La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2019 (nos 1255, 1302).
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la première partie du projet de loi, s'arrêtant aux amendements nos 252 et 1340 à l'article 13.
Mes chers collègues, il nous reste plus de mille amendements à examiner. Vous aurez évidemment les uns et les autres l'occasion d'exprimer vos avis et sensibilités, mais je m'en tiendrai à une lecture souple et ferme de notre règlement, passant la parole à deux orateurs par amendement, comme la tradition et l'usage nous l'imposent.
Je prendrai la parole sur cet amendement, car il est important. Vous avez dit, monsieur le ministre de l'économie et des finances, qu'il s'agissait d'une transposition ferme de la directive sur la lutte contre l'évasion fiscale, dite directive ATAD ; mais ne s'agit-il pas d'une surtransposition ? Au demeurant, cette transposition ferme conduit à durcir certaines règles ou à limiter certaines souplesses. Le texte qui nous est proposé comporte une restriction relativement importante à la clause de sauvegarde, puisque la déductibilité des charges financières serait réduite à 75 % de ces charges. Cette prise de position conduit-elle à s'écarter du texte de la directive ? Si tel est le cas, mon amendement aurait tout son sens. En effet, il me paraît important que nous nous alignions sur la directive, sans aller au-delà. Ce matin, la question a été posée plusieurs fois, notamment par Nicolas Forissier : l'article 13 procède-t-il, oui ou non, à une surtransposition de la directive ?
La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir l'amendement no 1340 .
La parole est à M. Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.
Tout d'abord, le droit prévu par le texte du Gouvernement est plus favorable que le droit préexistant. Ensuite, la directive autorise des possibilités différentes, mais le choix du Gouvernement est particulièrement généreux. S'agissant de votre proposition, sachez que j'ai prévu un amendement relatif à la clause de sauvegarde en cas de sous-capitalisation. Avis défavorable.
La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances, pour donner l'avis du Gouvernement.
Un sous-amendement de M. Giraud – par définition excellent ! – permet de déplafonner les déductions pour éviter que la clause de sauvegarde ne soit appliquée de manière trop stricte, ce qui répond clairement à votre question. Je maintiens qu'il s'agit d'une transposition ferme, mais non d'une surtransposition au sens d'une transposition excessive qui risquerait de mettre en cause la compétitivité de nos entreprises. Je propose donc le retrait de l'amendement. Quant à la clause de sauvegarde, élément de durcissement du texte, elle est encadrée par le sous-amendement du rapporteur général.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 1471 .
La directive ATAD s'inspire des travaux de BEPS – érosion de la base d'imposition et transfert de bénéfices – menés dans le cadre de l'OCDE, et de son action 4 qui préconise d'exclure le secteur financier du champ de la directive. Mon amendement a pour objet de préciser si le secteur financier est ou non inclus dans la disposition proposée. S'il y est inclus, je propose de l'exclure ; s'il en est explicitement exclu, je retire mon amendement.
Défavorable. Je pense en plus que votre amendement conduit à l'inverse du but recherché.
Monsieur de Courson, il n'y a aucune raison d'exclure le secteur financier, déjà soumis à la règle du rabot, du champ d'application de la mesure. Si on veut que le dispositif soit efficace, il faut le maintenir. Je propose le retrait de l'amendement par souci d'efficacité du dispositif.
Mais monsieur le ministre, ce n'est pas ce que préconise l'OCDE dans le cadre de BEPS ! Voici ce qui est indiqué à propos du secteur financier : « Si aucun risque significatif n'est identifié, le pays ne sera pas tenu d'adopter de nouvelles règles destinées à contrer un risque inexistant ou déjà neutralisé. » Vous dites ne pas surtransposer la directive, mais pourquoi inclure dans la disposition le secteur financier, qui pose des problèmes très particuliers en matière de sous-capitalisation et de surcapitalisation ? Les mesures prévues ne s'appliquent pas du tout au cas du secteur financier, et en particulier bancaire – qui inclut banques et assurances. Le rapporteur général dit que le secteur financier est bien inclus ; je vous réponds que c'est une erreur de l'inclure. En effet, on prend cette mesure pour faire face aux problèmes de sous-capitalisation et éviter l'optimisation ; mais les banques sont encadrées par les directives Solvabilité I et Solvabilité II. Alors quel est l'intérêt d'inclure le secteur financier dans le champ de cet article ? Si mon amendement est mal rédigé, on peut le réécrire, mais sur le principe, BEPS déconseille d'inclure le secteur financier ; vous, vous le proposez. C'est bien une surtransposition !
Je maintiens ma position. Je pense que les banques ne seront pas concernées par ATAD, mais cela ne pose aucun problème de les y inclure. Vu qu'elles étaient concernées par la règle du rabot, pourquoi les retirer d'ATAD ? Par ailleurs, BEPS ne recommande pas de sortir le secteur financier du champ d'application de la mesure, se limitant à dire que c'est possible. Pour ma part, je préfère qu'il y soit inclus ; c'est une garantie et une sécurité supplémentaires, qui ne comportent pas de risques importants ni de pénalités pour le secteur financier.
L'amendement no 1471 n'est pas adopté.
La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir l'amendement no 1330 .
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 1473 .
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 250 .
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 2426 .
Tout est important !
On nous dit qu'il n'y a pas de surtransposition, mais voici un cas qui en relève. Les nouvelles règles prévues en matière de déduction des intérêts, résultant de la transposition de la directive ATAD, vont bien au-delà des dispositions prévues par cette dernière. En effet, les règles prévues maintiennent une limitation des intérêts en fonction du niveau des prêts par des entreprises liées, par rapport au montant des fonds propres. Si l'encadrement plus ferme des sociétés sous-capitalisées peut être légitime pour lutter contre certains abus, le projet de loi va toutefois pénaliser sévèrement les entreprises. En effet, il aboutit à une non-déductibilité des charges financières afférentes à la dette bancaire, alors que celle-ci n'est pas l'objet des schémas d'optimisation visés ; il aboutit également à un effet de seuil extrêmement néfaste et sans logique économique puisqu'un dépassement de 1 euro aboutit à une non-déductibilité des intérêts très substantielle. Il n'y a donc même pas un système de sifflet ! En limitant la mesure de sous-capitalisation aux charges financières afférentes à des prêts avec des entreprises liées, comme c'est le cas dans le dispositif actuel, l'amendement permet de cibler davantage les abus et de limiter l'effet de seuil.
Pour apprécier la sous-capitalisation, l'article 13 retient bien les seuls intérêts servis ou versés par des entreprises liées, et non les autres dettes éventuelles. Cette précaution devrait vous satisfaire, dans la mesure où elle évite de pénaliser excessivement certaines sociétés. Avis défavorable.
Je propose le retrait. Autant j'assume totalement de laisser le secteur financier dans le champ d'application de la transposition de la directive ATAD, autant il existe bien un problème d'effet de seuil sur lequel je propose à Charles de Courson de travailler entre les deux lectures pour améliorer le dispositif. La difficulté, bien réelle, n'a pas échappé à sa sagacité.
Oui. J'aimerais que vous me transmettiez le projet d'amendement censé résoudre ce problème.
L'amendement no 2426 est retiré.
Je voudrais profiter de cet amendement pour poser deux questions. Monsieur le ministre, ce matin, vous avez dit que la France ne voulait pas attendre l'échéance de 2024 pour transposer la directive, préférant le faire dès maintenant ; les autres pays européens ont-ils entamé une procédure identique et se dirigent-ils également vers une transposition de la directive, ou bien attendent-ils 2024 ?
Deuxième question : je crois me rappeler que l'Allemagne avait mis en place un dispositif de limitation de déductibilité des charges financières, mais qu'elle est revenue en arrière.
Peut-on savoir pourquoi ?
Ce peut être intéressant de faire un état des lieux et d'établir un diagnostic sur ce qui s'est passé dans un pays proche.
je conclurai par une remarque : il faut être vigilant pour que nos entreprises restent compétitives, et je sais que le sujet vous est cher, monsieur le ministre.
La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir l'amendement no 1334 .
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 1474 .
Quand on compare ce qu'ont fait les Allemands à ce que le Gouvernement nous propose, ils apparaissent beaucoup plus libéraux que nous, puisqu'ils appliquent la règle générale des 75 % mais pas plus, alors qu'il nous est proposé d'aller encore au-delà. Tout le monde sait que les entreprises allemandes sont mieux capitalisées que les françaises : ce nouveau dispositif s'appliquera donc au détriment des nôtres. Pourquoi, monsieur le ministre, surtransposez-vous plus durement qu'en Allemagne ? Je me pose d'autant plus la question que je vous rappelle que cela fait des années que nos deux pays essayent de coordonner le régime de l'impôt sur les sociétés.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 2358 .
Les trois amendements identiques qui précèdent proposent de transposer la clause de sauvegarde applicable en droit commun aux hypothèses de sous-capitalisation, clause qui repose sur un ratio entre les fonds propres et le total des actifs. Or je doute que ce soit pertinent puisque le dispositif de sous-capitalisation s'applique si les intérêts dus par l'entreprise excèdent une fois et demi ses fonds propres, sachant qu'il y a tout de même beaucoup de chance pour que ce ratio soit assez faible étant donné que les fonds propres ne sont pas très élevés dans ce cas de figure.
L'amendement de la commission, auquel vous vous êtes ralliés pour la plupart d'entre vous, propose un ratio d'endettement correspondant au rapport entre les dettes et les fonds propres, et s'appliquerait donc peu ou prou l'actuelle clause de sauvegarde en cas de sous-capitalisation au sens du III de l'article 212 du code général des impôts. Je pense que ce type de clause a le plus de chance de pouvoir s'appliquer. J'invite donc mes collègues à retirer les amendements nos 249 , 1334 et 1474 au profit de l'amendement no 2358 de la commission.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces quatre amendements en discussion commune?
Même avis que le rapporteur général.
Pour répondre aux questions de Mme Louwagie, je tiens tout d'abord à préciser que les autres grands pays européens sont eux aussi en cours de transposition ou, pour la plupart, l'ont déjà menée à bien, sachant que c'est nous qui avions demandé un report jusqu'en 2024.
Vous avez raison, madame Louwagie, je pense que nous partageons le même attachement à la compétitivité de nos entreprises, mais il ne faut pas occulter le fait que la fraude fiscale est devenue un sujet politique majeur pour tous les pays européens. Je vous annonce qu'à la demande du ministre des finances allemand, le vice-chancelier Olaf Scholz, le Gouvernement va placer la question de la lutte contre la fraude fiscale et contre l'évasion fiscale dans le cadre de BEPS en priorité au G7 finances français. Les Allemands sont en effet en train de réaliser que la fraude fiscale et les contournements fiscaux sont devenus des problèmes absolument majeurs. Inutile de vous dire que ce qui a été révélé tout récemment concernant les banques allemandes n'a fait qu'exacerber la sensibilité sur le sujet Outre-Rhin. Nous ferons donc, France et Allemagne, de cette lutte contre l'évasion fiscale et du renforcement de BEPS un des thèmes politiques majeurs du G7 finances français. Je rappelle que, dans le cadre de l'OCDE, la France est leader sur BEPS, et je pense que c'est une fierté pour notre pays que de développer ces débats. Cela explique, je le redis, que la transposition soit ferme. Mais ce n'est pas une transposition car elle ne doit pas affecter la compétitivité des entreprises françaises.
En 2011, observant que si la déductibilité des frais financiers était totale dans le régime français, elle était en revanche limitée ailleurs, entre autres en Allemagne – calculée en l'occurrence à l'époque par rapport à l'EBITDA, le résultat avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement – , on s'était rendu compte que si une entreprise américaine voulait à moindre frais fiscaux acheter une entreprise en Allemagne, elle passait par sa filiale française qu'elle faisait emprunter à sa place, ce qui lui permettait de déduire totalement les intérêts, et ce même si ladite filiale n'était pas du tout décisionnaire dans cette acquisition. J'avais à l'époque été conduit à introduire un dispositif visant à lutter contre la sous-capitalisation parce que, dans le cas de figure que j'ai cité, la filiale servant de support avait très peu de fonds propres et se retrouvait avec une énorme dette.
Il faut bien voir, et je sais que vous y êtes très attaché, monsieur le ministre, que ce genre de phénomène est lié au manque d'harmonisation fiscale : il y a encore beaucoup de progrès à faire s'agissant des dispositifs nationaux en matière d'impôt sur les sociétés. Je souscris complètement à l'amendement du rapporteur général. Il me rappelle d'ailleurs des souvenirs parce que, si je comprends bien, on accepterait la clause de sauvegarde, soit une déductibilité totale, dès lors que serait constaté que le ratio endettement sur fonds propres de la société n'est pas supérieur à celui du groupe auquel elle appartient.
Si c'est bien le cas, je soutiens le dispositif. Mais la déductibilité des frais financiers ne soulève pas seulement un problème budgétaire, mais aussi le sujet des problèmes sous-capitalisation, lesquels sont très complexes.
Comme l'amendement no 2358 permet d'appliquer la clause de sauvegarde dès lors que l'entreprise n'est pas sous-capitalisée par rapport à son groupe, alors que cette clause était de fait exclue dans le texte gouvernemental, je retire mon amendement.
L'amendement no 1474 est retiré.
L'amendement no 249 est retiré.
L'amendement no 1334 est retiré.
L'amendement no 2358 est adopté.
L'amendement no 1845 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Nicolas Forissier, pour soutenir l'amendement no 959 .
En soutenant cet amendement, je réitère ma question à laquelle M. le ministre va peut-être répondre. En effet, cet article institue deux catégories d'entreprises puisque, outre évidemment la nécessité de transposer et d'éviter l'évasion fiscale, il prévoit un second mécanisme de limitation de la déductibilité qui cible le cas des groupes financés en interne via des financements infragroupes, ce qui va bien au-delà du cadre posé par la directive. Ne s'agit-il donc pas, comme je le crois, d'une surtransposition, monsieur le ministre, et ce alors même que le Gouvernement a déposé un projet de loi visant à lutter contre la transposition ? En tout cas j'aimerais que vous répondiez à ma question parce que la France serait alors le seul État en Europe a ajouté un tel mécanisme de limitation, qui aurait de surcroît pour conséquence immédiate l'exclusion du dispositif de groupes qui disposent d'une ou plusieurs filiales sur notre territoire mais dont le siège social est situé hors de France – et on sait bien que c'est souvent le cas. Il y aura une discrimination entre les groupes selon que le financement des filiales est géré depuis la France ou hors la France. C'est totalement contraire à l'esprit de la directive, et ce ne sera appliqué par aucun autre État membre. C'est pourquoi mon amendement propose de supprimer les alinéas 74 à 82 de l'article.
Vous proposez, monsieur Forissier, de supprimer tout dispositif anti-abus et donc toute mesure concernant les groupes sous-capitalisés. Je comprends parfaitement votre volonté d'éviter une transposition trop dure, mais je maintiens qu'il faut éviter les risques d'abus. Je pense que vous avez dû déposer l'amendement avant la correction apportée par l'amendement du rapporteur général.
Il me semble que celle-ci répond à votre question.
L'amendement no 959 est retiré.
L'amendement no 1846 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 13, amendé, est adopté.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous abordons à l'article 14 un sujet important puisqu'il s'agit de modifier le régime français des brevets. C'est important en effet parce que le régime actuel fait de notre pays un quasi-paradis fiscal au sens même des normes de l'OCDE puisqu'il ne lie pas le bénéfice de l'avantage fiscal aux dépenses de recherche effectivement engagées. Je l'avais du reste noté dans le rapport que nous avions fait à l'occasion de la proposition de loi que j'avais présentée sur les paradis fiscaux. Il s'agit d'une véritable pratique fiscale dommageable au sens de l'OCDE. C'est un des critères qui conduit l'Union européenne a placé certains États sur les listes noire ou grise des paradis fiscaux, critère que notre pays vient d'ailleurs de reprendre dans sa législation avec la loi sur la fraude. Le régime des brevets allait jusqu'ici à rebours de la coopération fiscale internationale que nous appelons de nos voeux.
L'article 14 va dans le bon sens, car il applique l'approche dite « nexus » au régime des brevets, ce qui doit permettre à notre pays de se situer au niveau des standards européens et internationaux. Pour autant, quand ce débat a été abordé en commission, notre groupe a exprimé ses inquiétudes. En effet, comme pour le régime de l'intégration fiscale et de la niche Copé, le Gouvernement compense cette modification au nom de l'attractivité de la France. Il a ainsi été adopté en commission la diminution du taux, déjà réduit, d'imposition des revenus tirés de certains actifs incorporels, taux qui passerait de 15 % à 10 %. Vous avez indiqué vous-même, monsieur Giraud, dans l'exposé des motifs de cet amendement, qu'il s'agissait de s'aligner sur la Hongrie et l'Irlande… un petit peu des paradis fiscaux qui ont ce type de pratiques. Ce n'est pas acceptable, et c'est pourquoi nous défendrons des amendements.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
C'est un article très important, probablement l'un des plus importants, en tout cas sur le plan de l'économie. Je rappelle que la France a été, avec l'Allemagne, du retour de l'OCDE dans le champ fiscal et donc de BEPS. Mais en l'occurrence, je pense qu'avec cet article on se tire une balle dans chaque pied. Je pense que vous avez conscience du problème, monsieur le ministre, et je note que vous aviez d'ailleurs l'année dernière montré à quel point vous étiez vigilant sur ce point. En effet, la localisation de la propriété intellectuelle conditionne en grande partie une part de la localisation des activités. Ce vieux régime des brevets a quasiment un demi-siècle et est à interpréter en relation avec le crédit d'impôt-recherche. C'est donc un mécanisme très puissant de localisation de la recherche et de l'innovation.
Pourquoi l'OCDE a-t-elle fait ce genre de propositions en ce domaine ? Probablement sous la pression de pays qui n'avaient pas intérêt à voir la France développer son attractivité en matière de brevets – je pense à l'Allemagne, mais aussi notamment au Royaume-Uni, qui ont des schémas qui résisteront à l'évolution présente. Ce que vous proposez en l'espèce, à savoir d'une certaine manière la transposition de BEPS, n'est pas la transposition d'une directive européenne ; il ne s'agit pas non plus des suites d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne. Le législateur a donc plus de liberté. Je comprends, monsieur le ministre, qu'il faille être exemplaire dans le domaine de BEPS si on veut obtenir gain de cause auprès de l'OCDE – je pense notamment à la fiscalité des GAFA – , mais je pense que cela ne doit pas se faire au détriment de l'industrie et, plus globalement, de l'économie française.
J'ai déposé plusieurs amendements. Je ne les défendrai pas personnellement mais je tenais en préambule à l'examen de cet article à les présenter globalement.
Le premier, l'amendement no 1288 , tire les conséquences du fait qu'on ne peut accepter de voir diminuer le résultat soumis au taux réduit alors qu'il risque, du fait des nouveaux mécanismes prévus, de se réduire comme peau de chagrin. Alors qu'en plus, ce n'est pas exigé par BEPS.
Quant au calcul du ratio dit « nexus », il est d'une complexité inouïe, facteur de lourdes charges administratives et source de contentieux extrêmement important pour les entreprises ; il est quasiment kafkaïen. Il faut bien laisser un peu de liberté aux entreprises afin qu'elles puissent calculer ce ratio selon la méthode de leur choix – par actif ou autre – , en excluant en tout cas une méthode imposée. C'est l'objet de l'amendement no 1291 .
Et puis il y a l'histoire des brevetés ou des brevetables non brevetés : le secret des affaires existe, et l'on voit bien que, lorsque les choses sont trop transparentes, que les entreprises sont vite copiées et que la compétitivité n'est plus au rendez-vous.
On doit pouvoir agir sur ce point.
Enfin, si le taux de 10 % qui est proposé est une bonne idée, il ne couvre absolument pas – et il constitue en cela une réponse très insuffisante – votre proposition.
Enfin, une clause de sauvegarde est prévue par l'OCDE : il faut à mon sens qu'on puisse réellement l'appliquer en France. Je vous demande donc, pour toutes ces raisons, beaucoup de vigilance : la position française doit probablement être grandement assouplie.
Nous en venons aux amendements. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement de suppression de l'article, no 308.
Je rebondis sur les propos d'Éric Woerth, qui traduisent plusieurs inquiétudes. La première porte sur toutes les difficultés et les impacts qui peuvent résulter de la localisation de la propriété intellectuelle : il faut les prendre en considération.
Il est vrai que la France est très attractive sur ces sujets, qu'elle doit le rester et défendre ce point fort.
Deuxième inquiétude : les entreprises ont besoin de confidentialité. Il faut également le mettre en avant.
Est ici soulevée la question de toutes les inventions brevetables et non brevetées : si les entreprises ne les brevettent pas, c'est précisément parce qu'elles veulent protéger cette confidentialité.
Il faut donc, également, prendre en compte cet aspect.
Troisième inquiétude : elle porte sur l'impact du périmètre des dépenses de recherche et développement qui sont prises en compte, qui va se trouver modifié du fait de cet article 14. Cette modification va effectivement rendre le dispositif moins attractif.
Il est défavorable : chère collègue, votre démarche est un peu contradictoire avec le fait d'avoir cosigné l'amendement de la commission sur la réfraction du taux.
Sourires - M. Giraud s'esclaffe.
Il est également défavorable. Je voudrais reprendre un certain nombre d'éléments qui ont été à juste titre soulignés par le président de la commission des finances, M. Woerth, et par Mme Louwagie.
Le budget n'est, j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, qu'un instrument technique au service d'une politique.
Premièrement, notre objectif est de faire de la France la nation technologiquement la plus puissante en Europe. Tel est notre objectif, parce qu'il nous permettra de soutenir nos entreprises et de créer des emplois, et des emplois à forte valeur ajoutée pour les salariés, c'est-à-dire avec de bonnes rémunérations.
À échéance de quinze ou vingt ans, la France doit être devenue la première nation technologique en Europe : je suis convaincu que c'est à portée de main. Je suis également convaincu qu'au-delà de la puissance économique que cela nous donnera, le rétablissement de notre balance commerciale extérieure en dépend. Et elle ne dépend que de ça.
Soit nous devenons une nation technologiquement puissante et nos produits s'exporteront bien, soit nous persistons à rater le coche de la numérisation et des nouvelles technologies, et notre balance commerciale extérieure ne cessera de décliner, comme nos emplois.
En effet, une telle évolution se traduirait ensuite, très concrètement, par des fermetures d'usine ou d'exploitations agricoles sur notre territoire.
Quel est, aujourd'hui, le dispositif fiscal en matière de dépenses de recherche et développement ? Je considère que s'il est effectivement très attractif, il est, honnêtement, indéfendable.
Il est attractif car nous avons, dans le domaine de la recherche et le développement, un taux réduit d'imposition des plus-values de cession tirées des brevets des droits de propriété intellectuelle, qui s'élève à 15 % pour les entreprises redevables de l'impôt sur les sociétés – au lieu du taux normal de 33,13 % – et de 12,8 % pour les entreprises relevant de l'impôt sur le revenu, au lieu du barème.
Il s'agit par conséquent d'un dispositif fiscal qui est extraordinairement avantageux, mais – et le mais est d'importance – qui est accordé aux entreprises quel que soit le lieu de réalisation de la recherche.
Pour tous ceux qui ici veulent, à juste titre, une fiscalité juste, honnêtement, conserver un tel avantage fiscal alors que la recherche – j'englobe dans cette notion les laboratoires, les emplois, les salariés et les chercheurs – n'est même pas réalisée sur notre territoire pose une véritable difficulté.
Ce que nous cherchons est d'abord un dispositif qui soit juste et efficace, les deux à la fois. Il ne doit pas simplement être efficace, mais aussi juste, car il n'y a pas de raison que le contribuable paye un avantage fiscal accordé à des entreprises qui réalisent leur recherche à l'extérieur du territoire français.
Or c'est le cas.
Si nous laissons les choses en l'état, c'est vous qui viendrez bientôt, et légitimement, me voir pour me dire : telle grande entreprise bénéficie d'un avantage fiscal formidable, mais elle vient de fermer son laboratoire de recherche pour le délocaliser dans un pays où les coûts de production, comme les salaires, sont moins élevés, et elle va continuer à bénéficier dudit avantage !
C'est indéfendable.
Il est donc nécessaire, deuxièmement, de revoir ce dispositif fiscal. Ce n'est que dans un deuxième temps que vient la question de l'OCDE. Beaucoup me disent en effet que nous serions en train de nous soumettre aux règles internationales.
C'est tout d'abord mieux, lorsque l'on défend le multilatéralisme, ce qui est notre cas, de respecter de telles règles. Cependant, cela ne vient, dans notre raisonnement, que dans un second temps.
Oui, les règles fiscales « nexus », sur lesquelles je reviendrai, sont aujourd'hui appliquées par tous les États européens. Ils ont tous sans exception transposé ces obligations de l'OCDE. Un seul ne l'a pas fait : la France.
Or lorsque vous allez à l'OCDE défendre les règles du multilatéralisme – et que vous affirmez : nous en avons assez des États qui défendent leurs propres règles et qui refusent les règles communes, alors que vous-même n'avez pas appliqué les règles multilatérales – , franchement, pour dire les choses simplement, vous n'êtes pas bien.
Il me paraît donc important de le faire.
Troisièmement, qu'est-ce que le « nexus » ? Chacun le sait ici, mais je l'explique pour tous ceux qui suivent nos débats : c'est ce qui conditionne l'application d'un régime fiscal favorable en matière de recherche et le développement à la réalisation de cette recherche et développement sur le territoire de l'entreprise qui en bénéficie.
Honnêtement, cette approche me semble saine et juste : elle mérite donc d'être défendue.
Enfin, le président de la commission des finances nous a fait part d'un certain nombre d'inquiétudes qui sont parfaitement légitimes. Il est vrai que si nous transposions tel quel, cela poserait un certain nombre de difficultés.
Je m'excuse, monsieur le président, d'être un peu long, mais le sujet est absolument majeur pour l'avenir de la France, et il mérite donc qu'on y consacre un peu de temps.
Il est en effet indispensable de répondre aux inquiétudes et aux objections dont nous ont fait part et Mme Louwagie et M. le président de la commission des finances. La première question porte sur la re-capture.
Sur cette question, posée par Éric Woerth, il est vrai que nous devons faire en sorte qu'elle ne s'applique qu'aux dépenses de recherche et développement à compter de l'option pour le taux réduit brevets : cela signifie, en gros, qu'il faut l'appliquer aux flux et pas au stock, ce qui évite une première difficulté.
Deuxièmement, il faut privilégier une approche de groupe. La troisième question porte sur le taux, dont nous allons discuter. Quel est le bon taux ? Je ne vous cache pas que plus il est bas, mieux je me porte.
Il est donc important de voir quelles seront les propositions du rapporteur général sur ce sujet, comme cela a été souligné par le président de la commission des finances.
Troisième chose essentielle : il nous faut couvrir toutes les recherches et tous les facteurs de développement des entreprises. Nous sommes aujourd'hui très puissants sur un élément : les logiciels.
Je ne vais pas citer son nom, mais une entreprise fait dans ce domaine la fierté nationale, car elle réussit remarquablement dans ce secteur des logiciels, qui est un facteur considérable de puissance pour notre pays.
Il nous faut donc intégrer les logiciels dans le champ des revenus éligibles, alors qu'ils ne le sont pas aujourd'hui. La recherche et développement dans ce domaine ne sont pas inclus dans le champ de ces revenus éligibles : je pense que c'est pourtant un élément extraordinairement puissant.
C'est donc une proposition que nous vous ferons.
Enfin, le président Woerth a insisté sur la question du brevetable non breveté, ce qui rejoint également la question de Mme Louwagie sur les brevets secrets ainsi que sur la confidentialité. Il s'agit en effet d'un enjeu considérable.
Je ne peux malheureusement pas citer ici, dans le débat, les entreprises concernées, mais il en existe beaucoup. Certaines produisent des biens de consommation courante que vous utilisez tous les jours ; elles détiennent des brevets qui ne sont pas déposés. Il s'agit donc de brevetable non breveté.
Pourquoi ne déposent-elles pas de tels brevets ? Afin de protéger la confidentialité de leurs inventions. Or elles doivent, en même temps, bénéficier de ces avantages fiscaux : cela s'appelle le brevetable non breveté.
Cet ensemble regroupe, comme je viens de le dire, des produits de consommation courante, mais également des algorithmes de logiciel qui sont essentiels pour certaines entreprises du numérique.
Il faut donc que le brevetable non breveté soit inclus dans le champ de cette fiscalité. Nous allons, j'en prends l'engagement auprès du président Woerth, y travailler avec l'INPI, l'Institut national de la propriété industrielle, et avec l'OCDE, pour trouver une solution sur ce sujet qui absolument majeur.
Je vous remercie de ce débat approfondi sur ce sujet, car je répète que notre objectif est, au bout du compte, de faire de la France la première nation technologique en Europe. Je suis convaincu que nous allons y arriver.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Suite aux réponses que vous avez apportées aux questions que nous pouvions légitimement nous poser, nous vous rejoignons, monsieur le ministre, sur la notion de propriété intellectuelle, qui est aujourd'hui le moteur de la croissance.
Elle doit cependant être couplée avec d'autres dispositifs, que ce soit le crédit impôt-recherche ou les dispositions relatives à la recherche développement dans nos entreprises.
Pour avoir suivi les Programmes d'investissement d'avenir – les PIA1, PIA2 et PIA3 – , j'ai mesuré à quel point l'impact de la recherche était, en France, fondamental. Une question légitime se pose cependant, à laquelle vous avez en partie répondu.
Elle porte sur l'inquiétude des entreprises qui avaient déjà déposé des brevets mais qui, pour des raisons de pure confidentialité, ne les publient pas. Si vous avez, certes, en partie répondu à cela, votre dispositif s'étend-il aux brevets déjà existants, ou seulement à ceux qui seront déposés à partir du 1er janvier 2019 ?
Nous avons besoin d'obtenir une réponse s'agissant, notamment, des logiciels.
En fonction du traitement du stock et du flux, votre disposition n'est-elle pas créatrice d'une insécurité juridique ? Il s'agit en effet d'un risque réel, à propos duquel nous attendons votre réponse.
Enfin, il faut à mon sens prendre en compte la vue d'ensemble des dispositions concernées : en effet, cette fiscalité a été mise en oeuvre en fonction d'un taux d'impôt sur les sociétés. Compte tenu de la baisse de ce dernier, comment projetez-vous de mettre en place ce dispositif ?
Dernière question : nous sommes en train, dans le cadre de l'approche « nexus », de mettre en oeuvre une approche de l'OCDE. Est-ce à dire que nous allons aujourd'hui, sous couvert de bonnes relations avec ses membres, effectivement appliquer dans notre droit fiscal français tout ce que l'OCDE nous proposera ?
Madame Dalloz, vous posez une question très importante : effectivement, s'agissant des logiciels, ce sera bien le stock qui sera pris compte. Il n'y aura donc aucune insécurité juridique sur ce sujet, qui sera d'ailleurs complété grâce à un amendement qui précisera les choses.
L'amendement no 308 n'est pas adopté.
Puisque nous abordons la fiscalité des brevets, il me semble que nous ne pouvons pas faire l'économie d'une réflexion sur crédit d'impôt recherche, le CIR.
Vous le savez, il est devenu la deuxième dépense fiscale. Avec la disparition en 2019 du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE, le CIR va même devenir, avec plus de 6 milliards d'euros par an, la première.
Bien évidemment, nous sommes, en ce qui nous concerne, très favorables au financement de la recherche et à l'aide au financement de celle-ci, y compris par le biais de la fiscalité.
Une question se pose cependant : le CIR est-il efficace pour la recherche ? Ne doit-il pas être repensé, notamment parce que son efficacité mériterait selon nous que l'on y regarde d'un peu plus près ?
C'est en effet toute une ingénierie juridico-financière qui s'est mise en place à des fins d'optimisation fiscale, avec des ingénieurs qui sont devenus plus des chargés d'affaires que des chercheurs.
En outre, certains effets d'aubaine ne contribuent pas directement au but affiché, qui est celui d'encourager la recherche.
Avec cet amendement, nous proposons pour le moins de resserrer le CIR aux dépenses engagées avec des organismes publics.
De manière étrange, ces dépenses ouvrent droit à un crédit d'impôt de 200 %, que nous proposons de limiter à 100 %.
Nous proposons également d'allouer les moyens financiers ainsi préservés à la recherche publique qui en a, elle grandement besoin.
Je propose à M. Peu de retirer son amendement, car son adoption aurait des conséquences contraires aux objectifs qu'il défend, puisqu'elle remettrait en cause les partenariats public-privé, et que le doublement de ce plafond – qui à ma connaissance est intervenu en 2014 – a justement permis de développer massivement les échanges entre recherche publique et recherche privée.
Pour ce qui concerne l'encadrement du crédit d'impôt recherche, je réitère mon opposition formelle à tout resserrement du dispositif. Le mieux est l'ennemi du bien : si l'on envoie le signal que l'on va corriger tel effet d'aubaine sur ce crédit d'impôt, cela risque d'être interprété par les entreprises et par le monde de la recherche comme une volonté de limiter globalement les crédits à l'innovation ; du coup, les entreprises vont immédiatement réagir en réduisant leurs investissements en faveur de l'innovation et, au bout du compte, l'effet sera défavorable. Comme je sais que vous êtes très attaché à la recherche publique, monsieur Peu, je vous recommande donc de retirer l'amendement.
Si vous le permettez, monsieur le président, je vais prendre le temps d'expliciter notre position.
Il y a eu, monsieur le ministre, une tentative d'évaluation du dispositif, notamment au Sénat.
Il y en a eu plusieurs ! Nous avons déjà fait beaucoup de rapports sur le sujet.
La sénatrice Gonthier-Maurin a voulu faire un rapport sur le sujet, mais elle n'a pas pu aller au bout de ses travaux, car elle n'a pas obtenu la transparence que l'on serait pourtant en droit d'attendre sur l'utilisation effective de ce crédit d'impôt. À moins que vous ne nous garantissiez cette transparence, ce qui nous permettrait de préparer au cours des mois ou des années qui viennent un rapport qui puisse aboutir, nous ne retirerons pas notre amendement. Il nous semble en effet indispensable d'assurer la transparence sur le sujet – il s'agit d'argent public.
Il est paradoxal de dire que toucher au CICE… pardon, au crédit d'impôt recherche – le CICE, c'est le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, une autre gabegie de l'État ! – , ce serait toucher à la recherche publique. Le problème, précisément, c'est que depuis que vous avez institué le crédit d'impôt recherche, qui suscite un effet d'aubaine, voire un effet d'optimisation fiscale chez les sociétés susceptibles d'en bénéficier, ce qui a été dénoncé à plusieurs reprises, les crédits consacrés à la recherche publique diminuent. Rappelez-vous : il y a quelques années, le mouvement « Sauvons la recherche » avait déjà dénoncé ce phénomène.
L'amendement proposé par le groupe GDR constitue donc pour nous une solution de repli. Pour notre part, nous sommes favorables à une remise en question globale du dispositif, voire à la suppression du crédit d'impôt recherche.
Je suis étonné que, s'agissant de la valeur excessive du taux, nous n'arrivions pas à trouver un terrain d'entente, afin de limiter les effets négatifs d'un dispositif qui, non seulement représente une perte pour l'État, mais en outre ne bénéficie pas réellement à la recherche. Les sommes vont en effet à des entreprises qui procèdent à des licenciements en France – je pense par exemple à Sanofi.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Il n'y a pas que les entreprises du CAC 40 qui sont concernées, il y a aussi les PME !
Je ne dis pas le contraire, madame, mais cela concerne aussi les entreprises du CAC 40 !
L'amendement tend simplement à limiter les effets délétères du dispositif. Je ne comprends pas que vous ne vouliez pas l'adopter. Bien évidemment, le crédit d'impôt recherche ne bénéficie pas qu'aux entreprises du CAC 40, mais, proportionnellement, l'argent va d'abord aux grosses boîtes de ce genre.
Vous tendez le bâton pour vous faire battre. Regardez le nombre de boîtes qui bénéficient du crédit d'impôt recherche et qui licencient : c'est aberrant !
Madame Pires Beaune, je veux bien vous donner la parole, mais je vous rappelle que j'ai indiqué en début de séance que j'appliquerai la règle selon laquelle seuls deux orateurs ont le droit de s'exprimer sur un amendement, afin que nous puissions respecter les délais, qui, comme vous le savez, sont contraints.
Vous avez donc la parole, mais c'est à titre exceptionnel.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le crédit d'impôt recherche est un bon crédit d'impôt, j'en suis persuadé, mais en faire un sujet tabou ne me semble pas raisonnable. Entre 2015 et 2017, le montant de ce crédit d'impôt a augmenté d'1,2 milliard d'euros.
Je ne dis pas que c'est une mauvaise nouvelle, madame de Montchalin, je dis qu'il serait normal que l'on ait un rapport sur le sujet, de manière à faire la transparence sur le dispositif et qu'on puisse travailler dessus.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
La parole est à Mme Amélie de Montchalin.
Pour le prochain amendement, je vous avertis que je me tiendrai strictement à l'application de la règle que je viens d'énoncer.
Si je prends la parole, monsieur le président, c'est que je suis la rapporteure spéciale de la commission des finances pour la recherche.
J'invite mes camarades de la gauche de l'hémicycle…
Exclamations sur les bancs du groupe GDR
… à lire les rapports que j'ai rédigés depuis un an et demi. Ils y apprendront que 91 % des bénéficiaires du crédit d'impôt recherche sont de petites et moyennes entreprises.
De plus, le rapport d'évaluation que vous attendez va être publié par France Stratégie à la suite d'un travail extrêmement intensif effectué avec les économistes de l'Institut des politiques publiques, et qui fournira une évaluation très large des effets économiques du dispositif, ainsi que de ses effets sur l'attractivité du territoire, sur l'emploi et sur la production scientifique.
Je veux aussi signaler que si les entreprises implantées en France faisaient autant de recherche que celles qui sont implantées en Allemagne, cela représenterait un montant supplémentaire de 30 milliards d'euros pour le crédit d'impôt recherche. Alors, quand je vois le montant de celui-ci s'accroître de 1 milliard d'euros en tendance annuelle, je trouve, contrairement à vous, que c'est plutôt une bonne nouvelle ; cela veut dire que la recherche progresse dans les entreprises privées installées en France. C'est une tendance qui doit se poursuivre et que nous devons soutenir.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Au cours des dix dernières années, j'ai eu l'occasion de participer à au moins trois rapports d'évaluation sur le crédit d'impôt recherche. J'en ai tiré une seule conclusion : c'est qu'il faut veiller à la stabilité fiscale du dispositif. Comme l'a fort bien dit le ministre, il est toujours tentant de toucher à un paramètre, mais si on le fait, cela provoquera un sentiment d'insécurité chez les entreprises, qui réduiront en conséquence leur effort d'investissement. Le dispositif est stable, c'est son grand mérite. Il ne s'agit pas d'un tabou, madame Pires Beaune, mais il faut veiller à préserver cette stabilité, car ce crédit d'impôt concerne des investissements de long terme, sur lesquels on a besoin de visibilité.
Je ne voudrais pas allonger excessivement les débats, mais il s'agit d'un sujet important, qui engage l'avenir de notre pays, et je veux que chacun en comprenne bien les enjeux.
Aujourd'hui, grâce à la réforme de 2004, lorsque vous investissez 100 000 euros dans la recherche, si cette recherche est faite par une entreprise privée, vous bénéficiez de 30 000 euros de crédit d'impôt – et, comme l'a souligné Amélie de Montchalin, ce sont les petites et moyennes entreprises qui sont les principaux bénéficiaires du dispositif ; et si vous décidez de transférer cette recherche à un laboratoire public, le crédit d'impôt est porté à 60 000 euros. Voilà le résultat du déplafonnement.
C'est en effet une incitation massive à développer la recherche publique. Le résultat, c'est que les dépenses de recherche des PME dans les laboratoires publics ont crû de 212 % grâce à ce dispositif.
Je le répète, monsieur Peu : connaissant votre attachement aux laboratoires publics, je vous recommande de retirer votre amendement, car je ne suis pas certain que celui-ci serait bien compris par la recherche publique.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 1228 est retiré.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 2033 .
L'article 14 modifie le régime d'imposition des produits de cession ou concession de brevets afin de l'adapter aux exigences de l'OCDE. Il prévoit de proportionner l'avantage fiscal qui s'applique aux profits tirés de l'exploitation d'un brevet à la réalisation de dépenses de recherche et développement sur le territoire national. Cette mesure devrait éviter que les entreprises multinationales n'optimisent leur imposition en localisant les dépenses de recherche et développement dans les territoires les plus avantageux fiscalement, qui ne sont pas forcément les mêmes que ceux où l'imposition sur les brevets est la plus faible. Toutefois, le caractère optionnel de la réforme de ce régime fiscal est incompréhensible. En effet, soit ce régime d'imposition des brevets est pertinent et permettra de favoriser l'investissement dans la recherche et le développement en France, et dans ce cas on se demande bien pourquoi il n'est pas appliqué de façon systématique aux entreprises, soit ce n'est pas le cas, et le Gouvernement ne l'introduit de façon facultative que pour satisfaire aux recommandations de l'OCDE.
Pour ma part, je propose de rendre obligatoire ce régime d'imposition des profits tirés de l'exploitation des brevets. Cela favoriserait les investissements dans la recherche et le développement, tout en simplifiant notre système fiscal déjà fort complexe.
L'amendement no 2033 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 2189 , 2363 , 2179 , 2437 , 265 et 1142 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 2363 , 2179 et 2437 sont identiques.
Les amendements nos 265 et 1142 le sont également, entre eux.
La parole est à M. Fabien Roussel, pour soutenir l'amendement no 2189 .
Une fois encore, dès que les entreprises doivent se conformer à des règles européennes, il faut que ce soit compensé, afin qu'elles n'aient pas à mettre la main à la poche, alors qu'elles bénéficient déjà des nombreux dispositifs que vous avez instaurés, comme la baisse de l'impôt sur les sociétés, la détaxation des dividendes, etc.
Que nous propose le rapporteur général ? Alors que l'article, dans sa rédaction initiale, régularise la situation de la France, son amendement no 2363 tend à instaurer une pratique fiscale quasi dommageable, avec un taux d'imposition de 10 % sur les produits de cession ou concession de brevets. Il s'agit d'un taux dérogatoire absolument hors norme. Vous l'avez souligné, monsieur le ministre, c'est une question de taux. Nous partageons tout ce que vous avez dit – mais sur les taux, nous ne sommes pas d'accord. Nous avons un désaccord de taux.
Sourires.
L'exposé sommaire de l'amendement de la commission ne dit pas autre chose : « Si ce nouveau taux pourrait paraître faible à certains, il convient de rappeler qu'il serait inférieur de très peu au taux, non pas réduit mais normal, de 12,5 % applicable en Irlande et resterait supérieur au taux normal en vigueur en Hongrie ». Bref, monsieur Giraud, vos modèles, ce sont l'Irlande et la Hongrie. Faut pas pousser ! En matière fiscale, il y a mieux ! Nous ne nous en sortirons pas si nous courons derrière ceux qui ont les pires pratiques fiscales dans l'Union européenne.
Voilà pourquoi nous proposons d'augmenter le taux d'imposition des produits de cession ou concession de brevets – d'autant que vous ne chiffrez pas le coût de votre proposition. Monsieur le rapporteur général, pouvez-vous nous indiquer combien la mesure que vous proposez – et rien qu'elle – va coûter à l'État ?
Nous en venons, dans la discussion commune, à une première série d'amendements identiques.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 2363 .
Cet amendement a fait consensus parmi plusieurs groupes, puisqu'il est cosigné par les groupes Les Républicains et La République en marche et que le groupe du Mouvement démocrate et apparentés a déposé un amendement identique. Il vise à assurer une compensation partielle des efforts liés à la réduction d'assiette en abaissant dès 2019 le taux d'imposition à 10 %.
Je ne dispose pas de chiffrage des conséquences financières de l'article, monsieur Roussel ; je ne peux donc pas vous en donner un pour ce qui concerne l'amendement.
Je voudrais juste faire observer que fixer le taux d'imposition à 18 % serait aller à l'encontre des préoccupations qui ont été exprimées jusqu'à présent ; ce serait pénaliser les entreprises et la France. De toute façon, la réforme ne fera aucun gagnant : abaisser le taux à 10 % ne permettra que de faire des moindres perdants ; et si on n'abaisse pas le taux, certaines pertes risquent d'être vraiment très lourdes.
En revanche, aller jusqu'à 5 %, comme le proposent certains, me semble excessif.
Sourires.
D'ailleurs, les contacts que nous avons eus avec les entreprises laissent à penser qu'un taux de 10 % leur paraît un compromis acceptable.
Notre amendement a un autre avantage. En effet, nous proposons, dans un souci d'harmonisation et d'équité, puisque ce sont les mêmes actifs qui sont concernés, d'appliquer également le taux de 10 % aux inventeurs personnes physiques, pour lequel le taux d'imposition est le même que celui qui était appliqué aux entreprises, à savoir 12,8 %.
Je demande donc le retrait des autres amendements au profit de l'amendement no 2363 de la commission, car c'est celui qui me semble le plus équilibré.
La parole est à Mme Amélie de Montchalin, pour soutenir l'amendement identique no 2179 .
La parole est à M. Jean-Noël Barrot, pour soutenir l'amendement, lui aussi identique, no 2437.
Nous en arrivons aux deux derniers amendements de cette discussion commune, qui sont identiques entre eux.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 265 .
La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir l'amendement no 1142 .
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements en discussion commune ?
Avis favorable à l'amendement de la commission et aux amendements identiques à lui, défavorables sur tous les autres.
L'amendement no 2189 n'est pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 1847 .
Il s'agit d'éviter que la réforme du régime des brevets ne modifie involontairement certaines règles d'imposition de plus-values à long terme sans lien avec ce régime. Cet amendement est donc de précision.
L'amendement no 1847 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Éric Woerth, président de la commission des finances, pour soutenir l'amendement no 2626 .
Aux termes du projet BEPS, les États peuvent appliquer une clause de sauvegarde qui leur permet de s'affranchir du ratio « nexus » lorsque la recherche, bien que réalisée à l'étranger, répond à un certain nombre de conditions.
Il me paraît important d'avoir la possibilité d'appliquer cette clause de sauvegarde ; or le projet de loi, me semble-t-il, ne le permet pas.
Ce que vient de dire le président Woerth me paraît frappé au coin du bon sens. Je suis donc favorable sur le principe.
Il convient de vérifier que le dispositif ne contient pas d'imprécisions et de dispositions trop larges ou trop généreuses, non conformes à l'approche nexus ; mais j'émets un avis de sagesse.
Je reviendrai sur la question du taux, monsieur Roussel.
L'amendement du président Woerth soulève une vraie question, même si je ne suis pas sûr qu'il « vole » juridiquement – pour tout vous dire, je suis bien incapable de vous répondre sur ce point. Avis de sagesse.
L'amendement no 2626 est adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 1848 .
L'amendement no 1848 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Nous sommes ici au coeur de la sémantique fiscale. Hier, nous avons parlé de la TVA non payée récupérable ; aujourd'hui, nous avons le brevetable non breveté, qui ne paraît pas moins étrange.
Sourires.
Sourires.
Toute plaisanterie mise à part, le brevetable non breveté est au coeur des stratégies commerciales et économiques des grands groupes, stratégies au demeurant légitimes et qui, je vous rassure, n'ont absolument pas pour but de contourner l'impôt.
Pourquoi ne pas breveter une invention ? On peut légitimement se poser la question. La réponse est que, tout brevet étant public, l'invention à laquelle il correspond peut être pillée par des concurrents peu scrupuleux.
Il s'agit donc d'un vrai sujet de compétitivité et de souveraineté économique. Le secret garantit en effet aux entreprises que leurs inventions sont protégées de la concurrence internationale. La précaution n'est d'ailleurs pas nouvelle, puisque Michel Charasse en parlait déjà dans le cadre du PLF de 1992.
Les inventions brevetables non brevetées obéissent à une définition très précise dans le code de la propriété intellectuelle, déclinée sur une dizaine de pages dans le BOFiP, le Bulletin officiel des finances publiques-impôts – bon courage à celles et ceux qui souhaitent les lire.
Sourires.
L'administration dispose de tous les moyens nécessaires pour s'assurer du respect de ces conditions ; aussi l'inclusion du brevetable non breveté dans le dispositif ne serait en rien dommageable.
L'amendement no 2549 du Gouvernement répond à ces préoccupations, que le président Woerth et moi-même avions exprimées en commission. Équilibré, conciliant et bien rédigé, il me semble consensuel. Je vous propose donc de retirer l'amendement de la commission à son profit, dès lors qu'il paraît meilleur et poursuit les mêmes objectifs.
L'amendement no 2366 est retiré.
Le rapporteur général a tout dit. La question du brevetable non breveté est en effet très importante, puisqu'elle touche à la confidentialité, comme l'ont souligné plusieurs d'entre vous. Je remercie donc le rapporteur général d'avoir retiré son amendement au profit de celui du Gouvernement, qui répond au problème.
L'amendement no 2549 est adopté.
Il s'agit d'inclure les logiciels dans le régime de faveur que nous créons aujourd'hui ; faute de quoi les conséquences pourraient être dommageables pour ce secteur de pointe pour notre pays. Dès lors que nous nous attachons au développement de la numérisation et de l'intelligence artificielle, il nous faut le soutenir. Aussi j'espère une issue favorable pour les dispositions que nous proposons ici.
La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir l'amendement no 1139 .
La parole est à M. Jean-Noël Barrot, pour soutenir l'amendement no 2471 .
L'amendement tend à limiter l'imputation sur les revenus aux seules dépenses consacrées à l'amélioration et au perfectionnement des actifs générant un revenu taxable au cours du même exercice.
Pour les cinq exercices suivant la date à laquelle l'option est exercée, ces dépenses seraient forfaitairement évaluées à 10 % de l'ensemble des dépenses de recherche et développement.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 1475 .
Ces dispositions sont orthogonales à l'approche nexus. Avis défavorable.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 1288 .
Cet amendement me paraît similaire au no 262… Quoi qu'il en soit, je cède la parole à Mme Louwagie pour le défendre.
L'amendement no 1288 , déposé à l'initiative d'Éric Woerth, tend à substituer aux mots : « de recherche et de développement », les mots : « relatives à la gestion de la concession » dans la première phrase de l'alinéa 51 de l'article.
L'amendement no 1288 n'est pas adopté.
Il est difficile, pour les entreprises, d'isoler précisément les dépenses consacrées à l'amélioration et au perfectionnement des actifs qui génèrent un revenu taxable au cours du même exercice. En vue d'une simplification que j'espère cohérente avec le dispositif, monsieur le rapporteur général, nous proposons d'évaluer le niveau de ces dépenses au taux forfaitaire de 10 % de l'ensemble des dépenses de recherche et développement. Cela simplifierait vraiment les choses.
Au regard de la spécificité de la recherche et développement dans le secteur des éditeurs de logiciels, il est très difficile, voire impossible de rattacher précisément le revenu d'un composant logiciel individualisé d'une année donnée avec les dépenses de développement antérieures.
Cette distinction est d'autant plus impossible que les logiciels font l'objet de modifications permanentes.
Une telle spécificité sera encore plus prégnante avec le développement de « clouds ».
C'est pourquoi il est préférable de limiter l'imputation des revenus bruts aux seules dépenses consacrées à l'amélioration et au perfectionnement des actifs générant un revenu taxable au cours du même exercice. Cette disposition va bien entendu dans le sens de l'objectif, rappelé par M. le ministre, de faire de la France la première nation technologique au sein de l'Union européenne.
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir l'amendement no 928 .
L'amendement no 928 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Éric Woerth, président de la commission des finances, pour soutenir l'amendement no 1291 .
L'amendement no 1291 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 1849 .
L'amendement no 1849 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 2407 .
L'amendement vise à cibler l'amende de 5 %, non sur l'ensemble des revenus tirés des actifs, mais sur les seuls revenus tirés des actifs concernés par le manquement à l'obligation documentaire.
La rédaction de l'article laisse en effet entendre que si un seul actif pose problème parmi une vingtaine d'autres, c'est la totalité des actifs qui sera visée par l'amende. Nous proposons donc un système proportionnel, qui limite l'amende aux seuls actifs ayant fait défaut aux obligations légales.
L'amendement no 2407 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 2413 de la commission.
L'amendement no 2413 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 1850 .
L'amendement no 1850 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Éric Woerth, président de la commission des finances, pour soutenir l'amendement no 1292 .
Vous avez été, monsieur le ministre, le « grand manitou » du projet de loi PACTE.
Sourires.
À ce titre, la simplification de l'administration, notamment dans ses relations avec les entreprises, est au coeur de vos préoccupations. L'approche « nexus » est très complexe, s'agissant notamment du calcul du résultat. Cela oblige les entreprises à s'adapter et à s'équiper des bons logiciels ; bref, cela suppose un lourd travail matériel.
Aussi je vous propose, dans le droit fil du projet de loi PACTE, de différer d'un an l'entrée en vigueur des dispositions proposées.
Nous sommes déjà en retard : essayons de ne pas l'être plus encore. Avis défavorable.
Vous êtes, vous, le « grand sachem » de la commission des finances, et avez à ce titre tout notre respect, monsieur Woerth.
Sourires.
Je rappelle cependant que nous discutons de la réforme du régime des brevets et de l'approche « nexus », proposée par l'OCDE, depuis 2014. Et cela fait longtemps que nous avons averti les entreprises qu'elles devaient se mettre en conformité d'ici au 1er janvier 2019. De plus, elles auront une période de transition de plusieurs mois pour s'adapter. Avis défavorable.
L'amendement no 1292 n'est pas adopté.
L'article 14, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Bénédicte Peyrol, pour soutenir l'amendement no 2183 , portant article additionnel après l'article 14.
Je tiens avant tout à saluer la réforme qui vient d'être votée et dont on a commencé à discuter – le ministre a mentionné la date – alors que j'étais encore étudiante. Je suis par conséquent très heureuse de son adoption. Les entreprises s'y préparant depuis des années, elles seront prêtes à l'appliquer.
Le présent amendement s'inscrit dans la lutte contre l'optimisation fiscale. Il vise en effet à limiter la déduction des redevances de brevet quand l'entreprise est située dans un État qui ne respecte pas les principes de l'OCDE et dont les pratiques fiscales sont dommageables et dans un État qui applique à ces redevances un taux inférieur à 25 %.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 2183 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La volonté du Gouvernement est ici d'accentuer l'effort contributif des entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 250 millions d'euros, au titre du dernier acompte de l'impôt sur les sociétés, cela, à lire l'exposé des motifs de l'article, « afin de respecter les objectifs fixés en matière de déficit public en 2019 [… ] ». Le dispositif envisagé a pour seul but de donner l'illusion, fin 2019, que le déficit public sera en fait inférieur à ce qu'il serait réellement.
Pourquoi devez-vous procéder ainsi ? Parce que vous n'aurez pas pu ou su réaliser de réelles économies de dépenses publiques en 2018.
On comprend bien que vous invoquiez le « double CICE » pour justifier qu'on demande cet effort particulier aux entreprises mais il y a une certaine incohérence, vous en conviendrez, à baisser l'impôt sur les sociétés d'un côté, et à augmenter l'effort contributif de l'autre.
Enfin, nous souhaitons savoir – les entreprises également – si vous allez pérenniser cette mesure au-delà de 2019. L'amendement vise donc à supprimer l'article.
La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir l'amendement no 1144 .
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 1325 .
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 1616 .
Je déplore qu'il ne s'agisse que d'une mesure de trésorerie. Or vous allez la pérenniser. En outre, encore une fois, la contemporanéité des mesures prises concernant l'impôt sur les sociétés – équivalent de l'impôt sur le revenu des personnes physiques – pose problème.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 2295 .
L'article 15 pose un vrai problème, monsieur le ministre. On ne peut pas, d'un côté, diminuer l'impôt sur les sociétés de 2,4 milliards d'euros en en ramenant le taux à 31 % et, de l'autre, augmenter les recettes de 1,5 milliard d'euros grâce à la mesure ici prévue et de 1 milliard d'euros grâce à une taxation du gazole. On allège donc la fiscalité des entreprises de 2,4 milliards d'euros mais, dans le même temps, on l'aggrave de 2,5 milliards d'euros. Vous avouerez qu'en matière de lisibilité de la politique fiscale, c'est assez étonnant.
Ensuite, l'étude d'impact précise que « l'objectif de réduction des déficits publics conduit à demander un effort supplémentaire exceptionnel aux entreprises ». Donc on baisse l'impôt sur les sociétés tout en leur demandant un effort exceptionnel… On ne comprend pas très bien la logique d'un tel procédé. Voilà qui m'amène à vous interroger sur le caractère exceptionnel du dispositif envisagé car selon l'évaluation des incidences budgétaires de l'article 15, les recettes fiscales augmenteraient de 1,5 milliard d'euros en 2019 et diminueraient de 1,5 milliard d'euros en 2020. La mesure apparaît donc bien exceptionnelle, ce que souligne d'ailleurs le Haut conseil des finances publiques en considérant qu'elle ne doit pas être considérée comme structurelle.
Vous avez annoncé en commission, monsieur le ministre, que vous déposeriez un amendement pour rendre le dispositif pérenne – ce qui est un aveu et complètement contraire à l'article tel qu'il est rédigé. Pouvez-vous par conséquent éclairer la représentation nationale ?
L'avis de la commission est défavorable. Même en pérennisant le dispositif, il reste exceptionnel…
… puisque, du fait de son caractère récurrent, il ne concerne que les comptes de 2019.
Mme Dalloz a parfaitement dit les choses même si nous n'en tirons pas les mêmes conclusions. Au fond, le cinquième acompte d'impôt sur le revenu, c'est le prélèvement à la source pour les grandes entreprises qui font plus de 250 millions d'euros de chiffre d'affaires. Autrement dit, on contemporéanise le versement par rapport aux bénéfices réalisés par les entreprises.
L'année blanche, c'est la transformation du CICE en allègement de charges, …
… transformation grâce à laquelle elles disposeront de 20 milliards d'euros supplémentaires de trésorerie. Chacun y trouve donc son compte, les entreprises comme les ménages.
Le cinquième acompte d'impôt sur les sociétés passera de 80 % à 95 % pour les entreprises ayant un chiffre d'affaires compris entre 250 millions d'euros et 1 milliard d'euros ; de 90 % à 98 % pour celles dont le chiffre d'affaires se situe entre 1 et 5 milliards d'euros ; enfin, il sera maintenu à 98 % pour les entreprises réalisant plus de 5 milliards d'euros de chiffre d'affaires.
Le point capital à retenir est que nous n'avons pas modifié le champ d'application du versement de ce cinquième acompte, puisque seules sont concernées les entreprises dont le chiffre d'affaires excède 250 millions d'euros, à savoir les grandes entreprises. À des fins d'amélioration du rendement fiscal, on m'avait proposé d'élargir ce versement à des entreprises plus modestes, y compris aux PME. Je m'y suis opposé et je continue de m'y opposer. Seul le taux est modifié et aucune charge administrative ne s'ajoute pour les entreprises puisque, j'y insiste, la mesure envisagée ne touche que des entreprises déjà concernées.
La parole est à Mme Émilie Cariou, pour soutenir l'amendement no 2414 .
Le présent amendement a pour objet de pérenniser les modifications apportées par l'article 15 au calcul du cinquième acompte de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 250 millions d'euros. Il s'agit par ailleurs d'assouplir les conditions de déclenchement des pénalités en cas d'insuffisance de versement du dernier acompte.
Avis favorable également.
Cet amendement relevant de la seconde partie du PLF, je ne comprends pas qu'il ait été déclaré recevable au titre de la première…
L'amendement no 2414 est adopté.
L'article 15, amendé, est adopté.
La commission des affaires économiques s'est saisie pour avis de l'article 16 qui porte sur le pacte Dutreil et vise à préserver la pérennité des entreprises au moment de leur transmission. Ce pacte est une exonération des droits de mutation à titre gratuit à hauteur de 75 %. En tant que rapporteur pour avis de cette commission, je puis vous assurer que tous les acteurs que j'ai rencontrés sont unanimes : ils considèrent le pacte Dutreil comme un outil indispensable à la transmission de nos entreprises mais pensent qu'il reste trop complexe.
Ainsi, la rigidité des conditions imposées peut parfois freiner son efficacité. Le pacte requiert en effet de nombreux experts pour être appliqué, ce qui peut représenter un coût rédhibitoire pour les entreprises et peut expliquer qu'il ne soit pas toujours utilisé par les PME et les ETI. Pourtant, son intérêt est indéniable et la transmission d'entreprise constitue un enjeu important en matière d'aménagement et d'équilibre des territoires. Le pacte bénéficie en grande partie aux entreprises de taille intermédiaire et aux entreprises familiales. Cette transmission familiale est à la fois utile et efficace pour l'économie.
La commission des affaires économiques n'a pas adopté d'amendement sur cet article – salué par un grand nombre de commissaires.
Comme le souligne notre collègue Martin, environ 7 à 8 % des PME et des ETI sont transmises en moyenne chaque année. Or, dans les années à venir, ce sont des centaines voire des milliers de dirigeants de PME et d'ETI qui vont atteindre l'âge de passer le relais.
Vous avez raison, monsieur Forissier : 75 000 transmissions, l'équivalent de 1,6 million d'emplois. Il nous faut améliorer, stabiliser, voire moderniser le pacte Dutreil. D'abord parce qu'une entreprise qui ne se transmet pas, c'est le symptôme d'une fin de parcours mal anticipée par le dirigeant, d'un déficit de vision à moyen terme pour son entreprise. Une transmission « loupée », c'est bien souvent le début des ennuis pour l'entreprise comme pour ses salariés. Une entreprise qui ne se transmet pas est dans de trop nombreux cas condamnée à fermer, non pas, bien souvent, parce que l'activité n'est pas solide ou parce qu'elle n'est pas pérenne, mais précisément parce que l'avenir n'a pas été assez préparé.
Didier Martin l'a dit, et je suppose que la majorité a entendu ses remarques. L'article que nous examinons, ainsi que les amendements que nous allons défendre, tirent pleinement les conséquences de la complexité des pactes Dutreil. Nous espérons que grâce à ce dispositif, de nouvelles entreprises pourront bénéficier d'un pacte Dutreil et donc que de nombreuses structures établies sauront préserver les emplois qu'elles créent.
Vous nous étonnez, tout de même, avec ce pacte Dutreil ! C'est que, depuis un an et demi que vous avez la majorité, vous nous avez habitués à autre chose, concernant le patrimoine. Le pacte Dutreil, pour nous, c'est un peu le capitalisme d'héritiers, le capitalisme à la papa, c'est la vieille école.
Vous nous aviez jusqu'à présent plus accoutumés à soutenir l'innovation, à libérer le capital… Alors qu'ici vous consolidez un dispositif, je le répète, d'héritiers, c'est-à-dire ce patrimoine qui se transmet de père en fils. Ainsi protégez-vous les Mulliez, les Bettencourt, les Arnault, les Pinault etc. On vous croyait un peu plus innovants dans ce domaine. C'est bien pourquoi nous allons demander la suppression de ce pacte Dutreil…
… qui nous coûte 500 millions d'euros par an au profit des plus riches familles qui ont un patrimoine et qui ont ainsi la possibilité de léguer à leurs héritiers.
Exclamations sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
C'est dingue d'entendre de tels propos ! C'est criminel pour les entreprises et pour l'emploi !
Est-ce ainsi qu'on crée de la richesse ? Vous nous aviez habitués à autre chose !
L'amendement no 1339 vise à supprimer l'article. Le pacte Dutreil prétend faciliter la transmission d'entreprise et ainsi pérenniser l'outil de production. La réalité, c'est que le pacte Dutreil est un formidable outil d'optimisation fiscale, qui permet de réduire sereinement ses droits de succession dans le cadre de transmission de titres. Dans son excellent travail, le rapporteur, …
Sourires
page 546, donne un exemple très précis. Je vous fais grâce du détail pour en venir à la conclusion : pour une transmission en nue propriété de titres d'une valeur d'1,2 million d'euros, on arrive avec le système Dutreil à 38 000 euros de droits de transmission.
Vous avouerez qu'il s'agit d'un extraordinaire cadeau. Cet exemple montre bien que nous avons affaire à un dispositif destiné à une petite minorité : les riches familles qui optimisent en utilisant une niche fiscale qui coûte tout de même plus de 500 millions d'euros à l'État.
Pour reprendre l'argument de Fabien Roussel, nous avions compris que vous étiez partisan d'un capitalisme de l'entrepreneuriat, et non d'un capitalisme du patrimoine – c'était l'un de vos arguments pour défendre le remplacement de l'ISF par l'impôt sur la fortune immobilière ; vous disiez aussi préférer les entrepreneurs aux héritiers. Pourtant, dans les faits, en faisant perdurer le système Dutreil vous choisissez bel et bien l'ancien monde économique que vous avez tant décrié.
La parole est à M. Éric Coquerel, pour soutenir l'amendement no 1927 , qui vise également à supprimer l'article 16.
Cet article 16 est assez étonnant. Il vous place finalement parmi les plus conservateurs des libéraux, ceux qui défendent la vieille idée que la transmission familiale de l'entreprise serait une meilleure solution qu'une transmission à des tiers, sous je ne sais quel prétexte !
Protestations sur des bancs du groupe LaREM.
Vous êtes pénibles ! On peut avoir un avis différent du vôtre sans que vous nous interrompiez en permanence. Nous avons déposé soixante-sept amendements ; si vous nous empêchez de parler à chaque fois que nous en défendons un parce qu'ils sont contraires à la pensée unique qui règne dans cet hémicycle, nous allons prendre tout notre temps, et nous ferons des rappels au règlement.
C'est votre droit de demander des rappels au règlement, monsieur Coquerel, mais pour l'instant, vous soutenez l'amendement no 1927 .
Nous demandons la suppression de l'article 16, car il vise, de façon étonnante, à assouplir le dispositif Dutreil, ce qui bénéficiera à tous ceux qui entendent céder leurs parts d'une entreprise.
Ainsi, en cas de cession ou de donation des titres à un autre associé de l'engagement initial, l'exonération ne serait remise en cause qu'à hauteur des seuls titres cédés ou donnés, et non pour tous les titres du cédant, comme c'est le cas actuellement. Quant aux attestations annuelles aujourd'hui exigées, elles n'auront plus à être produites que sur demande de l'administration en fin d'engagement individuel. Enfin, toutes les exceptions à la conservation qui étaient prévues sous certaines conditions sont soit supprimées soit assouplies par l'article.
Il y avait déjà un problème avec le pacte Dutreil tel qu'il existait ; je ne comprends pas au nom de quoi vous l'assouplissez, et quel objectif vous visez. En fait, vous nous proposez un dispositif qui permet, par bien des biais, à tous ceux qui voudront transmettre leur entreprise d'être carrément exonérés. Voilà ce que vous nous proposez !
Je veux apporter quelques précisions en défense d'un objet qui, à vous entendre, passerait pour satanique.
Je comprends votre positionnement politique en réponse aux inégalités de patrimoine qui existent dans ce pays, mais il faut rappeler que le dispositif Dutreil n'a qu'un seul objet : faciliter la transmission des entreprises, en particulier afin que les plus fragiles d'entre elles ne soient pas achetées par des fonds étrangers, ou délocalisées, autant de phénomènes contre lesquels vous luttez également. Le dispositif Dutreil présente donc un certain nombre de qualités.
Au-delà de son aspect budgétaire, il faut noter qu'il est assorti de contreparties, que ce soit en matière de stabilité du capital ou de transmission de l'entreprise. Ces conditions sont réaménagées par l'article 16 parce que certains points de blocage sont apparus. C'est aussi simple que cela, et le diable n'est pas caché dans cet article. Je suis défavorable aux amendements de suppression.
Monsieur Roussel, le dispositif Dutreil favorise la transmission patrimoniale et non la transmission familiale. Nous ne sommes pas en train de protéger les « deux cents familles » qui n'existent plus.
Nous garantissons qu'un patrimoine industriel, économique et entrepreneurial français reste entre les mains d'actionnaires français.
Vos propres arguments peuvent se retourner contre vous et contre les intérêts nationaux auxquels je sais que vous êtes très attachés. Je prends l'exemple de Monin, entreprise que j'ai visitée à Bourges, il y a quelques années. Elle fabrique des sirops que l'on trouve dans tous les bars de France et de Navarre, ainsi qu'à l'étranger. C'est un grand succès, une magnifique entreprise qui s'est beaucoup diversifiée. Au moment de la transmission, comme les dispositifs fiscaux ne sont pas adaptés, il n'y a qu'une alternative : soit l'on ne transmet pas l'entreprise familiale, soit on l'ouvre à des fonds de pensions américains ou à toutes sortes de fonds vautours qui la dépèceront.
Nous voulons tout simplement préserver le patrimoine entrepreneurial français. La simplification du dispositif Dutreil ne vise que cela, maintenir le patrimoine économique national.
Chez nos grands voisins européens, en particulier l'Allemagne et l'Italie, on constate une transmission patrimoniale beaucoup plus forte que chez nous, tout simplement parce qu'ils disposent de dispositifs fiscaux adaptés.
Je tiens à le répéter : je ne suis pas là pour favoriser les héritiers, ce n'est pas mon sujet, et ce n'est pas ce que je souhaite. Ce que nous voulons, avec l'article 16, c'est favoriser la détention patrimoniale française de nos entreprises, afin que ces dernières ne soient pas dépecées par des fonds de pension sans scrupule qui exigeraient des niveaux de rentabilité absolument hors de portée, et consolider la présence d'entreprises dans nos territoires sur le long terme.
Je pense qu'il faut bien faire la différence entre l'imposition de la transmission patrimoniale et l'impôt sur les successions tel que nous le connaissons tous.
Aujourd'hui, il existe une forme d'impôt sur le fait de changer le nom de ceux qui sont aux manettes d'une entreprise, ceux qui la dirigent et la possèdent. En clair, monsieur Roussel, si vous transmettez votre entreprise à votre fils, que nous appellerons X, sans le dispositif Dutreil, il devrait verser à l'État un impôt assez élevé, alors qu'il ne dispose d'aucun revenu et qu'il n'a pas d'argent en liquide. Il n'en aura que si l'entreprise dégage une plus-value ou des dividendes – et c'est à ce moment qu'il sera imposé sur les plus-values, sur les dividendes, sur les bénéfices, en bref sur ce qui sera de l'argent liquide. Avant cela, nous ne parlons que d'un changement de prénom, de Fabien à X, sur les documents d'état-civil d'une entreprise.
Rappelons aussi que le dispositif Dutreil concerne en particulier les 5 800 entreprises de taille intermédiaire de France qui représentent 39 % du PIB et emploient 3 millions de salariés. Aujourd'hui 78 % des ETI industrielles se trouvent sur nos territoires : elles constituent le poumon industriel et économique de notre pays, et elles sont familiales. Réjouissons-nous et laissons-les exister !
Plus globalement, on compte, en France, 60 000 entreprises à transmettre : 30 % sont transmises de manière familiale, et pourraient bénéficier du dispositif Dutreil, 45 % sont transmises en externe, ce qui les fait relever d'autres mécanismes, et 25 % disparaissent. Dès lors que nous constatons que 25 % des entreprises disparaissent parce que la cession n'est pas possible, ou qu'elle n'est pas gérée, qu'elle occasionne des coûts indus et qu'elle aboutit à une forme de déperdition de l'activité, il nous appartient bien de faciliter les transmissions et de créer le cadre le plus adapté possible pour que le passage de Fabien à X ne coûte pas d'argent à l'entreprise, argent qu'elle pourrait utiliser pour investir, créer des emplois et contribuer ainsi à notre prospérité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Le pacte Dutreil est un merveilleux outil de transmission qui n'est pas forcément mis en oeuvre pour de l'optimisation fiscale, mais plutôt pour permettre de préserver le tissu des entreprises locales, ce qui est extrêmement important.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 777 du code général des impôts, les droits de succession en ligne directe s'élèvent à 30 % entre 550 000 et 900 000 euros, et à 45 % au-delà de 1,8 million d'euros.
Il est également possible de faire une donation d'entreprise au profit des salariés. Les droits s'élèvent alors à 60 %. C'est un fantastique outil, même s'il faut certainement aménager le code civil sur ce point.
Je peux vous faire part de mon expérience : une entreprise familiale, ce n'est pas que du « patrimoine pour des rentiers », c'est véritablement une histoire qui se poursuit de génération en génération. Pour les dirigeants, il s'agit de transmission et non de profits. Reprendre une entreprise familiale, c'est un pari. Si vous êtes un bon dirigeant, et que ça marche, on dira que tout a été facile pour vous, car vous êtes l'héritier ; si ça ne marche pas, on dira que vous êtes nul, et que vous avez été incapable de reprendre l'entreprise familiale.
Franchement, l'outil dont nous parlons permet de maintenir un tissu de petites et moyennes entreprises sur le territoire français. Je vous assure que sa remise en cause constituerait un grand retour en arrière.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, LR et MODEM. M. Philippe Vigier applaudit également.
Personne ne dit qu'il est facile de reprendre une entreprise ! Les qualités d'un fils ou d'une fille ne sont pas forcément celles d'un père, et inversement. Nous connaissons tous les difficultés que ces situations posent.
Il reste que je ne comprends pas votre logique économique. Je lisais il y a peu une note de M. Jean Pisani-Ferry, économiste qui a compté pour quelque chose dans l'élaboration du programme économique du candidat Emmanuel Macron. Il appelait à un choix un plus affirmé entre capitalisme entrepreneurial et capitalisme financier. Mais, puisque vous m'en donnez l'occasion, autant citer Emmanuel Macron lui-même qui confiait au mois d'avril 2016, à la revue Risques : « Si on a une préférence pour le risque face à la rente, ce qui est mon cas, il faut préférer par exemple la taxation sur la succession aux impôts de type ISF. »
Finalement, malgré une promesse comme celle-là, en plus de la suppression de l'ISF, vous élargissez la défiscalisation des successions, c'est-à-dire que vous faites le contraire de ce que vous avez dit.
L'article 16 est contradictoire avec ce que vous nous dites pour défendre le pacte Dutreil. Vous nous expliquez qu'il permet de maintenir le capital d'une entreprise dans une même famille pour se défendre contre des prédateurs internationaux. Cependant vous assouplissez précisément les conditions de contrôle qui permettaient en particulier d'obliger le détenteur de parts de l'entreprise à les conserver un certain nombre d'années. C'est cela que vous proposez. Je ne comprends pas la logique de l'article 16. Je le répète : elle s'oppose à ce que vous nous dites en défense du pacte Dutreil.
Sourires.
Je n'ai pas été convaincu par les arguments de Mme Amélie de Montchalin quand bien même elle les expose excellemment et qu'ils me touchent au coeur.
Sourires.
Elle parle de la transmission d'un patrimoine à ses enfants en vue de préserver le tissu économique national.
Nous n'allons pas ouvrir un débat économique sur la manière de défendre les entreprises nationales. Le sujet est vaste. On pourrait parler de Vallourec, des risques d'OPA... Ce n'est pas le sujet, encore que s'il faut mettre en place des dispositifs pour que des actionnaires et des propriétaires garantissent que les entreprises restent en France, il y a certainement des dispositifs à inventer.
Je ne cherche pas à le déstabiliser, monsieur le président. J'essaie de faire oeuvre de pédagogie.
Nous disons simplement que ce dispositif-ci, qui permet à des propriétaires de transmettre leur patrimoine sans payer les droits correspondants, ne nous paraît pas juste : il tend à privilégier, comme toujours, ceux qui appartiennent au petit monde des entrepreneurs. Qui plus est, il s'agit de droit des successions ; certes, ce dispositif concerne la transmission d'entités économiques – les entreprises – , mais il s'agit toujours de droit des successions.
Je ne voudrais pas rouvrir le débat sur la succession de Johnny Hallyday, mais c'est la même chose. Johnny Hallyday est au paradis, et son patrimoine aussi !
Sourires.
Il est même allé plus loin : il a créé un trust pour transmettre son patrimoine en déshéritant son fils, sa fille, et le fisc. C'est un champion du monde ! Et tout cela, grâce au trust qu'il a créé. Le pacte Dutreil, de la même manière, n'est qu'un stratagème pour ne pas payer les droits de succession.
Si j'ai bien compris, en réalité, d'un point de vue technique, nous ne discutons pas des droits de succession mais des droits de mutation. Selon vous, cela n'a aucun rapport. Je ne suis pas d'accord : politiquement, les droits de mutation sont bel et bien une manière de taxer les successions. Or, comme je l'ai souvent dit, notre pays est confronté à un grave problème : la part de l'héritage dans le patrimoine des Français ne cesse de croître. Ce phénomène, du reste, n'est pas propre à la France.
Cela pose problème pour beaucoup de raisons. Tout d'abord, cela conduit à l'apparition d'une forme de noblesse d'argent qui parvient à être moins taxée. Mais c'est aussi néfaste à la marche des entreprises. Je suis d'accord, sur ce point, avec Fabien Roussel : l'argument selon lequel le pacte Dutreil serait une manière de préserver la détention des entreprises françaises par des capitaux français ne vaut pas. Car alors, il ne fallait pas vendre Alstom à General Electric ! Il y aurait beaucoup de chose à dire, à ce propos, sur ce que serait une véritable stratégie industrielle, mais là n'est donc pas la question.
Il n'est pas non plus question de dénier aux propriétaires le droit de les céder à leurs héritiers. La vraie question est de savoir s'il est justifié d'exonérer ces transmissions de droits de mutation. Notre réponse est : non ! D'un point de vue économique, en effet, nombre d'études ont montré que la plupart du temps, la reprise d'une entreprise par des partenaires extérieurs motivés est préférable pour son dynamisme au maintien dans le giron d'une même famille, à ce capitalisme de rentiers et d'héritiers que vous nous proposez.
Selon une étude récente, les managers dynastiques se caractérisent par une aversion au risque supérieure à la moyenne. Les entreprises familiales ont ainsi tendance à privilégier la détention de liquidités et le présent au détriment de l'investissement et de l'avenir. Qui plus est, le faible nombre de détenteurs de parts ou d'actions est susceptible de favoriser un alignement des choix de gestion de l'entreprise : telle est la logique propre de ce type de capitalisme.
Vous ne pouvez donc pas affirmer qu'il est préférable pour une entreprise d'être reprise par les héritiers de ses propriétaires plutôt que par des tiers : cela n'est pas conforme à la réalité de l'économie.
Avis défavorable pour les raisons que j'ai exposées tout à l'heure en donnant l'avis de la commission sur les amendements de suppression.
La parole est à M. Jean-Paul Mattei, pour soutenir l'amendement no 2440 rectifié .
Je vais être quelque peu provocateur : je propose en effet, par cet amendement, de porter le taux d'abattement à 90 %, à condition que les titres soient conservés pendant huit ans. Prenons l'exemple d'une entreprise qui vaut 5 millions d'euros. Ces 5 millions d'euros ne sont pas des liquidités : …
… c'est la valeur des capitaux propres, en d'autres termes, c'est de l'argent affecté à l'exploitation. Si je me trouve dans la tranche marginale à 20 %, alors je dois payer 1 million d'euros de droits de succession pour que l'entreprise me soit transmise. Cette somme, où la trouverais-je ? Quand on transmet une entreprise, on ne transmet pas d'argent proprement dit : on transmet une valeur d'actif et de passif, avec tout un environnement, comme lorsque l'on fait une cession de contrôle. C'est un bien à part, une entreprise : c'est pour cette raison qu'il me semblerait bénéfique d'optimiser l'abattement en contrepartie d'un engagement à conserver les titres pendant une durée beaucoup plus longue. Nous reviendrons plus tard sur la possibilité de constituer une société holding.
Je le répète : il ne faut pas rêver, quand on transmet une entreprise, on ne transmet pas de liquidités. Je suis prêt à discuter de la flat tax et des abattements sur les plus-values, car cela peut être un vecteur d'optimisation. Mais en ce qui concerne les droits de succession sur les entreprises, il ne faut pas ouvrir la porte à des repreneurs, notamment des groupes étrangers, qui les restructureront ensuite. C'est pour cela que le pacte Dutreil est très utile.
Pour les ETI, un abattement de 90 % me paraît donc pertinent.
Mme Michèle de Vaucouleurs applaudit.
Cet amendement est certes provocateur, mais il est surtout inconstitutionnel : avis défavorable.
Je sais que pour beaucoup d'entreprises, surtout de taille intermédiaire, la question de l'amélioration du dispositif Dutreil se pose, notamment par le fait de porter le taux d'exonération à 90 %. Ces entreprises représentent des centaines d'emplois : il est légitime de garantir que leur transmission se fasse dans de bonnes conditions. Le problème soulevé par M. Mattei n'est donc pas négligeable.
Nous voulons renforcer le tissu d'entreprises de tailles intermédiaires en France : c'est notre objectif. J'ai donc reçu à plusieurs reprises les représentants de ces entreprises, et les ai écoutés avec beaucoup d'attention et de considération. Mais porter le taux d'exonération de 75 % à 90 % ferait courir le risque d'un rejet de l'ensemble du dispositif. Je l'ai indiqué aux représentants des entreprises de taille intermédiaire : le risque constitutionnel est trop important.
Vous proposez, en contrepartie de l'augmentation du taux, de fixer une durée de détention plus longue. Je ne suis pas sûr que cela soit suffisant, et en tant que ministre de l'économie et des finances, je ne suis pas prêt à courir ce risque. En revanche, je me suis engagé auprès de vous comme auprès des représentants des ETI à continuer à travailler sur cette idée, en demandant un avis formel au Conseil d'État. Je pense que c'est la bonne solution. Je demanderai donc au Premier ministre de saisir le Conseil d'État pour qu'il évalue ce dispositif et nous dise s'il est constitutionnel ou pas. Nous en aurons ainsi le coeur net.
Je vous invite à retirer cet amendement, compte tenu de l'engagement que j'ai pris.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
L'amendement no 2440 rectifié est retiré.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 2482 de la commission des finances.
L'amendement vise à abaisser les seuils de détention de l'entreprise transmise requis pour bénéficier du pacte Dutreil. Dans certaines PME et ETI, les dirigeants historiques ne détiennent plus qu'une part limitée du capital, du fait de l'ouverture progressive du capital de l'entreprise aux investisseurs extérieurs. Nous proposons, par cet amendement assez technique, d'améliorer la transmission des entreprises en France – conformément à l'un des objectifs du projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises.
Le Gouvernement est favorable à cette très bonne proposition.
L'amendement no 2482 est adopté.
La parole est donc à Mme Olivia Gregoire, pour soutenir cet amendement.
Cette question a déjà été abordée en commission des finances, et nous en avons à nouveau parlé à l'instant : je serai donc brève. Par cet amendement, nous proposons d'ouvrir le dispositif dit du « réputé acquis » aux holdings et aux sociétés interposées. L'idée est simple, et se situe dans la ligne de l'article 16 : il s'agit de sécuriser les pactes Dutreil, de permettre la respiration du capital en leur sein, et d'assurer la fluidité pendant les périodes de conservation obligatoire de titres.
Cet amendement a été rédigé avec le souci de mieux tenir compte de la réalité des conditions de détention des entreprises dans l'économie d'aujourd'hui. Le « réputé acquis » bénéficiant aux holdings sera évidemment soumis aux mêmes règles que le dispositif analogue qui existe déjà pour les titres détenus directement.
Puisque la commission a adopté un amendement identique, je présume qu'elle est favorable à celui de Mme Gregoire.
Je suis tout à fait favorable à cet assouplissement, mais n'y a-t-il pas un petit problème avec les concubins dits notoires ? Ils sont en effet mentionnés dans le dispositif de ces amendements, et traités de la même manière que les membres de la famille. Or il me semble que jusqu'à présent, les concubins – l'adjectif notoire est un peu redondant, puisque la notoriété est l'un des trois critères du concubinat, avec la publicité – ne peuvent être intégrés à un pacte Dutreil.
Peut-être me trompé-je : dans ce cas, il faudrait que M. le rapporteur général ou M. le ministre le dise. En matière de successions, il faut faire très attention : pourrait-on vérifier ce point ?
Je voudrais revenir sur la notion de « concubin notoire ».
Non, l'adjectif « notoire » n'est pas de trop : il faut distinguer les concubins des concubins notoires. En droit fiscal, le concubin notoire est pris en compte : il existe même des attestations de notoriété du concubinat, qui établissent le fait que le concubin est notoire. Tout cela pour dire que la remarque de Charles de Courson, comme d'habitude, est particulièrement pertinente.
Rires et applaudissements sur divers bancs.
La parole est à M. Jean-Paul Mattei, pour soutenir l'amendement no 2441 .
L'amendement no 2441 est retiré.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 735 .
L'amendement no 735 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La première signataire de cet amendement est notre collègue Frédérique Lardet, qui a eu à appliquer le pacte Dutreil : elle en connaît donc les effets. Elle nous alerte à propos du dispositif transitoire prévu en cas de décès : le pacte Dutreil ne reconnaît pas, dans ce cas, le rôle du mandataire. Il y a là, pour ainsi dire, un trou dans la raquette : en cas de décès soudain, le mandataire du défunt ne peut le représenter dans le pacte. Cet amendement vise donc à prendre en considération le mandat à effet posthume, tel qu'il est défini par le code civil, dans le cadre du pacte Dutreil.
L'amendement no 2328 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement procède, lui aussi, de l'expérience de Mme Lardet, qui nous alerte à propos d'un problème similaire dans le cadre d'un pacte Dutreil : il s'agit, cette fois, de réputer acquise la condition d'exercice de l'activité principale au sein d'une société par un des héritiers dans le cas où un mandat de protection future a été établi.
L'amendement no 2334 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 2025 .
L'amendement no 2025 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 16, il est vrai, ne vise pas à rendre plus avantageux les pactes Dutreil mais à en améliorer le fonctionnement.
L'amendement no 2442 concerne les apports de titres à une société holding, dans le cas d'une transmission avec paiement de soulte. L'article 16 prévoit, dans ce cas, une limitation des titres détenus à 50 %. Cela ne correspond pas à la pratique : dans les faits, ces holdings peuvent être actives, et avoir d'autres fonctions que la seule détention de titres. C'est pourquoi il me semblerait bienvenu de supprimer la limite de 50 %.
Cela permettrait à la société holding de prendre d'autres participations, d'étendre son activité, et de créer des emplois supplémentaires dans des entreprises de taille intermédiaire. La limite de 50 % bride le développement de ces sociétés.
L'amendement no 2443 est un amendement de repli. Il tend à fixer la limite à 25 %.
Cet amendement, avec le sous-amendement qui l'accompagne, visent à prendre considération, dans le pacte Dutreil, les offres publiques d'échange, mais de façon très encadrée, c'est-à-dire uniquement pour les OPE préalables à des opérations de fusion ou de scission.
La parole est à M. Alexandre Holroyd, pour soutenir l'amendement no 1836 .
Le sous-amendement no 2566 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement vise à aligner le régime de l'usufruit tel qu'il est défini dans le pacte Dutreil sur celui de l'article 1844 du code civil, en particulier en ce qui concerne les dispositions relatives au droit de vote. L'usufruitier dispose en effet, dans le cadre d'un pacte Dutreil, d'un droit de vote limité. Or il fait plus qu'exploiter, et il peut être aussi la personne qui est à l'origine de la transmission.
L'amendement supprime cette limitation en cas de donation de la nue-propriété avec réserve d'usufruit.
L'amendement no 2323 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Stanislas Guerini, pour soutenir l'amendement no 708 .
Je défends cet amendement de précision juridique au nom de notre collègue Sophie Beaudoin-Hubière.
Pour être éligibles au régime Dutreil, les entreprises doivent, selon la doctrine de l'administration fiscale, exercer une activité opérationnelle de manière prépondérante. Or la rédaction actuelle de l'article 787 B du code général des impôts ne donne pas cette précision, ce qui a donné lieu à une abondante jurisprudence.
L'amendement propose donc une clarification.
Demande de retrait, car une réponse ministérielle précise a déjà été apportée sur le sujet au député Jacques Bobe en 2006.
L'amendement no 708 est retiré.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 2316 .
L'article 16 améliore incontestablement le pacte Dutreil. Mais un autre problème fondamental se pose : si l'on veut vraiment maintenir un capitalisme familial, il faut aller plus loin et, très simplement, exonérer la transmission de droits de mutation à titre gratuit à condition que la famille continue de gérer l'entreprise pendant quinze ans. C'est là un délai très long ; vous savez que le Conseil constitutionnel exige pour tout avantage fiscal une contrepartie d'intérêt général.
Sinon, que se passera-t-il ? Les gens vendront, et ils vendront à de grands groupes ; leurs entreprises deviendront des filiales, et leur destin sera tout autre. En termes d'aménagement du territoire, de dynamisme économique des régions, cela change tout.
Vous avez fait une ouverture tout à l'heure, monsieur le ministre, en annonçant que vous alliez saisir le Conseil d'État. Ce ne serait pas mal que vous tâtiez aussi le Conseil constitutionnel ; nous saurions ainsi si cette idée, largement partagée dans cet hémicycle, tient la route d'un point de vue constitutionnel.
Avis défavorable. Avec cet amendement, l'article 16 serait profondément modifié, puisque l'on passerait d'une consolidation de la transmission d'entreprise à une sorte de consolidation familiale… Ce serait un pacte Dutreil « plus, plus, plus », si je puis dire ! Or je ne vois pas les contreparties d'intérêt général.
L'amendement no 2316 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Nicolas Forissier, pour soutenir l'amendement no 501 .
Mon amendement est proche de ceux que viennent de défendre Jean-Paul Mattei et Charles de Courson. Il vise également à faciliter les transmissions d'entreprises.
Monsieur le ministre, je voudrais rappeler après Mme Olivia Gregoire que la moitié des PME et des ETI françaises doivent être transmises au cours des dix ans à venir : cela représente 75 000 entreprises et 6 millions de salariés.
Nous savons aussi que nous sommes très en retard par rapport à nos principaux partenaires européens : le coût de la transmission en ligne directe ou indirecte est chez nous beaucoup plus élevé qu'en Allemagne, en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni – ce ne sont pas là les moindres de nos partenaires. Les PME et ETI françaises sont donc dans une situation très défavorable.
Mon amendement propose qu'en contrepartie d'un engagement à conserver les titres huit ans, l'exonération soit portée à 90 %. Il est extrêmement important, monsieur le ministre, que le Gouvernement prenne rapidement des dispositions pour instaurer un pacte Dutreil « plus ». J'ai été désolé d'entendre certains de nos collègues s'élever, tout à l'heure, contre la transmission familiale. Si l'Allemagne a bien davantage d'ETI et de grosses PME que nous, ce n'est pas par hasard : c'est parce qu'ils en favorisent la transmission depuis trente, quarante, cinquante ans !
Avis défavorable.
Monsieur de Courson, monsieur Forissier, monsieur Mattei, j'ai aussi regardé de très près ces propositions. J'entends vos arguments. Néanmoins, je voudrais redire – sans flagornerie – à quel point la position du rapporteur général et du ministre sur ce sujet me paraît sage.
Il me paraît pertinent d'améliorer et de simplifier le dispositif existant. Le pacte Dutreil est complexe, et souvent méconnu ; commençons par faire connaître les simplifications que nous lui apportons.
S'agissant du taux, il faut aussi dire que tout ne dépend pas de la fiscalité.
Le mieux est l'ennemi du bien : ne prenons pas le risque de mettre en danger l'intégralité du pacte Dutreil. La proposition du ministre d'examiner une éventuelle évolution est plus sûre.
Merci, monsieur le ministre, de ne pas m'avoir répondu ! Ce n'est pas très courtois.
J'ai bien entendu que vous alliez consulter le Conseil d'État, et la suggestion de Charles de Courson d'une consultation du Conseil constitutionnel me paraît judicieuse.
Mais je vous demandais quelque chose de plus : vous engagez-vous à mettre le dossier sur la table et à mettre en place une concertation ? La question de la stabilité de l'actionnariat est cruciale. Nous avons besoin de gens qui investissent à long terme – quinze ans, vingt s'il le faut – pour retrouver des conditions comparables à l'Allemagne, notre principal partenaire.
J'ai besoin d'une réponse, et je pense que je ne suis pas le seul ! Je comprends que vous n'allez pas rendre publique ce soir une proposition détaillée ; c'est un appel que nous lançons.
Ne voyez aucun manque de courtoisie dans ma courte réponse, monsieur Forissier. Je répéterai ce que j'ai déjà dit à M. Mattei : je connais votre attachement à cette question de la transmission, et je le partage. Notre objectif est le même : bâtir dans notre pays un réseau d'entreprises de taille intermédiaire beaucoup plus solide qu'il ne l'est aujourd'hui. Cela passe par une meilleure transmission des entreprises et par la consolidation patrimoniale.
S'agissant du taux d'exonération, de nombreuses propositions ont été formulées ici – 80 %, 90 %, 95 %, 100 %… J'ai rencontré des représentants des entreprises de taille intermédiaire à plusieurs reprises pour évoquer ce sujet. Mais nous avons besoin d'une validation juridique, car je ne prendrai aucune décision qui puisse fragiliser l'intégralité du pacte Dutreil.
Nous consulterons donc, comme je l'ai dit, le Conseil d'État – mais pas le Conseil constitutionnel. Le conseil du Gouvernement, c'est bien le Conseil d'État. Vous aurez donc des réponses précises aux questions légitimes que vous posez.
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir l'amendement no 754 .
Cet amendement concerne la transmission dans le secteur de l'hôtellerie familiale et indépendante. Il vise à y porter à 90 % le taux d'exonération des droits de mutation à titre gratuit, en contrepartie d'investissements de mise aux normes et de modernisation de ces établissements.
La situation de ce secteur est très préoccupante : huit hôtels de ce type disparaissent chaque semaine en France, dont la moitié en zone rurale. Le tissu économique est donc très fragile, à l'inverse de ce qui se passe en Italie ou en Autriche. La rentabilité de ces établissements de taille moyenne est en effet affaiblie par différents facteurs : des investissements lourds doivent être réalisés ; ils ont du mal à accéder au crédit ; les périodes d'exploitation raccourcissent ; le coût des transmissions est important.
Or l'hôtellerie familiale et indépendante est un outil très important pour l'aménagement du territoire. En montagne, elles garantissent le maintien de « lits chauds », c'est-à-dire durablement occupés pendant les périodes touristiques. Alors qu'il y a peu de droits à construire, nous devons impérativement soutenir ces établissements.
Monsieur le ministre, il s'agit d'un amendement d'appel. Je regrette la disparition de l'action 20 du programme 134 « Développement des entreprises et régulations », qui permettait de garantir des emprunts au bénéfice de l'hôtellerie et de la restauration. Les outils de soutien à la transmission de ces établissements méritent d'être renforcés, et non supprimés.
L'amendement no 754 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 740 .
L'amendement no 740 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit là presque d'un amendement de coordination. Il vise en effet à préciser, dans le code général des impôts, que les sociétés unipersonnelles – sociétés par actions simplifiées unipersonnelles, SASU, ou entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, EURL, par exemple – sont assimilées aux entreprises individuelles, dont les statuts diffèrent légèrement.
Dans la pratique, c'est déjà le cas, mais cette précision n'est pas formellement inscrite dans les textes. Nous proposons donc un éclaircissement.
L'amendement no 2267 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Luc Fugit, pour soutenir l'amendement no 1096 .
Les biens donnés à bail à long terme sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit à concurrence des trois quarts de leur valeur. Cet amendement, proposé par ma collègue Marie-Pierre Rixain, propose d'étendre ce régime aux exploitations cultivées en agriculture biologique, afin d'encourager leur transmission de génération en génération.
Cela encouragerait les propriétaires à donner la préférence à ce mode d'exploitation et à le perpétuer. L'idée est de soutenir la transition vers une agriculture dont l'impact environnemental serait moindre, et qui serait donc plus durable.
L'amendement no 1096 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 2296 .
Cet amendement technique vise à permettre, de façon transitoire, que le signataire d'un engagement de conservation en matière d'ISF encore en cours au 1er janvier 2019 et venant à son terme entre cette date et le 31 décembre 2022, puisse apporter les titres sur lesquels porte son engagement dans les conditions prévues au f de l'article 787 B du code général des impôts.
En termes clairs, on a supprimé l'ISF sur les valeurs mobilières, mais des engagements de conservation demeurent puisque, je le rappelle, l'exonération ne valait que sous condition de conservation.
Il faut donc articuler le dispositif pour une période de quatre ans – entre 2019 et 2022 – , en cohérence avec les mesures prises dans le cadre du pacte Dutreil.
Monsieur de Courson, je vous propose de retirer votre amendement car nous avions abouti en commission à une rédaction concurrente, à laquelle vous vous étiez rallié, et qui sera examinée dans un amendement portant article additionnel après l'article 16.
L'amendement no 2296 est retiré.
L'article 16, amendé, est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 16.
La parole est à M. Jean-Paul Mattei, pour soutenir l'amendement no 2439 .
Cet amendement concerne l'apport en société d'une entreprise individuelle, qui, en vertu de l'article 151 octies du code général des impôts, bénéficie d'un régime de faveur avec un report d'imposition. Si une société se voit apporter une entreprise valant 300 000 euros, il n'y a pas d'impôt sur les plus-values à payer immédiatement grâce au report d'imposition. En revanche, si quelques années plus tard, la valeur vénale de l'entreprise a diminué, l'impôt à payer sera néanmoins calculé sur la valeur d'apport.
Cet amendement vise donc à limiter la taxation de cette plus-value à la valeur vénale de l'entreprise au moment de sa vente. L'apport à une société représente un élément important de transmission et de réorganisation des entreprises individuelles. Or, les dispositions actuelles du code général des impôts constituent un frein à l'utilisation de cet outil.
L'amendement no 2439 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Alexandre Holroyd, pour soutenir l'amendement no 2273 .
Cet amendement vise à renforcer l'attractivité de notre pays pour les gestionnaires de fonds. S'ils viennent s'installer en France, leurs revenus dits de carried interest seraient soumis au prélèvement forfaitaire unique. De façon à bien encadrer le dispositif, l'octroi de ce régime serait toutefois subordonné au respect de différentes conditions, dans le temps et dans l'espace. Ne seraient en outre concernés que les gains de carried interest entièrement réalisés entièrement à l'étranger.
M. M'jid El Guerrab applaudit.
Avis favorable, dans la mesure où des contreparties importantes sont prévues, comme le fait que cette mesure ne puisse se cumuler avec l'exonération de 50 % prévue dans le cadre du régime des impatriés.
L'amendement no 2273 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l'amendement no 778 .
Cet amendement vise à étendre la flat tax instituée pour les revenus mobiliers aux revenus fonciers. En effet, certaines mesures prises par le Gouvernement, comme le remplacement de l'ISF par l'impôt sur la fortune immobilière – IFI – ou la réforme de la taxe d'habitation aboutiront immanquablement à un transfert massif de l'imposition vers le foncier bâti, alors même que la France est déjà le pays d'Europe où la propriété immobilière est la plus fortement taxée, à hauteur de 3,2 % du PIB. L'enjeu est de sortir de la logique absurde selon laquelle les activités immobilières, qui pèsent près de 17 % de la valeur ajoutée française, seraient non-productives.
L'amendement no 778 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'amendement no 2106 à venir, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir cet amendement.
Je suis étonnée que nous discutions d'abord de l'amendement no 2106 , qui est un amendement de repli par rapport à une autre proposition qui sera examinée ultérieurement.
Depuis le 1er janvier 2018, les dividendes perçus sont taxés à 30 % – 17,2 % de prélèvements sociaux et 12,8 % d'impôt sur le revenu. Il faut aussi rappeler que la flat tax s'applique de la même façon à tous les dividendes, quel que soit le statut juridique de l'entreprise.
Une fois n'est pas coutume, je prendrai un exemple pour me faire comprendre. M. X. , qui touche 100 000 euros de dividendes, est imposé à 12,8 % au titre de l'impôt sur le revenu. M. Z, ouvrier célibataire, sans enfant, qui gagne 24 000 euros, soit un salaire de 2 000 euros par mois, qui a une part de quotient familial et dont le revenu imposable s'établit, après abattement de 10 % pour frais, à 21 600 euros, sera imposé au taux marginal de 14 % – taux de la première tranche du barème progressif de l'impôt sur le revenu – sur 11 636 euros alors que M. Y. , bien que touchant 100 000 euros de dividendes, ne le sera, lui, qu'à 12,8 %.
Cet amendement vise donc à porter le taux de la flat tax à 31,2 %, afin d'aboutir à un taux d'imposition à l'IR de 14 %, qui est celui de la première tranche.
Avis défavorable. En analysant les chiffres cités dans l'exposé sommaire de l'amendement, madame Pires Beaune, je ne parviens pas du tout au même résultat que vous.
J'ai lu l'exposé sommaire, afin d'apporter une réponse précise.
Les personnes touchant des dividendes dont le montant est inférieur au revenu d'entrée dans le barème de l'IR pourront continuer à opter pour celui-ci, en payant ainsi 0 % d'impôt. Si le foyer compte trois parts, cette entrée peut intervenir avec des revenus annuels avoisinant 40 000 euros.
Par ailleurs, vous parlez d'un salarié imposé à 14 % alors que le milliardaire le sera à 12,8 %.
C'est faux, car le salarié sera aussi imposé à 12,8 % sur ses éventuels revenus du capital, et le milliardaire à 14 % pour la part de ses revenus salariaux, s'il en a et si ceux-ci n'excèdent pas ceux retenus pour la première tranche du barème. Il y a donc bien une certaine égalité de traitement.
Pour être totalement honnête dans l'analyse, il faudrait intégrer les prélèvements sociaux, lesquels s'élevaient à 8 % sur les revenus salariaux contre 15,5 % sur les revenus du capital et ont été portés, après l'augmentation de la CSG, respectivement à 9,7 % et 17,2 %. Enfin, la CSG sur les salaires est déductible, alors qu'elle ne l'est pas pour les revenus du capital.
La fiscalité me semble donc adaptée à chaque type de revenus : on est loin de la caricature que vous présentez.
On peut débattre de la flat tax, mais je voudrais revenir sur les revenus distribués, dans lesquels je distingue les dividendes des plus-values.
Reprenons un exemple que j'avais déjà pris, je crois, l'an passé : sur un résultat de 50 000 euros, un dirigeant paie l'impôt sur les sociétés – admettons 25 % – puis la flat tax. On peut en débattre, mais c'est un choix politique.
L'année dernière, j'avais déposé un amendement pour que l'Assemblée fixe le taux de la flat tax à 31,7 %, afin de tenir compte de l'augmentation de la CSG. Mais à mon sens, il faut distinguer entre les dividendes distribués et les plus-values qui sont réalisées sur les titres. Ce n'est pas la même chose ! La fiscalité est beaucoup plus lourde que ce que vous dites dans votre exemple, madame Pires Beaune.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 62
Nombre de suffrages exprimés 62
Majorité absolue 32
Pour l'adoption 7
Contre 55
L'amendement no 2106 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Noël Barrot, pour soutenir l'amendement no 2247 .
Cet amendement vise à apporter une solution à deux problèmes. Le premier touche la capacité des Françaises et des Français à mieux épargner pour leur retraite ; le second, l'allocation de cette épargne vers le capital des entreprises.
Aujourd'hui, la préparation de la retraite est absorbée par certains produits, notamment par les fonds en euros de l'assurance-vie. Ainsi, 23 % des Françaises et des Français qui détiennent des titres d'assurance-vie expliquent qu'ils y ont investi pour leur retraite.
Cela pose deux problèmes. D'un côté, le placement sur des fonds en euros ne permet pas à l'épargnant de faire véritablement fructifier ses économies et le fruit de son travail. D'un autre côté, ces fonds en euros étant liquides et exigibles à tout moment, les sociétés d'assurance ne peuvent pas les investir au capital des entreprises.
Il s'agit donc de permettre au détenteur d'un contrat d'assurance-vie depuis plus de huit ans de basculer sans frottement fiscal ce contrat vers un plan d'épargne retraite populaire – PERP – , bien sûr chez le même assureur.
Cela aurait deux avantages. Le premier serait, pour l'épargnant, de basculer son épargne de fonds en euros exigibles à tout moment vers un plan d'épargne retraite offrant un rendement supérieur. En contrepartie, l'assureur obtiendrait davantage de visibilité sur ses passifs, et pourrait investir au capital des entreprises. Le présent amendement est donc tout à fait conforme à l'esprit de la loi PACTE.
J'admets que les propositions de M. le rapporteur du volet épargne retraite du projet de loi PACTE sont parfaitement conformes aux discussions que nous avons eues ici. Toutefois, cette loi n'est pas encore votée, puisqu'elle ne sera inscrite qu'au printemps à l'ordre du jour du Sénat, et nous ne devons ainsi préempter le débat qui aura lieu. En outre, sur ce volet, le Gouvernement disposera d'une habilitation à prendre par ordonnance des mesures à bref délai, de façon à n'avoir pas à attendre la prochaine loi de finances.
Eu égard à cette situation singulière, je vous demanderai donc, monsieur Barrot, de retirer votre amendement.
Il s'agit là d'une proposition très intelligente de Jean-Noël Barrot, ce qui ne me surprend pas de lui. Si je l'ai bien comprise, elle vise à transférer des sommes de l'assurance-vie à l'épargne retraite, sans frottement fiscal. Je formulerai cependant deux remarques, et l'inviterai à retirer son amendement.
La première remarque est qu'il existe déjà un système d'abattement fiscal très généreux pour l'assurance vie – 4 600 euros pour une personne seule, le double pour un foyer, au bout de huit ans – , que nous avons intégralement maintenu.
Par ailleurs, monsieur Barrot, si nous mettions en place votre dispositif, je crains qu'au lieu de s'orienter immédiatement vers un plan d'épargne retraite, beaucoup de Français souscriraient d'abord une assurance-vie, pour bénéficier des avantages fiscaux qui y sont liés, puis n'en transféreraient qu'ensuite les fonds sur un plan d'épargne retraite, ce qui ralentirait la montée en puissance de l'épargne retraite, le produit que, vous comme moi, souhaitons favoriser.
Dans l'attente d'une étude du risque que je soulève, je vous suggère, monsieur le député, de retirer votre amendement.
L'amendement no 2247 est retiré.
Cet amendement, déposé par M. Potier, vise à donner un petit coup de pouce à l'épargne de partage.
En 2017, 4,6 millions d'euros ont été versés à 113 associations au titre de l'épargne de partage. Cette somme peut paraître modeste mais il faut tenir compte de la faiblesse des taux d'intérêt. En outre, l'encours est important puisqu'il s'élève à 1,45 milliard et son taux de croissance est supérieur à celui de l'épargne solidaire.
La parole est à Mme Sarah El Haïry, pour soutenir l'amendement no 2376 .
Il a effectivement pour objet de dynamiser l'épargne de partage. Pour éclairer le choix de nos collègues, il convient sans doute de rappeler ce qu'elle est : dans cette forme d'épargne, l'épargnant choisit de donner les intérêts produits par son épargne à une association ou une fondation. C'est une manière d'élargir le cercle des donateurs qui contribuent à la vitalité de nos associations et fondations. Cet amendement a donc vocation à soutenir la générosité publique.
Ces amendements introduisent une différence de traitement manifeste entre plusieurs catégories de redevables, qui pourrait être censurée par le Conseil constitutionnel. J'y suis donc défavorable.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 1918 .
Cet amendement concerne les impôts en sursis. Il a pour objet de résoudre les problèmes qui surviennent en cas de réorganisation de la société, d'échanges de titres et autres. Je n'entre pas dans les détails techniques.
M. M'jid El Guerrab applaudit.
Compte tenu de l'effet d'aubaine potentiel sur les opérations en cours, je vous invite à le retirer et à le déposer en seconde partie.
L'amendement no 1918 est retiré.
Lors des débats sur la loi PACTE, il a été indiqué que le régime fiscal applicable aux crypto-actifs serait défini dans le projet de loi de finances. Nous y voilà.
Aujourd'hui, à la suite d'une décision du Conseil d'État, trois régimes fiscaux peuvent s'appliquer à la cession de crypto-actifs. Il faut donc absolument clarifier la situation.
Si la loi PACTE a renvoyé au PLF la définition du régime fiscal, elle comporte une définition de ce que sont les crypto-actifs. L'amendement fait référence à cette définition. Il ne pourra donc être mis en oeuvre qu'après la promulgation de la loi PACTE. Il prévoit que les plus-values de cession de crypto-actifs en monnaie-fiat, c'est-à-dire en monnaie courante, en euros par exemple, sont assujetties au prélèvement forfaitaire unique – PFU. Cela ne concerne pas ceux qui font commerce des crypto-actifs, bien sûr – c'est un autre sujet – ni les échanges entre crypto-actifs – ce serait d'ailleurs assez compliqué puisqu'ils ne sont pas traduits dans une monnaie.
Dans ce système de PFU, le fait générateur du calcul de la plus-value de cession est très clair : c'est la cession, la transformation en monnaie-fiat. La plus-value représente la différence entre le montant d'achat et celui de la vente. La définition des crypto-actifs est donnée par la loi PACTE et le dispositif pourra entrer en vigueur lorsque PACTE sera promulguée.
Cette clarification est nécessaire – on ne peut pas attendre plus longtemps – et elle s'inscrit dans le calendrier que vous aviez fixé.
Cet amendement reprend une des conclusions du rapport dont vous êtes chargé, monsieur le président, avec Pierre Person. J'y suis favorable, mais il pose un problème que vous avez vous-même souligné : cette proposition devra être mise en oeuvre une fois la loi PACTE adoptée. La place de ce dispositif est donc en seconde partie afin qu'il trouve à s'appliquer en 2020, soit après la promulgation de la loi PACTE. Je vous invite donc à retirer l'amendement de la première partie.
Même avis. Le président de la commission des finances, qui connaît bien les crypto-monnaies, soulève un sujet majeur. Je propose que nous revenions dessus en seconde partie, et j'en prends l'engagement, afin d'adopter, sous l'impulsion du président, les dispositions nécessaires.
Il me semble que ces dispositions peuvent avoir leur place en première partie. Rien n'empêche que les revenus de 2018 liés à des plus-values puissent être soumis au PFU. Il n'y a pas de risque d'effet d'aubaine : il s'agit d'une clarification fiscale, ce n'est pas du tout la même chose. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé l'amendement en première partie. Cela permettrait en outre d'engranger de la fiscalité.
La coexistence de plusieurs régimes peut créer du contentieux car elle laisse la place aux interprétations. Il me semble plus judicieux d'adopter l'amendement en première partie, tout en faisant en sorte qu'il ne puisse entrer en application qu'une fois la loi PACTE promulguée : c'est la raison du renvoi à la définition de ladite loi.
La définition des crypto-actifs figure dans la loi PACTE. Je ne saisis pas comment un dispositif pourrait être mis en oeuvre antérieurement à l'entrée en vigueur de la définition juridique de son objet. Lorsque cette définition sera inscrite dans notre droit, il sera trop tard pour en tenir compte dans notre système fiscal classique. Je maintiens qu'il est préférable d'examiner cet amendement en seconde partie.
L'amendement no 1749 n'est pas adopté.
L'amendement no 324 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit d'une mesure ponctuelle, sans conséquence budgétaire majeure, visant à relancer le PEA-PME, qui avait connu un fort démarrage avant que le nombre d'ouverture de plans ne retombe.
La parole est à M. Laurent Saint-Martin, pour soutenir l'amendement no 2028 .
J'insiste sur la neutralité sur le plan budgétaire de cet amendement. Il est important de valoriser le PEA-PME et de lui permettre de financer les fonds propres des entreprises.
Avis défavorable, au motif que cet amendement risque de créer un effet d'aubaine pour l'année en cours. Une fois encore, il a plus sa place en seconde partie.
Pour accompagner le choc d'investissement que le Gouvernement souhaite provoquer en faveur des entreprises, cet amendement vise à recentrer le dispositif incitatif en matière de report d'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières, proposé en direct et via les FCPR – fonds communs de placement à risques. Il s'agit de rendre ce dispositif plus efficace.
La parole est à M. Laurent Saint-Martin, pour soutenir l'amendement no 2029 .
Autant j'admets les arguments du rapporteur général sur le précédent amendement, autant, s'agissant de celui-ci, il me paraît essentiel de réfléchir au mécanisme d'apport-cession et de le recentrer sur les PME et les ETI. Aujourd'hui, les entrepreneurs qui vendent leur entreprise peuvent bénéficier de l'incitation fiscale en réinvestissant directement dans des valeurs mobilières ou immobilières. Souvent, ils font de mauvais choix d'investissement parce qu'un délai de deux ans leur est imposé et qu'ils ne bénéficient pas de l'accompagnement nécessaire.
L'amendement vise donc à donner la possibilité à ceux qui vendent leur actif d'investir dans des FCPR qui, eux, sont des professionnels de l'investissement dans des PME et ETI. Ce dispositif est meilleur à la fois pour le cédant et pour les FCPR, qui trouvent là de nouveaux souscripteurs. Il est tout à fait dans l'esprit du grand rendez-vous de l'investissement productif que nous avions organisé il y a bientôt un an.
La parole est à M. Nicolas Forissier, pour soutenir l'amendement no 515 .
Vous avez entièrement raison, ce dispositif est extrêmement intéressant. Le seul problème, c'est que nous sommes en première partie et que sa place est en seconde partie, sans quoi il ne manquerait pas de produire un effet d'aubaine qui n'est pas acceptable.
La question soulevée par M. Saint-Martin est juste, mais je lui propose que nous travaillions ensemble sur le dispositif pour l'intégrer dans la seconde partie.
J'ai toute confiance dans la capacité du ministre à travailler avec nous en vue de l'examen de la seconde partie. L'amendement est retiré.
Il en va de même pour M. Forissier bien entendu !
Sourires.
La parole est à Mme Amélie de Montchalin, pour soutenir l'amendement no 2199 .
Dans le même esprit que Laurent Saint-Martin, je vous propose d'essayer d'enclencher la pompe de la réallocation de l'épargne. Comment faire pour que les Français qui ont réalisé des plus-values grâce à des investissements dans des valeurs cotées qu'ils détiennent depuis quelques années décident de réinvestir ces plus-values dans les fonds propres des PME et ETI ?
Il est proposé de créer un sursis d'impôt : l'impôt sur les plus-values du passé ne sera payé qu'in fine, lorsque sera calculé le solde des plus-values et moins-values liées à un investissement plus risqué dans des PME et ETI en fonds propres. Ce mécanisme peut aider, notamment vis-à-vis de l'assurance-vie, des PEA ou autres supports d'actifs, à enclencher la réallocation de l'épargne. Il est très pragmatique. Il n'y a pas de loup, ou d'aubaine fiscale : l'impôt sera payé un jour, mais l'impôt net, c'est-à-dire tenant compte des moins-values possibles liées à un placement plus risqué.
C'est un dispositif intelligent, mais l'effet d'aubaine existerait malgré tout puisque nous sommes en première partie. En outre, son coût fiscal peut s'avérer important. Je vous invite à le retravailler afin que nous disposions, pour la seconde partie, d'une évaluation et que nous puissions éventuellement décider de quelques aménagements pour en maîtriser le coût.
Je le retire bien volontiers et je vais demander aux services du ministre de m'aider à chiffrer le coût de ce mécanisme et à envisager des limites éventuelles. Afin de trouver les moyens de rendre ces mesures viables, nous pourrons constituer une équipe avec Laurent Saint-Martin puisque l'esprit de nos amendements est semblable.
Avec aussi M. Forissier, bien sûr, et tous ceux qui, au sein du groupe Les Républicains, ont des idées proches, Mme Louwagie notamment.
L'amendement no 2199 est retiré.
La parole est à M. Jean-Noël Barrot, pour soutenir l'amendement no 1874 .
En matière d'imposition des plus-values sur titres, une différence de traitement persiste entre les contribuables qui ont bénéficié, avant 2013, d'un sursis d'imposition et ceux qui ont bénéficié, avant cette même date, d'un report d'imposition : ces derniers ne peuvent pas bénéficier des abattements prévus. Ainsi, une fiscalité très différente s'applique à ces deux catégories de contribuables, en vertu d'une décision administrative. Tel n'est plus le cas depuis 2013, puisque les plus-values sont désormais soumises à la même fiscalité dans les deux cas, sursis ou report. Je souhaiterais obtenir des éclaircissements et connaître l'avis du rapporteur général et du ministre à ce sujet.
Vous faites référence, monsieur Barrot, à une décision rendue par le Conseil constitutionnel en 2016 à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil avait à se prononcer sur le fait que la plus-value en report serait soumise au barème sans abattement. Il a jugé ce dispositif conforme à la Constitution à condition que soit appliqué un coefficient d'érosion monétaire. Indépendamment de l'opinion que l'on peut avoir sur une telle décision, il me semble préférable de ne pas rouvrir un débat juridique sur les reports passés. J'émets donc un avis défavorable.
L'amendement no 1874 est retiré.
L'ensemble des acteurs participant à la transmission d'entreprise, les cédants en premier lieu, se plaignent de la complexité des opérations entourant la transmission. Trouver un repreneur devient souvent difficile.
Or il arrive que des salariés soient intéressés par la reprise. Toutefois, cette hypothèse se heurte à un problème de financement. Pour faciliter la reprise par des cadres repreneurs, une des pistes serait d'exonérer les titres qui leur sont cédés d'impôt sur les plus-values. Cela permettrait au cédant de faire un crédit-vendeur au repreneur, lequel pourrait ainsi financer plus facilement la reprise.
Cet amendement déposé par Sophie Auconie est identique à celui qui a été parfaitement défendu par M. Ramadier.
Défavorable, dans la mesure où ces amendements prévoient une exonération totale des plus-values réalisées par le dirigeant, ce qui serait plus qu'une grosse aubaine. Qui plus est, cet effet d'aubaine se produirait en 2018, puisqu'ils portent sur la première partie du projet de loi de finances.
L'amendement no 334 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à créer un mécanisme puissant de réinvestissement. Lorsqu'un chef d'entreprise vend sa société, il réalise généralement des plus-values. Je propose qu'on l'encourage à réinvestir ces plus-values dans des titres de PME de moins de dix ans, afin de permettre leur décollage durant cette période compliquée. Il bénéficierait d'une exonération de 50 % d'impôt sur le revenu dans le cas où il détiendrait ces titres pendant au moins deux ans, et d'une exonération totale dans le cas où il laisserait cet argent dans l'entreprise pendant au moins cinq ans.
Cette niche fiscale avait été supprimée en raison de son coût, qui avait avoisiné, en deux ans, le milliard d'euros. Je suis défavorable à sa re-création.
L'amendement no 1280 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 150-0 D ter du code général des impôts prévoit un régime de faveur pour l'imposition des plus-values lorsque le chef d'entreprise part à la retraite dans les vingt-quatre mois qui précèdent ou qui suivent la cession de sa société.
Or nous sommes confrontés à un problème croissant en matière de transmission d'entreprise. D'une part, nos start-up sont rachetées très rapidement par des groupes ou des acteurs étrangers, et nous laissons ainsi partir de véritables pépites. Je suis très inquiète à cet égard. D'autre part, un grand nombre d'entreprises ne trouvent pas de repreneur. Il importe donc d'organiser la transmission de l'entreprise sans attendre le départ à la retraite du chef d'entreprise.
Afin de favoriser cette transmission, nous proposons que le chef d'entreprise puisse bénéficier du régime de faveur de l'article 150-0 D ter, une seule fois, mais à n'importe quel moment de sa vie. Nous avons déjà évoqué ce sujet à propos du projet de loi de finances pour 2018 et du projet de loi PACTE.
Il porte lui aussi sur la transmission d'entreprise. Nous proposons de créer un régime dérogatoire pour les professions libérales, car il y a une vraie difficulté lorsque les héritiers ne remplissent pas les conditions de diplôme ou ne disposent pas des autorisations requises pour poursuivre l'activité.
Il s'agit d'étendre aux non-résidents l'exonération d'imposition de la plus-value immobilière applicable aux immeubles qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession. Nous souhaitons que les non-résidents ne perdent pas le bénéfice de cette exonération du seul fait qu'ils ont libéré les lieux avant la cession. Cette mesure nous semble aller dans la bonne direction. Elle est conforme aux recommandations formulées dans le rapport de Mme Anne Genetet, députée des Français de l'étranger.
Comme l'a indiqué M. le ministre, il s'agit de faire converger la fiscalité applicable aux plus-values immobilières en cas de cession de la résidence principale en appliquant les mêmes règles aux résidents et aux non-résidents. Actuellement, la matraque tombe sur les non-résidents le jour même où ils quittent la France : ils basculent immédiatement dans le régime d'imposition applicable aux résidences secondaires, alors que, en France, si l'on déménage de Lille à Limoges, l'on dispose d'un délai de tolérance d'un an pour vendre son bien immobilier en tant que résidence principale. Deux de ces amendements visent également à porter de cinq à dix ans le délai de tolérance pour vendre un premier bien après le transfert du domicile fiscal hors de France.
Je tiens à saluer le fait que le Gouvernement ait repris mes recommandations. Ce sera un grand progrès pour les Français non résidents.
Je demande le retrait des quatre derniers amendements au profit du no 2567 du Gouvernement.
Je demande moi aussi leur retrait au profit de l'amendement du Gouvernement.
L'amendement no 2567 est adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinq.
La séance est reprise.
La parole est à M. Michel Vialay, pour soutenir l'amendement no 25 .
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, pour donner l'avis du Gouvernement.
Avis défavorable.
L'amendement no 25 n'est pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 2004 .
L'amendement no 2004 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Nous abordons la question du financement des entreprises, que la suppression de l'ISF – impôt de solidarité sur la fortune – a remis en cause. Il existait auparavant plusieurs dispositifs, notamment l'ISF-PME qui constituait une sorte de canal permettant de redistribuer une partie de la défiscalisation des contribuables redevables de l'ISF vers les PME en amorçage et développement.
Ce dispositif était extrêmement utile. Le montant collecté atteignait 800 millions en direct et 450 millions en intermédié, soit un total de 1,2 milliard. Si l'on y ajoutait les quelque 250 millions collectés au titre de l'IR-PME, on approchait un montant de 1,5 milliard, pour le financement des entreprises, ce qui est extrêmement important.
Lors du dernier débat budgétaire, le Gouvernement n'a pas souhaité reprendre la proposition de créer un IFI-PME – impôt sur la fortune immobilière-PME – , sur laquelle je reviendrai à la faveur d'un autre amendement. Quoi qu'il en soit, il manque aujourd'hui un canal de financement. D'ailleurs, madame la secrétaire d'État, disposez-vous à ce jour d'informations sur l'évolution de la collecte jadis réalisée par l'ISF-PME ?
Mon amendement vise à renforcer la mesure proposée en échange de la suppression de l'ISF-PME, à savoir l'IR-PME, qui permet une déduction non sur l'ISF mais sur l'IR – impôt sur le revenu. C'est ce qu'on a appelé le dispositif Madelin, qui a été retravaillé ces dernières années par M. de Courson ici présent, ainsi que M. Carrez et moi-même.
Nous savons que la Commission de Bruxelles s'est penchée sur l'IR-PME renforcé aussitôt après son adoption dans la dernière loi de finances. N'ayant pas reçu sa réponse, nous sommes toujours dans l'attente et les investisseurs ne savent pas à quelle sauce ils seront mangés. J'insiste sur l'importance de maintenir, voire de renforcer l'IR-PME si l'on veut un canal pour diriger l'épargne défiscalisée vers les entreprises.
Après la suppression de l'ISF, le Gouvernement nous avait assuré que cela se ferait naturellement. Je n'en suis pas persuadé : il me semble que les contribuables qui ont bénéficié de la suppression de l'ISF se sont davantage dirigés vers le CAC 40.
Techniquement, cet amendement va dans le même sens que le précédent mais il vise à modifier, outre les pourcentages, les montants considérés.
La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l'amendement no 460 .
La parole est à M. Éric Woerth, président de la commission des finances, pour soutenir l'amendement no 1296 .
Je ne m'exprimerai qu'une fois sur le sujet. Le dispositif de l'IR-PME a dû faire l'objet d'une notification à la Commission européenne, à laquelle le dispositif initial n'avait pas été signalé. Nous sommes par conséquent dans l'attente.
J'émets donc un avis défavorable sur ces amendements, comme sur toute proposition qui nous obligerait à repartir de zéro, démarche que la Commission de Bruxelles regarderait d'un très mauvais oeil. Il faut avant tout stabiliser juridiquement la situation du Madelin vis-à-vis d'elle.
Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable. Il a indiqué clairement que, l'an prochain, il maintiendrait auprès de la Commission européenne la demande d'élever la déduction au titre de l'IR-PME de 18 % à 25 % des versements effectués. Il attend sa réponse sur ce point. Ce dossier est donc géré pour un an.
Je rappelle toutefois que la réforme de la fiscalité du capital a visé à diminuer la pression qui s'exerce sur celui-ci. Ainsi, même si nous ne soutenons pas les amendements, nous cherchons à favoriser l'investissement et à orienter l'épargne vers les entreprises.
Enfin, nous ne disposons à ce stade d'aucune indication tendant à prouver que les sommes investies dans les PME diminueraient.
Il faut rappeler le contexte. M. Forissier a pointé la difficulté que la suppression de la niche fiscale ISF-PME a causée en matière de financement des PME. C'est un phénomène naturel, que nous avions à l'esprit l'an dernier quand nous avons remplacé l'ISF par l'IFI. Nous savions que la suppression de la niche allait poser problème.
C'est d'ailleurs assez baroque : lorsqu'on supprime un impôt, et donc les niches qui vont avec, certains regrettent que la disparition de ces niches ait un effet contre-productif ! On entend le même raisonnement pour les dons aux associations : certains se plaignent que les dons diminuent parce qu'on ne peut plus les déduire de l'ISF, qui n'existe plus ! Je précise d'ailleurs que cette possibilité s'est reportée sur l'IFI. Mais bref : on tue le chien, et on se plaint de la disparition de la niche !
Le rapporteur général l'a indiqué : il serait très compliqué de modifier le tuilage du Madelin que nous avions commencé l'an dernier. Nous devons le maintenir si nous voulons qu'il voie le jour. C'est long, trop long, j'en conviens, mais à présent que nous nous sommes engagés dans cette direction, il faut que le dispositif aboutisse avec le taux proposé. Ne prenons surtout pas le risque de proposer une nouvelle modification, ce qui nous ferait perdre encore des mois et nous décrédibiliserait aux yeux de Bruxelles. Je rejoins donc la position du rapporteur général.
Il importe de ne plus bouger et de réexpliquer aux épargnants que l'avenir, c'est la performance des produits financiers dans lesquels ils vont placer leur argent, pas les niches fiscales à l'entrée. On doit arrêter d'épargner pour obtenir de la défiscalisation : on doit épargner pour avoir de la performance financière.
Je suis un peu étonnée par l'amendement de nos collègues du groupe Les Républicains car, sauf erreur de ma part, leur programme prévoyait la suppression totale de l'ISF. Qui dit suppression totale de l'ISF dit disparition de toutes les niches qui lui sont associées, y compris du dispositif ISF-PME.
Je parle de l'ISF, monsieur Woerth, et vous êtes vous-même intervenu sur l'ISF-PME.
Madame la secrétaire d'État, je ne partage pas du tout votre point de vue. L'an dernier, au cours de la même discussion, nous avions fait observer qu'en cas de suppression d'un impôt, à défaut d'un dispositif permettant le fléchage de l'épargne libérée, celle-ci se dirige essentiellement vers les titres les moins risqués. De fait, on sait très bien que l'épargne s'oriente difficilement vers les PME, lesquelles sont le fruit d'une prise de risque, notamment individuelle.
Aujourd'hui, les avantages fiscaux liés à l'assurance-vie s'élèvent à 1,8 milliard, que l'on investisse dans des obligations assimilables du Trésor ou dans des PME – autrement dit pour des prises de risque diamétralement opposées. Il y a tout de même de quoi réfléchir à une allocation différente, au sein de la même enveloppe !
Je reviens sur la question des taux. L'année dernière, lorsque le Gouvernement et la majorité ont fait passer le taux de l'IR-PME de 18 à 25 %, ils ont présenté cette mesure comme étant destinée à favoriser le fléchage de l'épargne vers les entreprises. Je me souviens très bien avoir indiqué que c'était une erreur parce qu'en augmentant le taux tout en laissant le plafond inchangé, vous réduisiez l'assiette de l'épargne fléchée vers les entreprises. On s'aperçoit aujourd'hui qu'on est arrivé à cette situation. Pour remédier à cette difficulté, il faut engager une vraie réflexion sur ces dispositifs et prendre en compte l'ensemble des conséquences qu'ils emportent.
J'ai bien entendu les propos de M. le rapporteur général sur les craintes qu'on peut nourrir concernant l'avis de la Commission européenne. En conséquence, je retire mon amendement.
L'amendement no 890 est retiré.
Oui, monsieur le président. Quitte à avoir une discussion avec la Commission de Bruxelles, allons-y pour 30 % ! De toute façon, la mesure est suspendue. Par ailleurs, madame la secrétaire d'État, j'aimerais bien que le Gouvernement nous réponde et conduise une étude, même provisoire – tous les résultats ne seront pas disponibles tout de suite – sur la réalité de la collecte.
Enfin, madame Rabault, oui, nous avons évidemment prôné la suppression totale de l'ISF, et je regrette pour ma part la création de l'IFI. Je propose d'ailleurs avec mes collègues un amendement sur l'IFI-PME, qui offrirait un outil de défiscalisation. Je pense qu'il est extrêmement important d'avoir des canaux de circulation de l'épargne. Si nous avions été au pouvoir et supprimé l'ISF totalement, nous aurions évidemment mis en place des mesures compensatoires – Éric Woerth l'a souvent dit – pour conserver ces canaux.
Le problème de fond, vous l'avez dit, chère Valérie Rabault, tient au fait que les PME, les entreprises en amorçage, éprouvent une vraie difficulté à se financer. Or, d'un autre côté, les gens qui payaient l'ISF auparavant ont récupéré beaucoup d'argent qu'ils ont investi dans le CAC40. Il y a là un vrai problème, et il faut apporter des réponses. Je maintiens donc ces amendements. Je pense que nous allons avoir de très mauvaises surprises en matière de collecte et de financement des entreprises. Alors s'il est possible d'améliorer la fluidité des flux financiers de l'assurance-vie vers les PME, c'est très bien, mais conduisons alors la réforme à son terme et engageons une réflexion d'ensemble ; pour l'instant, ce n'est pas fait.
La parole est à Mme Amélie de Montchalin, pour soutenir l'amendement no 1916 rectifié .
Je reviens avec cet amendement sur un sujet que ceux qui suivent depuis quelques mois les débats sur le financement de l'économie et sur le projet de loi PACTE m'ont déjà entendu présenter. Il s'agit du soutien à l'investissement des business angels dans les PME et start-up. Cet amendement vise à ce que, quand ils se réunissent, ils puissent placer les titres dans lesquels ils investissent, notamment via des SEP – sociétés en participation – , dans les PEA-PME.
C'est une question complexe. Pour les entrepreneurs, ce serait une très bonne chose d'avoir un seul interlocuteur juridique, qui pourrait être cette société en participation. Mais aujourd'hui, les investisseurs sont pénalisés fiscalement s'ils opèrent ce choix.
Je tiens à rappeler deux faits à l'attention de mes chers collègues. Premièrement, la hausse du financement en fonds propres des start-up et des PME, au 1er semestre 2018, s'est élevée à 66 %, ce qui devrait nous amener à constater que la réforme fiscale n'a pas eu que des effets négatifs, loin de là. Deuxièmement, les opérations de financement en fonds propres des entreprises françaises ont atteint un niveau record en 2017, et se maintiennent au même niveau, selon France Invest, au 1er semestre 2018.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je crois que Mme de Montchalin a tout à fait raison de reposer cette question, car elle n'arrive pas à avoir de réponse. Quand on n'a pas de réponse, on continue à poser la question ! C'est une vertu !
Sourires.
L'amendement, tel qu'il est rédigé, susciterait un effet d'aubaine sur l'année en cours, mais là n'est pas l'essentiel. Ce qu'il faut, c'est que d'ici l'examen de la deuxième partie du PLF, nous puissions avoir une réponse précise sur ce sujet. Défavorable.
Nous partageons la volonté de Mme la députée de favoriser ce type d'investissements. Toutefois, et c'est ce qui va m'amener à vous suggérer un retrait de l'amendement, quitte à réfléchir à l'amélioration des dispositifs existants, les SEP n'ont ni capital, ni personnalité morale. Elles ont été bénéficiaires de certaines mesures, tel le dispositif Girardin, dont une évaluation a montré qu'il donnait lieu à des abus. C'est une forme juridique de sociétés qui ne convient pas à une niche fiscale. Pour ces raisons, nous pensons que ce n'est pas le meilleur véhicule. Et je ne reviens pas sur le contexte de la notification de la réduction d'impôt Madelin à la Commission européenne.
Il n'est pas souhaitable d'encourager des formes d'investissement non compatibles avec la nécessaire traçabilité des investissements financiers.
Churchill disait : « Le succès n'est pas final, l'échec n'est pas fatal : c'est le courage de continuer qui compte ». Je continuerai donc à vous parler de ce sujet autant de fois qu'il sera nécessaire. Je retire l'amendement.
L'amendement no 1916 rectifié n'est pas adopté.
L'échec n'étant pas fatal, je vais essayer de faire passer cet amendement ! J'ai bien entendu les propos de M. Saint-Martin. Évidemment qu'il faut placer son argent pour le rendement et pas pour la défiscalisation, mais on ne peut pas dire non plus que moins il y a d'aides fiscales, mieux on se porte ! La vérité de l'épargne, ce n'est pas tout à fait cela : l'épargne est largement contingentée, canalisée par les mécanismes fiscaux. Sinon, elle va vers ce qu'il y a de plus certain, dont le rendement est le plus sûr, c'est-à-dire l'assurance-vie – qui occupe, en France, une place gigantesque – , la dette souveraine et, de manière plus marginale, les entreprises cotées. Elle ne se dirige pas vers ce qui est dangereux.
Cet amendement a pour objet d'instituer un dispositif IR-jeunes pousses, afin de favoriser l'investissement dans de petites entreprises. Il s'inspire de ce qui existe en Angleterre. C'est un support fiscal très efficace. Je propose de porter à 50 %, au lieu de 18 %, le taux de réduction du dispositif Madelin lorsque l'investissement porte sur des entreprises de moins de trois ans. C'est très incitatif. Bien sûr, cela a un coût, mais il ne faut pas seulement raisonner en termes de coût, mais plus globalement en bilan coût-opportunité. Or, je pense que c'est une véritable opportunité.
Défavorable.
Je reviens sur le sujet qui a été évoqué précédemment. Qui étaient les grands bénéficiaires du Madelin, c'est-à-dire de l'IR-PME ? C'étaient les anges non pas du paradis, mais les business angels, qui voyaient là une manière d'être accompagnés dans leur investissement au capital des entreprises.
Ce que nous avons proposé aux investisseurs, plutôt qu'une incitation à l'entrée, dont notre collègue Saint-Martin dénonçait certains des effets pervers, c'est une incitation à la sortie. Ainsi, le projet de loi PACTE contient de nouvelles dispositions qui encouragent le PEA-PME : la fongibilité et le relèvement des plafonds, l'élargissement de l'éligibilité du PEA-PME à de nouveaux instruments, comme les obligations convertibles ou les titres de participation, et un ensemble de mesures, proposées par des collègues sur tous les bancs, qui permettront de conférer plus de souplesse à cet instrument.
D'ailleurs, les business angels ne s'y sont pas trompés et ont accepté l'idée que désormais le PEA-PME pouvait devenir le véhicule privilégié de l'investissement dans les PME. Sauf que les business angels investissent souvent par le biais de sociétés en participation. Soit nous leur permettons d'investir dans le PEA-PME via ces SEP, ce que nous n'avons pas pu introduire dans le projet de loi PACTE – un travail est en cours, mais des obstacles demeurent semble-t-il. Soit nous leur permettons de bénéficier encore un petit peu du Madelin, via les sociétés en participation. En tout état de cause, il faut trouver une solution pour les business angels, qui ont compris la logique de notre politique mais qui attendent que nous débloquions la situation.
Deux remarques. Premièrement, madame de Montchalin, il ne faut pas trop s'emballer sur les bons chiffres de la collecte que vous citiez tout à l'heure. Il y a quand même une part conjoncturelle derrière tout cela : 2017 et le début de 2018 étaient des périodes porteuses, mais cela risque d'être plus difficile maintenant.
Deuxièmement, je suis d'accord pour favoriser l'investissement des business angels, et je pense d'ailleurs que nous sommes nombreux sur ces bancs à continuer à travailler pour disposer enfin – en menant la logique à son terme – d'un ensemble de dispositifs vraiment lisibles et efficaces. Je voudrais toutefois appeler l'attention de nos collègues et du Gouvernement sur le fait qu'il va falloir mener quelques comparaisons internationales. Quand on regarde, toutes choses égales par ailleurs, le nombre de business angels en France par rapport à l'Angleterre et plus encore par rapport aux États-Unis, on se rend compte que le système ne fonctionne pas. Dans notre pays, il n'y a pas de réelle incitation. Je le dis pour contribuer au débat et pour insister sur le fait que nous avons encore beaucoup de pain sur la planche.
Le projet de loi PACTE avait été conçu, à l'origine, si j'ai bien compris, pour essayer de canaliser, de maîtriser, de rendre plus cohérents les dispositifs d'accès au financement des entreprises, notamment petites et moyennes, et de les accompagner tout au long de leur développement. Je peux me tromper, mais j'ai eu le sentiment que le texte passait complètement à côté de cela. Peut-être est-ce parce qu'il n'y avait aucun besoin ? C'est souvent ce qu'on dit ici, mais je crois au contraire qu'il y a de vrais besoins. Le projet de loi PACTE n'y répond pas. Il traite de beaucoup d'autres sujets, de toute nature, mais on ne peut pas dire qu'il opère un quelconque progrès dans le financement des entreprises. C'est pourquoi d'ailleurs nous défendons un certain nombre d'amendements en ce sens, qui compléteront le projet de loi PACTE.
L'amendement no 1297 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Frédérique Tuffnell, pour soutenir l'amendement no 1008 .
L'amendement no 1008 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 1007 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Nicolas Forissier, pour soutenir l'amendement no 568 .
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 84 .
L'amendement no 84 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Monsieur le président Woerth, vous vous êtes offert un petit débat sur le dispositif Madelin et l'impôt sur le revenu, donc permettez-nous d'en avoir un sur d'autres impôts.
Cet amendement propose de supprimer le prélèvement forfaitaire unique de 30 % sur les revenus du capital, ou flat tax. Car, à l'écoute des débats que nous avons depuis plusieurs heures, le bilan est frappant : vous avez supprimé l'ISF et la taxe sur les dividendes, vous avez baissé l'impôt sur les sociétés, ce qui profitera essentiellement aux grandes entreprises, vous avez proposé d'élargir des niches fiscales, comme celles attachées à la cession de plus-values ou même aux brevets, et vous avez évoqué le pacte Dutreil. Tous les impôts sur le capital et le patrimoine sont allégés, supprimés ou divisés ! C'est incroyable !
Mais avec une telle logique, avec la politique que vous menez, comment allons-nous financer les politiques publiques ? Comment l'État va-t-il, concrètement, se financer ?
C'est incroyable ! Vous êtes en train de réduire le budget de l'État à la TVA et l'impôt sur le revenu. Mais le capital, les revenus financiers, les familles les plus fortunées ne contribueront plus à juste proportion de leur richesse ! Voilà le problème de fond qui se pose, et voilà pourquoi nous demandons la suppression du plafonnement de l'impôt sur les revenus du capital à 30 %, taux incroyable, alors qu'il y a là une réserve de milliards d'euros à récupérer. Le plafonnement coûte un peu plus de 1 milliard d'euros au budget de l'État. Cela équivaut au financement de la demi-part des personnes âgées vivant seules ! C'est incroyable !
Comme le disait Bruno Le Maire tout à l'heure, nous avons un vrai problème de taux. Mais zéro plus zéro, c'est la tête à toto. Au final, il n'y aura plus rien pour financer l'État.
Sourires.
L'an dernier, nous avons expliqué que la flat tax constituait un véritable bouclier pour le capital. Elle constitue une véritable atteinte à la progressivité, puisque pour les revenus du capital, il y a un plafond à 30 %.
Churchill Montchalin ! On n'entend qu'elle !
Elle est également très injuste, puisque les revenus du patrimoine mobilier représentent jusqu'à 53,3 % du revenu total des 0,1 % des ménages les plus aisés.
Tout cela était connu, mais le Gouvernement et la majorité faisaient un pari : celui de mettre de l'argent dans le capital – je reprends là les propos de Bruno Le Maire, qui s'est absenté – pour favoriser les investissements de demain, les emplois d'après-demain, etc. Il est temps de dresser un premier bilan de ce pari : qu'est-ce que cette mesure a favorisé ?
Oh, ça va ! Non, le chômage n'a pas baissé au premier semestre de cette année ; il stagne, le pouvoir d'achat et la consommation populaire baissent, et vous le savez très bien, Amélie de Montchalin. Toutes les études de l'INSEE le montrent.
Mais en revanche, il y a une explosion des dividendes, qui ont progressé de 26 % au premier trimestre de 2018.
Les dividendes distribués représentent 44 milliards d'euros ! Ce que nous avions dit l'an dernier se révèle juste : les études montrent que la part du revenu allant vers les dividendes a évidemment augmenté, phénomène que prédisait Gabriel Zucman dans un article.
Vous me direz que le dispositif coûtera moins cher à l'État, puisque il y a plus de dividendes : c'est vrai, le coût n'est pour l'instant que de 950 millions d'euros. Mais il faut regarder le second étage de la fusée : ces dividendes ont été pris sur d'autres revenus, versés en salaires ou en honoraires ! Or ces revenus sont imposés à plus de 30 %. Vous verrez que les transformer en revenus du capital avec un plafond d'imposition à 30 % coûtera en définitive beaucoup plus cher à l'État.
Ce que nous vous avons dit l'an dernier est en train de se vérifier. Votre flat tax est une machine à produire des dividendes, pas de l'investissement ! Les chiffres sont là ! Peut-être pourriez-vous enfin réfléchir et revenir sur cette décision non seulement injuste, puisqu'elle remet en question la progressivité de l'impôt, mais inefficace pour l'économie, puisqu'elle est une bonne affaire pour 1 % des Français et une très mauvaise pour tous les autres, donc pour la nation.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement no 2108 .
C'est un amendement identique. J'ai déjà expliqué tout à l'heure les effets de la flat tax, qui sont selon moi négatifs. J'ai bien peur que les études à venir montrent que ces milliards d'euros sont passés en distribution de dividendes et non en réinvestissement dans l'économie réelle.
Il est défavorable. Le cadre du financement des entreprises est favorable, puisque la fiscalité sur le capital a baissé, mesure cohérente...
.. et qui bénéficie, de notre point de vue, aux PME. Il n'y a pas d'effet négatif constaté à ce jour, et les chiffres cités par Amélie de Montchalin me paraissent assez parlants. Nous en reparlerons l'année prochaine, mais une progression de 66 % n'est pas uniquement due à la conjoncture, me semble-t-il. Je retiens ce chiffre.
Par ailleurs, les dividendes distribués ont vocation à repartir dans le cycle productif et à être réinvestis, ils ne sont pas mis dans un matelas !
Et alléger la fiscalité sur les entreprises a pour objectif, cela a bien été résumé ici, de créer des emplois et des investissements.
Et le nombre d'emplois dans l'industrie manufacturière, qui progresse pour la première fois depuis des années ? Il me semble que, si, on en voit la couleur.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Madame la secrétaire d'État, vous n'avez vraiment jamais dirigé une entreprise !
On se demande ! Parce que si vous aviez dirigé une entreprise, comme moi, vous sauriez que les dividendes sont versés après le bénéfice. Le bénéfice, on peut s'en servir pour investir, pour faire des réserves en vue de périodes plus difficiles, ou pour verser des dividendes.
Vous dites que les dividendes sont forcément réinjectés dans l'économie, mais non ! Les personnes qui les reçoivent ont déjà largement de quoi subvenir à leurs besoins, ils ne vont pas consommer davantage. Si l'on augmente le revenu des personnes qui gagnent un ou deux SMIC et qui n'épargnent pas, ils vont consommer. Ils en ont besoin. Mais ceux qui reçoivent des dividendes les utilisent pour spéculer davantage, pour thésauriser davantage.
Voilà la réalité ! Alors ne dites pas que les dividendes font de l'investissement ! Si vos mesures provoquaient une remontée flagrante de l'investissement, on pourrait vous suivre. Mais depuis trente ans, la part des bénéfices allouée aux dividendes n'a jamais cessé de croître. Jamais ! Et cette politique appliquée depuis trente ans, vous l'exacerbez.
Nous savons que nous sommes en désaccord sur ce point, nous n'allons pas refaire le débat de l'an dernier. Mais, monsieur Coquerel, vous qui avez pourtant été chef d'entreprise, vous raisonnez constamment en circuit fermé. On a l'impression avec vous qu'il n'y a pas d'autre pays où investir. Vous ne semblez pas comprendre qu'il n'y a pas de frontière pour les capitaux, qu'ils circulent librement.
Et vous raisonnez également en circuit fermé au niveau de l'entreprise. Vous partez du principe qu'un bénéfice net soit se distribue, en interne ou en capital, soit se met en réserve. C'est vrai, mais lorsqu'il est distribué en dividendes, les fonds peuvent être réinvestis ailleurs, dans une autre entreprise, dans une start-up, dans une filière complémentaire ! Ils peuvent servir à créer une entreprise ! Le dividende ne va pas forcément au fond d'une poche, cessez de réfléchir en circuit fermé !
C'est M. Barrot qui est à l'initiative de cette proposition, je le laisse l'exposer.
La parole est à M. Jean-Noël Barrot, pour soutenir l'amendement no 2444 .
Il s'agit de l'un des amendements adoptés par la commission qui tire toutes les conséquences du travail d'évaluation de l'efficacité de nos politiques publiques. Celui-ci traite du taux de distribution des plus-values des sociétés d'investissement immobilier cotées – SIIC. Dans un rapport de 2013, l'inspection générale des finances avait estimé que l'on pouvait augmenter la part de distribution qui permet à ces sociétés d'être exonérées de l'impôt sur les sociétés.
Les SIIC sont des sociétés foncières exonérées d'IS à condition de distribuer leurs revenus locatifs et leurs revenus de plus-values. L'inspection générale des finances avait proposé de porter l'obligation de distribution des produits de location de 85 % à 95 %, ce qui a été fait, et de relever le taux de distribution des plus-values de 50 % à 70 %. Ce taux a déjà été remonté il y a quelques années à 60 %, et l'amendement propose d'aller jusqu'aux 70 % préconisés.
Le rapport jugeait la dépense fiscale liée à ce dispositif inefficace. Cet amendement générerait une recette fiscale de l'ordre de 21 millions d'euros. J'invite mes collègues à l'utiliser comme gage pour les amendements qu'ils pourraient déposer par la suite.
Je suis plutôt favorable au retrait de cet amendement. Le régime des SIIC a été ajusté en 2013 et nous paraît équilibré. Le taux de distribution des plus-values de cession et des revenus locatifs a déjà été relevé, vous l'avez dit, à 60 %. Et le régime de ces SIIC est comparable à celui de nos principaux partenaires européens. Nous recommandons donc un retrait. À défaut, avis défavorable.
La commission des finances a adopté cet amendement, qui générerait une recette de 21 millions, d'après les calculs effectués à l'époque – j'avoue que les chiffres sont un peu datés, mais on fait avec ce qu'on a. Le taux de distribution des revenus issus des plus-values, que cet amendement fixe à 70 %, ne paraît pas excessif pour ces sociétés. Rien ne les empêche de moins distribuer, mais elles deviennent alors redevables de l'IS.
L'exonération d'IS est justifiée pour ce type de foncières, qui n'ont pas vocation à être des entreprises opérationnelles mais des sociétés de gestion de portefeuille, mais le bon niveau de l'obligation de distribution se situe à 70 %. Je n'ai pas bien compris pourquoi ce taux est considéré comme excessif. À nouveau, si ces entreprises ne l'atteignent pas, parce qu'elles préfèrent se constituer des réserves ou effectuer des investissements plus opérationnels, elles deviennent simplement assujetties à l'IS. Je maintiens mon amendement.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés bénéficient d'une taxation à taux réduit – à 19 % – de la plus-value réalisée lors de la cession de terrains ou de locaux destinés à la construction de logements. Depuis cette année, ce taux réduit s'applique uniquement dans les zones A et A bis.
Je propose de le rendre à nouveau applicable en zone B1, afin de permettre aux grandes métropoles régionales de bénéficier de cette incitation à la libération de foncier en vue de construire des logements, ce qui constitue, pour elles, un vrai problème, et aussi de mettre en cohérence les divers dispositifs : en effet, le prêt à taux zéro et le dispositif « Pinel » ont été maintenus en zone B1. En vue d'assurer une cohérence entre le soutien de l'offre et celui de la demande, il serait opportun de rétablir le taux réduit d'imposition en zone B1.
Avis défavorable. Si je puis me permettre d'ajouter un mot, je signale que plus de 170 amendements restent à examiner après l'article 16. Sans parle de la suite… Je sais bien que chaque amendement est important aux yeux de ses auteurs, mais il serait souhaitable que la présentation des amendements prenne une tournure un peu plus synthétique, ou nous n'y arriverons pas.
L'amendement no 1047 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les défendre simultanément me permettra d'être synthétique. Ces deux amendements ne présentent aucun coût et visent à clarifier certains dispositifs applicables aux transmissions d'entreprises, en permettant au cessionnaire d'y conserver des fonctions de direction pour une durée maximale de deux ans et surtout en clarifiant la rédaction du code général des impôts sur ce point.
En effet, au 3 du II de l'article 238 quindecies, le remplacement de « ou » par « et » simplifierait le processus. Je propose ces dispositions sur le fondement d'expériences vécues ayant posé de nombreux problèmes, y compris aux services du ministère de l'économie et des finances appelés à les résoudre.
Avis défavorable.
La parole est à M. Nicolas Forissier, pour soutenir l'amendement no 569 .
L'amendement no 569 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
En raison de l'allongement de la durée de vie, les enfants sont bien souvent quinquagénaires lorsqu'ils héritent de leurs parents ou lorsque ceux-ci envisagent de leur faire des donations. Parents comme grands-parents préféreraient parfois aider directement les petits-enfants et sauter la génération intermédiaire.
À 75 ans, les héritiers les plus proches des parents sont des gens déjà installés. Ce sont plutôt les petits-enfants qui auraient besoin de recevoir les moyens d'achever leurs études, d'acquérir leur résidence principale, de créer une entreprise ou simplement de consommer.
Relever le plafond de l'abattement fiscal applicable aux héritages et aux donations pourrait passer pour un dispositif fiscalement généreux. En réalité, une telle mesure s'inscrit dans une logique de transmission bénéfique pour l'économie. Au demeurant, l'idée n'est pas nouvelle. Elle a été éprouvée par la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat – loi TEPA – ainsi que par la réforme fiscale de 2011, toutes deux adoptées lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy.
Les effets bénéfiques d'une telle mesure ne sont plus à démontrer. Emmanuel Macron souhaite que l'argent circule et soit réinjecté dans l'économie. À cette fin, le Gouvernement s'est attaqué à certains produits d'épargne, gelant le taux du Livret A et taxant les plans épargne logement. Le présent amendement s'inscrit dans la logique adoptée par le Gouvernement et répond au désir du Président de la République.
En effet, nous nous inscrivons ici dans une logique de transmission bénéfique pour l'économie du pays à deux titres : elle facilite les donations, ce qui favorise l'accroissement des recettes fiscales, et stimule la consommation, car les personnes âgées sont plus enclines à épargner en vue de transmettre, tandis que les plus jeunes sont naturellement enclins à investir et à consommer.
L'État français est très prédateur de patrimoine, par le biais de droits de succession dont les taux sont parmi les plus élevés au monde. Le présent amendement vise à augmenter le plafond des abattements applicables aux donations destinées aux enfants et petits-enfants à 150 000 euros et à réduire à dix ans le délai entre chaque donation. Il favorise clairement le saut générationnel et s'inscrit dans une logique d'argent actif pour notre économie.
L'amendement no 219 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Par le biais de cet amendement, je rouvre le débat sur la part héritée au sein du patrimoine total. Comme je l'ai rappelé tout à l'heure, au fur et à mesure qu'explosaient les inégalités dans le monde – l'étude publiée à la fin de l'année 2017 dans Le Monde, le journal cette fois, démontrait très clairement cette augmentation – la part héritée au sein du patrimoine total a augmenté, passant de 45 % à 70 % en une trentaine d'années.
Il s'agit d'un problème crucial. Je doute que quiconque ici puisse défendre le fait que les inégalités explosent, et qu'en outre une sorte de noblesse de l'argent se perpétue, au point de devenir une oligarchie qu'on ne peut contester, tant elle ressemble à l'ancienne noblesse.
Nous proposons donc de taxer davantage l'héritage, en rendant le taux d'imposition plus progressif. Le tableau figurant dans l'amendement permet de rendre l'impôt sur les successions bien plus progressif qu'il ne l'est actuellement. Nous assumons – je sais que cela fait peur à certains – le fait qu'au-delà de 33 millions, l'héritage soit taxé à 100 %.
On me dira que c'est confiscatoire. Je rappelle qu'il est arrivé, au cours de l'histoire, par exemple aux États-Unis dans les années 1930, que l'on taxe les plus hauts revenus à hauteur de 92 %.
Pour une sortie de crise, j'estime que cela ne s'est pas si mal passé du côté des États-Unis. En outre, la redistribution ainsi permise permettrait aux gens qui possèdent 33 millions d'euros, soit 0,1 % de la population – nous pouvons être assez tranquilles – de se comporter comme on pourrait s'attendre à ce qu'ils le fassent dans une République vertueuse prônant l'égalité.
L'amendement no 1785 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Avant de le défendre, j'indique que l'amendement no 779 , qui aurait dû être abordé dans le cadre de cette discussion commune, a curieusement été placé plus loin, ce qui m'obligera à reprendre la parole pour le défendre.
L'amendement no 780 porte sur les abattements applicables en cas de succession et vise à porter de 100 000 à 200 000 euros l'abattement applicable à la valeur de la part de chaque héritier.
Je rappelle que la France détient la deuxième place en Europe en matière de taxes sur les successions et les donations, soit un niveau d'imposition deux fois plus élevé qu'au Royaume-Uni et presque trois fois plus élevé qu'en Allemagne. Cette fiscalité, les Français la perçoivent à juste titre comme confiscatoire.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 3 .
La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour soutenir l'amendement no 1208 .
Il vise à rétablir les dispositions relatives aux droits de succession et facilitant les transmissions prévues par la loi TEPA. Comme chacun ici s'en souvient, celle-ci permettait de défiscaliser les heures supplémentaires en vue d'encourager le travail – nous avons ce débat depuis longtemps. Malheureusement, la loi TEPA a été abrogée en 2012. Nous ne reviendrons pas sur le passé. Toutefois, il importe toujours, me semble-t-il, de favoriser l'activité et le développement économiques, et de rendre aux salariés du pouvoir d'achat.
Même avis.
L'amendement no 780 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Sarah El Haïry, pour soutenir l'amendement no 2446 .
Notre collègue Vialay a dressé un constat sur les transmissions et les donations destinées aux petits-enfants. Cet amendement le partage. Il vise à favoriser la transmission intergénérationnelle tout en instaurant une véritable école de la philanthropie, en permettant aux grands-parents de donner à leurs petits-enfants, avant que ceux-ci n'aient atteints l'âge de 30 ans, des parts de capital, à condition que leur usufruit soit transféré à des associations reconnues d'utilité publique ou à des fondations. Dans le cadre de cette philanthropie à la française, nous proposons d'exonérer une telle donation de droits de mutation.
L'amendement no 2446 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Nicolas Forissier, pour soutenir l'amendement no 566 .
Il porte sur l'amélioration des conditions de transmission. Selon l'expression que vient de me souffler Jean-Louis Bourlanges, il est « défenvorable ».
Sourires.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 956 .
L'amendement no 956 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'inscrit, comme les précédents, dans la volonté d'améliorer la donation intergénérationnelle. Il vise d'une part à porter à 150 000 euros l'abattement applicable à la valeur des dons d'argent réalisés au profit des enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants majeurs, et d'autre part à réduire à dix ans la durée nécessaire avant de pouvoir réitérer un don dans les mêmes conditions.
Plus spécifiquement, il vise à faciliter les donations des grands-parents à leurs petits-enfants. Au moment où la politique gouvernementale s'attaque aux petites retraites, empêchant les retraités, en grevant leur budget de plusieurs centaines d'euros, de favoriser et de gâter leurs petits-enfants, je constate qu'en matière fiscale, d'un bout de l'échelle à l'autre, le Gouvernement cible systématiquement les plus âgés d'entre nous.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 667 .
Avis défavorable. La ligne générale qui inspire le Gouvernement s'agissant des amendements portant sur les donations et les transmissions en ligne directe est qu'il lui semble qu'il s'agit de mesures qui profiteront plutôt aux contribuables les plus aisés.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 1943 .
Il est défendu. J'en profite pour vous dire, madame la secrétaire d'État, que je ne partage pas du tout votre analyse. Votre réponse peut même être considérée comme choquante : ce n'est pas parce qu'un dispositif favorise les plus aisés qu'il est mauvais par nature ! Ce n'est pas une réponse.
Dire cela me paraît particulièrement choquant en matière de successions.
L'amendement no 1943 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de nombreux amendements pouvant être soumis à une discussion commune. Nous commencerons par une série d'amendements identiques, les nos 63, 279, 1187, 1202, 1356, 1625, 2035 et 2306, puis une autre, avec les nos 98, 558, 1204, 1658 et 2298, pour finir avec l'amendement no 2297 .
La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l'amendement no 63 .
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 1187 .
Cet amendement propose d'alléger la fiscalité des donations et des successions en matière de transmission des exploitations agricoles et viticoles familiales. Je rappelle qu'il y a un an, notre assemblée avait décidé la création d'un groupe de travail sur le sujet, au terme duquel nous avons émis plusieurs propositions. Certaines ont été reprises dans ce projet de loi de finances, mais aucune concernant la transmission des exploitations agricoles et viticoles alors que c'est un vrai sujet et qu'il faut faciliter l'installation des jeunes agriculteurs. Il y a un véritable souci concernant la question du foncier, à laquelle aucune réponse n'a été apportée, et c'est l'objet de cet amendement.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 1202 .
Dans le même esprit, madame la secrétaire d'État, cet amendement vise à rendre compte de la difficulté des transmissions d'exploitation agricole. Il y a souvent à la fois les bâtiments et les terrains, et même s'il est difficile d'en vivre aujourd'hui, la valeur de ces biens représente une vraie difficulté en termes de transmission. De ce fait, celle-ci est repoussée le plus longtemps possible, ce qui aboutit à une carence d'installation de jeunes sur ces territoires ruraux. Il est donc ici proposé une disposition qui faciliterait la transmission.
La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour soutenir l'amendement no 1356 .
Madame la secrétaire d'État, vous connaissez la situation des agriculteurs, les difficultés de leur activité, liées aux conditions climatiques qu'ils vivent depuis déjà deux ou trois ans, qu'il s'agisse des inondations, du temps maussade ou encore de la sécheresse de cette année. Je pense qu'il est particulièrement important de les accompagner sous toutes les formes possibles, notamment au travers de la transmission d'entreprise. Il faut privilégier ainsi l'installation de jeunes agriculteurs, leur faire confiance et leur donner tous les moyens de pouvoir reprendre les exploitations. Pour le monde agricole, il serait important que le Gouvernement se penche sur cette question.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 2035 .
J'abonde dans le sens de mes collègues : la question de la transmission des exploitations agricoles et viticoles est véritablement problématique pour un trop grand nombre de nos agriculteurs et de nos viticulteurs. La raison en est simple : la valeur des terres agricoles est parfois si élevée que ceux qui la travaillent préfèrent repousser le moment où ils la transmettront à leurs héritiers, tant les droits de succession sont importants.
Vous savez comme moi, madame la secrétaire d'État, que le secteur agricole est en grande souffrance. Nous le rappelons souvent dans cet hémicycle, mais il est bon de ne pas oublier que le salaire moyen d'un agriculteur sur trois est de 350 euros par mois. Avec un revenu si faible, autant dire qu'économiser pour financer la transmission de son exploitation à ses enfants relève quasiment de l'impossible. Certes, des efforts ont déjà été faits, notamment dans le cadre du pacte Dutreil, amélioré par les mesures proposées à l'article 16, mais ce n'est pas suffisant pour les agriculteurs et pour les viticulteurs : ce qu'ils veulent, c'est que les jeunes puissent prendre la relève et s'installer sans crouler sous les charges.
La question est d'autant plus urgente que selon la dernière enquête du ministère de l'agriculture, qui date de 2013, l'âge moyen des chefs d'exploitation est de 51 ans. Autant dire qu'ils sont plus proches de la retraite que du début de leur activité professionnelle.
Il faut donc se saisir sans plus attendre de cette question et apporter une réponse concrète. C'est pourquoi je propose par cet amendement d'alléger encore davantage la fiscalité des donations et des successions lorsque les héritiers s'engagent à ne pas vendre les biens reçus et à les laisser affectés à l'exploitation familiale pendant au moins dix-huit ans. Une telle durée me semble pertinente car elle constitue une garantie de stabilité.
Nous abordons ici une vraie question. On sait que la valorisation du foncier agricole et viticole pose un réel problème en termes de transmission. Il serait bon, madame la secrétaire d'État, que nous travaillions tous ensemble sur une sorte de dispositif Dutreil spécifique à ce type de foncier. J'attends en tout cas votre avis détaillé pour comprendre comment le Gouvernement va accompagner la transmission des exploitations agricoles et viticoles.
Nous en venons à la seconde série d'amendements identiques.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 98 .
La parole est à M. Nicolas Forissier, pour soutenir l'amendement no 558 .
Ce sujet est extrêmement important, madame la secrétaire d'État, et nous attendons des réponses précises. Il faut bien comprendre que l'agriculture française est à un tournant. Si l'on veut qu'elle retrouve les premières places, notamment face au défi alimentaire mondial, l'on doit aussi s'occuper de la transmission. Les arguments exposés par mes collègues vont dans ce sens. J'insiste sur l'importance du dispositif proposé par nos amendements.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 1204 .
Des dispositifs du type de celui que nous proposons dans le cadre des droits de mutation à titre gratuit existent dans de très nombreux pays. On pourrait s'inspirer du modèle suisse ou du modèle allemand. Je pense qu'il y a des leçons à en tirer pour améliorer le dispositif en vigueur en France.
La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour soutenir l'amendement no 1658 .
Vous avez bien vu, madame la secrétaire d'État, que nous étions vraiment très nombreux à défendre le monde agricole. Depuis plus de vingt ans, les petites exploitations familiales disparaissent, et vous en connaissez la raison : l'absence de liquidités, toute leur valeur étant dans la terre, et l'impossibilité qui en découle pour les héritiers de s'acquitter des droits de mutation. Le fils ou la fille qui souhaite reprendre l'exploitation se trouve à la fois dans l'obligation de payer des droits de mutation et souvent d'indemniser ses frères et soeurs, et donc de s'endetter, ce qui l'empêche bien évidemment de mettre de l'argent dans des projets, dans de nouvelles cultures – autant de fonds qui manqueront pour assurer la pérennité de l'exploitation.
Je vous donne un exemple : en Seine-et-Marne, on voit depuis deux ou trois ans des fonds d'investissement étrangers, notamment chinois, qui achètent des terres dans une logique exclusivement de rentabilité financière, …
… avec comme objectif d'extraire le maximum de richesse de la terre pour la revendre ensuite au plus offrant. Que vaut-il mieux privilégier : les revenus de Français aisés, ou ceux d'investisseurs étrangers ?
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 2297 , dernier amendement de cette discussion commune.
La différence entre mon amendement et les précédents, c'est que j'ai plafonné le montant des biens exonérés à 2 millions. Comment peut-on transmettre des vignes qui, dans mon département, valent jusqu'à un million et demi l'hectare, sachant que la superficie moyenne est de deux hectares et demi ? Comment pourrait-on le faire avec des terres qui rapportent à peu près 1 % par an si on les loue ? C'est impossible.
Alors ? On vend. C'est bien plus facile. Et avec l'argent reçu, on achète des actions et des obligations qui rapportent 3 % ou 3,5 % – le président de notre délégation m'a dit que c'était un minimum et qu'il y avait mieux dans le groupe dans lequel il travaillait avant ! C'est ainsi qu'on détruit des exploitations.
Si je propose une durée de dix-huit ans, c'est parce que c'est celle des baux à long terme. Il y a déjà une mesure d'exonération, qui a été remontée à 75 %, mais plafonnée, et qui est de 50 % au-delà. Chez nous, c'est donc le taux de 50 % qui s'applique : on n'y arrive pas !
La contrepartie de l'exonération des droits de mutation à titre gratuit serait le maintien dans l'exploitation pendant dix-huit ans, une durée tout de même très longue.
Si nous ne votons pas un tel dispositif, mes chers collègues, nous pourrons continuer nos gentils débats sur l'avenir de l'agriculture, mais ils ne tiennent pas la route.
On détruit l'exploitation familiale comme on a détruit les entreprises et les petits groupes familiaux, qui ont été rachetés par des grands groupes. C'est exactement le même problème de fond.
Je voudrais tout d'abord vous confirmer, mesdames, messieurs les députés, l'intérêt du Gouvernement pour l'agriculture, en l'occurrence pour la transmission et l'installation des jeunes agriculteurs. Je pense que vous ne pouvez en douter, l'article 18 que nous allons bientôt examiner et qui prévoit un dispositif réformant l'épargne de précaution en étant une preuve certaine.
Par ailleurs, je tiens à rappeler ce qu'est l'actuel dispositif sur les transmissions. En cas de transmission agricole, les biens agricoles loués à long terme ou à bail cessible bénéficient d'une exonération partielle de 75 %, ce qui n'est pas un taux négligeable.
J'y viens, monsieur le député. En cas de transmission d'exploitation agricole, qu'il s'agisse d'une exploitation directe ou sous forme de société, les biens transmis, à condition que l'exploitation soit pérennisée – c'est notre objectif – , peuvent bénéficier du dispositif Dutreil : outre une exonération d'assiette de 75 %, une réduction de droits de 50 % en cas de transmission en pleine propriété avant 70 ans, soit une exonération totale de près de 90 % en pratique. On ne peut donc pas dire qu'il n'existe pas de dispositif favorable, même si vous avez raison pour le seuil des 100 000 euros.
J'ajoute qu'il est proposé dans les amendements à venir un relèvement à 300 000 euros de l'abattement dans le cadre de la transmission des baux ruraux à long terme, ce qui me paraît une réforme intéressante et sur laquelle le Gouvernement émettra un avis favorable.
En outre, je signale qu'une réflexion a été engagée sur la question des jeunes agriculteurs, et qu'elle devrait déboucher sur des mesures dans la seconde partie du PLF.
J'espère que ces éléments répondent à vos attentes, mesdames, messieurs les députés, mais en tout état de cause, le Gouvernement demeure mobilisé sur la question des agriculteurs. Avis défavorable sur l'ensemble des amendements.
L'amendement no 2297 n'est pas adopté.
Il s'agit plutôt d'un amendement d'appel qui vise à revenir sur le débat que nous venons d'avoir, madame la secrétaire d'État, sur l'accompagnement de la transmission de nos exploitations agricoles.
Vous nous expliquez qu'un dispositif existe déjà. Vous avez raison : il existe bien le pacte Dutreil, mais celui-ci ne s'applique pas au foncier agricole ni viticole, seulement à la société d'exploitation agricole. Or, souvent, le montage juridique choisi par nos agriculteurs exclut le foncier dans le cadre de la transmission des sociétés d'exploitation.
Je vous propose, avec cet amendement, que le pacte Dutreil puisse s'appliquer lorsque le capital foncier est attaché durablement à une exploitation agricole ou viticole. L'objectif est finalement plutôt d'appeler votre attention sur ce point, afin que nous recherchions ensemble des solutions pour accompagner la transmission du foncier agricole, et non pas seulement des exploitations agricoles.
Je souscris tout à fait à ce qui vient d'être dit par ma collègue, en ajoutant que nous cherchons tous, au moins la plupart d'entre nous, à faciliter la transmission des entreprises, quelle qu'en soit la forme, la taille et la nature, y compris les exploitations agricoles, pour lesquelles se pose la problématique du foncier. Par parallélisme des formes, il conviendrait que puissent s'appliquer pour les exploitations les règles du pacte Dutreil.
Il est également défavorable, même si la démarche nous paraît tout à fait fondée. La question est plus de fixer le seuil pertinent. Nous avons bien compris que celui de100 000 euros était aujourd'hui insuffisant. En revanche, ne pas en fixer du tout poserait problème.
Une simple réflexion, mes chers collègues : nous demandons dix-huit ans de maintien dans le cadre familial. Dans le pacte Dutreil, la durée de conservation n'est que de quatre ans. Mais en agriculture, quatre ans, ce n'est pas tenable. Que représentent quatre années ? Il est donc nécessaire d'aménager le pacte Dutreil pour les biens agricoles car, tous les collègues en conviennent, une durée de conservation de quatre ans seulement, c'est impossible pour les exploitations agricoles.
Je suis saisi de six amendements, nos 44 , 97 , 556 , 1657 , 2500 et 2188 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 44 , 97 , 556 et 1657 d'une part, nos 2500 et 2188 d'autre part, sont identiques.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 44 .
Madame la secrétaire d'État, vous venez d'aborder la question des seuils en deçà desquels les exonérations à hauteur de 75 % ne sont plus appliquées. Jusqu'à présent, le seuil était fixé à 101 897 euros et n'avait pas été revalorisé depuis quarante ans. Cela pose un vrai problème vu le prix du foncier agricole ou viticole. Aussi avons-nous anticipé les annonces faites par M. le Premier ministre et M. le ministre de l'économie et des finances. En effet, lors de la restitution des travaux ayant porté sur la fiscalité agricole, il avait été annoncé que ce plafond serait triplé. Nos amendements proposent donc tout simplement de passer le seuil à 300 000 euros.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 97 .
La parole est à M. Nicolas Forissier, pour soutenir l'amendement no 556 .
La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour soutenir l'amendement no 1657 .
Je vous donne – vous allez me dire que c'est une obsession – quelques chiffres concernant la Seine-et-Marne. En 2006, le prix moyen de l'hectare s'élevait à 4 500 euros, et en 2016 à 6 000 euros, soit plus de 30 % d'augmentation. Sur certains territoires, il dépasse même les 10 000 euros. Il nous semble donc important de respecter l'engagement qui a été pris par le ministre.
Nous en venons à la deuxième série d'amendements identiques.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 2500 .
Il vise à traduire l'une des annonces du Gouvernement concernant l'adaptation de notre fiscalité agricole. L'une de ces annonces porte sur l'amélioration de la transmission des entreprises agricoles.
Actuellement, sur les baux ruraux à long terme et les parts de groupements fonciers agricoles, les droits de mutation à titre gratuit sont exonérés à hauteur de 75 % en dessous de 101 897 euros, et à hauteur de 50 % au-dessus. Nous proposons dans cet amendement de relever à 300 000 euros le seuil au-dessus duquel l'exonération de 75 % sera abaissée à 50 %.
La parole est à Mme Amélie de Montchalin, pour soutenir l'amendement no 2188 .
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements en discussion commune ?
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Même avis que le rapporteur.
Je suis également favorable à l'amendement no 2500 , auquel nous nous sommes d'ailleurs tous ralliés.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Nous l'avons tous cosigné, chers collègues. Simplement, madame la secrétaire d'État, j'ai une question à vous poser : est-ce que ceci vaut également pour l'IFI ?
C'est bien le propos : si je suis défavorable à la première série d'amendements identiques, c'est en raison du sujet de l'IFI, qui est un problème et qui ne me semble pas concerner les transmissions.
Bien évidemment, comme nous l'avons cosigné, nous allons soutenir l'amendement de la commission.
Cependant, il faut prendre conscience, madame la secrétaire d'État, que nous faisons face à un véritable problème qu'il faudra traiter dans sa globalité. Même si nous nous sommes ralliés à cet amendement qui relève le seuil à 300 000 euros en matière de baux ruraux à long terme, il me semble que nous n'allons pas assez loin.
Nous devrions en effet au moins nous aligner sur le pacte Dutreil en matière de transmission, comme l'a évoqué notre collègue Charles de Courson.
Il s'agit d'un vrai sujet, car l'exploitation agricole est un bien à part, qui participe à l'aménagement du territoire tout autant qu'il permet le maintien d'une agriculture. Le nombre d'amendements déposés sur le sujet de la transmission des exploitations agricoles montre qu'il y a un problème et qu'il faut envisager une véritable réforme de la fiscalité agricole.
La commission des finances a adopté cet amendement, identique à l'amendement no 2445 de Mme El Haïry. Je la laisse donc l'exposer.
Cet amendement vise à exonérer de droits de mutation à titre gratuit les dons et legs consentis au bénéfice des fondations et associations reconnues d'utilité publique.
Il s'agit d'un amendement de simplification et de cohérence qui élargit le champ de la disposition déjà applicable pour les fonds de dotation.
Je demande le retrait de ces amendements, car ils étendent de manière très large le champ de cette exonération : il ne s'agit donc pas exactement, me semble-t-il, d'une mesure de simplification mais plutôt d'une mesure d'élargissement.
Je ne retirerai pas cet amendement important, et ce pour une raison simple : le débat a eu lieu en commission, et il y a été tranché. Il ne s'agit que d'étendre l'exonération en question aux fondations et aux associations reconnues d'utilité publique : le champ est donc bien limité. Vu la procédure de reconnaissance d'utilité publique des associations et fondations, qui passe devant le ministère de l'intérieur, l'élargissement en question ne paraît pas excessif. Cet amendement ne ferait que placer sur un pied d'égalité les fondations et associations et les fonds de dotation.
Afin de vous éclairer, je vous indique que c'est déjà le cas aujourd'hui pour les fondations qui affectent exclusivement leurs revenus à des oeuvres scientifiques, culturelles ou artistiques. L'idée est aujourd'hui d'élargir le bénéfice de cette exonération à l'ensemble des fondations, afin d'éviter toute discrimination. Cet amendement a été adopté à l'unanimité par la commission des finances.
Nous discutons d'un amendement qui a certes fait l'objet d'un vote favorable en commission : nous nous étions cependant dit qu'il existait peut-être d'autres outils pour aider le développement économique, culturel et social. Des fonds privés peuvent tout à fait soutenir des activités ou des projets sociaux, économiques et culturels. J'avais moi-même en commission mis en avant le fait que, plutôt que d'utiliser le mécénat ou le don, il faudrait voir comment améliorer le fonctionnement des fonds de dotation, avec des apports de fonds privés et des ressources publiques apportées en nature.
Cet amendement pose une difficulté de chiffrage. Nous devons être extrêmement prudents. Je ne suis pas sûre que l'impact d'un tel mécanisme soit bien connu. Peut-être faudrait-il, là aussi, que nous nous donnions un petit peu plus de temps, comme nous l'avons fait sur d'autres sujets, pour mieux apprécier le coût et l'impact de la mesure.
Quelle était la situation il y a vingt ans ? Quand vous faisiez un don à une collectivité locale ou à une association, vous payiez des droits. Oui, l'acte était taxable comme si le don était consenti au profit d'un tiers. On a donc commencé par exonérer les dons faits aux collectivités locales, puis la disposition a été étendue aux fonds de dotation.
Ce que demande notre collègue – et ce qui a été adopté, de mémoire, à l'unanimité en commission des finances – est d'établir une cohérence en étendant le bénéfice de cette exonération à toutes les associations et fondations reconnues d'utilité publique. Cet amendement paraît de bon sens.
Madame de Montchalin, vous nous dites : attention, quel est l'impact de cette mesure ? Soit dit entre nous, nous votons un certain nombre d'amendements, y compris du Gouvernement, sans savoir très bien quel en est l'impact. D'ailleurs, vous étiez favorable à cet amendement, puisque vous l'avez voté en commission.
Il y a hélas de moins en moins de dons faits aux associations en matière de succession, beaucoup moins qu'il y a encore cinquante ou soixante ans. Il ne s'agit que de quelques millions. La disposition vise donc plus à récompenser ceux qui donnent dans un but d'intérêt général
Au vu du travail qu'accomplissent les associations et les fondations sur notre territoire, il est important de les aider le plus possible Je comprends que l'on ne puisse pas, aujourd'hui, mesurer l'impact d'une telle disposition. Mais par construction, si on attend de pouvoir mesurer l'impact d'une disposition de cette nature, on ne la votera jamais ! On ne sait certes pas le mesurer, mais on sait très bien qu'il ne sera pas important.
C'est un moyen d'aider les associations et les fondations qui solliciteront d'ailleurs peut-être moins de subventions de la part de l'État et des collectivités : nous pouvons donc tous nous y retrouver. Il y va de générosité et de solidarité.
Les collectivités reçoivent parfois, par legs ou par don, des immeubles. Pour en avoir tous des exemples sur nos territoires, nous savons combien cela donne un coup de main appréciable. Et ce sans mettre en péril le produit des droits de mutation !
Le dispositif fait référence à deux listes différentes, et il est vrai que le f bis du 1 de l'article 200 du code général des impôts mentionne plusieurs types d'associations, dont celles agissant en faveur de la presse. Il faudrait donc « nettoyer » ces amendements, car, en l'état, le champ d'application de la mesure paraît beaucoup trop large, voire abusif.
Rires.
Ce que je propose, si vous en êtes d'accord, madame El Haïry, c'est que nous adoptions ces amendements tout en prenant l'engagement de retirer, dans le cadre de la navette, tout ce qui ne relève pas du champ que vous vouliez cibler.
Je pense qu'il faut adopter cette mesure, qui, comme le soulignait Charles de Courson, s'inscrit dans l'évolution logique des choses. Si le champ est trop large, peut-être faudra-t-il nettoyer un peu le texte, mais en prenant garde à ne pas tout dissoudre.
Sourires.
Sourires
Compte tenu des informations complémentaires qui viennent d'être données, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les amendements. Peut-être sera-t-il nécessaire de nettoyer ou d'affiner la mesure, mais il faudra que ce soit uniquement à la marge. L'idée, c'est que quand vous transmettez à une association une maison et que celle-ci devient un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ou, pour reprendre l'exemple donné par Mme Louwagie, quand vous transmettez à une collectivité territoriale un immeuble qui devient une maison des associations, vous bénéficiiez d'une exonération des droits de mutation sur ces dons et legs.
J'accepte donc avec joie la suggestion du rapporteur général. On pourra bien évidemment supprimer, au cours de la navette, les aspects excessifs des amendements, tout en veillant à respecter leur philosophie.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM, LR, UDI-Agir, Libertés et Territoires, ainsi que sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Applaudissements.
La parole est à Mme Sarah El Haïry, pour soutenir l'amendement no 2461 .
Il s'agit de tout à fait autre chose. Cet amendement, auquel tient tout particulièrement mon collègue Vincent Bru, vise à appeler l'attention du Gouvernement sur un problème auquel sont confrontés les membres de la communauté polonaise issus de familles victimes de spoliation. Il conviendrait en effet de revoir le statut des dons faits par les familles polonaises aux Français qui habitent en France – oh ! je suis désolée, je voulais dire « à leurs descendants » ! Je suis encore sous le coup de l'émotion provoquée par l'adoption des amendements précédents.
Rires.
Sourires.
L'objectif serait d'obtenir une exonération partielle des droits de mutation sur ces indemnités de spoliation. Il s'agit d'un amendement d'appel afin que l'on prenne en considération cette situation particulière.
Sourires.
Il serait préférable que vous retiriez l'amendement, madame El Haïry : même l'ambassade de Pologne en France considère que ce n'est pas un problème. Dans ces cas-là, mieux vaut prendre langue avec les représentations diplomatiques.
Avis défavorable.
L'amendement no 2461 est retiré.
J'avais présenté un amendement similaire l'année dernière. Il s'agit de supprimer l'impôt sur la fortune immobilière, l'IFI. Chacun, je pense, sera aujourd'hui d'accord pour considérer que cet impôt n'a pas de sens. Si vous avez supprimé l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, vous avez créé un nouvel impôt sur le capital, en considérant que l'immobilier était de la rente. Or ce n'est pas le cas. Si vous investissez dans un bien immobilier en France et que vous le proposez à la location, cela a plus d'utilité sociale que si vous investissez dans des sociétés asiatiques, mais vous serez soumis à l'impôt sur le capital dans le premier cas et pas dans le second.
En outre, cet impôt a des effets pervers. Par exemple, les monuments historiques, que vous essayez, à juste titre, de soutenir, sont compris dans l'assiette de l'IFI. Idem pour ce qui concerne la biodiversité : les bois, les forêts, les étangs, les landes sont eux aussi compris dans cette assiette.
Je pense donc que c'est un mauvais impôt, qu'il convient de supprimer. Allez jusqu'au bout de votre logique !
Nous passons aux amendements identiques.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 348 .
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 530 .
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Défavorable. La mesure proposée est plutôt onéreuse : elle coûterait environ 1 milliard d'euros.
Défavorable.
L'amendement no 1294 n'est pas adopté.
Je défendrai en même temps l'amendement no 1643 , monsieur le président. Je vous saurais gré d'en tenir compte dans le décompte de mon temps de parole.
L'amendement no 1642 a pour objet de revenir sur la suppression de l'ISF et l'exemption des revenus mobiliers de toute taxation sur le patrimoine. Quant à l'amendement no 1643 , il vise à instaurer un impôt de solidarité sur la fortune plus progressif et plus juste, qui toucherait surtout les très grandes fortunes mobilières.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, les différents mécanismes que vous avez instaurés – flat tax, suppression de l'ISF – ont eu pour résultat le versement au deuxième trimestre 2018 de 44 milliards d'euros de dividendes, soit une augmentation de 23,6 %. C'est deux fois plus que dans le reste du monde. Au cours du débat que nous avons eu sur la flat tax, plusieurs d'entre vous, dont M. Saint-Martin, ont expliqué qu'il ne fallait pas rapporter cela à l'échelle de l'entreprise, mais qu'il fallait prendre en considération le fait que l'on s'inscrivait dans le cadre d'une économie ouverte, qu'il fallait regarder les choses globalement et vérifier, quand de tels cadeaux étaient faits aux actionnaires, ce qui pouvait se passer dans les filiales ou les autres sociétés du groupe. Le problème, c'est que depuis que la financiarisation existe, on observe exactement le même phénomène au plan macroéconomique. Depuis 2009, ce sont plus des deux tiers des bénéfices des grands groupes qui ont été distribués sous la forme de dividendes, soit deux fois plus qu'au début des années 2000. Et la France n'est pas en reste, puisque les entreprises du CAC 40 sont tout simplement les championnes du monde pour ce qui est de la part des bénéfices redistribués aux actionnaires : 68 %, contre 55 % en moyenne dans l'Union européenne et 46 % aux États-Unis.
Oh, c'est bon, monsieur Labaronne ! Nous regarderons les chiffres ensemble, si vous voulez ! Presque tous les économistes sont d'accord là-dessus.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Chers collègues, laissez parler M. Coquerel ; lui seul a la parole.
Monsieur Coquerel, poursuivez votre présentation.
Merci, monsieur le président.
Voici une autre source : Alternatives économiques, 2017. Par rapport au début des années 1980, en parts de bénéfices, il y a aujourd'hui deux fois plus de dividendes que d'investissements. Au début des années 1980, avant que ne commence, avec la « révolution conservatrice » des Thatcher et consorts, ce qu'on appelle la financiarisation, c'était l'inverse.
Ce qu'on observe donc au plan macroéconomique, en réalité – et, mon cher collègue Labaronne, je donnerai ma source : cela provient d'une étude parue dans Le Monde à la fin 2017 – , c'est que quand l'argent passe dans les dividendes, partout les inégalités explosent, le chômage explose, les bénéfices explosent, mais pas les investissements.
Pour ce qui concerne les entreprises du CAC 40, les chiffres que je citais tout à l'heure sont ceux de l'INSEE.
Tout ça pour dire que ce que vous faites, c'est exactement ce que font les médecins de Molière : on propose toujours plus de saignées, jusqu'à être sûr que le malade va mourir. Peut-être cela arrivera-t-il un jour – toutefois, j'espère que nous parviendrons avant au gouvernement, de manière à l'éviter.
Nous en venons aux amendements identiques.
La parole est à M. Fabien Roussel, pour soutenir l'amendement no 1236 .
Mes chers collègues, nous devrions réaliser un medley avec tous les mots que nous avons entendu jusqu'à présent – certaines émissions humoristiques, par exemple sur TMC, feraient cela très bien. Allons-y : taux réduit, taux allégé, taux supprimé, taux zéro, crédit d'impôt, cadeaux fiscaux… c'est la fête à l'impôt ! Comme je le disais tout à l'heure : zéro plus zéro, c'est la fête à Toto !
Exclamations et rires.
Oui, on peut s'interroger sur la politique que vous menez. Depuis que nous avons commencé l'examen de ce projet de loi de finances, on ne parle que de baisse de la fiscalité, sur le patrimoine, sur les revenus financiers, sur le capital, sur les successions, sur les plus-values de cession… Où va-t-on comme ça ? Combien de créations d'emplois sous contrat à durée indéterminée – CDI – cela représente-t-il ? Les salaires ont-ils augmenté ?
Le chômage a baissé ? Le chômage baisse parce que des emplois précaires sont créés, des emplois de vingt-quatre heures. Il n'y a pas de créations d'emplois à temps plein et sous CDI.
Combien vont coûter toutes ces optimisations fiscales, exonérations fiscales, crédits d'impôts ? Il faudra mettre en regard les milliards que cela coûte et le nombre de CDI créés !
En outre, avec cette politique, vous êtes en train d'assécher les finances publiques. Comment allons-nous financer le budget de l'État et les politiques publiques, à force de déshabiller l'impôt ? Voilà la question qu'il faut se poser.
C'est pourquoi nous proposons de supprimer l'IFI que vous avez créé et de rétablir l'ISF qui existait. Dans « impôt de solidarité sur la fortune », il y a le mot « solidarité », ne l'oubliez pas !
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement no 2109 .
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Avis défavorable, puisqu'il s'agit d'amendements visant à rétablir l'ISF.
Défavorable.
Je voudrais faire remarquer aux collègues qui nous interrompent pour nous demander nos sources que lorsqu'ils citent des chiffres, nous n'essayons pas de les déstabiliser de cette manière.
Voici mes sources. Je me suis appuyé sur les rapports d'Oxfam.
Ne soyez pas méprisant, monsieur ! Que je sache, des représentants d'Oxfam ont été auditionnés à plusieurs reprises, notamment par la commission des finances, sur la question de la fraude fiscale. Je pense qu'ils seront heureux de voir que vous réagissez de cette manière.
Je sais que certaines personnes ne donnent crédit qu'à certains indices, ceux du MEDEF – vous en faites certainement partie. Il y a des lobbies très actifs en la matière.
Le versement de 44 milliards d'euros de dividendes au deuxième trimestre 2018, c'est Janus Henderson.
Quant aux derniers chiffres que j'ai cités, c'est Alternatives économiques, 2018 – mais ce n'est probablement pas assez « pensée unique » pour certains collègues.
Sourires.
L'amendement no 1642 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 670 .
La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour soutenir l'amendement no 2494 .
La répétition a toujours des vertus, même si nous n'avons guère de doutes sur le sort qui sera réservé à cet amendement. Les Français ont envie de l'entendre encore : la résidence principale doit être soustraite de l'assiette de l'impôt sur la fortune immobilière. Nous voulons que le patrimoine immobilier français reste entre les mains des contribuables français, qui résident sur notre sol, et non le voir partir entre celles de personnes physiques ou morales bien plus fortunées et qui, souvent, ne sont pas domiciliés fiscalement en France.
Évitons, madame la secrétaire d'État, d'appauvrir les Français et de brader notre patrimoine immobilier et culturel à des étrangers qui, pour certains, ne savent pas quoi faire de leur argent. Cet amendement serait donc vraiment une bonne mesure.
Défavorable également.
L'amendement no 2476 tend à soustraire de l'assiette de l'IFI les biens immobiliers gracieusement mis à disposition à des associations d'accueil et de logement de personnes défavorisées. Lors des débats en commission, monsieur le rapporteur général, vous aviez indiqué qu'une donation d'usufruit offrait déjà cette possibilité, ajoutant qu'elles pouvaient néanmoins être difficiles. À travers cet amendement, nous proposons donc de les simplifier en permettant qu'elles puissent faire l'objet d'un acte sous seing privé.
La mesure ici proposée consiste donc à soustraire de l'IFI le bien visé, et ce dans le cadre, non d'une donation d'usufruit, mais d'une mise à disposition à titre gracieux par acte sous seing privé. L'amendement répond-il ainsi aux remarques que vous aviez faites ?
J'étudierai la question de plus près, mais je pense que le dispositif ne fonctionne pas.
L'amendement no 2468 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 777 .
L'amendement no 777 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 989 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour soutenir l'amendement no 1211 .
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 776 .
L'amendement no 776 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 1995 .
Cet amendement apporte quelques retouches techniques à la réforme de l'IFI : une uniformisation des règles de déductibilité des dettes, une clarification des règles contentieuses et la possibilité, pour l'administration fiscale, de s'assurer de la régularité des reçus ou attestations délivrés par les organismes à but non lucratif.
Cet amendement rédactionnel apporte des précisions utiles. Avis favorable.
L'amendement no 1995 est adopté.
La parole est à M. Nicolas Forissier, pour soutenir l'amendement no 563 .
L'amendement vise à supprimer l'IFI pour le foncier non bâti : nous en avons parlé tout à l'heure.
Je veux insister sur un point essentiel. L'inclusion du foncier non bâti dans l'IFI est totalement contradictoire avec la politique de protection de l'environnement qu'entend mener le Gouvernement. C'est particulièrement vrai pour la protection des espaces naturels sensibles, la lutte contre la déprise agricole et la protection des bois et forêts. Au-delà de la question de la non-rentabilité du foncier agricole et des problèmes de transmission, l'IFI pose un problème environnemental dans nos territoires. J'appelle vraiment votre attention, madame la secrétaire d'État, car ce problème est réel : si nous avons déposé des amendements pour y répondre, ce n'est pas pour le seul plaisir de le faire.
Défavorable également.
Combien les terres, les vignes, rapportent-elles en moyenne ? Seulement 1,1 %, soit moins que le taux marginal du barème de l'IFI. Comment voulez-vous que les propriétaires les gardent durablement ? Ils n'ont qu'à signer des baux à long terme, me direz-vous ; mais, même dans ce cas, l'exonération est de 50 %, puisque l'on vient de relever le seuil à 300 000 euros – et encore, par coordination, il demeure à 100 000 euros pour l'IFI aujourd'hui ! Comment voulez-vous, dans ces conditions, qu'il n'y ait pas de crise du foncier agricole ? C'est mécanique ! Il nous faut donc impérativement trouver une solution.
L'amendement no 563 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 1189 .
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 1200 .
La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour soutenir l'amendement no 1357 .
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 2036 .
Avec la réforme de l'impôt sur la fortune immobilière, les propriétaires de terrains à usage agricole ont perdu une partie des exonérations dont ils bénéficiaient avec l'ancien impôt sur la fortune.
La situation est très problématique pour le secteur agricole. Pour les propriétaires qui louent leurs terrains à un exploitant agricole, l'opération n'est pas vraiment rentable puisque le revenu qui en est tiré est faible alors que les impôts sont élevés. Cela les incite à vendre, et ce sont les petites exploitations familiales qui sont les premières menacées, puisque le rachat par l'exploitant n'est pas toujours possible.
Le problème est le même pour les agriculteurs propriétaires de leurs terres, car on ne peut pas dire que l'impôt sur la fortune immobilière les incite à conserver leur exploitation ou à la transmettre quand ils partent à la retraite. Difficilement rentable, le foncier rural est soumis à un régime fiscal inapproprié qui pénalise gravement les agriculteurs français.
Ainsi, bien souvent, les agriculteurs vendent à des promoteurs immobiliers, si bien que la surface agricole exploitée diminue toujours davantage. Entre 1980 et 2010, ce sont 2 millions d'hectares de terres qui ont été perdus, soit la superficie cumulée des Landes et de la Gironde ! Le problème est d'autant plus grave que le recul de la surface agricole s'accompagne d'une « bétonisation » presque irréversible de notre territoire.
Il y a visiblement un problème de priorité quand on voit que le Gouvernement préfère exonérer d'impôt sur la fortune les propriétaires de yachts et de voitures de luxe plutôt que les agriculteurs ! L'exonération fiscale partielle n'est pas une réponse suffisante pour soulager le secteur agricole. C'est pourquoi je propose d'exonérer totalement d'impôt sur la fortune immobilière les propriétaires de terres affectées durablement à un usage agricole.
Défavorable. Et toute ma considération pour les collègues qui étaient présents pour défendre leur amendement...
Sourires.
Défavorable. Je rappelle que les règles d'exonération n'ont pas évolué par rapport à celles qui s'appliquaient à l'ISF.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 557 .
L'amendement no 557 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Yolaine de Courson, pour soutenir l'amendement no 2409 .
Le ministère de l'économie et des finances, madame la secrétaire d'État, avait estimé la recette de l'impôt sur la fortune immobilière à 850 millions d'euros en 2018, alors qu'il a rapporté en réalité 1,3 milliard. Cela fait donc 500 millions d'euros de recettes que l'on peut qualifier d'exceptionnelles. Dans le PLF pour 2019, à taux et périmètre constants, les recettes sont estimées à 1,5 milliard.
Qui a déjà vu un impôt rapporter le double des recettes attendues ? La chose est rare, et elle constitue une très bonne nouvelle, surtout pour les retraités aux revenus modestes, dont le revenu fiscal est compris entre 1 200 et 1 600 euros par mois, et qui ont vu leur taux de CSG passer de 6,6 à 8,2 %. J'espère qu'ils pourront bénéficier de cette embellie de l'IFI !
L'an dernier, mes chers collègues, nous avons augmenté le taux de CSG, et nous l'avons assumé. L'un de nos engagements est de diminuer le poids de la protection sociale sur le travail. Nous voulons donner du pouvoir d'achat aux salariés et prendre le mal à la racine, c'est-à-dire faire en sorte que le travail paie plus que le chômage.
Mais, fin septembre, l'inflation a atteint 2,2 %. Le prix de l'énergie, lui, a augmenté de 13 %.
Le litre de fioul est passé de 67 à 98 centimes d'euro, soit presque 30 % d'augmentation.
Se chauffer est un besoin essentiel. Vous allez me répondre qu'est prévu le chèque énergie de 200 euros en moyenne, ce qui est déjà bien, mais quand le plein de la cuve coûte 1 830 euros, on est loin du plat pour saucer, comme on dit à la campagne.
Sourires.
Et à la campagne, on se chauffe au fioul.
L'augmentation des pensions de retraite n'aura été, quant à elle, que de 0,3 %. Nous ne voulons pas baisser le prix du fioul au nom de la transition énergétique, mais nous devons donner un coup de pouce à nos retraités les plus fragiles, ceux qui ont déjà fait un effort important l'année dernière – et nous les en remercions. Nous devons leur donner un coup de pouce car nous en avons les moyens.
Vous allez me rappeler, madame la secrétaire d'État, qu'un correctif a été introduit au PLFSS au profit des foyers. Quelques 300 000 foyers ont fait l'objet de…
Merci beaucoup, madame de Courson, je suis désolé mais vous avez largement dépassé votre temps de parole.
Quel est l'avis de la commission ?
Défavorable également.
J'entends, pour certains, qu'il faudrait supprimer l'impôt sur la fortune immobilière pour en revenir à l'impôt de solidarité sur la fortune, pour d'autres qu'il faudrait modifier ce dernier. Or l'IFI devait rapporter 850 millions d'euros alors qu'il va rapporter 1,5 milliard d'euros en un an – j'ai donc tendance à considérer qu'il faut le maintenir.
Je pense même qu'il faut lui donner un petit coup de pouce car actuellement personne n'est gêné pour investir dans l'immobilier puisque jamais on n'a vu les recettes d'un impôt ainsi doubler, en un an, par rapport à ce qui était prévu.
Nous n'avons pas eu d'états d'âme, l'an dernier, pour faire un petit cadeau de 3 milliards d'euros, quand on est passé de l'ISF à l'IFI…
Cela va très bien, chère collègue, et je ne me permettrais pas de m'adresser à vous en vous demandant si vous allez bien ou pas ; alors de grâce, s'il vous plaît, laissez-moi m'exprimer.
Dans tous nos territoires, nous avons entendu des gens nous reprocher d'être allé les chercher avec une hausse de 1,7 % de la CSG alors qu'ils ont des revenus modestes, de petites retraites.
De quoi est-il question ? De quelque 300 millions d'euros. Or nous entendons leur redonner l'équivalent de cette hausse de 1,7 % de CSG, vu que l'inflation est repartie cette année et que le prix de l'énergie s'est envolé. D'accord avec Yolaine de Courson, je pense que nous pourrions faire ce geste grâce à un impôt qui rapporte beaucoup et que paient des gens qui n'ont pas de souci pour investir dans l'immobilier.
Il s'agirait de leur demander un peu plus au titre de la solidarité, pour redonner à nos retraités, j'y insiste, l'équivalent de 1,7 point de hausse de la CSG.
Je pense que quelque chose ne va pas dans ce qui vient d'être dit. En effet, nous ne croyons pas à la théorie des liquides selon laquelle l'économie serait une bouteille d'eau dont on verserait le contenu dans des verres posés dans un cercle fermé. Ce n'est pas parce qu'il y a moins d'eau dans un verre et qu'il y en a plus dans un autre qu'on peut faire des péréquations. Notre politique, c'est l'emploi et l'investissement.
Nous avons fait le choix de transformer l'ISF en IFI ; nous avons fait le choix de redonner du capital investissable à nos entrepreneurs ; nous avons fait le choix de faire financer la protection sociale non pas par les seules personnes qui travaillent mais par tous ceux qui ont des revenus – revenus du capital, pensions de retraite, en effet, et revenus du travail. Nous avons fait le choix du travail, nous avons baissé les cotisations sociales.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Alors non, ça ne va pas ! Ça ne va pas parce que ce que vous dites, monsieur Barbier, ce n'est pas notre intention, ce n'est pas notre ambition, ce n'est pas notre projet. Vous avez au sein de ce groupe votre opinion, nous avons la nôtre et nous voterons contre cet amendement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Vous avez déclaré, monsieur Barbier, que l'IFI était un bon impôt parce qu'il serait performant. Or on ne peut juger un impôt bon ou non en fonction de sa seule performance même si, ici, les recettes ont été supérieures à ce qui était prévu.
L'IFI impose un stock, un patrimoine et non des flux. Or l'immobilier est aujourd'hui le seul stock imposé chaque année. Pourquoi ce stock serait-il plus imposé que les autres ? C'est une vraie question, une question de justice. Certaines personnes touchent de petites retraites après avoir économisé toute leur vie pour avoir un patrimoine, c'est leur choix et l'IFI n'est pas du tout équitable.
Augmenter les taux de l'IFI serait une décision grave : certains paient davantage au titre de l'IFI qu'ils ne payaient au titre de l'ISF, compte tenu du mode de calcul appliqué et en particulier du fait que toutes les dettes ne sont pas prises en considération.
Ces personnes, j'y insiste, sont donc plus pénalisées que lorsqu'elles étaient soumises à l'ISF.
Madame la présidente Rabault, il est prévu que deux orateurs seulement s'expriment sur chaque amendement, comme vous le savez et ainsi que je l'ai rappelé à trois reprises cet après-midi.
Rappel au règlement
Vous n'avez pas fixé la règle au début de nos travaux, monsieur le président.
« Si ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Pardon de vous interrompre, madame Rabault, mais j'ai bien établi cette règle et à deux reprises : à quinze heures et environ une heure plus tard.
Voilà longtemps que je demandais la parole mais vous regardiez vos notes, ce qui du reste est parfaitement légitime. Je souhaite donc pouvoir m'exprimer sur cet amendement.
Après l'article 16
Je vous remercie, monsieur le président. Les précédentes interventions rejoignent certaines préoccupations dont nous avions fait part l'an dernier : des inégalités sont en train de se creuser. Ceux qui ont le plus de patrimoine, les 1 % de Français les plus aisés, paient moins d'impôts – l'Observatoire français des conjonctures économiques l'a constaté, l'Institut des politiques publiques l'a constaté…
Tout le monde voit bien que la répartition des richesses, en France, prend une tournure inquiétante. J'entends que deux députés de la majorité commencent à le signaler et à avoir eux aussi l'impression que les inégalités sont en train de s'accroître du fait, entre autres, de la réforme de la fiscalité de l'an dernier. Je ne reviendrai pas sur le présent amendement mais c'est bien la sortie des titres financiers de l'ISF qui crée une forme d'inégalité – et les sommes équivalentes n'ont pas été réinjectées dans l'économie.
Dans notre budget alternatif, nous sommes favorables à la prise de risque, à la réintégration des titres financiers dans l'ISF, à l'exception de ceux qui portent sur les TPE, les PME et les ETI qui représentent une vraie prise de risque. Ce sera le moyen de réduire des inégalités qui sont en train, je le répète, de se creuser.
L'amendement no 2409 n'est pas adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2019.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures dix.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra