Intervention de Éric Alauzet

Réunion du mercredi 17 octobre 2018 à 9h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Alauzet, rapporteur pour avis :

La commission des finances a vocation à étudier les comptes sociaux, sans se contenter, comme c'était le cas jusqu'en 1996, de l'analyse des seuls comptes de l'État, de manière à disposer d'une vision globale des comptes de la nation. Cette nécessité est renforcée par l'évolution, plus marquée encore au cours de cette législature qu'au cours des précédentes, de notre système de protection sociale vers un système plus universel, tant du point de vue des recettes que de celui des dépenses. J'en veux pour preuve le transfert des cotisations sociales salariales vers la contribution sociale généralisée (CSG), la participation de l'État à l'équilibre des comptes de l'UNEDIC ou encore l'utilisation d'une part de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour financer la sécurité sociale.

Je souhaite vous proposer dans cet exposé liminaire un état des lieux de la sécurité sociale, un panorama rapide de la protection sociale, des enjeux et des évolutions des comptes sociaux et, évidemment, des dispositifs inscrits dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2019.

Le fait majeur de ce PLFSS est le retour à l'équilibre de comptes sociaux et la fin des déficits – ce n'est quand même pas rien. Dès 2018, le régime général sera en excédent. Il faut remonter à l'année 2001 pour retrouver une telle situation. En 2019, c'est l'ensemble du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) qui sera en excédent de 700 millions d'euros.

Cette situation emporte une double conséquence. D'une part, l'échéance de 2024, date prévisionnelle du remboursement de la dette stockée à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) depuis 1996 est désormais à portée de main. D'autre part, nous pouvons maintenant envisager l'apurement de la dette accumulée par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) depuis le dernier transfert de dette à la CADES. En 2019, les deux tiers de cette dette, soit 15 milliards d'euros, seront transférés à la CADES et remboursés grâce à une augmentation progressive d'une fraction de CSG. Cela ne couvrira pas l'ensemble de la dette de l'ACOSS ; le tiers résiduel sera progressivement couvert par les excédents des comptes sociaux.

Nous devons ce résultat à une bonne maîtrise de la dépense. Ainsi, en 2017, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), fixé à 190,7 milliards d'euros, a été tenu pour la huitième année consécutive.

En conséquence, nous voyons poindre un nouveau débat avec l'extinction de la dette et de la CADES : que deviendront les ressources qui lui sont actuellement affectées, notamment la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et une part de CSG ? Ce débat est déjà d'actualité, et nous en verrons les prémices lors de l'examen de certains amendements.

Plusieurs pistes s'ouvrent à nous, par exemple celle d'une diminution des prélèvements obligatoires – une part de CSG et la CRDS. Il faut cependant garder à l'esprit que si, en comptabilité nationale, les ressources de la CADES constituent bien des produits, le remboursement de la dette reste une opération purement financière, sans impact sur le déficit public. Autrement dit, si nous diminuons les prélèvements obligatoires en supprimant la CRDS et la part de CSG affectée à la CADES, nous dégraderons le déficit public quand bien même la dette sociale aurait été remboursée.

De même, l'affectation de ces prélèvements à une dépense, comme le financement de la dépendance ou à un fonds de pension public, reviendra encore à dégrader le déficit public.

Je résume : la suppression des recettes de la CADES ou l'affectation de ces recettes à une dépense contribuerait à creuser le déficit public, même si la dette sociale est remboursée.

Une troisième piste serait de consacrer tout ou partie de cette recette au remboursement de la dette pour l'accélérer. S'ouvre alors un débat sur les relations entre l'État et la sécurité sociale, dont nous allons avoir un avant-goût lorsque nous débattrons de certains allégements sociaux prévus par ce PLFSS.

Dans ce contexte de retour à l'équilibre des comptes sociaux et d'apurement de la dette sociale, les règles de compensation des pertes de recettes de la sécurité sociale par l'État devraient évoluer : une partie des pertes de recettes de la sécurité sociale ne sera pas compensée par l'État. Nous y reviendrons.

Je ne ferai qu'effleurer les mesures de ce PLFSS 2019 qui visent à la restauration de la compétitivité de nos entreprises, à la création d'emplois et à la valorisation du travail.

La transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en baisse de cotisations entraînera un cumul exceptionnel de plus de 20 milliards d'euros mobilisés en faveur des entreprises, de quoi patienter jusqu'à l'automne pour bénéficier de l'allégement de 3,5 milliards d'euros de cotisations chômage en année pleine autour du SMIC.

L'exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires et complémentaires est une autre mesure majeure, qui accroît le pouvoir d'achat des salariés de 2 milliards d'euros en année pleine, avec un gain moyen de 200 euros par salarié environ.

Une autre mesure de pouvoir d'achat, de 350 millions d'euros, est destinée aux 350 000 retraités ou chômeurs qui flirtent avec le seuil au-dessus duquel s'applique la hausse de CSG.

Citons également la nouvelle augmentation de 20 euros par mois de la prime pour l'activité, pour les salaires jusqu'à 1,3 SMIC.

Le sujet précis des cotisations sociales des travailleurs occasionnels dans la viticulture et les cultures spécialisées a suscité des critiques dans tous les groupes politiques, avec la suppression annoncée de fameux dispositif « travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi » (TODE). Je vous proposerai donc un amendement pour restaurer ce dispositif après que les rapporteurs de la commission des affaires sociales nous ont ouvert la voie hier après-midi.

J'en viens aux dépenses, en commençant par la branche maladie.

Si les dépenses de santé devaient évoluer comme leur évolution naturelle, en lien avec ces phénomènes massifs que vous connaissez, le vieillissement, le progrès technique et le poids croissant des maladies chroniques, non seulement nous n'aurions pas résorbé la dette sociale, mais, au contraire, elle serait aujourd'hui insupportable. Je remercie donc celles et ceux qui ont eu le courage d'entrer dans le cycle de la maîtrise des dépenses. Cependant, la préférence nationale en faveur de la santé reste fortement marquée puisque la progression de l'ONDAM, à 2,5 %, reste, cette année encore, largement supérieure au niveau de l'inflation. Elle correspond à une augmentation de 4,9 milliards d'euros de la dépense en matière de santé. Il est donc impératif d'adapter en permanence notre système de santé pour mieux articuler médecine de ville, médico-social et médecine hospitalière et pour veiller à la pertinence des actes. La prévision était de 2,3 % en loi de programmation des finances publiques, mais 400 millions d'euros supplémentaires sont libérés pour la transformation du système de santé et la modernisation de l'hôpital.

Parallèlement les mesures d'économies, par rapport au tendanciel de 4,5 %, s'élèvent à 3,8 milliards d'euros.

Dans le champ de la santé, il faut saluer des mesures de pouvoir d'achat au bénéfice de tous, et principalement des retraités, avec la mise en oeuvre du « reste à charge zéro » en optique, audiologie et dentaire, ou encore le renforcement des dispositifs d'aide à la complémentaire santé, par l'extension de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) aux bénéficiaires de l'aide au paiement d'une complémentaire santé, moyennant une participation financière faible. Simplicité, lisibilité pour réduire le taux de non-recours : cette évolution est favorable à 1,4 million de personnes.

Concernant la branche vieillesse, le maintien de l'équilibre est permis par la mesure, dont je ne doute pas que nous reparlerons lors de l'examen des amendements, de revalorisation des pensions limitée à 0,3 %. Si l'on veut bien regarder l'ensemble de la période entre 2010 et 2020, ce sont les actifs qui auront principalement contribué à l'équilibre, d'abord en 2010 avec l'allongement des durées de cotisation et encore en 2014 avec l'augmentation des cotisations salariales. Cette fois, ce sont les retraités qui fournissent l'effort.

Pour mémoire, je vous rappelle l'augmentation du minimum vieillesse de 35 euros et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) de 50 euros.

L'excédent de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) devrait rester relativement stable entre 2019 et 2022, compris entre 1,1 et 1,3 milliard d'euros. Les excédents dégagés depuis 2013 ont permis à la branche de résorber son endettement, ses déficits ne faisant pas, à la différence de ceux des autres branches du régime général, l'objet de reprises par la CADES.

Enfin, la branche famille devrait renouer avec les excédents en 2018, après dix ans de déficits. L'excédent devrait s'élever à 1,2 milliard d'euros en 2019 du fait d'une progression des recettes plus dynamique que celle des dépenses. Il est atténué par plusieurs mesures destinées à adapter certaines prestations aux besoins des familles.

Le complément « mode de garde » sera ainsi majoré de 30 % pour les familles ayant un enfant en situation de handicap, afin de prendre en compte les coûts supplémentaires liés à ces situations et d'éviter à ces familles d'assumer un reste à charge supérieur à celui des autres parents. Le taux plein de ce complément sera maintenu jusqu'à l'entrée en école maternelle pour les enfants atteignant l'âge de trois ans entre le 1er janvier et la rentrée scolaire afin de faciliter l'emploi de parents isolés au cours d'une année scolaire.

Enfin, les congés maternité des travailleuses indépendantes et des exploitantes agricoles seront allongés pour faire converger les règles relatives aux différents régimes tout en respectant les contraintes particulières de chacun. Cette mesure, bénéfique pour la santé de la mère comme pour l'enfant, illustre une fois encore l'évolution de notre système de protection sociale vers l'universalité, comme pour l'indemnisation du chômage ou encore la retraite et la protection sociale du XXIe siècle.

J'invite donc la commission à émettre un avis favorable à ce projet de loi de financement, qui prévoit le retour à l'équilibre de la sécurité sociale pour la première fois depuis dix-huit ans.

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