiquement. Nous allons donc susciter non seulement des espérances mais des versements objectifs, qui aboutiront à des déceptions quelques mois plus tard. Ce qui est valable pour la garde d'enfants l'est pour de nombreux autres cas.
Monsieur le ministre, il aurait été tellement plus simple de tenir compte des recettes ainsi que des crédits d'impôt et des réductions d'impôt de l'année passée ! Tout était objectif et démontré, et on payait l'impôt sur cette base.
Au contraire, vous optez pour une autre logique. En fonction de la situation fiscale déclarée à l'année N-2, on vous accordera certains avantages donnant lieu à un acompte versé au mois de janvier, lequel s'avérera objectivement indu quelques mois plus tard. Grosse difficulté !
Je répondrai à M. Le Fur – après quoi nous pourrons avancer s'agissant du prélèvement à la source – ainsi qu'à M. Gosselin, donc à M. Viala.
Monsieur Le Fur, vous mobilisez, en guise d'argument, tout et son contraire. Si je marchais sur l'eau, vous diriez que je ne sais pas nager afin de lutter contre le prélèvement à la source.
Sourires.
De surcroît, vous marcheriez sur des eaux troubles, monsieur le ministre !
Sourires.
Votre opposition à celui-ci est si obsessionnelle que vous convoquez des arguments rigoureusement contraires à ceux que vous avanciez l'an dernier. Vous avez raison, monsieur le député ! Monsieur Le Fur, je ne peux rien faire pour vous et j'en suis désolé. M. Gosselin pose la question…
Il faudra répondre à ma question, monsieur le ministre, car elle est objective !
J'ai détaillé le dispositif un nombre incalculable de fois. Désormais, je parlerai en chtimi afin que vous me compreniez, car je crois que nous ne parlons pas la même langue.
Monsieur Gosselin, monsieur Viala, la question que vous posez porte sur les contribuables éligibles à un crédit d'impôt à compter de l'an prochain, ou de cette année d'ailleurs : comme l'a rappelé M. Le Fur, la mise en place du prélèvement à la source impose une année de transition, appelée « année blanche ». Il fallait bien qu'un gouvernement le fasse !
Je rappelle que M. Copé, M. Breton, M. Chirac et M. Giscard d'Estaing était tous favorables au prélèvement à la source. Aucun ne l'a mis en place faute de temps ou d'énergie.
M. Copé a indiqué très récemment qu'il aurait aimé mener cette réforme. C'est ainsi !
Monsieur Viala, monsieur Gosselin, si un contribuable intègre, cette année ou l'année prochaine, un mécanisme nouveau de crédit d'impôt, par exemple en raison de l'arrivée d'un premier enfant qu'il faut faire garder ou de l'admission d'un parent dans un EHPAD, il ne peut pas être comptabilisé en vue du versement d'un acompte, car le crédit d'impôt dont il bénéficie n'est pas récurrent – ce qui suppose, comme l'indique la langue française, qu'il soit réitéré.
Si au contraire un contribuable cesse d'être éligible, il bénéficie alors d'une avance de trésorerie de l'État. Je réponds ici à la question de M. de Courson : dans ce cas, je leur ferai écrire afin de leur signaler qu'ils devront peut-être rembourser le crédit d'impôt si celui-ci ne présente pas un caractère récurrent cette année-là.
Il n'y a pas de problème. Nous procédons à une avance de trésorerie. En somme, il faut prendre cet acompte comme une avance de l'État – monsieur Le Fur, il s'agit de l'argument contraire de celui que vous avanciez l'an dernier. Monsieur Gosselin, monsieur Viala, la situation est identique à celle d'un particulier aujourd'hui.
Si ! À système constant, si vous faisiez garder un enfant à compter du mois de janvier prochain et bénéficiiez pour cette raison d'un crédit d'impôt, vous ne pourriez pas l'appliquer à votre premier tiers provisionnel.
Non. C'est lorsque l'impôt est dû que l'on applique le crédit d'impôt. D'ailleurs, nous évoquons là l'un des problèmes que vous souleviez l'an dernier : en matière de trésorerie, certains seront perdants, en l'espèce ceux qui mensualisent le paiement de leur impôt sur le revenu en y incluant le crédit d'impôt de l'année passée, de sorte que celui-ci était pris en compte dès la mensualité du mois de janvier. C'est en partie pour résoudre le problème que vous avez soulevé que nous avons prévu le remboursement du crédit d'impôt à 30 %, puis à 60 %.
Ce sur quoi nous pourrions débattre, messieurs, c'est la « contemporanéisation » des crédits d'impôt. Il s'agit d'un point très important. Nous ne pouvons pas la mettre en place dès le mois de janvier pour des raisons techniques. Peut-être qu'un prochain ministre du budget, l'an prochain ou le suivant, …
… pourra vous le proposer, car nous aurons mis en place le prélèvement à la source. En vue de « contemporanéiser » les crédits d'impôt encore mieux qu'actuellement, dans le système du prélèvement à la source à la papa, ou à la Marc Le Fur, je ne sais comment l'appeler, …
Sourires.
… nous proposons un système permettant à terme d'appliquer la contemporanéisation des crédits d'impôt. Pour cette seule raison, il faut repousser l'amendement.
L'amendement no 1996 n'est pas adopté.
Certains contribuables sortent du champ d'application du dispositif. Dès lors que les enfants grandissent, leurs parents ne bénéficient plus des avantages fiscaux afférents à la petite enfance. Il faudra bien me répondre ! Ils bénéficieront d'un acompte de nature distincte – vous avez au moins compris la nécessité de verser un acompte.
Nous l'avons toujours dit !
Toutefois, celui-ci ne porte que sur une fraction très limitée des réductions d'impôt et des crédits d'impôt actuels. Toutes les familles connaissent l'existence de réductions d'impôt afférentes à la scolarisation des enfants au collège – 61 euros – , au lycée – 153 euros – et à l'université – 183 euros. Il suffit de cocher les cases de la déclaration d'impôt qui vont bien. Tous les Français qui ont des enfants savent cela.
Jusqu'à présent, comment le dispositif fonctionnait-il ? Je prendrai un exemple très précis. Soit une famille ayant un revenu annuel de 50 000 euros et trois enfants dont chacun est à un stade distinct de la scolarité. Si les deux adultes travaillent, le revenu mensuel de chacun est de l'ordre de 2 000 euros. Leur impôt théorique pour l'année est donc de 600 euros, dont on déduisait l'avantage collège, l'avantage lycée et l'avantage université, soit en tout 397 euros. Ils versaient donc un impôt réel de 203 euros, payés au cours de l'année N+1.
À présent, ils paieront 600 euros et ne seront remboursés des avantages collège, lycée et université, soit 397 euros, qu'une année plus tard. Les choses sont claires : ils participent à la trésorerie de l'État à hauteur de 600 euros et sont remboursés un an plus tard à hauteur de 397 euros.
Mon souci – qui est aussi l'objet de l'amendement – est de faire en sorte qu'ils bénéficient eux aussi de l'acompte, en l'espèce du remboursement à hauteur de 60 % des 397 euros. C'est simple.
Avis défavorable.
La situation est très simple. Une réduction d'impôt, connue des familles et identifiée par elles, par ailleurs conséquente, n'est absolument pas prise en compte dans l'acompte que vous prévoyez d'instaurer, monsieur le ministre.
Vous allez faire croire aux Français que chaque réduction d'impôt et chaque crédit d'impôt fera l'objet d'un acompte. Nous sommes obligés de constater que cette disposition ne vaut que pour quatre têtes de chapitre et pas pour beaucoup d'autres.
L'amendement no 10 n'est pas adopté.
Pour vous être agréable, monsieur le président, je considère qu'il est défendu.
Espérons que vous le resterez tout au long de la séance, cher collègue !
Sourires.
L'amendement no 11 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 13 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 14 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je le défends au nom de notre collègue Philippe Gomès. Plusieurs amendements identiques seront défendus par la suite, émanant de divers bancs, ce qui prouve l'importance du sujet.
Monsieur le ministre, avec cet article, vous élargissez le champ d'application des réductions d'impôt susceptibles de bénéficier du remboursement à 60 %, à tout le moins de l'avance de début d'année, à certains domaines importants tels que les gardes d'enfants, les EHPAD et les dons. Le caractère récurrent du crédit d'impôt a fait l'objet d'une approche prenant en compte les problématiques ultramarines, notamment dans le cadre de l'investissement locatif.
L'amendement que je défends ici, cosigné par plusieurs de nos collègues, vise à appeler l'attention sur les investissements productifs outre-mer. La logique appliquée à l'investissement locatif vaut en effet aussi pour l'investissement productif.
Dans nos territoires ultramarins, sur les contraintes desquels il est inutile de revenir, il importe de ne pas envoyer un message négatif à ceux de nos contribuables qui choisissent d'investir non seulement dans l'immobilier locatif mais aussi dans le tissu économique, dont l'investissement productif fait partie intégrante.
Si nous ne faisons pas en sorte que celui-ci soit éligible aux réductions d'impôt et aux crédits d'impôt susmentionnés, ces contribuables opéreront immanquablement des arbitrages, préférant probablement attendre pour investir, ou reporter leur investissement sur d'autres crédits d'impôt faisant l'objet d'une attention plus vigilante de la part du Gouvernement. L'amendement vise à intégrer dans le mécanisme de l'acompte l'avantage fiscal prévu par l'article 199 undecies B du code général des impôts.
Je compléterai l'argumentaire de notre collègue Dunoyer. Ces amendements portent sur le « Girardin industriel ». Outre-mer, tout citoyen peut investir dans un montage financier visant à aider à l'investissement ou à l'équipement d'une entreprise. Chez nous, les TPE et les PME en bénéficient tout particulièrement.
S'il faut attendre le mois de septembre de l'année suivante pour que le crédit d'impôt soit versé, cela risque de poser un réel problème de trésorerie aux investisseurs. C'est pourquoi nous demandons – comme c'est le cas pour d'autres investissements tels que le « Censi-Bouvard », le « Scellier », le « Duflot » et le « Pinel » – que l'acompte soit versé dès le mois de janvier, sans attendre la fin de l'année.
Nos deux collègues ont été très clairs sur la situation prévalant outre-mer. Le risque est simple : si le dispositif prévu à l'article 199 undecies B du code général des impôts n'est pas intégré à l'acompte versé dès le mois de janvier, les investisseurs n'investiront pas, et l'investissement productif que nous voulons développer outre-mer en vue de créer de la valeur et de la richesse risque d'être différé en fin d'année, ou de faire l'objet d'un arbitrage au profit d'autres dispositifs, ce qui serait vraiment dommage pour les outre-mer.
La parole est à Mme Hélène Vainqueur-Christophe, pour soutenir l'amendement no 2077 .
Il est identique aux précédents et soutenu par le groupe Socialistes et apparentés. Il vise à intégrer le « Girardin industriel » dans les crédits d'impôt et les réductions d'impôt qui feront l'objet du versement d'un acompte de 60 % dès le mois de janvier 2019. À défaut, le risque est réel d'inciter les contribuables à se détourner totalement du dispositif.
Mon intervention n'a d'autre objet que d'élargir le champ géographique de la demande. Le Pacifique et l'Atlantique l'ont déjà formulée, il s'agit ici de l'Océan indien. Nous demandons exactement la même chose.
Comme l'ont indiqué nos collègues, ces amendements portent sur le dispositif appelé « Girardin industriel », lequel permet de réduire le montant de ses impôts en procédant à des investissements productifs, à hauteur d'un montant compris entre 30 % et 35 % de la valeur de ceux-ci. Il s'agit d'un vrai moteur de l'investissement outremer.
Que celui-ci ne fasse l'objet d'un remboursement qu'au mois de septembre de l'année suivante tarira ce mode d'investissement. En excluant cette réduction d'impôt du mécanisme d'acompte, souhaite-t-on la rendre inefficace ? Souhaite-t-on faire disparaître ce mode d'investissement, notamment la défiscalisation en outre-mer ?
Ces amendements méritent un peu plus d'explications, monsieur le rapporteur général ! Il s'agit d'un vrai sujet pour l'outre-mer !
Je suis également défavorable à ces amendements, même si l'on peut en comprendre l'intention.
Le taux de récurrence des crédits d'impôt pour l'investissement productif outre-mer est de 20 %.
Mais non. Partons de l'idée – très bien démontrée par M. Le Fur – que l'acompte de 60 % concerne les crédits d'impôts les plus récurrents.
Mais le collège, le lycée, c'est récurrent, monsieur le ministre ! C'est plusieurs années de suite !
En l'occurrence, un taux de récurrence de 20 %, cela veut dire que 80 % des gens qui ont réalisé de tels investissements ne le font plus l'année d'après. Et nous verserions un acompte de 60 % que 80 % des gens devraient rembourser au mois de septembre ? Cela ne me paraît pas être de bonne politique.
Encore une fois, pour les dispositifs Scellier ou Pinel, le taux de récurrence se situe entre 55 % et 75 % ; et, pour le second, l'investissement se fait sur neuf ans. Pour les crédits d'impôt que vous évoquez ici, le taux de récurrence est de 20 %. Ne voyez donc aucun jugement de valeur dans notre décision ; mais la barre des 50 % n'est pas franchie, et c'est pourquoi le Gouvernement a fait le choix de ne pas verser d'acompte. Nous éviterons ainsi des difficultés de trésorerie très importantes à de nombreux ménages.
Monsieur le ministre, d'autres difficultés de ce genre se poseront à l'article 4.
En l'occurrence, je ne comprends pas votre argument. Vous ouvrez la possibilité d'un acompte pour certains crédits d'impôt, mais pas pour l'outre-mer. Vous ne réglez en rien le problème de trésorerie que rencontreront les investisseurs.
Ces crédits d'impôt servent à soutenir les entreprises qui pourraient venir investir localement. Or l'écart d'investissement public entre l'outre-mer et la métropole est déjà très important – 12 000 euros par habitant dans l'hexagone, contre 9 000 euros outre-mer, et les écarts de niveau de vie sont également bien connus. Dès lors, inciter clairement à l'investissement en ne supprimant pas cette possibilité d'intervention en trésorerie dès le départ, me semble très important. Je partage, vous l'avez compris, le point de vue de mes collègues.
Ajoutez à cela la question de l'abattement fiscal et tous les choix qui réduisent l'impact économique outre-mer… Attention ! Ce n'est pas une économie que vous faites. Au bout de la chaîne, vous aurez à régler des problèmes sociaux, voire des conflits, et cela coûtera bien plus cher.
Il est préférable d'investir plutôt que de devoir intervenir, en aval, pour réparer les effets du mal-développement ou du sous-développement.
Je m'associe à ce qui vient d'être dit par mes collègues. Je regrette vivement l'absence de prise en considération des crédits d'impôt pour les investissements productifs en faveur du logement social outre-mer. Je souligne les incohérences du Gouvernement : ces dispositifs permettent de soutenir l'activité économique.
Nous soutiendrons ces amendements.
Je ne comprends pas l'argument de la récurrence, monsieur le ministre. La réduction d'impôt que j'évoquais tout à l'heure concernait des enfants qui sont au collège, au lycée, à l'université : c'est un cycle qui dure des années. La récurrence était donc bien là.
Par ailleurs, si nous n'adoptons pas cet amendement de nos collègues ultramarins, quel signal envoyons-nous ? Sauf erreur de ma part, mes chers collègues, les dons aux partis politiques vont bénéficier de l'acompte. Pourquoi pas, me direz-vous.
Ils sont récurrents !
Les dons aux partis politiques seraient suffisamment importants pour bénéficier de l'acompte, et l'investissement outre-mer – créateur d'emplois, créateur d'activité, important pour le logement – n'en bénéficierait pas ? Quel message ! Réfléchissons-y.
Notre collègue Serge Letchimy a raison. Je soutiendrai évidemment ces amendements, comme tout notre groupe.
Prenons garde à ne pas envoyer de mauvais signaux à nos amis ultramarins, à ces territoires qui ont besoin de continuité.
Au-delà du cas de l'outre-mer, notre débat met en évidence les ruptures d'égalité que vous êtes en train d'installer, avec le prélèvement à la source, entre contribuables et entre territoires. Le Gouvernement a choisi de retenir quelques crédits d'impôt – en particulier ceux qui touchent davantage les familles, et tant mieux – mais d'autres sont écartés. Toute une partie de la population est laissée de côté.
Il y a là une véritable rupture d'égalité, et il faut le souligner. Il y aura désormais en France des contribuables de seconde zone, et des territoires de seconde zone. Je le regrette profondément.
C'est une réforme d'ampleur qui s'annonce et il convient, je crois, de rester très prudent. Je ne le cache pas, et c'est même une information tout à fait publique, la direction générale des finances publiques – DGFiP – a procédé à de nombreux ajustements afin d'aller vers un versement beaucoup plus large des crédits d'impôt aux familles. Cette mesure, je le rappelle, n'avait pas été prévue dans la version initiale votée en 2016.
Il a fallu énormément de travail. Je pense notamment au rapport d'application de la loi fiscale dû à notre rapporteur général et à notre collègue Cendra Motin – pour la mettre en oeuvre.
Nous sommes ainsi passés de trois crédits d'impôt intégrés à l'avance versée au mois de janvier à six maintenant. Nous reviendrons, par ailleurs, sur les réformes visant à la modernisation et au soutien économique des outre-mer lorsque nous débattrons des articles 4, 5 et 6. Nos débats en commission ont été francs et nourris, et je ne doute pas qu'ils le seront à nouveau dans l'hémicycle.
Le prélèvement à la source ne vise en rien à opposer les Français les uns aux autres, ou les territoires les uns aux autres.
L'État consent un effort de trésorerie de 5 milliards au bénéfice de 12 millions de ménages ; c'est là un effort substantiel, inédit, destiné à faciliter l'acceptation d'une réforme qui a été défendue durant des décennies mais qui n'a jamais été menée à bien…
… parce que personne ne s'était jamais donné les moyens de gérer l'année de transition.
Je souhaite que le sens de la responsabilité l'emporte : n'ajoutons pas, aujourd'hui, un dispositif supplémentaire à une mécanique déjà extrêmement complexe.
Nous en connaissons les conséquences possibles. Il y aura un débat sur les outre-mer. Le prélèvement à la source est un sujet complexe. Je demande à mes collègues de faire preuve de responsabilité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je commence par souligner que cette réflexion sur les avances avait déjà été entamée lors de la précédente législature – certes sur un champ restreint. On ne peut pas dire que cela surgit brusquement.
Monsieur le ministre, nous examinons ici le dispositif mesure après mesure ; il faudrait, au contraire, envisager son économie d'ensemble, et parler de façon globale du développement économique des territoires ultramarins, dont la plupart sont insulaires, et où un équilibre se construit pas à pas, et avec grande difficulté. Nos territoires sont en effet confrontés à des obstacles majeurs, en termes de formation, d'attractivité, de concurrence.
Vous prenez un risque énorme. Il ne s'agit pas pour nous d'agiter un chiffon rouge. Mais nous connaissons nos territoires, et nous savons que les logiques de développement économique et d'attractivité sont fragiles – intervenez sur un seul élément et c'est tout un système qui est mis en danger. Tout peut exploser !
Cette mesure vise à attirer l'investissement privé vers nos territoires ; et je peux vous assurer que quand nous captons un investisseur, nous sommes très heureux, car ils prennent un vrai risque.
Enfin, s'agissant des taux de récurrence, puisque vous avez choisi de les prendre en compte, le tableau dont nous disposons dans l'évaluation préalable des articles du projet de loi indique un taux de récurrence proche de 60 %. Dire que c'est insuffisant est, à mon sens, un jugement qui nous éloigne de nos objectifs.
Cet amendement suit la logique des précédents, mais cette fois pour les territoires disposant de l'autonomie fiscale – collectivités régies par l'article 74 de la Constitution et Nouvelle-Calédonie. Il s'agit d'intégrer les réductions prévues à l'article 199 undecies C, qui concerne le logement social. Là encore, si elles ne bénéficiaient pas de l'acompte, les personnes physiques seraient tentées de se détourner de ce dispositif et d'investir ailleurs, par exemple dans l'hexagone. Cela défavoriserait le logement social dans ces territoires, où il est pourtant fortement déficitaire.
Cet amendement a été parfaitement défendu par M. Serva. L'année même où vous plafonnez l'abattement fiscal, l'année même où vous supprimez la TVA non perçue récupérable – TVA NPR – , vous supprimez le Girardin industriel et le Girardin logement social ! C'est un procédé dangereux. Vous finirez par mettre le feu aux poudres !
Ces amendements proposent une extension du champ de l'acompte. Avis défavorable.
L'amendement no 15 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Pour vous être agréable, il est également défendu, monsieur le président.
Sourires.
L'amendement no 16 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 18 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 694 .
Cet amendement vise à simplifier le dispositif relatif aux dons. La majeure partie de ceux-ci sont ponctuels ; dès lors, il apparaît préférable de subordonner la prise en considération des dons réalisés l'avant-dernière année à la demande expresse du contribuable. Le dispositif tel qu'il est aujourd'hui prévu est une véritable usine à gaz !
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir l'amendement no 733 .
Cet amendement vise à améliorer le dispositif de l'acompte. Il s'agit surtout d'éviter les mauvaises surprises, c'est-à-dire les situations où des contribuables devraient rembourser des sommes importantes parce qu'ils auraient perçu un acompte en raison de dons versés en 2017. Or un grand nombre de dons sont ponctuels.
En outre, il est fort probable que l'instauration du prélèvement à la source et le flou relatif au traitement des réductions d'impôt aient fait chuter le montant des dons en 2018.
La rédaction actuelle du projet de loi prévoit que le contribuable recevra, en janvier 2019, un acompte lié à un don effectué en 2017 ; s'il n'a pas effectué de don en 2018, il devra rembourser cet acompte au mois de septembre suivant. Un grand nombre de nos concitoyens, je le redis, risquent de connaître une telle situation.
Afin d'éviter à l'État de mettre nos concitoyens dans la situation de devoir rembourser ce qu'ils n'auraient pas dû percevoir, cet amendement vise à déclencher le versement de l'acompte à la demande expresse du contribuable, s'il a bien effectué un don en 2018.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 1107 .
L'année dernière, à la même époque, nous avions alerté le Gouvernement sur le risque de ne pas prendre en compte toutes les réductions et les crédits d'impôt, et les conséquences sur le paiement de l'impôt par les Français. Finalement, monsieur le ministre, vous nous avez entendus, puisque, cet été, vous avez annoncé la mise en place d'un acompte, qui prend en compte six réductions d'impôt.
Hier, nous avons défendu un amendement visant à calculer le taux d'imposition sur le revenu net, après déduction de l'ensemble des réductions et des crédits d'impôt, ce qui apportait une réponse au crédit d'impôt Girardin industriel qu'évoquait notre collègue. Vous avez refusé cet amendement, arguant qu'il coûtait 10 milliards d'euros. Si c'était le cas, cela signifierait qu'en ne prenant pas en compte certains crédits et réductions d'impôt, vous demanderez 10 milliards d'euros de plus aux Français. Ces amendements visent à rattraper cela, car 10 milliards d'impôts, c'est beaucoup pour les Français !
Cet amendement vise à intégrer le crédit d'impôt pour la transition énergétique, le CITE – un crédit d'impôt important pour les particuliers et qu'ils connaissent bien – , à la liste des avantages fiscaux susceptibles de bénéficier de l'acompte. J'ignore la raison pour laquelle ce crédit d'impôt n'avait pas été retenu sur cette liste.
Ma crainte est la même que celle de nos collègues de l'outre-mer. Visiblement, seuls les crédits et réductions d'impôt que vous voulez pérenniser sont retenus dans l'acompte. Les autres sont plus ou moins menacés.
Aussi, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous indiquiez votre sentiment sur ce point, sachant que le CITE concerne 1 245 000 familles, un chiffre qui n'est pas négligeable.
L'amendement no 19 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je vais retirer cet amendement, puisqu'une solution semble pouvoir être trouvée sur ce sujet.
Cependant, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous fassiez un point précis sur les emplois à domicile, car la communication sur cette question a été marquée par des incertitudes.
Le particulier employeur n'est pas considéré comme un employeur banal, et on ne lui demande pas d'assumer la collecte de l'impôt. Quant aux employés, vous aviez d'abord dit qu'ils ne paieraient pas d'impôt au titre de la première année, 2019. Aujourd'hui, vous expliquez que l'impôt sera bien dû – je ne voyais d'ailleurs pas bien comment une catégorie de contribuables pouvait être épargnée – , mais au titre de 2020.
Il est vrai que les contribuables concernés ne sont pas si nombreux ; en font partie, en particulier, des assistantes maternelles qui paient l'impôt. Si je comprends bien le dispositif, celles-ci devraient être conduites à payer en 2020 deux années d'impôt, au titre de 2019 et de 2020.
Je souhaiterais donc que M. le ministre nous indique ce qu'il en est. Ces catégories méritent toute notre attention, qu'il s'agisse des employeurs, qui ont recours à ces personnes, ou des salariés – employés à domicile ou assistantes maternelles.
L'amendement no 20 est retiré.
Il est défendu, monsieur le président, mais je n'ai pas obtenu de réponse à la question que j'ai posée.
Les catégories concernées concernent des milliers de personnes. Si j'ai bien compris, monsieur le ministre, – j'attends d'en avoir la confirmation – , comme aucun impôt n'est prélevé en 2019, vous allez demander à ces personnes de payer deux impôts en 2020. Vos éclaircissements sont donc nécessaires sur ce dispositif, qui concerne les assistantes maternelles comme les personnes qui travaillent au domicile des particuliers.
L'amendement no 21 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je défends cet amendement en reposant une question on ne peut plus claire. Monsieur le ministre, si ce n'était pas déjà le cas, vous allez connaître l'obstination des Bretons.
Cette question légitime se pose pour des milliers de gens. Dans cette hypothèse, l'employeur n'est pas collecteur d'impôt, puisqu'on ne peut demander à M. ou Mme Durand, qui salarie son employé trois heures par semaine de collecter l'impôt de cette personne. Dès lors, comment l'employé paiera-t-il l'impôt ?
On avait imaginé utiliser le chèque emploi service universel – CESU – pour faire la transition, mais cela n'est techniquement pas possible. Ces catégories de personnes ne peuvent donc pas payer l'impôt au titre de 2019.
Monsieur le ministre, l'une des vocations du Gouvernement dans l'hémicycle est de répondre aux questions qui se posent. Comment ces personnes, pour celles qui sont soumises à l'impôt, acquitteront-elles celui-ci, puisque l'on nous explique – à défaut d'explications de votre part, nous les lisons dans la presse – qu'en 2020, elles devraient payer les impôts de 2019 et de 2020.
Avis défavorable.
Monsieur Le Fur, il me semble avoir plus que pris le temps de répondre à toutes les questions passionnantes que vous posez.
Si ! Les crédits sont récurrents d'une année sur l'autre, mais pas votre mémoire, monsieur Le Fur, puisque nous avons eu la même explication l'année dernière.
Pour les employés à domicile embauchés par des particuliers employeurs, j'ai expliqué pourquoi, à la différence des employés embauchés par des associations ou des entreprises, l'impôt à la source était reporté au 1er janvier 2020. Il nous fallait, en effet, fusionner la plateforme CESU et celle délivrant la prestation d'accueil du jeune enfant – PAJE – , et les supports papier et numérique, afin de simplifier la vie tant des particuliers employeurs que des particuliers employés.
Je vais donc le répéter une nouvelle fois, puisque la répétition fonde l'art de la pédagogie…
… et fixe la notion. Toutefois, il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, monsieur Le Fur. Et si les Bretons sont têtus, tous n'ont peut-être pas une mémoire non récurrente comme la vôtre. Je suis cependant heureux de vous répondre une nouvelle fois.
Non, monsieur Le Fur, sur ce point, il n'y a pas eu de changement par rapport à ce que nous avions annoncé l'année dernière. J'ai eu l'occasion de vous le dire, notamment en commission des finances, nous simplifions le dispositif pour les 3 millions de particuliers employeurs, gardes d'enfant ou employés à domicile comme les femmes ou hommes de ménage.
Quant au million de particuliers employés, à ma connaissance, seuls 250 000 d'entre eux paient l'impôt sur le revenu, et, pour un tiers d'entre eux, du fait d'être particulier employé. Souvent, une femme de ménage ou une aide à domicile touche un salaire suffisamment élevé pour être imposable parce qu'elle a plusieurs employeurs : elle effectue des heures de ménages comme particulier employé en complément du travail qu'elle occupe dans une association ou une entreprise. Un homme ou une femme de ménage travaille pour une entreprise ou est serveur dans un restaurant et, parallèlement, est particulier employé pour quelques heures.
Il est donc faux de dire et de répéter, comme vous le faites, monsieur Le Fur, que 1 million de personnes ne paieront pas l'impôt à la source l'année prochaine, puisque seules 250 000 d'entre elles paient l'impôt sur le revenu, dont un tiers sont employées à plein par un particulier employeur.
Le cas de ces 75 000 à 90 000 personnes est toutefois important. Je leur ai écrit, pour leur dire qu'elles avaient deux possibilités. Soit elles peuvent gagner une année de trésorerie en étalant les impôts dus pour l'année 2020 sur douze ou dix-huit mois, sachant que, souvent mensualisées, ces personnes paient, de mémoire, 70 à 80 euros par mois. Avouez, monsieur Le Fur, que cette largesse fiscale n'est pas donnée à beaucoup de contribuables ! Soit elles peuvent opter pour une sorte d'impôt à la source, mis en place pour les particuliers employés dès 2019, pour ne pas bénéficier de cette magnifique mesure que vous défendez désormais, monsieur Le Fur, si je comprends bien votre raisonnement, et de payer des acomptes contemporains entre septembre et décembre de l'année prochaine, en lien optionnel avec les finances publiques.
J'ai déjà répété cela plusieurs fois. Je suis heureux de vous le redire, monsieur Le Fur, mais, sans vous commander, et en respectant la séparation des pouvoirs, ce qui ne retirera rien à votre identité bretonne dans l'hémicycle, peut-être pourrions-nous nous concentrer sur des débats qui vont nous conduire assez loin encore dans la nuit de vendredi à samedi ou de samedi à dimanche.
Tout en remerciant M. le ministre de sa réponse, je souhaiterais ajouter deux questions.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Le CESU pourra-t-il prendre en compte cette situation à partir de 2020 ? Initialement, c'était la solution prévue. À défaut, une date raisonnable pourrait être indiquée, car je sais que la situation est compliquée.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous n'évoquez pas les assistantes maternelles, qui jouent un rôle social considérable et qui comptent une part de personnes imposables souvent plus importante. J'imagine que vous leur appliquez la même règle que celle énoncée. En tout état de cause, ces personnes méritent aussi notre attention.
Ce serait une insulte, monsieur Le Fur, d'attendre pour vous répondre les prochains amendements, très nombreux, que vous avez encore déposés sur l'impôt à la source, et qui renvoient au même débat.
Pour vous montrer ma grande sympathie à votre égard, je le répéterai une nouvelle fois. Les assistantes maternelles n'ont pas le même problème. Ce que vous avez dit sur leur impôt sur le revenu n'est pas vrai, car ces personnes, qui touchent des revenus plus importants, bénéficient d'un abattement de 10 %, permettant de calculer un taux qui, souvent, ne leur fait pas payer d'impôt sur le revenu.
À ce titre, monsieur Le Fur, je vous invite à lire l'excellent numéro d'Assistantes maternelles magazine, auquel j'ai donné une longue interview. Je vous l'enverrai, à vos frais, évidemment
Sourires
et vous aurez, sur six pages, l'intégralité de la fiscalité de l'impôt à la source appliquée aux assistants maternelles.
S'agissant de la plateforme du CESU, nous l'utiliserons évidemment au 1er janvier 2020 pour l'impôt à la source. Elle sera même prête en juillet ou août de cette année mais, par souci de cohérence, nous ne l'utiliserons pas avant la date annoncée, afin de ne pas imposer aux contribuables concernés une moitié d'année avec impôt à la source et une autre, sans.
Monsieur Le Fur, si j'ai été heureux de répondre à vos questions, peut-être pourrions-nous à présent avancer dans le débat sur les questions budgétaires et fiscales qui concernent les années 2020 et 2019, non celles du siècle précédent. Je vous en remercie.
L'amendement no 22 n'est pas adopté.
L'amendement no 23 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 24 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement, qui sera le seul sur lequel j'interviendrai plus longuement, a été adopté par la commission des finances en dépit de l'avis défavorable que j'avais donné.
Je souhaiterais revenir sur les raisons qui m'ont conduit à donner un tel avis. Outre la position de principe, énoncée au début de cette série d'amendement sur le prélèvement à la source, de ne pas ouvrir la possibilité d'inclure de nouveaux crédits d'impôt dans le champ de l'acompte, l'ajout de ce crédit d'impôt en particulier ne me semble vraiment pas pertinent, car il bénéficie à des entreprises agricoles.
Tous les autres cas que nous avons examinés jusqu'à présent concernent des dispositifs au bénéfice de contribuables individuels – services à la personne, garde d'enfants, dons, cotisations versées aux organisations syndicales – et non à des entreprises.
Le crédit d'impôt est accordé au titre de chacune des années 2011 à 2020 au cours desquelles au moins 40 % des recettes des entreprises proviennent de l'agriculture biologique. Il n'a donc pas vocation à être pérenne. Il ne semble pas souhaitable de l'intégrer dans le champ de l'acompte alors qu'il s'éteint en 2020.
En outre, l'extension du champ de l'acompte est justifiée par le caractère récurrent des dépenses, donc des avantages fiscaux. Compte tenu des aléas auxquels les agriculteurs sont malheureusement confrontés, il n'est pas certain que les sociétés remplissent le critère de 40 % qui conditionne le bénéfice du dispositif.
Pour terminer, je reviens sur un malentendu qui s'est instillé. Le fait de ne pas inclure dans le champ de l'acompte le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique ne pénalisera aucunement les sociétés qui bénéficient de ce dernier. En effet, l'acompte n'est pas un avantage supplémentaire ; il s'agit d'un paiement anticipé du montant de l'avantage fiscal.
Pour les bénéficiaires de ce crédit d'impôt, rien ne change. Voilà les raisons pour lesquelles j'avais émis un avis défavorable sur cet amendement – outre le fait que le crédit d'impôt a été renforcé dans la loi de finances pour 2018. Pour autant, la commission a adopté l'amendement.
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l'amendement no 47 .
Je suivrai l'avis de la commission. Cet amendement, qui vise à intégrer le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique dans le champ de l'acompte, est essentiel pour pallier le manque de trésorerie dont souffrent les exploitants, du fait notamment des retards de paiement des aides à l'agriculture biologique et des mesures agro-environnementales et climatiques.
Il s'agit d'un amendement identique. Monsieur le rapporteur général, vous savez toute l'estime que je vous porte, mais si vous êtes libre de donner votre opinion, il est de votre devoir de rappeler que la commission des finances a voté cet amendement.
À quoi sert-il de se réunir si l'avis de la commission n'est pas clairement exprimé dans les débats ?
D'abord, contrairement à ce que vous affirmez, le crédit d'impôt est récurrent – une fois que le choix de l'agriculture biologique a été fait, il demeure. Ensuite, vous nous opposez qu'il concerne des sociétés. On pense alors à de grosses affaires, mais ce sont des sociétés de personnes, des EURL – entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée – , souvent de petites exploitations dont les propriétaires ont choisi d'exploiter au mieux l'espace qui est rare. Cela mérite donc toute notre attention. On ne peut pas en permanence dans nos discours insister sur l'importance de l'agriculture biologique et ne pas prévoir un acompte pour ce crédit d'impôt.
Enfin, M. Vigier l'a parfaitement dit, ces agriculteurs connaissent des difficultés de trésorerie parce qu'ils sont censés bénéficier de crédits européens. Mais l'ASP, l'Agence de services et de paiements, qui est une usine à gaz géniale – vous en ferez une meilleure encore avec le prélèvement à la source ! – , est incapable de verser ces crédits.
Notre proposition me paraît relever du bon sens. Si vous ne l'acceptez pas, arrêtez de parler d'agriculture biologique.
La parole est à M. Patrice Verchère, pour soutenir l'amendement no 500 .
Dans la même logique, il vous est proposé d'intégrer le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique dans le champ de l'acompte prévu à l'article 1665 bis du code général des impôts.
Alors que l'agriculture biologique connaît une croissance sans précédent, les producteurs bio sont confrontés depuis plusieurs années au même problème : les aides promises par l'État sont versées avec plusieurs mois de retard. À chaque fois, les représentants de la profession sont obligés de tirer la sonnette d'alarme, voire d'organiser des manifestations pour que les aides soient payées. L'an dernier, face aux retards de paiement des aides bio et des mesures agro-environnementales et climatiques, les agriculteurs ont dû se tourner vers leurs banques pour obtenir une avance de trésorerie. En juillet dernier, soit quinze mois après la date à laquelle les aides de 2016 auraient dû être versées, le Gouvernement a annoncé un nouveau retard. Avec tous ces retards accumulés, les trésoreries sont bien souvent négatives et la situation des agriculteurs est dramatique. Pour obtenir de nouvelles avances, les banques demandent des garanties supplémentaires que les agriculteurs ne sont pas en mesure de leur fournir. Elles prennent peur et ne prêtent plus. Les agriculteurs sont acculés.
Cet amendement permet de répondre en partie à ces situations car, comme le rappelait un syndicat agricole, il y a des êtres humains derrière les retards de paiement.
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir l'amendement no 734 .
Si cet amendement a été voté par la commission, c'est pour une bonne raison. Nous sommes unanimes pour considérer que les retards de paiement de l'ASP, depuis la dernière programmation du FEADER – Fonds européen agricole pour le développement rural – , placent les exploitants en agriculture biologique dans une situation extrêmement délicate. Une telle absence de visibilité n'encourage pas à l'installation en agriculture biologique.
L'objectif de cet amendement, qui a été adopté en commission, est d'inciter le Gouvernement à tirer les conclusions des insuffisances de l'ASP en prenant en compte le crédit d'impôt, très facile à identifier, dans l'acompte. Ce serait, en outre, un très bon signal en direction de l'agriculture biologique.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement no 2078 .
L'article 3, qui élargit le champ des crédits d'impôt donnant lieu au versement d'un acompte, est bienvenu. Le groupe Socialistes le votera. L'amendement prévoit d'étendre ce champ au crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique, ce qui serait un bon geste envers tous ces agriculteurs. Cela ne représente pas des sommes énormes pour le budget de l'État et ce serait une bouffée d'oxygène pour les exploitations agricoles au moment où les trésoreries souffrent.
J'avoue, monsieur le rapporteur général, avoir du mal à suivre votre raisonnement sur cet amendement adopté par la commission des finances.
Vous nous objectez que le crédit d'impôt concerne des exploitations agricoles. Certes, mais 70 % d'entre elles sont assujetties à l'impôt sur le revenu et non à l'impôt sur les sociétés. Il y a donc une certaine logique à demander le bénéfice de l'acompte versé aux contribuables au titre de l'impôt sur le revenu.
Ensuite, vous arguez de ce que le crédit d'impôt s'éteindra en 2020. Dans le même temps, vous acceptez le versement de l'acompte pour le crédit d'impôt lié aux dons aux particuliers dont la durée de vie est par essence d'un an – il n'existe aucune garantie que le particulier réitère son don l'année suivante.
Enfin, vous indiquez que la mesure ne change rien au montant de l'impôt. C'est vrai, mais elle représente un gain énorme en trésorerie. Comme l'ont expliqué mes collègues, le retard dans le versement des aides dépasse dix-huit mois. Le gain en trésorerie est vraiment important pour les exploitations agricoles.
M. Charles de Courson applaudit.
La commission a adopté ces amendements, en dépit d'un avis défavorable du rapporteur.
Le rapporteur a dit que la commission avait adopté l'amendement et qu'il avait donné un avis personnel défavorable.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je crois que chacun a bien compris la position de la commission et l'avis personnel du rapporteur. Il appartient au ministre de faire connaître la position du Gouvernement… Vous voulez vous exprimer, monsieur le président de la commission des finances ?
Que les choses soient claires : la commission a adopté l'amendement, ce qui signifie qu'elle est favorable à l'amendement ; le rapporteur a ajouté qu'à titre personnel, il y était opposé. Mais la commission a voté de manière favorable.
Il y a aussi, derrière le rapporteur général, un homme qui a ses propres opinions.
Sourires.
L'avis du Gouvernement est défavorable.
Je rappelle à chacun – je suis heureux que nous soyons de plus en plus nombreux dans l'hémicycle, j'espère qu'il en sera ainsi toute la nuit et tout le week-end – que nous discutons du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu pour les particuliers. Vous proposez ni une baisse ni une augmentation d'impôt mais une avance de trésorerie. Entre nous, je ne suis pas certain qu'il soit de bonne légistique de jouer sur la fiscalité au motif de retards dans le paiement des aides. Vous utilisez le contrôle parlementaire d'une manière différente de celle que j'aurais choisie à votre place.
Les retards sont tout à fait critiquables, et ils ne sont pas nouveaux. Dans le budget que nous présentons, Stéphane Travert et moi-même avons renforcé les moyens mis à disposition de l'ASP, dont l'insuffisance était en partie responsable de ces retards. Nous en discuterons lors de l'examen des crédits du ministère de l'agriculture, la première partie du PLF n'est pas le lieu pour un tel débat.
Il s'agit d'un crédit d'impôt au bénéfice de sociétés qui sont assujetties à l'impôt sur le revenu ; ce n'est pas un crédit d'impôt pour les particuliers. Monsieur Le Fur, il n'y a aucun lien, et votre amendement est un cavalier. Vous cherchez à instaurer une avance de trésorerie dans un domaine particulier alors que l'article traite de l'impôt à la source pour les particuliers.
Au vu de nos débats depuis ce matin, cette question est déjà assez compliquée pour que vous évitiez ce genre d'avance de trésorerie.
Le crédit d'impôt que vous visez n'est pas récurrent. Avec cet amendement – si le Conseil constitutionnel ne le censure pas, mais il le censurera très certainement compte tenu de la grossièreté du cavalier – , vous allez rendre un mauvais service aux agriculteurs : alors qu'ils connaissent des difficultés de trésorerie, ils recevront des avances qu'ils devront rembourser, car l'avantage fiscal n'est pas récurrent année après année. Vous allez fragiliser encore la trésorerie des agriculteurs. Vous allez donc à l'encontre de l'objectif que vous affichez.
J'invite le Parlement à s'intéresser davantage au fonctionnement de l'ASP et aux paiements du ministère de l'agriculture. Nous y avons beaucoup travaillé avec Stéphane Travert et nous vous présenterons les résultats avec Didier Guillaume, dans les prochains jours.
Je suis étonnée, monsieur le ministre, de votre appréciation sur l'impôt sur le revenu. Lorsqu'on est assujetti à l'impôt sur le revenu, on établit une seule déclaration et un seul compte est concerné. Il y a deux ans, nous avions suggéré que le versement du CICE soit effectué sur deux comptes, celui du chef d'entreprise et un autre compte bancaire : Bercy avait refusé.
C'était il y a deux ans !
Oui, mais c'est toujours Bercy ! Et, monsieur le ministre, vous incarnez la continuité de l'État.
Vos services avaient donc refusé, en expliquant très clairement que le crédit d'impôt était traité de la même façon qu'il s'agisse des recettes de l'activité professionnelle ou des revenus personnels du chef d'entreprise. Telle est l'interprétation qui avait été donnée pour le CICE. Vous ne pouvez donc pas nous dire aujourd'hui qu'une avance sur le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique serait traitée différemment. Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le ministre, je crois que ce n'est pas exact. En tout cas, c'est contraire à ce qu'avaient dit vos services il y a deux ans sur un sujet équivalent.
Ce ne sont pas les services qui communiquent !
Peut-être, mais ce sont eux qui appliquent la règle. S'agissant du CICE, il n'y a pas de distinction, puisque les recettes de l'activité sont soumises non pas à l'impôt sur les sociétés, mais à l'impôt sur le revenu. Je crains que votre argument ne soit pas cohérent par rapport à la pratique déjà appliquée.
Pour le reste, nous sommes bien conscients qu'il s'agirait d'un avantage non récurrent, mais c'est le cas pour tous les autres crédits d'impôt existants.
Vous pouvez tout à fait arrêter de solliciter votre nounou ou de faire appel aux services à la personne auxquels vous recourez habituellement ; c'est exactement la même chose.
Vous repoussez donc cet amendement pour une seule raison, monsieur le ministre : vous n'êtes pas d'accord avec cette avance supplémentaire. Nous pourrions l'entendre. En revanche, je ne suis pas d'accord avec les autres arguments que vous avez employés.
Je souhaite d'abord faire un petit rappel. Je crois que votre amour pour l'agriculture biologique, chers amis du groupe Les Républicains, a été variable au cours des dernières semaines. Ainsi, je ne me souviens pas vous avoir entendus soutenir le passage à 20 % de produits biologiques dans les cantines lors de l'examen du projet de loi EGALIM.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LR.
En tout cas, si ma mémoire est exacte, les débats avaient été très animés.
Mes chers collègues, veuillez laisser Mme de Montchalin s'exprimer, s'il vous plaît.
Je rappelle également que nous avions longuement débattu l'an dernier des éventuelles modifications de ce crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique et de son prolongement jusqu'en 2020. Le crédit d'impôt a été effectivement étendu jusqu'en 2020, et son montant a été fixé à 3 500 euros par an.
Depuis le début de l'examen de l'article 3, je le répète, nous obéissons à un principe : nous devons faire preuve de responsabilité. Le système du prélèvement à la source est prêt, la DGFiP a déjà procédé à de très nombreuses modifications et il serait aujourd'hui dangereux, du point de vue technique, d'ajouter des contraintes supplémentaires au système.
Nous pouvons débattre sur le point de savoir s'il est question, en l'espèce, de l'impôt sur le revenu des particuliers ou de l'impôt sur le revenu d'une activité professionnelle. En tout cas, le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique, qui s'élève à 3 500 euros par an, sera bien accordé jusqu'en 2020.
Pour le reste, il faut faire preuve de responsabilité. La politique politicienne qui consiste à embrasser une cause de manière opportuniste n'est pas la nôtre !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
En ce qui concerne la cohérence des positions, madame la porte-parole du groupe majoritaire, vous n'avez aucune leçon à nous donner.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous avons voté l'amendement prévoyant le passage à 20 % de produits biologiques dans les cantines.
En revanche, nous nous sommes opposés à la fixation d'un pourcentage plus élevé.
Vous qui prétendez défendre l'agriculture biologique, vous acceptez l'idée que les exploitants agricoles – ils vous regardent en ce moment – n'aient pas perçu leurs aides à la conversion au titre de l'année 2016 au motif que les logiciels et les applications nécessaires n'ont pas été fournies aux directions départementales des territoires pour qu'elles puissent procéder aux versements.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Mes chers collègues, vous couvrez la voix de l'orateur de votre groupe…
La plupart des aides de 2016 ne seront pas versées avant la fin de l'année 2018. Vous êtes en train d'expliquer à ces agriculteurs que vous ne voulez pas leur consentir une avance sur le crédit d'impôt auxquels ils ont droit. C'est invraisemblable !
Monsieur le ministre, vous avez affirmé, à juste titre, que l'on ne pouvait pas laisser les services décider. Dès lors, comment pouvez-vous accepter que la porte-parole du groupe majoritaire nous explique, en plein examen du projet de loi de finances, que le système est calé et qu'il n'est pas question d'y changer quoi que ce soit ?
Que cela signifie-t-il pour la démocratie et pour l'exercice des prérogatives du Parlement ?
À ce moment-là, cessons de discuter du projet de loi de finances ! Vous n'êtes pas en cause, monsieur le ministre, mais je vous interpelle car j'ai besoin d'une réponse à ce sujet : Mme de Montchalin nous explique que nous ne pouvons plus rien modifier, notamment pas les dispositions relatives à ce crédit d'impôt, parce que le système est calé.
De grâce, pas de leçons ! Pour notre part, nous sommes cohérents avec nos positions sur l'agriculture biologique. Nous demandons la modification du dispositif. Les agriculteurs biologiques nous regardent et attendent cela avec impatience. Ils ont souffert de graves difficultés de trésorerie à cause de retards intolérables dans le versement de leurs aides, qui ne sont toujours pas résorbés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous sommes tous très attentifs à ce qui se passe aujourd'hui dans le monde agricole. Nous connaissons tous des agriculteurs confrontés à des difficultés. Nous avons tous été très présents à leurs côtés lors de la préparation de la loi EGALIM. Nous avons fait remonter, nous aussi, les nombreux problèmes de trésorerie qu'ils rencontrent.
En tout cas, j'aimerais que nous soyons précis dans nos propos. Si je me réfère aux différents communiqués de presse publics du ministre de l'agriculture Stéphane Travert, …
… les aides MAEC-Bio de 2015 ont été payées ; celles de 2016 sont en train de l'être depuis le mois de mai et le seront intégralement d'ici à la fin de l'année ; …
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
… la campagne 2017 est lancée depuis septembre 2018 ; la campagne 2018 commencera entre février et mars 2019, comme d'habitude.
Nous avons donc rattrapé le retard pris précédemment, car nous avons, nous aussi, à coeur de défendre notre agriculture et de soutenir les agriculteurs biologiques.
Nous avons d'ailleurs voté, l'année dernière, des augmentations en leur faveur, notamment celle des prêts à l'installation. Nous faisons tout ce qu'il faut. Nous allons prendre de nouveau, dans le cadre de ce projet de loi de finances pour 2019, des mesures en leur faveur. Je suis, moi aussi, très attachée à notre agriculture et à l'agriculture biologique.
Il faut aider les agriculteurs biologiques, mais avec les bons outils. Or l'avance prévue à l'article 3, qui est liée au prélèvement à la source et à l'impôt sur le revenu des ménages, n'est pas le bon outil. Voilà ce que nous voulons vous dire. Nous ne vous disons pas qu'il n'est pas utile d'aider les agriculteurs ; nous disons seulement que cette avance n'est pas le bon outil pour le faire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Vous seriez inspirée, madame de Montchalin, de vous abstenir de nous donner des leçons, alors même que vous avez brillé par votre absence lors de la discussion du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre, vous vous réfugiez derrière des arguties techniques, de même que la majorité. Pourtant, la politique n'est pas seulement une affaire de technique, c'est aussi une affaire de volonté. Il est essentiel que vous fassiez preuve de cohérence, même si ce n'est pas, je le sais, la marque de fabrique de ce gouvernement.
Aux termes de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole, adoptée par l'Assemblée il y a quelques semaines, les maires devront, à partir du 1er janvier 2020, intégrer dans le menu des cantines scolaires une quantité non négligeable de produits issus de l'agriculture biologique ou locale – cela a été rappelé tout à l'heure. Vous avez aujourd'hui l'occasion de faire en sorte que ces matières premières soient issues de l'agriculture biologique française plutôt que d'être importées. Car la réalité est la suivante : il y a un déséquilibre dans la production agricole biologique.
L'accompagnement de notre filière agricole dans la démarche de transition biologique est aussi de votre ressort, monsieur le ministre.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Je pense à tous ces agriculteurs qui se sont convertis au bio et se sont trouvés en difficulté parce que les aides promises n'ont pas été versées. J'en ai rencontré de nombreux dans mon département.
Si nous voulons soutenir l'agriculture biologique et l'aider à se développer, il faut lui adresser des signes forts, pas seulement des mots. Je soutiendrai donc, moi aussi, ces amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Jean-Louis Bricout applaudit également.
Elle se fait au minimum en trois ans, et cela peut être quatre ans en cas de problèmes techniques.
Le taux de renouvellement de la dépense est donc, au minimum, des deux tiers. Par conséquent, le critère de 50 % de renouvellement que vous appliquez est rempli, monsieur le ministre.
Par ailleurs, de nombreux agriculteurs exploitent à titre personnel, et ceux qui exploitent via une société agricole sont soumis, à 99 %, à l'impôt sur le revenu, et non à l'impôt sur les sociétés.
Il s'agit donc bien d'un crédit s'appliquant à l'impôt sur le revenu. Les bénéfices agricoles sont l'une des composantes de l'assiette de cet impôt.
J'ajoute que la commission des finances n'est pas composée d'hurluberlus ; ce n'est pas la tendance générale. Elle a adopté ces amendements à une forte majorité, indépendamment de toute considération partisane. Et voilà que nous sommes en train de faire de ces amendements l'objet d'une lutte partisane !
Enfin, il y a un point faible dans votre réponse, monsieur le ministre. Vous avez dit que les aides à la conversion étaient payées très tardivement, que l'Agence de services et de paiement avait jusqu'à dix-huit mois de retard. Or ce n'est pas le Parlement qui est responsable de cette situation ; ce sont les ministres qui ont autorité sur les administrations.
Vous ne pouvez donc pas dire ce que vous avez dit.
Nous discutons là d'une petite mesure symbolique, qui n'a franchement rien de révolutionnaire. C'est pour cela que les membres de la commission des finances l'ont acceptée dans leur très grande majorité.
J'ai bien entendu tous les arguments, mais je ne peux pas soutenir cet amendement. Il est question de fiscalité. Je rappelle qu'il y a différentes catégories de revenu : les bénéfices agricoles, les bénéfices non commerciaux, les bénéfices industriels et commerciaux. Or chacun de ces revenus a son mode de détermination. Ces amendements ne tiennent pas techniquement…
… car, pour faire cette avance, il faudrait déterminer le bénéfice agricole. Ces amendements ne tiennent pas fiscalement, car ils ne concernent pas l'impôt sur le revenu.
Le bénéfice agricole est un élément qui permet de déterminer le revenu.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
La commission des finances a adopté ces amendements contre l'avis du rapporteur général, ce qui est relativement rare. Cela veut dire qu'il y avait un accord politique à peu près complet à ce sujet, ce qui n'empêche pas d'avoir des opinions divergentes.
Cette mesure n'aurait pas de conséquences importantes en termes financiers. Néanmoins, nous ne disposons pas de l'évaluation de son coût. Si vous l'avez, peut-être pourriez-vous nous la donner, monsieur le ministre ? En tout cas, c'est une mesure mineure pour les finances publiques, mais très importante pour les personnes concernées, qui pourrait faire l'objet, a priori, d'un accord politique entre les différents groupes de l'Assemblée.
Peut-être y a-t-il des difficultés juridiques, mais on doit pouvoir trouver une solution, car l'impôt sur le revenu est bien l'impôt concerné par les crédits d'impôt.
Selon moi, le Gouvernement devrait faire un geste et accepter ces amendements.
Mon avis est toujours défavorable, pour les mêmes raisons, qui ont été exposées très clairement.
Je ferai trois remarques.
Premièrement, nous confondons manifestement, dans ce débat, deux sujets distincts : le prélèvement à la source pour les particuliers et les revenus des professionnels, quand bien même ceux-ci paient l'impôt sur le revenu.
Deuxièmement, avec cette mesure, on créerait, à coup sûr, une rupture d'égalité entre les assujettis à l'impôt sur le revenu qui toucheraient l'avance sur le crédit d'impôt et les assujettis à l'impôt sur les sociétés qui ne bénéficieraient pas du même crédit d'impôt. Cette mesure serait donc, à coup sûr, invalidée par le Conseil constitutionnel.
Pour vous répondre, monsieur le président de la commission des finances, cette avance consentie par l'État aurait un coût de trésorerie, mais pas de coût budgétaire.
Troisièmement, vous avez raison, mesdames, messieurs les députés : il y a deux ans et trois ans, il y a eu des difficultés très fortes dans le paiement des aides dues aux agriculteurs. Vous relèverez que je n'étais pas ministre des comptes publics à l'époque, et que le ministre de l'agriculture n'était pas non plus le même qu'aujourd'hui. Nous avons réglé ce problème avec M. Travert. D'ailleurs, dans le budget que nous vous présentons, nous prévoyons d'augmenter de manière très significative les moyens du ministère de l'agriculture, notamment des services chargés du paiement de ces aides.
Ce n'est pas avec de la fausse fiscalité qu'on peut régler structurellement un problème comme celui-ci, mais en regardant très concrètement comment ça marche dans le service des paiements. C'est ce que nous faisons. Pour le dire autrement, nous n'utilisons pas de poudre de perlimpinpin.
Nous essayons de prendre des mesures structurelles. C'est pour cette raison que j'émets un avis défavorable sur l'amendement. Nous prenons les agriculteurs pour ce qu'ils sont : des gestionnaires avisés. Ils le savent, ce n'est pas avec des crédits d'impôt qui ne les concernent pas qu'on réglera le problème des aides qui n'arrivent pas à temps.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 108
Nombre de suffrages exprimés 108
Majorité absolue 55
Pour l'adoption 40
Contre 68
Dans le cadre de la mise en oeuvre du prélèvement à la source, il est prévu de verser au contribuable, en janvier 2019, une avance au titre des réductions et crédits d'impôts, dont le taux est fixé à 60 %. Nous proposons de porter ce taux à 80 %.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 370 .
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l'amendement no 957 .
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 897 .
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir l'amendement no 1319 .
Avis défavorable sur ces amendements qui tendent à modifier le taux de l'acompte.
L'amendement no 143 n'est pas adopté.
Pour retirer ce sparadrap qu'est la baisse du pouvoir d'achat qui colle à la jambe du Gouvernement, vous avez eu, monsieur le ministre, une idée lumineuse : dans l'alinéa 6, vous inscrivez que l'acompte sur les avoirs fiscaux, traditionnellement déclenché à partir de 100 euros, le sera à partir de 8 euros.
Le contribuable pourra donc recevoir 8 euros pour la période qui s'étend de janvier à juillet, avant que la régularisation intervenant en août ne permette un second versement en octobre. Quelle grande mesure en faveur du pouvoir d'achat qu'un versement de 1 euro par mois !
Pour vous simplifier la vie en termes de trésorerie, je vous propose de maintenir le seuil de déclenchement à 100 euros.
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir l'amendement no 739 .
Le PLF pour 2019 prévoit d'abaisser le seuil de 100 euros, en dessous duquel un acompte n'est pas versé, par le montant de 8 euros prévu à l'article 1965 L du code général des impôts. Cela signifie qu'un acompte de 8 euros pourra être versé au contribuable pour la période allant de janvier à juillet, avant qu'une régularisation intervienne en août de l'année d'imposition. Cette avance se montera pour le contribuable à environ 1 euro par mois.
Je ne sais pas si consentir une telle avance va dans le sens de la simplification, de la clarté et de l'honnêteté que vous prétendez rechercher. Quoi qu'il en soit, nous vous proposons de maintenir le seuil de versement de l'acompte à 100 euros.
M. Maxime Minot applaudit.
Je vous fais observer qu'en modifiant ce seuil, vous maintenez un système moins favorable au contribuable. Par ailleurs, le montant de 8 euros ne sort pas de notre chapeau : c'est le montant minimal à partir duquel s'effectuent tous les dégrèvements ou les remboursements.
Je veux bien que nous ouvrions un jour une discussion sur ce montant, mais il n'y a pas lieu de le faire à l'occasion de cet article. Cela n'aurait pas de sens.
Mes chers collègues, si vous en êtes d'accord, je vous propose que nous essayions de terminer l'article 3 avant l'interruption, afin que nous puissions commencer la séance de ce soir en abordant un autre sujet.
Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 619 , 695 , 737 et 793 .
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l'amendement no 619 .
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 695 .
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir l'amendement no 737 .
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 696 .
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir l'amendement no 738 .
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir l'amendement no 736 .
L'amendement no 736 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 1647 est retiré.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 363 .
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 1568 rectifié .
L'amendement no 1568 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
J'ai déjà défendu l'amendement, qui pose la question du versement d'un crédit d'impôt aux nouveaux bénéficiaires.
L'amendement no 1118 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement est important. Il vise à appliquer à la mise en oeuvre du prélèvement à la source le principe du droit à l'erreur, en proposant qu'à compter du 1er janvier 2019 et pour l'année suivante, les chefs d'entreprise qui emploient moins de vingt et un salariés ne soient pas redevables, en cas d'erreur commise de bonne foi, à l'obligation d'effectuer la retenue à la source des pénalités prévues à l'article 1759-0-A du code général des impôts.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 298 .
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 478 .
La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour soutenir l'amendement no 551 .
Les chefs d'entreprise sont inquiets, car le dispositif de sanctions, qui prévoit des sanctions pénales, leur fait courir des risques importants, en particulier la première année. Un retard de paiement ou de déclaration peut entraîner une majoration de 5 % des retenues correspondantes.
Nous proposons qu'à compter du 1er janvier 2019 et pour l'année suivante, les chefs d'entreprise qui emploient moins de vingt et un salariés soient en quelque sorte épargnés ou du moins considérés avec une certaine indulgence, en cas d'erreur commise de bonne foi à l'obligation d'effectuer la retenue à la source.
Pendant des mois, on nous a rebattu les oreilles avec le droit à l'erreur. Ne pas l'appliquer à cette occasion serait une faute.
Le dispositif que nous vous proposons vise à sécuriser les chefs d'entreprise. On sait bien que vous êtes absolument sûrs que tout fonctionnera parfaitement à partir du 1er janvier 2019, mais nous avons déjà connu de mauvaises expériences avec certains systèmes informatiques de l'État qui n'ont pas bien fonctionné. Rappelons-nous du désarroi qu'a causé le logiciel Louvois…
… ou encore de l'Agence nationale des titres sécurisés – ANTS – qui a eu bien du mal à fonctionner l'année dernière.
Au 1er janvier 2019, on appuiera sur un bouton et il faudra que tout fonctionne parfaitement. Si tel n'était pas le cas, il ne serait pas normal que les chefs d'entreprise soient pénalisés parce que le système n'est pas parfaitement ficelé.
Avec ces amendements, nous vous proposons de les sécuriser pendant les deux premières années d'application du prélèvement à la source.
Je comprends d'autant mieux votre souhait que j'ai déposé sur le projet de loi de finances rectificative de 2017 des amendements visant à réduire au droit commun le régime de sanctions, qui était exorbitant. Désormais, celui-ci a évolué. En outre, la bonne foi entraîne des dégrèvements ou le non-prononcé de majorations ou de sanctions. J'ajoute que la loi pour un État au service d'une société de confiance a consacré le droit à l'erreur pour le contribuable. Enfin, il me semble avoir entendu le ministre promettre qu'il ferait preuve de bienveillance et de clémence lors de la mise en place au prélèvement à la source.
Pour toutes ces raisons, avis défavorable.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 1569 , sur lequel il a déposé un sous-amendement.
Je propose qu'à titre expérimental, une convention soit signée entre les directions départementales des finances publiques et les maisons de services au public, afin que celles-ci puissent répondre aux interrogations que suscite la mise en oeuvre du prélèvement à la source au 1er janvier 2019. Il faut prévoir l'accueil des contribuables qui viendront chercher une information précise sur leur situation.
Dans un premier temps, nous avions limité l'expérimentation aux départements de l'Allier et de la Meuse, mais le rapporteur général propose, par un sous-amendement, que celle-ci concerne cinq départements. Je souscris volontiers à sa demande.
L'expérimentation nous permettra de savoir comment mieux accompagner les contribuables qui se sentent perdus face à la mise en place du prélèvement à la source.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir le sous-amendement no 2563 .
Le sous-amendement vient d'être brillamment présenté par M. Dufrègne qui n'en était pas l'auteur. Avis favorable à l'amendement tel que sous-amendé.
Je ne soupçonnais pas une telle convergence de vues entre vous.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Monsieur Dufrègne, je comprends votre préoccupation, mais je ne pense pas que le système que vous proposez soit nécessaire. Nous avons ouvert des centres d'appel, et encore, la semaine dernière, à Amiens et à Angers.
Par ailleurs, les taux élevés de décroché au téléphone – 92 % – et les rendez-vous permettent de répondre de manière très satisfaisante aux questions sur le prélèvement à la source. L'administration fiscale répond désormais au téléphone en moins de dix secondes lorsqu'on l'appelle à ce sujet.
Enfin, il me semble que les dispositions proposées ne relèvent pas du domaine législatif. Toutefois, j'entends qu'il ne coûte pas grand-chose de vous être agréable, monsieur Dufrègne, et je donne un avis de sagesse, non sans penser qu'il est de mauvaise législation que de s'occuper d'une pratique administrative. C'est bien là pour vous montrer mon ouverture d'esprit, et aussi parce que j'aime beaucoup les gens de l'Allier, comme vous le savez !
Et ceux de la Meuse, évidemment, madame Cariou !
Sourires.
Le sous-amendement no 2563 est adopté.
L'amendement no 1569 , sous-amendé, est adopté.
L'article 3, amendé, est adopté.
Rappels au règlement
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1. J'aimerais faire un point sur l'état de nos travaux. Il nous reste plus de 1 800 amendements à examiner sur des sujets très importants : le gazole non routier, les taxes affectées, les chambres de commerce et d'industrie, la situation des collectivités locales et bien d'autres questions encore. Souhaitant que nous puissions être éclairés sur la manière dont vont se dérouler les prochaines séances, je propose que nous fassions un point à l'issue de cette séance ou avant la séance de ce soir, avec un représentant de chaque groupe, le rapporteur général et le président de la commission.
Mon rappel au règlement se fonde également sur l'article 58, alinéa 1. J'ai entendu un certain nombre de rumeurs selon lesquelles, lors de la prochaine séance, nous passerions directement à l'examen des articles 19 et 33, ne suivant plus, donc, l'ordre numérique des articles. Je rappelle à cette auguste assemblée que les députés non inscrits sont toujours les derniers informés – en général, d'ailleurs, ils ne le sont pas du tout. Si des modifications interviennent dans l'examen des articles, serait-il possible qu'ils en soient informés en même temps que tous les autres députés ?
Je vais tout de suite vous répondre, madame Ménard : j'ai annoncé moi-même ce changement en séance publique, hier soir, à 21 h 30. Ce ne sont donc pas des rumeurs. La séance reprendra avec l'examen de l'article 19 et des amendements dont il fait l'objet.
Quant à l'organisation de nos travaux, madame Louwagie, il nous reste en effet beaucoup d'amendements à examiner. Les débats sont passionnants. La séance de ce soir nous permettra sans aucun doute d'avancer, et les journées de demain, vendredi et lundi sont ouvertes, le vote étant prévu mardi. Si jamais les travaux n'avançaient pas suffisamment, la conférence des présidents se réunirait pour examiner l'adaptation de notre ordre du jour, mais ce n'est pas encore d'actualité. Je propose donc, dans un premier temps, que vous fassiez un point informel avec les présidents de groupe. En tout état de cause, à ce stade, nous ne pouvons pas décider d'adapter le calendrier prévu.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2019.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra