Au nom du pluralisme des conceptions que j'évoquais tout à l'heure, il va de soi que l'opinion des évêques est forcément la bienvenue. Elle est importante pour le débat et le pluralisme des idées auxquels nous sommes tous attachés. Parmi nous, il y a des croyants fervents et des non-croyants tout aussi fervents, et c'est tant mieux !
Concernant les données de santé, nous l'avons écrit et je le redis : nous sommes opposés à leur exploitation marchande, au bénéfice de telle ou telle idéologie, ou pour tel ou tel profit commercial. Pour autant, des données colossales sont recueillies – en particulier par l'assurance maladie en France. On peut en tirer énormément pour faire avancer la connaissance. Malheureusement, la communication est insuffisante. L'assurance maladie les garde sous le coude et ne diffuse qu'une toute petite partie d'entre elles. Elle ne recueille d'ailleurs que celles qui peuvent servir son objet – financer les soins – alors que, si le recueil était mieux géré et l'ensemble des informations mieux diffusé, la science pourrait avancer ! Nous sommes très en retard en ce qui concerne l'épidémiologie et la prévention. Bien entendu, le respect absolu du caractère privé des données individuelles est un préalable, seule l'analyse des données de masse ayant un sens.
Sur l'anonymat du donneur, certaines publications récentes le soulignent : chaque enfant doit pouvoir exprimer cette demande de connaissance de ses origines, à condition que le donneur ait indiqué au moment de son don qu'il n'était pas opposé à ce que son identité soit divulguée. On pourrait imaginer ne pas accepter de dons qui ne respecteraient pas ce critère, mais ce serait peut-être aller trop loin ?
Doit-on garantir à tous l'accès à ce progrès médical ? Certainement, sous réserve d'une légitimité médicale, psychologique ou sociale. La légitimité psychologique ou sociale est souvent formalisée, mais chaque demande devrait être évaluée collégialement. Dans ce cas, naturellement, si la collectivité reconnait la demande comme légitime, et même si le bénéfice est individuel, il ne peut pas y avoir de discrimination dans l'accès et la prise en charge. Je précise que cette réponse n'engage que moi, car nous n'avons pas élaboré de réflexion collective sur ce sujet.
Il est clair que le fait que les deux parents soient de genre différent n'est pas une garantie d'amour. À l'inverse, deux parents de même genre peuvent tout à fait avoir une vie conjugale ou maritale sans vie sexuelle. Cela peut parfaitement se concevoir et c'est totalement légitime. Si ces parents expriment un désir de parentalité, l'éducation de leur enfant sera de qualité au moins équivalente à celle de parents de genre différent qui seraient en conflit permanent.
Votre dernière question est sans doute la plus intéressante au plan de l'éthique : la loi doit-elle anticiper ? Vous êtes élu pour un mandat dont le terme est fixé par la Constitution. C'est sans doute malheureux pour nous, comme pour vous. Les lois de bioéthique sont révisables, mais les réviser trop vite n'a pas de sens ; de même, ne pas les réviser serait ridicule. La loi doit édicter les règles de la société que l'on peut très raisonnablement anticiper.
Nous avons été nombreux à employer le mot « sagesse » au cours de ces débats. Nous sommes effectivement attachés à la sagesse : nous devons anticiper raisonnablement et avec sagesse les évolutions prévisibles et vraisemblables. Par exemple, nous avons évoqué le dépistage génétique, son coût et les technologies utilisées, de même que le recueil et les moyens d'analyse en masse des données de santé. Nous avons de bonnes raisons d'anticiper ce qui est vraisemblable pour les quatre à sept ans à venir. Cela me semble un terme raisonnable.
La loi s'applique dès sa promulgation et sa durée de vie moyenne est liée aux progrès de la science ou aux évolutions sociétales. Il faut donc anticiper, mais raisonnablement et avec sagesse.