J'ajouterai quelques mots sur la question des principes et des objectifs qui peuvent sous-tendre la loi sur la bioéthique, étant rappelé, comme l'a dit Christiane Vienne, que la réflexion lucide sur la bioéthique, tout semble devoir partir des faits, de la réalité et non pas des fantasmes. Pourquoi ? Parce qu'il n'existe pas une nature humaine singulière éternelle écrite dans les cieux ou les astres et parce qu'aucun être humain ne doit être assigné à une place déterminée, parce que la recherche d'humanité est à la fois permanente et infinie. Une prise de hauteur, c'est ce que nous attendons des lois de bioéthique, matière qui doit être envisagée de manière laïque et rationnelle. La démarche scientifique qui procède par tâtonnements, par correction d'erreurs et remise en cause permanente des structures et méthodes de la science est indispensable à l'amélioration des conditions de vie biologique des individus, en permettant de lutter contre la faim et la malnutrition, en prévoyant les réactions des organismes par l'étude des protéines, en assurant des greffes sans rejet.
Cette approche demeure trop largement mise à l'épreuve, par la persistance d'un certain paternalisme à l'égard des patients, par une forme de dogmatisme persistant à l'égard du modèle familial, par une forme de dérive pouvant consister à transformer des principes juridiques en principes idéologiques, comme c'est parfois le cas du principe de dignité.
Sur le plan de la méthode, nous estimons que le procéduralisme éthique sous-tendant l'élaboration de la loi de bioéthique est susceptible de contribuer à la réappropriation du politique par le citoyen, par un dialogue pluraliste, interdisciplinaire et interculturel et dans le cadre d'un débat ouvert à un regard sur l'international. Nous relevons cependant que la participation aux États généraux de la bioéthique reste faible eu égard à l'importance des sujets, certains courants de pensée semblant même surreprésentés.
Par ailleurs, ce procéduralisme éthique ne nous semble pas devoir déboucher sur une forme d'immobilisme, au motif qu'il n'atteindrait pas un consensus. Il existe en effet des désaccords fondamentaux qui doivent être surmontés et dépassés, en arrimant le débat bioéthique dans un cadre opérationnel et non métaphysique.
S'agissant de la vision pour le futur, pour reprendre les termes de l'avis du CCNE, il nous semble primordial de renforcer l'esprit critique du citoyen, notamment par le biais d'une formation solide dès le collège, de considérer sérieusement la problématique des conflits d'intérêts grâce à des déclarations publiques des liens d'intérêts des professionnels intervenant dans des enseignements ou des colloques, de restaurer l'idéal de connaissances en réalisant des investissements massifs en matière de recherche, de conserver une dynamique d'émancipation et de progrès qui remonte déjà à plusieurs siècles et, en guise de conclusion provisoire, de se projeter avec confiance en l'avenir, en évitant l'heuristique de la peur, selon les mots de Hans Jonas, avec vigilance et sens des responsabilités.