Je tiens à souligner tout d'abord que tout le monde connaît et reconnaît la qualité et la rigueur du travail effectué par les CECOS. Ce n'est évidemment jamais remis en question, car le bienfait en est manifeste.
J'ai cependant une question sur la démarche, qui reflète un état d'esprit spécifique à notre pays : depuis l'origine, votre travail s'est fondé sur des principes a priori, qui se sont heurtés à la réalité. Or cela n'a pas nécessairement été suffisamment observé avec tout le pragmatisme voulu. Prenons les deux principes essentiels que sont le secret et la gratuité. Dès l'origine, s'est affirmée la volonté que le secret soit quasi absolu, cherchant en définitive à protéger plutôt le père d'intention et son souhait de ne pas faire connaître son infertilité, qu'à répondre au besoin psychologique de l'enfant. On se rend compte aujourd'hui que ce n'est pas tenable, d'abord parce que certains enfants peuvent retrouver, par des moyens scientifiques, leur père biologique, mais aussi parce que chacun perçoit la nécessité, pour tout enfant, de connaître la vérité sur ses origines. Tout le monde s'accorde désormais sur le fait que, avant même l'adolescence, ces enfants doivent avoir des notions sur les conditions de procréation dont ils sont issus et, plus tard, bénéficier d'une forme d'accès à leurs origines, qui ne suppose pas forcément un contact avec leur père biologique, mais peut consister en des données non identifiantes. Tout cela correspond à un besoin, à une nécessité pour le développement. Pourquoi, selon vous, ce besoin de protéger le secret a-t-il prévalu pendant si longtemps, alors même que la demande d'accès aux origines émergeait ? Je me souviens que la même question s'était déjà posée lors de précédentes révisions de la loi de bioéthique et avait été balayée d'un revers de main, comme si l'on sous-estimait la capacité des enfants à s'adapter à la vérité. Or nous savons que chaque enfant est susceptible de s'adapter à diverses situations, pour peu que des explications lui soient données, avec des mots correspondant à son âge. Pourquoi ne pas avoir privilégié l'intérêt de l'enfant par rapport à celui du père d'intention ?
Si l'on va, en pratique, dans des conditions à définir, vers un meilleur accès aux origines, comment gérer la situation de tous ceux qui ont été donneurs auparavant, dans un contexte dans lequel ce secret prévalait ? Seriez-vous d'accord pour redemander à tous les hommes qui ont donné des gamètes s'ils accepteraient que des indications les concernant soient éventuellement transmises aux enfants issus de leur don ?
Vous avez évoqué la pénurie de gamètes. Pourquoi si peu de campagnes sont-elles organisées pour recruter de nouveaux donneurs ? Pourquoi sont-elles si peu largement répandues ? Comment imaginez-vous de les mener à l'avenir ? Pensez-vous que cette mission doive vous incomber, éventuellement conjointement avec d'autres organismes ? Comment obtenir une meilleure adéquation entre l'offre et des besoins qui vont aller croissant ?