Intervention de Nathalie Rives

Réunion du mercredi 3 octobre 2018 à 9h45
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Nathalie Rives :

Je pense qu'il existe souvent une confusion entre secret et anonymat. Lors des précédentes révisions, la décision prise ne concernait pas le secret, mais bien le maintien de l'anonymat des donneurs. Contrairement à ce que vous avez indiqué, nous insistons, dans nos pratiques – au moins depuis 1994, date avant laquelle je n'étais pas présente dans ce dispositif et ne puis donc témoigner –, lors de la rencontre du médecin puis du psychologue avec les couples, sur l'importance d'informer l'enfant de son mode de conception. Certains couples refusent d'emblée cette idée ; nous travaillons alors avec eux pour les aider à évoluer dans leur démarche, même si nous ne pouvons bien évidemment pas les contraindre à dire la vérité à l'enfant. Nous respectons leur vie privée, tout comme est respectée la vie privée de tous les couples qui procréent, quel que soit le mode de conception, spontané ou non. Les CECOS ne sont absolument pas favorables au secret et incitent toujours les parents à informer les enfants de la réalité de leur mode de conception. Par ailleurs, il convient de souligner que les données publiées dans les études internationales ne portent que sur l'intention d'informer des parents ; aucune n'a jamais été menée sur de grandes cohortes, en France comme à l'étranger, pour vérifier directement auprès des enfants la réalité de cette information. Nous insistons pour que l'enfant reçoive cette information ; mais personne ne peut à l'heure actuelle vérifier que cela se traduit effectivement dans les faits.

La formule « père biologique » me dérange : le donneur donne des spermatozoïdes, la donneuse des ovocytes, mais ils ne donnent pas d'enfant. La question est un peu différente lorsqu'il s'agit d'accueil d'embryon. Les donneurs et donneuses de gamètes ne souhaitent absolument pas devenir pères et mères des enfants qui seront issus de leurs dons.

Les données non identifiantes ont leur intérêt dans une perspective d'évolution du système, visant à humaniser le don. Cela concerne évidemment les enfants qui s'interrogent sur leur donneur, mais aussi les donneurs qui nous demandent parfois si des enfants ont été conçus à partir de leurs dons. Les demandes des enfants conçus à partir d'un don et qui, devenus adultes, réclament la levée de l'anonymat, ne portent pas nécessairement sur l'identité du donneur. J'ai participé la semaine dernière à un colloque organisé par l'association « PMAnonyme » et ai pu échanger avec nombre de ces jeunes adultes. Nous les rencontrons par ailleurs régulièrement dans nos structures et je puis vous dire que révéler l'identité du donneur ne répondra pas à la majorité des interrogations qu'ils expriment, qui tournent souvent autour de la conception et, de plus en plus, de la volonté de connaître d'autres enfants issus du même don et grandissant dans d'autres familles. Il me semble essentiel de respecter la vie privée de chacune des familles ayant eu des enfants grâce à un don. Certains peuvent en effet avoir envie de se rencontrer, d'autres pas. Le dispositif mérite donc selon moi d'être maintenu en ce sens.

Vous avez évoqué la question de la rétroactivité d'une éventuelle levée de l'anonymat des donneurs et la possibilité de réinterroger les anciens donneurs à la lumière de ces nouvelles conditions. Je puis vous dire que cela ne fait pas appel uniquement à la loi de bioéthique, mais aussi au code de déontologie médicale et à notre rôle de médecin. Lorsque nous avons rencontré ces donneurs, nous leur avons fait signer un consentement et nous sommes engagés à respecter l'anonymat qui leur était alors garanti. Je ne vois pas comment nous pourrions revenir sur cette parole donnée. Si des changements réglementaires interviennent, ce ne sont assurément pas les professionnels de santé qui recontacteront les donneurs : cette approche fait l'unanimité au sein de la Fédération des CECOS. Si l'Etat demande d'entrer à nouveau en contact avec les anciens donneurs, alors il lui appartiendra de gérer cette démarche. Cela se heurterait en outre à des difficultés pratiques : il est tout d'abord probable que l'adresse laissée par un homme ayant procédé à un don de sperme trente ans plus tôt ne soit plus la bonne. Imaginez par ailleurs que ce donneur soit décédé et que le courrier parvienne à sa femme ou à ses enfants, alors que ceux-ci n'auraient pas été informés de sa démarche, ainsi que la loi le permet. Cela risquerait de faire plus de mal que de bien, uniquement pour défendre l'intérêt de l'enfant conçu par don. Je puis en tout cas vous dire que si des modifications en ce sens sont introduites dans la loi, nous ne serons pas ceux qui les mettront en oeuvre.

Peu de campagnes d'information ont en effet été menées sur le don de gamètes. Je pense qu'il est écrit dans les textes que cela relève des missions de l'Agence de la biomédecine. Dès lors que les CECOS ont été intégrés en 1992 dans les structures publiques, il ne leur a plus été permis d'effectuer ces informations. En 1994, il a été clairement indiqué qu'il appartenait au ministère de la santé de mener ces campagnes d'information. La première d'entre elles a été effectuée en 1998, à notre demande, car nous avions constaté une chute drastique du nombre de donneurs. Désormais, l'Agence de la biomédecine organise, annuellement ou de manière bisannuelle, des campagnes d'information, que nous relayons sur le terrain ; mais jusqu'à preuve du contraire, nous sommes majoritairement des médecins et ne disposons que de peu de temps pour gérer cet aspect de communication. Les services de communication des hôpitaux n'ont pas non plus les moyens adaptés pour réaliser une communication efficace, d'où notre proposition de créer des équipes de coordination du don, incluant un professionnel de la communication qui s'assurerait localement de l'existence d'une communication permanente autour de ce sujet.

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