Intervention de Nathalie Rives

Réunion du mercredi 3 octobre 2018 à 9h45
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Nathalie Rives :

Je vais répondre à votre première question et Florence Eustache à la deuxième. Nous avons régulièrement, lors de congrès scientifiques, des contacts avec ces banques étrangères, qui sont toutes dans l'attente de connaître les éventuelles modifications de la loi française. Cryos, dans un courrier récent, déplore de ne pas pouvoir, de manière légale, exporter vers la France les paillettes conservées dans sa structure.

Pourrait-il y avoir infiltration du circuit français par les lois du marché ? Si l'on supprime la gratuité du don et que l'on passe à un système de don rémunéré, il est tout à fait possible que ces banques s'installent en France. Cela serait toutefois soumis à la nécessité d'autorisation. Le contrôle de ces autorisations s'effectue via les agences régionales de santé (ARS), avec une validation de l'Agence de la biomédecine. Nous savons que les dispositifs d'autorisation de nombreuses activités médicales sont en cours de révision, y compris celles intervenant dans le domaine de l'AMP. Un contrôle pourrait donc être effectué par l'administration, visant à ne pas autoriser ce type d'installation. Il ne nous appartient toutefois pas de le dire, mais à l'administration de le prévoir.

Je puis en tout cas vous affirmer que ces banques étrangères sont en attente et en demande de pouvoir exporter légalement leurs paillettes vers la France. Je vous avoue que je n'y suis guère favorable, pour des raisons qui ne tiennent pas uniquement à l'aspect financier. Quel nombre de naissances peut-on par exemple accepter pour un donneur ? En France, il est limité à dix, afin notamment de limiter les possibilités de rencontres entre des apparentés conçus par don. Cela a été évalué de manière réelle, par des généticiens des populations. Or la banque Cryos ne se préoccupe absolument pas de cet aspect et adapte ce nombre à la législation de chaque pays dans lequel elle exporte ses paillettes. Or certains pays ne disposent d'aucune législation en la matière et il n'existe bien souvent aucun retour sur l'ensemble des utilisations. Un donneur de la banque Cryos peut donc avoir 200, 300 ou 400 enfants conçus à partir de ses spermatozoïdes. Cela dépasse selon moi l'acceptable et m'apparaît comme de la démesure. Certains choix en termes de qualité et d'attribution des paillettes sont également discutables. Ces banques ne se préoccupent par exemple absolument pas de l'âge des femmes auxquelles elles adressent des paillettes. Imaginons une femme de 53 ans commandant des paillettes pour s'auto-inséminer : il est inutile de les lui vendre. Ces banques ne s'inquiètent pas de savoir si, sur le plan médical, il existe un risque éventuel à ce que les femmes qui s'adressent à elles soient enceintes. Elles ne se préoccupent pas de savoir si les conditions requises pour une grossesse sont réunies.

Si des modifications interviennent dans la loi française quant aux conditions d'accès au don, nous, professionnels, souhaiterions que soit interdite l'importation de paillettes de l'étranger pour le don en France, bien que cela apparaisse comme une solution facile pour éviter la pénurie qui ne manquera pas de survenir alors. Il faut anticiper et déployer une démarche efficace, stratégique, afin de ne pas avoir à envisager cette possibilité.

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