Merci, mesdames et messieurs, pour votre présence et vos discours, auxquels je suis particulièrement sensible. Je sais que vous êtes des individus infiniment respectueux de la pensée et de la réflexion de l'autre, et que vous savez mieux que personne qu'il n'y a aucune vérité. Mais précisément, à partir du moment où il n'y a aucune vérité, j'ai envie de brandir la pancarte « principe de précaution » !
Je vous ai entendu opposer connaissances et croyances. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Vous préférez une connaissance éclairée aux croyances obscures, mais je crois savoir que vous avez des croyances obscures dans vos rangs ? Et c'est tant mieux parce qu'on respecte tout le monde dans ce pays laïque.
Maintenant, l'extension de la PMA à des couples de femmes ne viendrait pas pallier une infertilité, mais une impossibilité biologique. Cela m'amène à m'interroger sur l'homme augmenté, non pas dans son intelligence, mais dans ses possibles : va-t-on passer de l'homme réparé à l'homme augmenté dans ses possibles ? On sait bien que c'est la porte ouverte à tout. Et là, je ne sais pas où est la connaissance éclairée et où est la croyance obscurantiste. N'est-ce pas une croyance étrange que de se croire surpuissant ?
Au-delà de toutes les croyances, si l'extension de la PMA à toutes les femmes réduit et supprime effectivement une inégalité entre hétérosexuelles et homosexuelles, elle en instaure une nouvelle : l'inégalité entre les hommes et les femmes. Je me bats évidemment pour l'égalité de tous, et je ne vois pas au nom de quoi – je ne suis pas en train d'agiter un chiffon rouge ni d'exciter les gens dans la rue – les hommes ne diront pas : « Et nous ? ». Ce serait tout à fait normal, d'autant que la seule raison invoquée par le CCNE pour justifier l'extension de la PMA, c'est la souffrance. Or les hommes souffrent autant. Honnêtement, au nom de l'égalité, comment empêcherons-nous la GPA ? C'est absolument impossible.
Au nom de cette même égalité, moi qui ai aussi quelques « heures de vol », chère madame (Sourires), j'ai un peu le sentiment qu'on évince une moitié de la population. Comme je l'ai souvent dit en tant que femme, on a fait fi de la moitié de la population : nous ne votons que depuis 1948, nous ne pouvons signer des chèques, travailler et avoir un compte en banque sans l'autorisation de ces messieurs que depuis 1965. Et jusqu'à 1982 – c'était hier – le foyer fiscal était au nom du mari, qui seul pouvait signer la déclaration de revenus, étant considéré comme le chef de famille. J'ai grandi dans cet environnement, où les femmes étaient niées, en tout cas ignorées. Et aujourd'hui, nous allons faire la même chose à ces messieurs au nom de l'égalité ! Cela me semble incohérent, et j'ai du mal à l'accepter.
Quid de la vulnérabilité ? J'observe que nous sommes en train de parler de l'avenir d'enfants qui ne sont pas nés, ce qui est tout de même extraordinaire – alors que nous n'arrivons pas à parler de l'avenir d'enfants déjà nés. Bien sûr que les enfants se développeront normalement – pour qu'un enfant se développe, il suffit de le nourrir. Le problème n'est pas là. Mais j'aimerais tout de même que l'on parle de ces enfants. Jusqu'où doit aller dans une conquête de droits et de libertés. Jusqu'où doit aller le désir (d'enfant) ? Est-ce que tout désir à vocation à être assouvi ? Est-ce au médecin de l'assouvir ? Est-ce parce que c'est possible qu'on doit le faire ?
J'ai entendu, lorsqu'on a évoqué la Conférence des évêques de France, tout le monde parler de « morale ». Je ne suis pas là pour défendre qui que ce soit, mais je ne pense pas qu'il faille voir de la « morale » partout. Évidemment, l'Église est dans un pays laïc et se soumet au législateur. Mais elle est là pour ouvrir les consciences, et c'est tout.