Intervention de Guillaume Chiche

Réunion du jeudi 27 septembre 2018 à 8h45
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Chiche :

Merci à tous pour vos témoignages. Vous avez eu l'amabilité et la sincérité de resituer la logique dans laquelle vous prenez la parole ce matin et je crois qu'il est bon pour nous de faire de même, ne serait-ce que pour la clarté de l'interaction que nous pouvons avoir.

Nous devons apporter des réponses à des questions qui se posent à un instant « T », sans mépriser l'histoire. Il faut s'appuyer sur elle, sur les connaissances et les travaux scientifiques, mais sans engager l'avenir autrement que dans les limites de nos propres responsabilités, à savoir le mandat qui nous a été confié. Nous ne sommes pas là pour inscrire dans la loi des principes ou des règles absolument immuables : nos enfants et nos petits-enfants, qui nous succéderont, auront toute liberté pour revenir sur ce que nous avons fait ou pour approfondir.

En ce qui concerne la procréation médicalement assistée, je crois profondément que l'accès à cette pratique, éprouvée depuis plus de trente ans, fait aujourd'hui l'objet d'une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et le statut matrimonial. Au nom de l'égalité des droits et du principe de non-discrimination dans l'accès aux pratiques médicales, il est absolument indispensable d'ouvrir une possibilité pour toutes les femmes.

Une question presque connexe a été évoquée : celle du remboursement ou de la prise en charge par la sécurité sociale. Je crois qu'il y a trois éléments à prendre en compte. Tout d'abord, il faut veiller en supprimant une discrimination à ne pas maintenir une inégalité. À l'heure actuelle, il y a des femmes qui recourent à la PMA à l'étranger : ce sont, par construction, des femmes qui ont les moyens nécessaires pour aller à l'étranger afin d'accéder à cette pratique médicale. Dans quel monde vivrait-on si l'on disait demain aux femmes concernées qu'elles peuvent accéder à une pratique médicale en fonction de leurs capacités financières, car la sécurité sociale n'est pas là pour les accompagner dans leur démarche ?

Le deuxième élément est qu'il faut passer de la loi actuelle, et peut-être même de l'idéologie, à la pratique. Un quart des 25 000 PMA pratiquées en France ne sont pas prescrites sur le fondement d'une infertilité biologique constatée. La question de savoir si la sécurité sociale doit prendre en charge des actes ne faisant pas suite au constat médical d'une infertilité biologique est, en réalité, déjà résolue : c'est actuellement le cas pour un quart des PMA prescrites. Pourquoi irions-nous encore créer un régime d'exception sur le fondement de l'orientation sexuelle ou du statut matrimonial ? Je crois que ce ne serait pas raisonnable. Enfin, nous sommes là pour représenter la volonté populaire : les Français nous ont confié un mandat en se défaisant de leur propre pouvoir de décision pour l'adoption des lois qui vont organiser leur vie. C'est à ce titre que nous sommes là et que nous légiférons. Je crois qu'il y a une véritable attente en ce qui concerne la PMA. Nous devons y répondre en élargissant l'accès à cette pratique et en la faisant prendre en charge par la sécurité sociale.

J'entends les interrogations de notre président, que je partage, sur l'éthique de la vulnérabilité et, au-delà, la question qui se pose dans l'opinion, avec la mobilisation de certains partis politiques, à la faveur des États généraux de la bioéthique, qui sont conduits pas le CCNE, et des manifestations populaires de ces derniers temps, sur l'émancipation et la construction psychologique de l'enfant dans un environnement familial ne comportant pas de père – ce que l'on appelle vulgairement la « PMA sans père ». Je m'efforce d'être pragmatique : je n'ai pas la prétention de maîtriser toutes les données scientifiques, mais j'essaie d'en prendre connaissance, notamment les travaux menés à l'université de Cambridge qui ont été cités tout à l'heure. Ces travaux montrent, à l'issue de plus de trente ans d'études, qu'il n'y a pas d'écueil dans la construction de l'enfant au sein d'une famille monoparentale ou homoparentale : l'écueil éventuel est celui de la représentation sociétale, c'est-à-dire les attaques dont les enfants peuvent être victimes dans leur environnement, scolaire ou autre. Il faut en préserver les enfants le plus possible, plutôt que de faire obstacle à leur arrivée sur terre.

Quand on me dit qu'il faudrait, au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant, ne pas institutionnaliser son arrivée dans des environnements familiaux sans père, je réponds qu'il faut aller jusqu'au bout de la logique. Quelle est la solution, en effet ? Que va-t-on proposer ? Je crois malheureusement que cela revient à dire à ces enfants à venir que l'on préfère faire obstacle à leur arrivée sur terre, malgré la volonté déterminée de leurs mères de les enfanter. On parle très souvent d'enfants qui pourraient souffrir de l'absence d'un père, mais si l'on s'oppose à leur venue même, dans quelle logique intellectuelle s'inscrit-on, étant entendu que la femme désire l'enfant ?

Voilà ce que je voulais partager avec vous, même si ce ne sont pas tant des questions que des réflexions – elles appelleront peut-être des réactions.

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