Monsieur le président, mesdames, messieurs les parlementaires, chers amis, en ce qui nous concerne, nous avons voulu travailler selon une méthode que nous nous sommes imposée, dirai-je, après réflexion, en tenant compte du fait que le champ que nous abordons n'est pas uniquement médical. C'est aussi celui du sociologue, du juriste, du philosophe, du psychanalyste. C'est aussi le vôtre, mesdames et messieurs les députés, qui jouez le rôle du législateur et du politique.
Nous avons fait le choix aussi – je pense que c'est une conséquence de ce que notre grand maître vient de vous exposer – de travailler sur des faits. Nous ne sommes effectivement pas des moralistes : notre rôle est d'éclairer, de poser les questions, et je ne suis certainement pas porteuse d'une parole commune. Nos avis peuvent parfois être extrêmement hétérogènes et, sur certains sujets, extrêmement complexes. C'est la raison pour laquelle lorsque nous avons choisi de travailler à la fois sur la fin de vie, sur la PMA, sur la GPA, sur le genre et sur le fait que l'identité sexuelle ne remplit pas en soi tout le champ de ce qui est une personne. Et maintenant nous travaillons cette année sur les troubles mentaux. Je le répète donc : nous partons de faits objectifs. J'appelle aussi votre attention sur le fait que le champ que nous abordons ici est intimement lié aux biotechnologies – mais vous le savez aussi bien que moi. Il n'y a de réflexion bioéthique que dans la mesure où les biotechnologies évoluent sans cesse et permettent de nouvelles possibilités, qui n'existaient pas. Comment donc savoir raison garder face à ces évolutions extraordinaires, qui permettent de rendre la mobilité aux paralytiques, la vue aux aveugles, l'audition aux sourds ? Comment s'en tenir à l'objectif et à la réalité des pratiques ?
En ce qui concerne la procréation médicalement assistée, pourquoi refuser la possibilité d'être mère à une femme parce que son orientation sexuelle la place dans une catégorie spécifique ? Cette question est le point de départ de notre réflexion. Majoritairement, pas unanimement, la réponse a été que la sexualité d'une personne ne doit pas entrer en considération lorsqu'il s'agit de la possibilité qui est accordée aux femmes d'être mères.
Nous nous sommes également souvent posé la question des pratiques des autres membres de l'Union européenne. Des démocraties peuvent avoir des pratiques très différentes. Ainsi, vingt et un pays de l'Union européenne autorisent la PMA, notamment post mortem, quinze pays permettent le don d'embryons. Nous nous sommes posé la question de l'anonymat du don dans les termes qui viennent d'être évoqués par le Droit humain et nous nous sommes interrogés de manière tout à fait pragmatique sur la GPA.
Aujourd'hui, ici et maintenant, la demande des hommes et des femmes du XXIe siècle est d'avoir un enfant génétique, un enfant issu de son patrimoine génétique. Inaudible il y a deux siècles, cette demande peut aujourd'hui trouver une réponse grâce aux évolutions des biotechnologies.
La recherche sur les cellules-souches embryonnaires se penche sur la possibilité de produire des ovocytes, des spermatozoïdes, à partir de cellules-souches. Et je répète que c'est une demande de l'homme et de la femme modernes.
Évidemment, quand les partenaires sont deux hommes, il faut nécessairement utiliser les spermatozoïdes de l'un des deux et les ovocytes d'une femme.
La question qui se pose avec la GPA, c'est donc aussi la question suivante : jusqu'où peut-on aller pour avoir un enfant ? Les biotechnologies apportent des réponses extrêmement concrètes.
Les études menées dans les pays qui autorisent la grossesse pour autrui, notamment l'étude du professeur Golombok, montrent qu'un enfant issu de la GPA est un enfant comme les autres, avec les mêmes enjeux, les mêmes difficultés. Les relations entre les mères porteuses et les parents d'intention ne sont pas toujours celles que l'on imagine. Sur certains points, la réalité des faits est rassurante.
J'appelle cependant votre attention sur le risque de dérives, auquel chacun doit être attentif. Je songe notamment à l'exploitation de femmes dans les pays en voie de développement. En matière de don d'organes, nous constatons une exploitation éhontée des habitants des pays pauvres. Ce n'est pas une raison suffisante pour interdire le don d'organes, mais cette question se pose également pour la GPA. Je n'apporte pas une réponse définitive ; ce sont des questionnements.
Quant aux technosciences, aujourd'hui, on peut soigner les grands brûlés avec de la peau tirée de la culture de cellules-souches. Cela pose la question de l'utilisation de l'embryon – c'est là que l'on trouve plus le plus facilement les cellules-souches – et de la recherche sur celui-ci. Par ailleurs, on peut créer des organes tels que le coeur ou les poumons à l'aide d'imprimantes 3D.
Tout récemment aux États-Unis, un paraplégique a pu remarcher à la suite de l'implantation d'une électrode – l'hebdomadaire L'Express l'a évoqué. La question de la régulation mais aussi une approche comparée nourrissent donc nos débats.
Aujourd'hui, cette question de la régulation est, je pense, au coeur de votre réflexion. Jusqu'où l'État doit-il réguler ? Comment et pourquoi ? Et qui doit-il protéger ? En la plupart de ces matières, y compris en ce qui concerne la fin de vie, nous sommes très sensibles à la question de la liberté de choix. Les lois de bioéthique sont des lois qui ouvrent les portes des portes que chacun choisit de franchir, ou pas.
Et ce n'est pas parce que l'on pratiquera et autorisera la PMA que toutes les femmes voudront utiliser cette méthode. Toutes les statistiques démontrent que la bonne vieille méthode pour faire des enfants reste majoritaire, à la grande satisfaction de la plupart, mais il y a des détresses dont il faut tenir compte : des femmes naissent sans utérus, d'autres sont privées de la possibilité d'avoir des enfants, à la suite d'un cancer. Il ne faut pas être aveugle à cette détresse ni sourd à cette demande.