Intervention de Laurence Lwoff

Réunion du mercredi 3 octobre 2018 à 10h30
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Laurence Lwoff :

Je ne suis pas sûre de pouvoir répondre de façon exhaustive à vos questions. Je pense que la France occupe une place tout à fait importante et spécifique, au regard du travail pionnier qu'elle a accompli dans ce domaine, en élaborant, avec une grande cohérence, les premières lois relatives aux questions de bioéthique, c'est-à-dire en abordant de manière transversale les problématiques éthiques sur l'ensemble des sujets. Il s'agit là, à ma connaissance, d'un modèle unique. Cette cohérence n'est pas l'apanage de tous les pays : j'ai en tête l'exemple de pays qui, sur la thématique assez sensible de la protection des personnes atteintes de trouble mental à l'égard des mesures involontaires, se trouvent avec des dispositions non compatibles les unes avec les autres, issues d'approches différentes d'une même problématique. L'exemple est anecdotique, mais témoigne du fait que cette cohérence, fondée sur des valeurs et des principes ancrés dans la base de la réflexion, constitue une valeur ajoutée importante. J'ai bien conscience par ailleurs que cela ne rend pas l'exercice facile, puisque l'on est amené à aborder ce faisant un champ extrêmement vaste, dans un temps parfois très réduit. Pour autant, cette démarche de cohérence est, me semble-t-il, un modèle au niveau européen. La France est considérée comme très protectrice sur certains points, beaucoup moins sur d'autres ; cette diversité se retrouve dans tous les pays.

L'histoire des Droits de l'Homme en France lui confère également, du fait de son ancienneté dans la réflexion et de la référence qu'elle constitue dans ce domaine, une place particulière en Europe. Bien qu'il puisse y avoir des désaccords sur les conclusions, l'influence de la France dans l'élaboration de la convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine est liée à la valeur et à la profondeur de la réflexion menée auparavant. J'effectuerai ici le parallèle avec un avis du CCNE : que l'on en partage ou non les conclusions, la partie d'analyse, de défrichage et de réflexion est utile à tout le monde. Ainsi, le travail conduit en France, y compris récemment à l'occasion des Etats généraux de la bioéthique, est regardé de façon très attentive bien au-delà des frontières. Je prêcherais à cet égard pour une traduction des documents en langue anglaise, la maîtrise du français n'étant pas forcément partagée par tous. Il me semble important que la qualité du travail mené dans ce contexte puisse être accessible aux non-francophones.

Le deuxième aspect de votre intervention renvoie selon moi à une évidence, dans la mesure où toutes les questions que nous avons évoquées sont éminemment internationales. Dans le domaine de la recherche par exemple, les accords signés au niveau de l'Union européenne – mais non encore ratifiés par la France – sur les séquençages de génomes et les échanges de données montrent bien qu'il est nécessaire, pour avancer, de pouvoir mettre en commun et échanger des informations, partager des connaissances. La dimension internationale est évidente et il convient de discuter afin que, selon les principes qu'un pays souhaite garantir, les citoyens acceptant de partager des données puissent être rassurés sur la façon dont ces informations vont être protégées, même si elles dépassent les frontières. Il existe par ailleurs maintenant une ouverture et une circulation des personnes, y compris dans l'accès aux soins, dont il faut tenir compte et qui soulèvent un certain nombre de questions. J'ai évoqué par exemple précédemment l'interdiction de la marchandisation du corps humain. Or je pense que certaines pratiques, parfois même en Europe, peuvent conduire à s'interroger sur le véritable respect de ces principes. Il me semble important que ces aspects soient débattus au niveau européen. Toutes ces questions se posent dans l'ensemble des 47 pays membres du Conseil de l'Europe, même si les termes et les priorités diffèrent parfois d'un Etat à l'autre. Ainsi, pour certains, l'équité en matière d'accès aux soins est une priorité par rapport à des questions de procréation médicalement assistée. On peut, dans ce contexte, apprendre des échanges et les nourrir. Le domaine international est ainsi l'occasion d'échanges visant non seulement à essayer de limiter les zones grises et s'accorder sur un minimum d'exigences communes, mais aussi à bénéficier et apporter des réflexions sur des pratiques concrètes permettant de répondre aux enjeux rencontrés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.