Je vais répondre aux questions sur les indications de l'AMP et le fait qu'un quart des AMP réalisées ne seraient a priori pas justifiées. Il me semble très difficile de donner un chiffre. Je pense qu'en France, les critères définis par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sont respectés dans la majeure partie des cas : un couple ayant des rapports non protégés pendant un an sans conception peut bénéficier d'une exploration d'infertilité et d'un recours à une AMP si des éléments le justifiant sont mis en lumière.
Nous recevons par ailleurs des couples pour lesquels l'infertilité n'est pas pathologique, mais liée au vieillissement, c'est-à-dire à l'âge de la femme au moment du choix de la conception : on pourrait alors considérer que l'AMP n'est pas justifiée, car non susceptible de donner des résultats beaucoup plus intéressants que des essais de conception spontanée. Cela souligne l'importance, dans l'accompagnement de ces changements, de faire des campagnes d'information sur l'âge physiologique de la conception chez les garçons comme chez les filles. Il est important d'informer les jeunes, y compris dans les universités et les formations médicales, sur le moment le plus adapté pour la conception et la baisse de la fertilité avec l'âge.
Le fait que des AMP ne soient pas justifiées pourrait également signifier qu'on les pratique tout en sachant que les chances de succès sont très faibles. Peut-être cela se produit-il parfois ; mais la proportion d'un quart me semble élevée.
Une autre problématique concernait le projet d'enfant chez les femmes seules. Nous ne sommes pas opposés à la prise en charge des femmes seules dans le cadre de la conception d'un enfant, mais avec certaines réserves dans la mesure où ces femmes vont devoir mener une grossesse seules et en affronter seules les éventuelles difficultés. Nous nous plaçons donc sur le plan médical : si l'on étend l'accès de l'AMP aux femmes seules, il faut s'assurer d'une part que le projet d'enfant émane bien de la femme et non, par exemple, de ses parents qui feraient pression sur elle pour devenir grands-parents, d'autre part qu'elle n'est pas isolée et peut s'appuyer sur un entourage solide. Nous ne remettons absolument la capacité d'une femme seule à élever un enfant. J'ignore pour ma part si les difficultés sont plus ou moins grandes dans ce contexte que dans un couple. Nous connaissons de plus en plus de ces femmes, qui ne font pas la démarche dans un but égoïste, mais se trouvent confrontées à la situation actuelle, dans laquelle faire couple n'est pas aussi simple qu'il y a une ou deux décennies. Cette difficulté à faire couple n'empêche pas, au bout d'un certain nombre d'années, que se développe le désir de faire enfant et famille, malgré tout. L'accompagnement doit aller dans ce sens et viser à éviter de répondre à une demande inadaptée : une femme se présentant à vingt ans pour essayer de concevoir un enfant seule ne nous paraît pas une demande raisonnable, dans la mesure où il lui reste du temps pour mener à bien ce projet d'enfant. A l'inverse, nous ne voyons pas de raison de refuser de prendre en charge une femme venant nous consulter à l'âge de trente ou trente-cinq ans et exprimant vraiment ses motivations pour concevoir un enfant, dans un contexte adapté.