Nous sommes assez heureux de l'extrême pluralisme de nos membres en matière spirituelle et religieuse, car ce pluralisme est évidemment fécond, pourvu qu'il soit respectueux.
Il a été question tout à l'heure d'égalité des sexes, mais l'égalité ne signifie pas l'identité : un homme n'est pas une femme, et une femme n'est pas un homme. Si un couple fait de deux femmes peut imaginer que l'une d'entre elles, et peut-être alternativement, porte un enfant, il est évident qu'un couple d'hommes ne peut pas voir l'un des deux participants au couple porter l'enfant. Dans ce cas, ou bien on imagine de faire porter l'enfant par autrui, ce qui pose la problématique de la GPA, ou bien on imagine l'adoption par un couple fait de deux hommes autrement qu'on ne le fait aujourd'hui, de manière à satisfaire un légitime besoin de paternité qui ne peut pas s'exprimer biologiquement.
Vous nous avez interrogés sur la question d'un modèle de société unique. Unique ne veut pas dire uniforme. La loi tend à créer et à faire évoluer un modèle de société, mais elle doit tenir compte, ce que vous avez exprimé par vos questionnements, comme nous l'avons fait aussi par nos réponses, des fragilités, des besoins et des désirs de chacun, en même temps que de l'évolution des techniques et des idées, de ce que l'on voit se pratiquer ailleurs et de l'opinion que l'on recueille ici ou là. Ce n'est donc pas un modèle uniforme, mais évolutif. Je reviens à la question posée par le président de votre mission au tout début de cette réunion : il nous semble qu'une révision tous les deux ou trois ans n'aurait pas de sens, car il faut le temps que ces choses-là soient réfléchies et mûries, et qu'une révision tous les dix ou quinze ans n'aurait pas de sens non plus, parce que les technologies évoluent très rapidement, peut-être trop, selon certains, pour qu'on ait le temps de les intégrer. Le rythme actuel d'une révision tous les cinq ou sept ans correspond à des chiffres auxquels les maçons sont sensibles par tradition : le rythme choisi par la République nous paraît excellent.
J'en viens à la place de la médecine dans le parcours de vie. Ceux d'entre nous qui sont des professionnels de santé savent que la médecine est fondamentalement un outil au service de chaque individu en souffrance et de la société, et pas davantage qu'un outil. Il est important que la société, au travers du législateur, en ce qui nous et vous concerne, mette de l'éthique dans l'utilisation de l'outil. Ce n'est pas aux médecins de décider dans quel cadre éthique ils vont intervenir, même s'ils peuvent apporter leur concours, à travers ce qu'ils observent : on a ainsi entendu quelques-uns de mes collègues et confrères faire part de ce qui ressort de leurs pratiques et de leur confrontation avec le désir, le besoin et la souffrance des parents ou des enfants. Il est essentiel que la société, qui délègue aux professionnels de santé la tâche de s'occuper de la souffrance et de la demande en matière de santé, de vie et de mort, aille au bout du cadre dans lequel elle souhaite que l'outil médical, au sens large du terme, soit utilisé. Nous sommes extrêmement sensibles au fait d'avoir été sollicités, avec d'autres, pour éclairer votre réflexion, mais c'est finalement à vous de fixer les limites du jeu.