Intervention de Bruno le Maire

Séance en hémicycle du vendredi 19 octobre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Article 14

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Premièrement, notre objectif est de faire de la France la nation technologiquement la plus puissante en Europe. Tel est notre objectif, parce qu'il nous permettra de soutenir nos entreprises et de créer des emplois, et des emplois à forte valeur ajoutée pour les salariés, c'est-à-dire avec de bonnes rémunérations.

À échéance de quinze ou vingt ans, la France doit être devenue la première nation technologique en Europe : je suis convaincu que c'est à portée de main. Je suis également convaincu qu'au-delà de la puissance économique que cela nous donnera, le rétablissement de notre balance commerciale extérieure en dépend. Et elle ne dépend que de ça.

Soit nous devenons une nation technologiquement puissante et nos produits s'exporteront bien, soit nous persistons à rater le coche de la numérisation et des nouvelles technologies, et notre balance commerciale extérieure ne cessera de décliner, comme nos emplois.

En effet, une telle évolution se traduirait ensuite, très concrètement, par des fermetures d'usine ou d'exploitations agricoles sur notre territoire.

Quel est, aujourd'hui, le dispositif fiscal en matière de dépenses de recherche et développement ? Je considère que s'il est effectivement très attractif, il est, honnêtement, indéfendable.

Il est attractif car nous avons, dans le domaine de la recherche et le développement, un taux réduit d'imposition des plus-values de cession tirées des brevets des droits de propriété intellectuelle, qui s'élève à 15 % pour les entreprises redevables de l'impôt sur les sociétés – au lieu du taux normal de 33,13 % – et de 12,8 % pour les entreprises relevant de l'impôt sur le revenu, au lieu du barème.

Il s'agit par conséquent d'un dispositif fiscal qui est extraordinairement avantageux, mais – et le mais est d'importance – qui est accordé aux entreprises quel que soit le lieu de réalisation de la recherche.

Pour tous ceux qui ici veulent, à juste titre, une fiscalité juste, honnêtement, conserver un tel avantage fiscal alors que la recherche – j'englobe dans cette notion les laboratoires, les emplois, les salariés et les chercheurs – n'est même pas réalisée sur notre territoire pose une véritable difficulté.

Ce que nous cherchons est d'abord un dispositif qui soit juste et efficace, les deux à la fois. Il ne doit pas simplement être efficace, mais aussi juste, car il n'y a pas de raison que le contribuable paye un avantage fiscal accordé à des entreprises qui réalisent leur recherche à l'extérieur du territoire français.

Or c'est le cas.

Si nous laissons les choses en l'état, c'est vous qui viendrez bientôt, et légitimement, me voir pour me dire : telle grande entreprise bénéficie d'un avantage fiscal formidable, mais elle vient de fermer son laboratoire de recherche pour le délocaliser dans un pays où les coûts de production, comme les salaires, sont moins élevés, et elle va continuer à bénéficier dudit avantage !

C'est indéfendable.

Il est donc nécessaire, deuxièmement, de revoir ce dispositif fiscal. Ce n'est que dans un deuxième temps que vient la question de l'OCDE. Beaucoup me disent en effet que nous serions en train de nous soumettre aux règles internationales.

C'est tout d'abord mieux, lorsque l'on défend le multilatéralisme, ce qui est notre cas, de respecter de telles règles. Cependant, cela ne vient, dans notre raisonnement, que dans un second temps.

Oui, les règles fiscales « nexus », sur lesquelles je reviendrai, sont aujourd'hui appliquées par tous les États européens. Ils ont tous sans exception transposé ces obligations de l'OCDE. Un seul ne l'a pas fait : la France.

Or lorsque vous allez à l'OCDE défendre les règles du multilatéralisme – et que vous affirmez : nous en avons assez des États qui défendent leurs propres règles et qui refusent les règles communes, alors que vous-même n'avez pas appliqué les règles multilatérales – , franchement, pour dire les choses simplement, vous n'êtes pas bien.

Il me paraît donc important de le faire.

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