Je tiens à remercier tous les intervenants pour leur présentation de grande qualité et leur réflexion très aboutie. Vous avez parlé, les uns et les autres, du respect des valeurs humanistes, qui guide seul votre réflexion, sans autre a priori. Par ailleurs, vous avez dénoncé un certain paternalisme qui perdure dans nos institutions et notre société, et qui est très mal vécu par nos concitoyens. Les maçons ont toujours été présents dans les avancées sociétales : abolition de la peine de mort, légalisation de la contraception et de l'interruption volontaire de grossesse, dons d'organes pour la transplantation ou encore recherche sur les cellules souches embryonnaires. Il était donc naturel que nous vous écoutions sur les questions de procréation, d'accès aux origines et de génétique notamment. Nous vous entendrons plus tard également, lorsque nous légiférerons sur la question de la fin de vie, puisque, selon la tradition française, ce sujet n'est pas inclus dans la loi de bioéthique, mais dans une loi distincte.
Vous vous êtes montrés très largement favorables à l'extension de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes, assortie d'une clause de conscience pour les médecins ou ceux qui ne voudraient pas s'associer à une telle mission et la délégueraient à un confrère. Comment percevez-vous l'attitude de certaines associations et de la Conférence des évêques de France, opposés à l'ouverture de la PMA voire à la PMA elle-même, pour certains, qui refusent de respecter la clause de conscience des nombreuses femmes et des nombreux médecins qui veulent cette extension ? Ne devrait-il pas y avoir un respect de la clause de conscience dans un cas comme dans l'autre : dans celui où la PMA est étendue, pour ceux qui ne veulent pas l'étendre et, si elle n'est pas étendue, pour ceux qui veulent malgré tout y recourir ou la pratiquer ?
Ma deuxième question concerne les tests génétiques. Je pense que la France est le ou l'un des pays au monde où l'accès aux tests génétiques est le plus restreint. Cet accès est limité pour les adultes, puisque le test doit être prescrit par un médecin dans des conditions très définies. Il est également limité pour les nouveaux nés, le nombre de maladies diagnostiquées à la naissance étant moindre que dans la plupart des pays développés. Cela entraîne des retards de diagnostic et de traitement de maladies qui auraient été mieux prises en charge si elles l'avaient été dès la naissance – ou pendant le diagnostic préimplantatoire (DPI). Le professeur Nisand nous a rapporté récemment le cas, qui fait frémir, d'une femme qui avait bénéficié d'un diagnostic prénatal pour détecter une maladie génétique et très grave, mais qui n'avait pas eu le droit de bénéficier d'une recherche de trisomie 21. La femme a mis au monde un enfant exempt de la maladie génétique présente dans la famille – la probabilité étant de 25 % - mais atteint d'une trisomie 21 qui aurait très bien pu être dépistée.
Dans ce cas-là, ne devrait-on pas avoir une vision un peu moins restrictive de ces diagnostics ? Ceux qui s'y opposent parlent d'eugénisme. Je trouve étonnant que l'on utilise ce terme quand il s'agit de faire de la prophylaxie de maladies très rares et très graves. Cela n'a rien à voir avec l'eugénisme de masse, l'eugénisme d'État tel que le préconisait Alexis Carrel ou d'autres eugénistes du XXe siècle, qui vise à transformer l'espèce humaine et la génétique, et à faire naître des personnes ayant telles ou telles caractéristiques. J'ajoute que la définition de l'eugénisme ne permet pas d'inclure la prophylaxie de ces maladies.
Nous sommes donc là en dehors de l'eugénisme, et on ne devrait pas exclure à ce titre l'extension des diagnostics de DPI pour faire la prophylaxie des maladies les plus graves.
J'aimerais avoir votre vision sur ces deux points.