Présidence
Vice-présidente
La commission examine, pour avis, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 (n° 1297) (M. Éric Alauzet, rapporteur pour avis).
La commission des finances a vocation à étudier les comptes sociaux, sans se contenter, comme c'était le cas jusqu'en 1996, de l'analyse des seuls comptes de l'État, de manière à disposer d'une vision globale des comptes de la nation. Cette nécessité est renforcée par l'évolution, plus marquée encore au cours de cette législature qu'au cours des précédentes, de notre système de protection sociale vers un système plus universel, tant du point de vue des recettes que de celui des dépenses. J'en veux pour preuve le transfert des cotisations sociales salariales vers la contribution sociale généralisée (CSG), la participation de l'État à l'équilibre des comptes de l'UNEDIC ou encore l'utilisation d'une part de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour financer la sécurité sociale.
Je souhaite vous proposer dans cet exposé liminaire un état des lieux de la sécurité sociale, un panorama rapide de la protection sociale, des enjeux et des évolutions des comptes sociaux et, évidemment, des dispositifs inscrits dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2019.
Le fait majeur de ce PLFSS est le retour à l'équilibre de comptes sociaux et la fin des déficits – ce n'est quand même pas rien. Dès 2018, le régime général sera en excédent. Il faut remonter à l'année 2001 pour retrouver une telle situation. En 2019, c'est l'ensemble du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) qui sera en excédent de 700 millions d'euros.
Cette situation emporte une double conséquence. D'une part, l'échéance de 2024, date prévisionnelle du remboursement de la dette stockée à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) depuis 1996 est désormais à portée de main. D'autre part, nous pouvons maintenant envisager l'apurement de la dette accumulée par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) depuis le dernier transfert de dette à la CADES. En 2019, les deux tiers de cette dette, soit 15 milliards d'euros, seront transférés à la CADES et remboursés grâce à une augmentation progressive d'une fraction de CSG. Cela ne couvrira pas l'ensemble de la dette de l'ACOSS ; le tiers résiduel sera progressivement couvert par les excédents des comptes sociaux.
Nous devons ce résultat à une bonne maîtrise de la dépense. Ainsi, en 2017, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), fixé à 190,7 milliards d'euros, a été tenu pour la huitième année consécutive.
En conséquence, nous voyons poindre un nouveau débat avec l'extinction de la dette et de la CADES : que deviendront les ressources qui lui sont actuellement affectées, notamment la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et une part de CSG ? Ce débat est déjà d'actualité, et nous en verrons les prémices lors de l'examen de certains amendements.
Plusieurs pistes s'ouvrent à nous, par exemple celle d'une diminution des prélèvements obligatoires – une part de CSG et la CRDS. Il faut cependant garder à l'esprit que si, en comptabilité nationale, les ressources de la CADES constituent bien des produits, le remboursement de la dette reste une opération purement financière, sans impact sur le déficit public. Autrement dit, si nous diminuons les prélèvements obligatoires en supprimant la CRDS et la part de CSG affectée à la CADES, nous dégraderons le déficit public quand bien même la dette sociale aurait été remboursée.
De même, l'affectation de ces prélèvements à une dépense, comme le financement de la dépendance ou à un fonds de pension public, reviendra encore à dégrader le déficit public.
Je résume : la suppression des recettes de la CADES ou l'affectation de ces recettes à une dépense contribuerait à creuser le déficit public, même si la dette sociale est remboursée.
Une troisième piste serait de consacrer tout ou partie de cette recette au remboursement de la dette pour l'accélérer. S'ouvre alors un débat sur les relations entre l'État et la sécurité sociale, dont nous allons avoir un avant-goût lorsque nous débattrons de certains allégements sociaux prévus par ce PLFSS.
Dans ce contexte de retour à l'équilibre des comptes sociaux et d'apurement de la dette sociale, les règles de compensation des pertes de recettes de la sécurité sociale par l'État devraient évoluer : une partie des pertes de recettes de la sécurité sociale ne sera pas compensée par l'État. Nous y reviendrons.
Je ne ferai qu'effleurer les mesures de ce PLFSS 2019 qui visent à la restauration de la compétitivité de nos entreprises, à la création d'emplois et à la valorisation du travail.
La transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en baisse de cotisations entraînera un cumul exceptionnel de plus de 20 milliards d'euros mobilisés en faveur des entreprises, de quoi patienter jusqu'à l'automne pour bénéficier de l'allégement de 3,5 milliards d'euros de cotisations chômage en année pleine autour du SMIC.
L'exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires et complémentaires est une autre mesure majeure, qui accroît le pouvoir d'achat des salariés de 2 milliards d'euros en année pleine, avec un gain moyen de 200 euros par salarié environ.
Une autre mesure de pouvoir d'achat, de 350 millions d'euros, est destinée aux 350 000 retraités ou chômeurs qui flirtent avec le seuil au-dessus duquel s'applique la hausse de CSG.
Citons également la nouvelle augmentation de 20 euros par mois de la prime pour l'activité, pour les salaires jusqu'à 1,3 SMIC.
Le sujet précis des cotisations sociales des travailleurs occasionnels dans la viticulture et les cultures spécialisées a suscité des critiques dans tous les groupes politiques, avec la suppression annoncée de fameux dispositif « travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi » (TODE). Je vous proposerai donc un amendement pour restaurer ce dispositif après que les rapporteurs de la commission des affaires sociales nous ont ouvert la voie hier après-midi.
J'en viens aux dépenses, en commençant par la branche maladie.
Si les dépenses de santé devaient évoluer comme leur évolution naturelle, en lien avec ces phénomènes massifs que vous connaissez, le vieillissement, le progrès technique et le poids croissant des maladies chroniques, non seulement nous n'aurions pas résorbé la dette sociale, mais, au contraire, elle serait aujourd'hui insupportable. Je remercie donc celles et ceux qui ont eu le courage d'entrer dans le cycle de la maîtrise des dépenses. Cependant, la préférence nationale en faveur de la santé reste fortement marquée puisque la progression de l'ONDAM, à 2,5 %, reste, cette année encore, largement supérieure au niveau de l'inflation. Elle correspond à une augmentation de 4,9 milliards d'euros de la dépense en matière de santé. Il est donc impératif d'adapter en permanence notre système de santé pour mieux articuler médecine de ville, médico-social et médecine hospitalière et pour veiller à la pertinence des actes. La prévision était de 2,3 % en loi de programmation des finances publiques, mais 400 millions d'euros supplémentaires sont libérés pour la transformation du système de santé et la modernisation de l'hôpital.
Parallèlement les mesures d'économies, par rapport au tendanciel de 4,5 %, s'élèvent à 3,8 milliards d'euros.
Dans le champ de la santé, il faut saluer des mesures de pouvoir d'achat au bénéfice de tous, et principalement des retraités, avec la mise en oeuvre du « reste à charge zéro » en optique, audiologie et dentaire, ou encore le renforcement des dispositifs d'aide à la complémentaire santé, par l'extension de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) aux bénéficiaires de l'aide au paiement d'une complémentaire santé, moyennant une participation financière faible. Simplicité, lisibilité pour réduire le taux de non-recours : cette évolution est favorable à 1,4 million de personnes.
Concernant la branche vieillesse, le maintien de l'équilibre est permis par la mesure, dont je ne doute pas que nous reparlerons lors de l'examen des amendements, de revalorisation des pensions limitée à 0,3 %. Si l'on veut bien regarder l'ensemble de la période entre 2010 et 2020, ce sont les actifs qui auront principalement contribué à l'équilibre, d'abord en 2010 avec l'allongement des durées de cotisation et encore en 2014 avec l'augmentation des cotisations salariales. Cette fois, ce sont les retraités qui fournissent l'effort.
Pour mémoire, je vous rappelle l'augmentation du minimum vieillesse de 35 euros et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) de 50 euros.
L'excédent de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) devrait rester relativement stable entre 2019 et 2022, compris entre 1,1 et 1,3 milliard d'euros. Les excédents dégagés depuis 2013 ont permis à la branche de résorber son endettement, ses déficits ne faisant pas, à la différence de ceux des autres branches du régime général, l'objet de reprises par la CADES.
Enfin, la branche famille devrait renouer avec les excédents en 2018, après dix ans de déficits. L'excédent devrait s'élever à 1,2 milliard d'euros en 2019 du fait d'une progression des recettes plus dynamique que celle des dépenses. Il est atténué par plusieurs mesures destinées à adapter certaines prestations aux besoins des familles.
Le complément « mode de garde » sera ainsi majoré de 30 % pour les familles ayant un enfant en situation de handicap, afin de prendre en compte les coûts supplémentaires liés à ces situations et d'éviter à ces familles d'assumer un reste à charge supérieur à celui des autres parents. Le taux plein de ce complément sera maintenu jusqu'à l'entrée en école maternelle pour les enfants atteignant l'âge de trois ans entre le 1er janvier et la rentrée scolaire afin de faciliter l'emploi de parents isolés au cours d'une année scolaire.
Enfin, les congés maternité des travailleuses indépendantes et des exploitantes agricoles seront allongés pour faire converger les règles relatives aux différents régimes tout en respectant les contraintes particulières de chacun. Cette mesure, bénéfique pour la santé de la mère comme pour l'enfant, illustre une fois encore l'évolution de notre système de protection sociale vers l'universalité, comme pour l'indemnisation du chômage ou encore la retraite et la protection sociale du XXIe siècle.
J'invite donc la commission à émettre un avis favorable à ce projet de loi de financement, qui prévoit le retour à l'équilibre de la sécurité sociale pour la première fois depuis dix-huit ans.
Le retour à l'équilibre, fruit d'un travail de longue haleine, mené tout au long de ces dernières années, dans tous les domaines, est une bonne nouvelle.
En ce qui concerne la maîtrise de l'ONDAM, la part que prend l'inflation à la progression de celui-ci n'est pas si claire. En réalité, ce sont plutôt la démographie, la nature des pathologies et celle des soins prodigués qui l'emportent, plutôt que le seul facteur de l'inflation. Pendant longtemps encore, l'ONDAM progressera à un rythme un peu supérieur à l'inflation. Quant à raisonner en comparant une progression de 2,5 % à un tendanciel qui serait de 4,5 %, c'est très artificiel. Bien sûr, chaque gouvernement l'a fait, mais il me semble que le tendanciel retenu renvoie à une période de référence qui commence à dater et à ne plus correspondre à la réalité des dernières années, ce qui a pour effet de gonfler un peu artificiellement le montant des économies.
Vous avez évoqué, et pour la première fois sur un plan technique, un point important : il est vrai que, sur le plan purement maastrichtien, la réaffectation de la CRDS à une dépense est considérée comme une dépense et tendra à creuser le déficit, mais c'est également un prélèvement obligatoire : le rapport entre les prélèvements obligatoires et le produit intérieur brut (PIB) ne s'en trouve donc pas augmenté.
Il faudra choisir. Vous avez évoqué quatre possibilités, que j'avais également évoquées. Cela dépendra des priorités qui se feront jour, mais c'est extrêmement important. Un prélèvement obligatoire existe, que paient déjà les Français. Il y a donc un choix difficile à opérer.
Je remercie notre rapporteur d'avoir cité ce qui a été fait pour les travailleurs occasionnels, notamment les saisonniers agricoles, hier en commission des affaires sociales, avec notre collègue Olivier Véran, et d'appeler à une mise en cohérence.
Plus généralement, une question se pose de plus en plus crûment dans ce pays : celle du travail saisonnier ou occasionnel. Les professions qui recourent à des contrats courts, souvent des contrats de travailleur indépendant de huit ou dix jours, souvent liés aux métiers sportifs, ne jouissent pas d'un encadrement adapté. Elles se retrouvent à devoir cotiser pour des périodes extrêmement longues, alors que les périodes de travail sont très courtes. Il faudra aborder le sujet, mais en séance publique.
Le travail devient de plus en plus saisonnier en France, où de plus en plus de gens cumulent des emplois, avec des casquettes différentes : salarié un jour, travailleur indépendant le lendemain, dans le cadre d'un autre type de contrat le surlendemain. Il faut faire très attention à ces travailleurs indépendants aux contrats très courts qui ne justifient en aucun cas de créer une structure particulière d'entreprise.
J'oubliais une remarque directement issue du rapport rendu par Christian Charpy et Julien Dubertret : l'État pourrait abandonner la règle à peu près établie de la compensation – quand l'État impose une règle qui affecte les finances de la sécurité sociale, il est tenu d'en compenser l'effet. On peut considérer que c'est très bien, que les excédents d'un côté doivent compenser les pertes de l'autre ; on peut aussi estimer que cela accroît la confusion entre ce qui est financé par le contribuable et ce qui est financé par l'assuré social. Au-delà, faisons attention à ne pas nous lancer dans une fuite en avant, au motif que cela va un peu mieux grâce à la masse salariale – sa croissance est de 3,5 % ; si nous redescendons à 1 %, cela changera la situation… Il faut vraiment mesurer à quoi nous nous engageons si nous décloisonnons complètement projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les parties des deux textes consacrées aux recettes devraient être examinées en même temps.
Nous pouvons tous nous réjouir de ce retour à l'équilibre, pour la première fois depuis 2001, qui n'est pas sans raison : c'est grâce à des décisions prises au cours des années qui précèdent, l'instauration de l'ONDAM en 1996 ou la réforme des retraites en 2010, que cet équilibre est restauré.
Malheureusement, dans le même temps, il faut rappeler le très grand malaise qui traverse les établissements de santé. Leur personnel et l'ensemble de notre système de santé sont soumis à une très forte pression. Il ne faut pas non plus oublier la nécessité, rappelée par la Cour des comptes, de réformes structurelles, sans lesquelles les objectifs de maintien à l'équilibre de la sécurité sociale et de rééquilibrage de ses relations financières ne pourront être simultanément tenus – tout cela est fortement tributaire de la conjoncture économique.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez établi un lien entre la maîtrise des dépenses et une revalorisation des retraites et des allocations familiales inférieures à l'inflation. Effectivement, cette sous-indexation rapporte, pour les deux années 2019 et 2020, près de 9,3 milliards d'euros, mais, très sincèrement, il ne me paraît pas du tout opportun de faire ainsi un lien entre cette décision, cette orientation et la notion de maîtrise des dépenses. C'est une mesure injuste : si elle permet de réaliser 9 milliards d'euros d'économies, les grands perdants sont les familles et les retraités. On ne saurait la considérer comme une action de maîtrise structurelle de la dépense.
Pour ce qui est de la compétitivité des entreprises, nous ne pouvons pas parler d'une amélioration de 20 milliards d'euros en 2019. La transformation du CICE en exonérations de charges sociales ne permet pas comptablement aux entreprises d'avoir 20 milliards d'euros de plus en 2019, c'est totalement faux. Certes, il y a un décaissement et un effet de trésorerie, dans les comptes de l'État, induit par la transformation du CICE en exonération de charges sociales, à hauteur de 40 milliards d'euros. Mais, au niveau des entreprises, il y avait le CICE, pour 20 milliards d'euros en 2018, et il y a une exonération des charges patronales de 20 milliards d'euros en 2019… Vous ne pouvez laisser entendre qu'il y aurait un effort supplémentaire d'amélioration de la compétitivité des entreprises de 20 milliards d'euros en 2019, c'est absolument faux.
Enfin, je regrette que cette mesure en faveur du pouvoir d'achat qu'est l'exonération de charges sociales sur les heures supplémentaires ait été différée. Je regrette également l'absence de défiscalisation des heures supplémentaires.
Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés se réjouit du retour à l'équilibre. Il faut poursuivre les efforts pour le préserver ; c'est essentiel. Se pose évidemment pour nous la question de la politique familiale, qui est dans l'ADN de notre mouvement.
Nous nous félicitons du rééquilibrage des seuils de la CSG au profit des foyers les plus modestes : l'alerte avait été donnée l'an dernier.
Pour ce qui est de l'ONDAM, l'alignement de sa progression sur l'inflation n'est pas l'alpha et l'oméga de la démarche à suivre. Il faut surtout garder la volonté de maîtrise, de contention, allais-je dire, des dépenses.
Je vous remercie d'accorder quelques minutes l'asile à un membre de la commission des affaires sociales afin qu'il exprime la position du groupe Socialistes et apparentés.
J'entends chacun se féliciter d'un retour à l'équilibre des comptes sociaux. C'est le fruit d'un effort ancien demandé aux assurés sociaux, aux personnels soignants, aux personnels des hôpitaux et des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
Les comptes sociaux reviennent à l'excédent sous l'effet de mesures d'économies qui, dans ce PLFSS, pèsent sur les familles, les retraités, les malades et les soignants, tandis que la baisse des impôts des plus aisés siphonne, par ailleurs, les excédents. Le pire, c'est que malgré les excédents, le Gouvernement continue de demander des efforts aux familles avec la sous-indexation des allocations familiales ou des pensions. Mesurez bien que la sous-indexation des allocations familiales, pour un couple au SMIC avec trois enfants, représente une perte de 130 euros par an. Autrement dit, la « désocialisation » des heures supplémentaires permettra à beaucoup de familles de travailler plus, mais pour gagner autant !
L'absence – c'est une première – de compensation intégrale des mesures d'exonération de cotisations sociales et le siphonage des excédents compromettent un certain nombre de financements nécessaires pour répondre à des besoins sociaux. Je pense aux crèches, aux hôpitaux, aux maisons de retraites et au plan pauvreté.
Quant à l'ONDAM, sa progression paraît facilement plus favorable, mais en réalité, compte tenu de l'inflation plus forte que les années passées, l'effort demandé aux hôpitaux continue d'être considérable.
Je remercie notre rapporteur pour avis, qui a dit l'essentiel.
Tous ceux qui se sont exprimés avant moi ont expliqué que le retour à l'équilibre n'avait rien d'exceptionnel. Mais, tout de même, dix-huit ans sans équilibre des comptes sociaux, quel dommage que personne n'y soit parvenu avant nous ! Cela tient sûrement à des efforts antérieurs, de longue haleine, nous n'en doutons pas un instant, mais reconnaissez-nous au moins, le mérite de garder le pied sur la charrue et de persévérer.
Mme Véronique Louwagie a évoqué la compétitivité des entreprises. Oui, 20 milliards d'euros du CICE sont remplacés par des baisses de charges. Vous nous dites, chère collègue, que cela n'a pas d'effet sur la compétitivité. Mais cette transformation du CICE en baisse de charges est une garantie en termes de pérennité, de visibilité, de certitude. En soi, c'est déjà une bonne nouvelle pour la compétitivité et le tissu entrepreneurial.
Ensuite, le 1er septembre prochain, la désocialisation des heures supplémentaires donnera la priorité au travail. C'est d'ailleurs notre priorité depuis le début de la législature : remettre le pays au travail pour relever l'économie. C'est donc tout à fait cohérent.
Enfin, la baisse, le 1er octobre, des charges sociales pour les salariés autour du SMIC améliorera la compétitivité des entreprises, et cette baisse du coût du travail permet d'espérer le retour à l'emploi d'un grand nombre de personnes.
Il faut se féliciter de ce retour à l'équilibre. Notre pays néglige parfois les bonnes nouvelles, et c'en est une. Il ne faut cependant pas commencer à vouloir dépenser l'argent que nous n'avons pas – j'entends parler de baisse de la CRDS. Remboursons d'abord les dettes que nous ont léguées tant d'années d'errance et d'errements, soyons persévérants, réduisons le niveau de dette hallucinant qu'on nous a laissé en 2017 et redonnons un peu de compétitivité pour remettre le pays au travail.
Eh bien, moi, je ne suis pas satisfait de ce PLFSS. En réalité, vous mettez encore un peu plus en péril le service public de la santé. Votre retour à l'équilibre est un peu paradoxal ; qui plus est, vous mettez en danger la sécurité sociale elle-même.
Ce sont encore 3,8 milliards d'euros d'économies qui sont réalisés dans le champ de l'assurance maladie : compression des coûts pour les hôpitaux, poursuite de la traque des patients, culpabilisation des arrêts de travail, etc. Évidemment, on peut parvenir ainsi à tous les équilibres, mais on poursuit le travail de casse, notamment dans les hôpitaux.
Les retraités et les familles sont sous pression avec la désindexation de l'inflation des pensions de retraite, allocations familiales et aides personnalisées au logement (APL). Les prestations ne progresseront que de 0,3 % alors que l'inflation est de 1,7 %. Certes, on peut ainsi trouver un équilibre à bon compte, mais ce sont évidemment les retraités et les familles qui en paieront le prix.
Je remarque quelques coups de pouce, très limités : ce ne seraient maintenant plus 100 000 retraités qui bénéficieraient de la mesure de lissage de la CSG, mais 300 000, et 125 millions d'euros seraient alloués aux EHPAD. Mais on est bien loin des besoins.
Le plus gros problème, qui annonce en réalité la fiscalisation de la sécurité sociale, ce sont toutes les exonérations que vous accordez sans les compenser, entre la désocialisation des heures supplémentaires et la transformation du CICE en exonération. À l'arrivée, bien évidemment, on nous expliquera qu'il n'y a plus assez d'argent pour les comptes sociaux et qu'il faut donc changer de système, passer à un système fiscalisé. C'est à peu près votre projet, tout l'inverse de celui de la sécurité sociale, héritée du Conseil national de la résistance.
Autant vous dire que ce PLFSS ne convient pas au groupe La France insoumise.
Tout le monde se félicite du retour à l'équilibre des comptes, mais un équilibre à quel prix ?
Comme d'autres, je mentionnerai le CICE et ces exonérations et allégements de 20 milliards d'euros – deux fois au cours de l'année, – et certaines exonérations ne sont plus compensées. Pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, c'est aussi un avant-goût de la fusion que vous voulez entre PLF et PLFSS. Malheureusement, l'hôpital devra encore faire des efforts : 900 millions d'euros ! Quand on connaît la situation des hôpitaux, comment peut-on encore oser demander au personnel sous pression dans les hôpitaux de faire encore des efforts ? Sans doute est-ce un problème d'organisation, puisque, présentant le plan santé, le Président de la République soutenait que ce n'était pas un problème de sous-financement, mais un « handicap d'organisation ». Cela ne nous rassure d'ailleurs absolument pas, dans la perspective de la réorganisation dans les territoires avec les hôpitaux dits de proximité : un certain nombre de services seront totalement asséchés.
C'est un budget au service de la baisse du coût du travail qui ne répond pas aux besoins réels de la population : la progression de l'ONDAM est fixée à 2,5 %, alors que la progression naturelle des dépenses de santé s'élève à 4,5 %, ce qui, avec une médecine de plus en plus performante, qui requiert de plus en plus de moyens, n'a rien de scandaleux.
C'est pour nous aussi un budget qui ne va vraiment pas dans le bon sens.
Mes chers collègues, on ne peut que se féliciter du retour à l'équilibre, encore très fragile, fruit notamment de réformes qui remontent parfois à sept ou huit ans.
Monsieur le rapporteur pour avis, avez-vous eu le temps d'examiner les effets économiques de la transformation du CICE en exonération de charges ? Le taux baisse d'un point, parce que le champ s'élargit. Avez-vous pu, monsieur le rapporteur, mesurer l'effet par branche, par nature économique ? Et avez-vous pu voir quel était l'effet sur la majoration de l'impôt sur les sociétés (IS) ? Quand vous transformez ce qui était un crédit d'impôt en exonération de charges, vous augmentez le bénéfice comptable des entreprises, et donc les bénéfices. Il me semble que ce devrait être de l'ordre de 3 milliards d'euros. Ce n'est pas tout à fait neutre.
Ensuite, quelle est votre position sur l'abandon du principe de compensation intégrale d'exonération ? Pendant plus de dix ans, tous les gouvernements, quelle que soit leur tendance l'avaient respecté. Tout ou presque était compensé, à 100 ou 200 millions d'euros près, ce qui était vraiment négligeable par rapport aux masses en jeu. Voici qu'on abandonne ce principe, et on ne sait jamais jusqu'où les choses vont lorsqu'on abandonne des règles de discipline.
Quant à la branche vieillesse, nous voyons bien que le retour à l'équilibre est lié au fait que l'augmentation des retraites n'est que de 0,3 % alors que l'inflation prévisionnelle est de 1,3 %. Autrement dit, on fait baisser le pouvoir d'achat d'un point en 2019 et 2020. Tout cela parce qu'on n'a pas poursuivi la réforme dite « Fillon ». La sagesse était de continuer de relever d'un trimestre par an l'âge de départ à la retraite, ce qui rapportait à peu près 2 milliards d'euros, soit l'équivalent de la perte de pouvoir d'achat. On a donc préféré baisser le pouvoir d'achat des retraités plutôt que de continuer une politique de réformes courageuses – personne n'est revenu sur la réforme Fillon, pas même ceux qui l'avaient combattu. Quelle est donc votre position, monsieur le rapporteur ? Nous n'allons pas, pendant quatre ans, continuer de faire perdre entre 1 et 1,3 point de pouvoir d'achat aux retraités, parfois très modestes. Indépendamment du minimum vieillesse, des mesures particulières sont-elles prévues pour les petites retraites ?
Enfin, pourriez-vous nous éclairer sur le montant des déficits de fonctionnement des hôpitaux publics et l'augmentation de leur dette ?
Certaines formulations me paraissent relever de la provocation. L'intitulé du titre III, par exemple, « Moduler et adapter les prestations aux besoins », ne signifie rien d'autre que la sous-indexation des retraites. Les retraités n'ont-ils pas besoin que leurs retraites soient indexées sur l'évolution des prix ? Je rappelle qu'entre 2019 – qui n'est pas une année pleine – et 2020, ils vont perdre 9 milliards d'euros de pouvoir d'achat. Si l'on y ajoute les 260 millions d'euros que perdent les familles en 2019, on comprend bien quelles sont les catégories perdantes de ce PLFSS pour 2019.
En second lieu, je voudrais, comme le rapporteur général, insister sur le travail saisonnier, auquel le recours est indispensable sur certains de nos territoires. Les besoins de saisonnalité doivent être pris en compte, et le PLFSS ne doit pas fragiliser les équilibres existants.
Ensuite, tout le monde se félicite du retour à l'équilibre, mais remercions-en la réforme des retraites adoptée en 2010, sans laquelle nous n'aurions pas aujourd'hui une branche vieillesse excédentaire, qui va permettre de compenser le déficit de l'État et de ramener le déficit public à 2,8 % du PIB. Enfin, je crains que le « reste à charge zéro » mette à mal certaines de nos filières, comme la lunetterie, avec le risque de voir des produits d'importation de très mauvaise qualité, bas de gamme, concurrencer nos lunettes françaises, d'excellente qualité.
Véronique Louwagie a insisté sur le fait que la transformation du CICE en exonérations de charges n'avait aucun effet sur le résultat comptable des entreprises, ce qui est exact. Néanmoins, on peut considérer que cela a un effet sur la compétitivité, dans la mesure où il s'agit d'un dispositif pérenne, ce qui explique d'ailleurs que les entreprises demandaient depuis plusieurs années cette baisse des charges.
Par ailleurs, cette transformation représente 20 milliards d'euros supplémentaires dans la trésorerie des entreprises, et donc une amélioration de leur fonds de roulement, ce qui peut accélérer certains projets d'investissement. En cela, on peut considérer qu'il s'agit d'une mesure en faveur de la compétitivité.
L'article 43 et l'article 32 du PLFSS prévoient la possibilité de recourir à ce qu'on appelle des médicaments dits « hybrides », ce qui correspond à une évolution assez majeure du droit de substitution et ce, sans que ni les professionnels de santé, ni les associations de patients, ni les industriels n'aient été consultés.
Alors qu'il existait déjà un débat autour des médicaments génériques, aucune étude de biodisponibilité n'a encore démontré scientifiquement la bioéquivalence des médicaments dits « hybrides » par rapport au médicament princeps. Je suis assez effaré de constater qu'on profite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour franchir ce pas, en décidant de pénaliser le patient qui refuserait ces « hybrides ». J'alerte donc la commission des finances sur le fait que le Gouvernement joue ici les apprentis sorciers.
Ce PLFSS remet en cause le principe qui était en vigueur jusqu'à présent et selon lequel, lorsqu'une cotisation sociale était réduite ou supprimée, l'État la compensait à la sécurité sociale par de la TVA ou de la CSG. Nous ne voulons pas de la nouvelle doctrine mise en place, car elle met en danger notre système de sécurité sociale. Notre proposition est donc simple : pourquoi ne pas affecter tout de suite l'excédent ou les futurs excédents à la réforme annoncée par la ministre de la santé elle-même, autrement dit au cinquième risque ?
Alors qu'on se lamente depuis des années sur l'hôpital, il y a tout lieu de se réjouir de ce PLFSS, qui concrétise certains engagements du plan Santé. Il tourne le dos à l'hôpital du XXe siècle sur la défense duquel s'arc-boutent ceux qui se lamentent, pour proposer une nouvelle vision adaptée à la médecine moderne.
On sait que toutes les évolutions de cette médecine ne pourront s'accomplir à proximité de tous les Français, et c'est la raison pour laquelle le plan Santé propose une cartographie rationalisée des hôpitaux, organisant les établissements de proximité et les établissements plus performants ou spécialisés.
On ne peut que se réjouir de ce véritable changement de paradigme, là où on avait l'habitude de procéder en empilant les mesures et l'argent, sans s'attaquer aux questions de structure. En réorganisant notamment les liens entre hôpital et médecine de ville, on peut considérablement améliorer notre système de soins.
Enfin, je me réjouis également des dispositions concernant les autorisations temporaires d'utilisation. C'est une demande que les associations de patients et les familles, celles notamment dont les enfants sont atteints d'un cancer, attendaient depuis longtemps. C'est un pas supplémentaire vers la médecine du XXIe siècle.
Je voulais d'abord pointer une petite incohérence dans vos propos, monsieur le président. Vous affirmez qu'il n'est pas pertinent de se référer à l'inflation pour parler de l'ONDAM, compte tenu notamment de critères comme le vieillissement de la population, et qu'il ira bien au-delà de 2,5 % – chiffre qui témoigne cependant, selon moi, de ce que nous consacrons les moyens nécessaires à la santé –, tout en nous expliquant que se fonder sur un tendanciel à 4,5 % pour mesurer les économies revient à reprendre des références dépassées. C'est quelque peu contradictoire, mais l'essentiel est que nous engageons un effort très sensible par rapport à la progression tendancielle de l'ONDAM.
Pour ce qui concerne l'hôpital, sur lequel m'ont interrogé Véronique Louwagie, Éric Coquerel ou Boris Vallaud, épargnons-nous le manichéisme. J'ai largement développé dans mon rapport la question de la qualité de vie au travail et, partant, celle de la qualité des soins, puisque l'on sait combien la relation entre les soignants et les patients influe sur la qualité des soins. J'ai auditionné beaucoup d'aides-soignantes, d'infirmières, de directeurs d'établissements hospitaliers ou médico-sociaux pour approfondir cette question, et je considère qu'il n'est pas incompatible de dire qu'il y a, à l'hôpital, à la fois des problèmes d'organisation et des problèmes de ressources humaines, qu'il faut traiter les uns comme les autres.
En ce qui concerne en particulier les aides-soignantes, il y a un vrai problème d'attractivité de la profession, au point que les chefs d'établissement ont souvent du mal à recruter en CDI. En revanche, on trouve très facilement des aides-soignantes en intérim, car les contrats courts sont en effet pour elles une manière d'améliorer leur rémunération et de bénéficier d'une forme de flexibilité choisie. Quoi qu'il en soit, cette pénurie est l'une des raisons pour lesquelles la ministre a consenti des efforts importants pour les EHPAD, même s'il faudrait le faire encore davantage. J'ajoute enfin que la situation varie énormément selon les établissements, voire selon les services au sein d'un même établissement. Cela doit donc nous inciter à éviter les généralisations.
En ce qui concerne les retraités, Madame Louwagie, je veux bien qu'on continue à nous accuser de leur demander trop d'efforts, mais ça ne me semble pas à la hauteur du débat. Prenez un peu de hauteur et embrassez dans votre raisonnement les deux réformes précédentes, celle de 2010 et de 2014. Je rends à César ce qui est à César, et veux bien admettre que ce sont notamment les efforts décidés alors qui ont permis le retour à l'équilibre. Mais convenez que ces réformes ont pesé essentiellement sur les actifs. Je veux bien qu'on continue à tout demander aux actifs, qui ne savent d'ailleurs pas très bien où ils en seront dans vingt ou trente ans, et qu'on soit aux petits soins pour nos retraités, mais je rappelle que certains d'entre eux sont quand même dans des situations très confortables. Pour d'autres, c'est en effet difficile, et il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier, mais je trouve grossier de résumer notre politique comme vous le faites : il est vrai que, dans l'attente de la réforme structurelle à venir, nous sommes obligés de leur demander un effort supplémentaire, car le déficit va de nouveau se creuser en 2020 et 2021. Il s'agit de prendre des mesures d'urgence pour colmater les brèches. Et durant les dix années passées, ce sont les actifs qui ont supporté l'essentiel des réformes des retraites.
Pour agir sur le régime des retraites, on dispose de trois leviers : l'augmentation de la durée de cotisation, l'augmentation des cotisations, la maîtrise des dépenses et donc des pensions. En dix ans, nous aurons eu recours aux trois, et il est normal que chacun contribue à son tour.
Enfin, si on va jusqu'au bout de votre raisonnement sur le CICE, on peut considérer que les baisses de charge auraient dû être affectées sur l'année 2013, puisqu'il y a un décalage d'un an, voire de deux ou trois ans dans certains cas – ce que vous ne dites pas ; les baisses de charges ayant commencé en 2014, il est tout à fait logique que nous prenions cette année en considération à la fois le crédit d'impôt de 2018, qui s'applique en 2019, et la baisse des cotisations sociales. Nous aurions tout aussi bien pu n'enclencher cette baisse qu'à partir de 2020 et nous aurions eu 20 milliards de charges en moins pour les entreprises en 2019 et 20 milliards en moins en 2020. Nous avons préféré donner en 2019 un coup de pouce extrêmement important aux entreprises, et je pense qu'elles sauront en profiter.
J'en profite pour confirmer à Charles de Courson qu'en effet la transformation du CICE en abaissement de charges aura un effet sur l'IS, de l'ordre de 3 à 5 milliards d'euros, mais il ne faut pas oublier que la baisse générale des cotisations chômage autour du SMIC représentera un gain du même ordre.
D'accord, mais reconnaissez que cette année se cumulent les 20 milliards au titre du CICE et les 20 milliards de baisse des cotisations sociales, à tout le moins 15 milliards si l'on prend en compte l'augmentation de l'IS. Ces 35 milliards doivent permettre aux entreprises d'encaisser le report à l'automne de la baisse des cotisations chômage.
Mme El Haïry, le rééquilibrage des seuils de la CSG concerne essentiellement des retraités, ainsi que quelques chômeurs. Après avoir annoncé que cela concernerait 100 000 foyers fiscaux, le Gouvernement a finalement consenti un effort de 350 millions d'euros pour 330 000 retraités, afin surtout de ne pas pénaliser fiscalement les revenus accidentels.
Monsieur Vallaud, la question des relations entre l'État et la sécurité sociale est un vaste sujet politique. Si la commission des finances se penche sur le PLFSS, c'est que nous considérons qu'il est de notre devoir de regarder l'ensemble des comptes de la nation, ceux de l'État, des collectivités territoriales et de la sécurité sociale, tout simplement parce qu'il existe des passerelles entre ces différents budgets. Ainsi, par la TVA, l'État finance la sécurité sociale. Il n'y a donc pas d'étanchéité. Même si cela n'a pas toujours été le cas, l'État a beaucoup fait depuis quelques années pour améliorer l'équilibre des comptes sociaux, et il est donc normal, dans une période où l'État consent beaucoup d'efforts financiers pour endiguer le chômage, ce qui profite non seulement à nos concitoyens mais aussi aux régimes de protection sociale, d'envisager une forme de retour des organismes sociaux vers l'État. Le débat mérite en tout cas d'avoir lieu. Je ne parlerai en aucun cas d'un siphonage des comptes sociaux, mais plutôt d'une vision solidaire des comptes de la nation.
Monsieur Coquerel, bien sûr qu'il y a des gens pauvres dans notre pays : c'est précisément pour cela que le Gouvernement a lancé son plan Pauvreté. Il n'y a pas de privilège à connaître des gens pauvres : nous en connaissons malheureusement tous. C'est aussi la raison pour laquelle vont bénéficier de l'allégement, voire de la suppression de la taxe d'habitation, les ménages jusqu'au quatrième décile, c'est-à-dire des ménages qui ne sont pas riches. Je vous invite donc à établir vos analyses plus objectivement, à partir de l'ensemble des dispositifs mis en place.
En ce qui concerne la hausse de la CSG qui sera compensée, cela concerne bien 300 000 retraités et chômeurs au lieu de 100 000, et non l'inverse : sans doute votre langue a-t-elle fourché.
Monsieur Dufrègne, vous dites que la baisse du coût du travail n'est pas une demande des Français. En effet, ce que demandent les Français, c'est qu'il y ait moins de chômage et plus d'emplois… ce qui s'obtient en baissant le coût du travail. Donc c'est bien pour eux que nous agissons comme nous le faisons.
Monsieur de Courson, vous avez posé plusieurs questions très précises, comme toujours. Je ne peux vous répondre sur les effets, secteur par secteur, de l'élargissement de l'assiette, mais il existe différentes études sur le sujet, notamment celles de l'Institut des politiques publiques, qui devraient en grande partie satisfaire à vos interrogations. Il est clair en tout cas que les grands bénéficiaires de cette transformation seront les établissements du secteur associatif et les établissements de santé. Nous avons fait le choix, comme les majorités précédentes, de privilégier le court terme et l'emploi, plutôt que, dans une perspective à plus long terme, les emplois à haute rémunération ; on peut le regretter, mais c'est ainsi.
Vous avez également évoqué les petites retraites. Il est vrai que les mesures que nous prenons vont peser sur les retraites dans les deux prochaines années. C'est ennuyeux pour les petites retraites, mais je veux croire que la solidarité est possible entre les générations – j'en veux pour preuve, je le répète, le fait que, ces dix dernières années, toutes les catégories d'âge ont contribué à l'équilibre des régimes de retraite. Il me semble par ailleurs qu'il est dangereux pour la démocratie de chercher à défendre à l'extrême telle ou telle frange de la population dans l'espoir d'en tirer un bénéfice électoral. Cela ne peut que favoriser les extrêmes.
Madame Dalloz, l'augmentation de 0,3 % des retraites est une mesure visant à préserver l'équilibre du régime de retraite et non à redresser les comptes de l'État. Le régime de retraite alimenté très majoritairement par les cotisations et ne sert qu'aux retraites. C'est un système étanche, ce qui nous oblige à cette sous-indexation, avant d'envisager une réforme plus structurelle.
Sur la question des travailleurs occasionnels, je crois que nous sommes en passe d'aboutir, grâce notamment aux amendements qui ont été déposés par l'ensemble des groupes.
Monsieur de Courson, la dette cumulée des hôpitaux se monte à 30 milliards d'euros, ce qui est un chiffre stable.
Il était précisément de 835 millions d'euros en 2017, ce qui est un chiffre en augmentation.
Ce n'est pas très clair à mes yeux, et je crois utile de reposer la question pour obtenir une réponse qui puisse nous éclairer.
Disposez-vous du montant cumulé des charges sociales qui n'ont pas été payées par les hôpitaux ? Certains établissements n'acquittent plus leurs charges sociales et accumulent des retards qui, dans certains cas, peuvent aller jusqu'à vingt-quatre mois, ce qui est problématique pour les salariés et les agents qui partent en retraite.
C'est en effet une vraie question, mais qui relève davantage de la commission des affaires sociales.
La commission en vient à l'examen pour avis des articles du projet de loi.
PREMIÈRE PARTIE : Dispositions relatives à l'exercice 2017
Article 1er : Approbation des tableaux d'équilibre relatifs à l'exercice 2017
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 1er sans modification.
Article 2 : Approbation du rapport annexé sur le tableau patrimonial et la couverture des déficits de l'exercice 2017 (annexe A
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 2 sans modification.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de la première partie sans modification.
DEUXIÈME PARTIE : Dispositions relatives à l'exercice 2017
Article 3 : Rectification des dotations 2018 de la branche maladie
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 1er sans modification.
Article 4 : Suppression du Fonds de financement de l'innovation pharmaceutique
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 1er sans modification.
Article 5 : Rectification des prévisions et objectifs relatifs à 2018
La commission est saisie de l'amendement CF22 de Mme Valérie Rabault.
Aujourd'hui, les employeurs qui sont redevables de taxes sur les salaires bénéficient d'un crédit d'impôt, lequel était compensé dans sa totalité à la sécurité sociale. Nous souhaitons qu'il en reste ainsi.
Nous voici d'entrée de jeu dans le débat sur la non-compensation. Le chômage a légèrement diminué et l'État a, ces dernières années, consenti beaucoup d'efforts financiers, ce qui a contribué à son endettement ou, en tout cas, à un ralentissement de l'apurement de la dette. Cela explique aussi que l'État n'a pas toujours tenu ses engagements en termes de baisse de la dépense publique.
Dans ce contexte, qui se traduit par un supplément de recettes pour les caisses de sécurité sociale, il n'est pas totalement aberrant qu'une partie de ces recettes supplémentaires revienne à l'État et que les allégements ne soient pas systématiquement compensés. Toute la question est ensuite de savoir où on place le curseur. Avis défavorable.
Je crois me souvenir qu'il avait été décidé, dès 2017, que le crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires mis en place pour les structures, comme les associations, qui ne bénéficiaient pas du CICE ne serait pas compensé à la sécurité sociale. Il faudrait que Mme Pires Beaune vérifie ce point.
La compensation a été décidée en 1994, puis confirmée par la loi organique de 2005. L'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 a ensuite prévu des dérogations expresses pour les cotisations familiales, la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et les mesures prévues pour la croissance. La non-compensation n'est donc pas une nouveauté – je le rappelle à mes collègues qui siégeaient dans la majorité sous la précédente législature.
Ce principe était tout de même assez bien ancré, même s'il souffrait en effet un certain nombre d'exceptions, qui d'ailleurs faisaient débat ; mais il semble que vous alliez plus loin en abolissant ce principe.
Puisque les dérogations sont possibles, nous n'avons pas à institutionnaliser cette non-compensation. Il ne s'agit pas de défendre à tout prix l'étanchéité des tuyaux mais, alors que la ministre vient de lancer la concertation sur le grand âge et l'autonomie et que l'on sait que les hôpitaux et les EHPAD, dans le cadre de la gestion du cinquième risque, vont avoir besoin de milliards d'euros, il serait sage de mettre les excédents de côté, en prévision de ces investissements. C'est le sens de notre amendement CF22.
La non-compensation concerne des éléments précis, elle n'est pas érigée en principe général. En l'espèce, elle porte en 2019 sur plusieurs dispositifs, dont les heures supplémentaires, les 350 millions d'euros destinés aux retraités et la suppression du forfait social.
J'entends le rapporteur, qui explique aux socialistes l'accusant de ne pas respecter un principe établi que celui-ci a déjà été rompu ; le péché ayant été commis, on peut donc continuer. Certes, mais les trois mesures qui sont en cause sont néanmoins suffisamment importantes pour qu'on s'interroge sur le maintien ou non du principe de compensation intégrale. C'est un problème de doctrine qu'il faut clarifier, même si je comprends les choix qui sont faits aujourd'hui et si personne ne peut se prévaloir d'avoir eu en l'espèce un comportement parfaitement vertueux.
Je suis d'accord pour avoir ce débat, dont les enjeux seront encore plus cruciaux à partir de 2024.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 5 sans modification.
Article 6 : Rectification de l'ONDAM et des sous-ONDAM pour 2018
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 6 sans modification.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de la deuxième partie sans modification.
TROISIÈME PARTIE : Dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre de la sécurité sociale pour l'exercice 2019
TITRE IER Dispositions relatives aux recettes, au recouvrement et à la trésorerie
Chapitre Ier Mesures en faveur du soutien à l'activité économique et des actifs
Article 7 : Exonération de cotisations sociales salariales sur le recours aux heures supplémentaires et complémentaires
La commission examine l'amendement CF81 de M. Éric Coquerel.
L'exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires me paraît délétère pour deux raisons. Pour commencer, ne tournons pas autour du pot : le véritable problème dans notre pays, c'est que les salaires en tant que tels sont insuffisants, notamment par rapport à la richesse nationale et aux revenus du capital. Vouloir y remédier par des contournements, en augmentant le salaire net par le biais d'exemptions de cotisations sociales, qui ne sont rien d'autres que des soustractions aux salaires socialisés que nous mettons en commun, ce n'est pas la solution.
En second lieu, en rendant toujours plus avantageuses les heures supplémentaires, à défaut de mieux payer les gens pour la durée légale de leur travail, vous incitez en réalité les chefs d'entreprise à utiliser ces heures supplémentaires exonérées, qui leur coûteront moins cher que d'embaucher quelqu'un. Votre dispositif est donc une machine à produire du chômage.
Il ne s'agit pas que les gens qui travaillent déjà travaillent plus, mais qu'ils soient mieux payés et que les gens qui ne travaillent pas trouvent un emploi. Je vous rappelle que la réduction de temps de travail entre 1997 et 2002 a créé des centaines de milliers d'emplois. Il n'y avait jamais eu autant de millions d'heures travaillées dans notre pays et il n'y en a jamais eu autant depuis.
Avis défavorable. Nous reparlerons, à l'occasion de l'un de vos amendements suivants, de la réduction du temps de travail ; ma réponse s'en tiendra ici aux heures supplémentaires. Mathématiquement, je peux assez facilement vous suivre : dix fois trois heures supplémentaires, cela fait trente heures, cela fait un emploi ; en mathématiques, cela marche, mais dans la vraie vie, c'est beaucoup plus compliqué. J'ai voté, sous la précédente législature, la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires avec la même intention que vous ici ; mais nous n'avons pas eu la démonstration que cela ait créé des centaines de milliers d'emplois – ce qui ne veut pas dire que le contraire soit exact. En tout cas, quelques heures supplémentaires ne suppriment pas un emploi. Dans une entreprise, pour une fonction dédiée, ce ne sont pas trois heures de plus ou de moins qui libèrent de l'emploi. Dans certains cas, la suppression de la défiscalisation a même pénalisé les entreprises car les salariés, mécontents de perdre cet avantage, rechignaient à faire des heures supplémentaires. Et plus généralement, en cas d'activité temporairement dynamique, il peut être difficile de mobiliser des salariés sur des heures supplémentaires, alors qu'il n'y a pas d'autre possibilité. Cela peut mettre en danger des entreprises qui ne peuvent faire face à un carnet de commandes temporairement gonflé. C'est un effet pervers qu'il faut prendre en considération.
Vous dites aussi que cela incite au temps partiel. C'est possible, mais après tout, pourquoi pas, si c'est le choix des gens et s'ils peuvent obtenir une meilleure rémunération grâce à des heures supplémentaires ? C'est bénéfique car cela libère du temps pour d'autres.
Quant aux répercussions sur la santé, s'il ne s'agit que de quelques heures à un moment de sa vie – je ne parle pas du travail de nuit –, c'est aller un peu vite en besogne…
Je soulignerai le paradoxe idéologique. En écoutant M. Coquerel, j'ai envie de lui décerner le prix Milton Friedman de l'économie libérale, car il nous dit que l'État doit être totalement neutre et ne pas influer sur le choix des employeurs entre l'embauche d'un nouveau salarié ou le recours aux heures supplémentaires… Cela m'amuse d'autant plus que le Gouvernement, lui, mérite en revanche, avec cette proposition, le prix Stakhanov : on est bien là dans le stakhanovisme de Nicolas Sarkozy et Joseph Staline réunis, c'est-à-dire « travailler plus pour gagner plus ». Je suis complètement perdu idéologiquement mais, comme je suis un loyal serviteur du Gouvernement, je voterai contre l'amendement.
J'aime assez les paradoxes, monsieur Bourlanges, mais nous sommes au contraire pour des lois qui encadrent très précisément la durée du temps de travail au lieu de la remettre en question, plafonnent les heures supplémentaires et fassent en sorte qu'elles coûtent plus cher. Nous sommes donc pour une intervention de l'État et n'avons aucun rapport avec les Chicago boys.
Comme cela a été rappelé hier soir par Charles de Courson, on parle du chômage mais on oublie toujours que des secteurs entiers d'activité peinent énormément à recruter, dans le tourisme, la restauration, le commerce… Il est nécessaire que ce dispositif permette d'accompagner ces entreprises.
La commission rejette cet amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CF23 de Mme Valérie Rabault.
Nous proposons d'ajouter un alinéa pour assurer la compensation intégrale. Le 2 octobre dernier, l'ensemble des caisses nationales de sécurité sociale se sont réunies et ont massivement rejeté ce PLFSS, notamment sur la base de la présente argumentation.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette cet amendement.
Elle émet ensuite un avis favorable à l'adoption de l'article 7 sans modification.
Après l'article 7
La commission est saisie de l'amendement CF82 de M. Éric Coquerel.
Le recours à l'intérim s'est considérablement développé ces dernières années : huit embauches sur dix se font désormais en contrat court et précaire. Nous proposons d'introduire une fluctuation des cotisations patronales à la branche AT-MP qui prenne en considération le taux d'intérim dans le calcul de ces cotisations.
Les principales victimes, à court terme, en seraient les travailleurs eux-mêmes. Il en est de même pour cet autre amendement, que vous avez déposé un peu plus loin, sur l'aide à la création ou à la reprise d'entreprise (ACCRE), où les principaux concernés, les travailleurs indépendants, se retrouveraient les premiers pénalisés. Avis défavorable.
La commission rejette cet amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CF84 de M. Éric Coquerel.
Cet amendement va exactement à l'inverse de ce que vous proposez. Vous exonérez les entreprises sans contrainte, sans fléchage, y compris les heures supplémentaires ; nous proposons quant à nous une expérimentation sur l'exonération de cotisations sociales pour les entreprises qui passent à trente-deux heures payées trente-cinq, de façon à en mesurer l'effet en termes d'emploi. L'IGAS a rappelé que le passage aux trente-cinq heures a permis de créer 350 000 emplois, et les statistiques de l'époque montrent que non seulement la compétitivité horaire n'a jamais si fortement augmenté dans le pays, mais aussi que le nombre global d'heures travaillées n'a jamais été aussi élevé. Nous soutenons que la réduction du temps de travail, adossée à une politique de répartition des richesses, est la bonne solution.
J'entrerais volontiers avec vous dans ce débat intéressant, mais ce serait sortir du strict champ de ce projet de loi… À l'occasion, vous me direz si vous êtes favorable au partage du travail et des revenus. Avis défavorable.
La commission rejette cet amendement.
Article 8 : Mise en oeuvre de la transformation en 2019 du CICE et du CITS en baisse pérenne de cotisations sociales pour les employeurs
La commission est saisie de l'amendement CF85 de M. Éric Coquerel.
Nous proposons de supprimer l'article 8 qui prévoit la transformation du CICE en exonérations. Vous avez compris que nous ne sommes pas d'accord avec cette logique d'exonération qui est une fausse manière d'augmenter les salaires et affaiblit le système français fondé sur des prestations liées aux cotisations sociales.
L'objectif de l'article est bien en réalité de maintenir le CICE. Or le rapport annuel, publié il y a quelques semaines, du comité de suivi du CICE nous apprend que, pour la période 2013-2015, celui-ci aura au mieux permis de maintenir ou créer 100 000 emplois, pour un coût de 47,8 milliards d'euros, ce qui représente pour l'État une dépense de 160 000 euros par emploi et par an. On a rarement fait pire ! Qui plus est, il va doubler cette année.
Vous maintenez ici des exonérations pour des salaires atteignant jusqu'à 2,5 fois le SMIC, autrement dit pour les trois quarts des salariés. Cela ne créera pas d'emplois, et ce sera une mauvaise affaire pour les prestations sociales, la sécurité sociale et l'État.
Le CICE, c'est 20 milliards ; les 40 milliards, c'était le pacte de responsabilité et de solidarité.
J'ai évoqué tout à l'heure le rapport de l'Institut des politiques publiques. Il compare le CICE et les baisses de cotisations sociales, solution que nous préférons. Votre amendement, techniquement, ne fait pas ce qu'il prétend faire, mais peu importe. Passer du CICE aux baisses de cotisations sociales présente un réel intérêt en termes de lisibilité et d'instantanéité, alors que le crédit d'impôt était presque considéré comme une baisse d'IS ; ajoutons que le spectre est élargi, ce qui devrait vous réjouir, à l'ensemble des activités associatives, mutualistes, coopératives. Si notre pays va mieux et crée davantage de richesses, l'État récupérera des recettes par le biais de l'IS. Je le regrette comme vous, mais nous vivons dans un monde de compétition. Nous sommes notamment en concurrence avec l'Allemagne, que vous accusez souvent de pratiquer le moins-disant social. Je ne le conteste pas, mais c'est une réalité que l'on ne peut contourner. Avis défavorable.
Je partage quelques analyses de M. Coquerel sur le CICE, qui présente certains écueils. Il s'adaptait mieux en termes de compétitivité-coût avec les entreprises ayant une relation avec l'export ; peut-être arrosait-il trop large, mais nous aurions certainement dû négocier avec le patronat pour limiter les distributions de dividendes, car il fallait privilégier l'investissement ou l'amélioration des salaires.
Cela étant, j'aimerais savoir exactement quelle incidence exacte aura sur l'IS la transformation du CICE en baisse de charges, dans la mesure où celle-ci interviendra désormais avant l'impôt et non plus après. Par ailleurs, pourquoi n'avez-vous pas étalé cette transformation sur deux années, avec le paiement du CICE 2018 en 2019 et le paiement de la réduction de cotisations seulement à partir de 2020, ce qui aurait évité la double dépense ?
L'effet du retour d'IS est de 2,6 milliards cette année et 5 milliards les années suivantes. Ce à quoi vient s'ajouter la baisse de cotisation chômage autour du SMIC, à hauteur de 3,5 milliards en année pleine. Autrement dit, cela s'équilibre.
La commission rejette cet amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CF98 du président Éric Woerth.
Cet amendement est symétrique d'un autre amendement défendu lors de la discussion du projet de loi de finances. La première conséquence de la transformation du CICE touchera l'IS, à hauteur de 5 milliards en année pleine, qui ne sont pas compensés. Cet amendement vise à augmenter d'un point le taux de réduction forfaitaire de la cotisation maladie pour qu'il passe de 6 à 7 % ; le Président Hollande avait ramené le taux du CICE de 7 à 6 % en échange de la non-suppression de la dernière tranche de la C3S. Je pense qu'il faut rendre aux entreprises ce qu'elles avaient, c'est-à-dire une masse correspondant à 7 %.
Par ailleurs, la transformation du CICE fera, selon les branches, des gagnants, mais également des perdants, notamment en fonction de la répartition des salaires dans les entreprises, en particulier les entreprises employant de la main-d'oeuvre qualifiée. J'aimerais savoir, monsieur le rapporteur pour avis, si vous avez une analyse plus fine sur les gagnants et les perdants.
Vous revenez sur la question de Charles de Courson relative à la sectorisation ; je vous renvoie au rapport de l'Institut des politiques publiques, qui détaille les réponses à ces questions. Je rappelle une nouvelle fois qu'il y aura, parallèlement, la baisse de cotisations salariales sur le chômage autour du SMIC pour 3,5 milliards d'euros à partir de novembre en année pleine, ce qui compense le passage de 7 à 6 %, qui bénéficiera principalement aux entreprises à forte densité de main-d'oeuvre et à bas coûts, ainsi que la baisse d'IS avec une trajectoire sur trois ans pour aller à 25 %, ce qui fera à nouveau 4 milliards au bénéfice des entreprises : autrement dit, des efforts importants sont consentis pour les entreprises. De façon un peu taquine, monsieur le président, je noterai que c'est votre premier amendement à 3 milliards…
Les amendements que vous avez défendus à l'intérieur d'autres projets coûtent beaucoup plus que 3 milliards. Accordez à l'opposition le droit d'utiliser les moyens d'une façon différente de la vôtre !
Derrière cet amendement, c'est tout le problème de fond de l'efficacité économique de ces baisses des charges, du point de vue de la compétitivité de nos entreprises, qui est posé. Le rapport de M. Alauzet nous présentera-t-il le détail, par niveaux de salaire, des allégements de cotisations ? Car nous sommes confrontés à un double risque. Aujourd'hui, nous affectons 40 milliards d'euros, soit 2 points de PIB, aux exonérations de cotisations sociales salariales ; or, depuis vingt-cinq ans, cette politique a toujours été concentrée sur les bas salaires, jusqu'à 1,6 SMIC pour les allégements généraux et 2,5 SMIC pour le CICE. Du coup, les baisses de charges profitent principalement à des secteurs protégés, grande distribution, propreté, sécurité, tandis que les secteurs exposés à la concurrence internationale et qui exportent, industrie automobile, industrie pharmaceutique, chimie, etc., en bénéficient très peu. Ce sont des politiques structurelles, qui mettent en jeu des montants énormes et depuis des décennies ; il devient vraiment urgent de les évaluer, sans parler du danger de créer des trappes à bas salaires : au niveau du SMIC il n'y aura plus du tout de cotisations sociales patronales. Quel est l'intérêt pour une entreprise, dans ces conditions, d'augmenter les salaires, si cela se traduit pour elle par une augmentation en flèche des cotisations ? Pourrez-vous nous éclairer dans votre rapport ?
Un dernier point, essentiel : nous sommes en pleine fiction. Alors que l'on est supposé payer 35 % de charges ; au niveau du SMIC, c'est en réalité zéro. Quand introduirons-nous la vérité du barème ? Pourquoi ne pas « barémiser », surtout quand il s'agit de 40 milliards d'euros ? Cela lèvera beaucoup de confusion, par exemple sur le problème des travailleurs détachés. On ne sait pas que le SMIC aujourd'hui correspondra, pour l'entreprise, au net et non plus au brut.
Les entreprises qui ont une répartition majoritaire au-dessus de 1,3 SMIC perdront probablement à la transformation du CICE en baisse de charges. Ce devrait normalement être un simple changement de méthode de répartition, un peu comme le prélèvement à la source, parfaitement neutre, sans gagnant ni perdant ; or ce n'est pas le cas. La neutralité n'est pas du tout garantie dans votre texte.
Monsieur Carrez, vous aurez dans mon rapport le détail par catégories. Vous évoquez un sujet récurrent : c'est tout le débat sur la cible, la préparation de l'avenir, avec les postes à valeur ajoutée, la recherche, l'innovation, la compétitivité, etc. Malheureusement, nous sommes tous pris à la gorge par le chômage massif et le besoin de donner un emploi aux gens peu formés. Au demeurant, entre la baisse de cotisations sociales jusqu'à 2,5 SMIC et le crédit d'impôt qui était à 2,5 SMIC, on ne change rien à l'assiette.
Enfin, monsieur le président, je ne vois pas comment éviter une nouvelle redistribution. C'est pour cette raison, je le répète, que d'autres dispositifs sont prévus, tels que les 3,5 milliards d'allégement général autour du SMIC, qui compenseront la baisse d'IS pour les secteurs que l'on peut estimer défavorisés par la conversion.
Nous avons besoin de calculs plus précis sur l'impact en fonction de la répartition des salaires dans les entreprises.
Il faut que, dans votre rapport, vous posiez la question : ces mesures vont-elles dans le sens de la compétitivité du pays ? C'est la question soulevée depuis quinze ans. Ne faisons-nous pas collectivement d'énormes erreurs ? Car nous sommes tenus par les contraintes européennes ; chaque fois que nous avons voulu faire quelque chose de sectorisé, nous nous sommes trompés. Le rapport Gallois avait préconisé les baisses sur les salaires médians, car c'est là où sont les salaires dans l'industrie.
Ce qu'a dit Gilles Carrez est tout à fait juste. Nous poursuivons deux objectifs contradictoires et qui n'en doivent pas moins être poursuivis simultanément. Nous poursuivons un objectif de compétitivité internationale, qui devrait nous conduire à ne pas mettre d'argent sur les bas salaires, car c'est un frein à la modernisation des entreprises, à la robotisation, au développement de la compétitivité ; et en même temps nous savons bien que les gisements de salaire sont des emplois mal rémunérés, actuellement insolvables du fait du niveau de charges sociales qui pèsent sur eux. La vie consiste à gérer des contradictions et des tensions. Nous devrions consentir un effort d'analyse de la tension entre ces deux objectifs également légitimes mais contradictoires.
Je souscris à ce que dit M. Bourlanges, mais si nous voulons créer des emplois pour les bas salaires, il faut d'abord retrouver la compétitivité des entreprises. Disposez-vous ou disposerez-vous, monsieur le rapporteur pour avis, d'éléments de comparaison avec ce qui se passe structurellement dans l'échelle des salaires, et donc en termes de compétitivité, parmi les pays de l'Union européenne qui sont nos principaux concurrents, notamment l'Allemagne ? J'entends bien qu'il faut traiter les deux sujets mais peut-être dans un certain ordre, pour créer de la richesse d'abord.
Vous trouverez dans le rapport des éléments concernant l'impact sur la compétitivité, le type de branches, etc. Sera-ce suffisant à notre bonne compréhension de la problématique ? Je n'en suis pas certain. En tout cas, je n'ai pas de comparaisons européennes ; une mission à part entière serait sans doute nécessaire pour conduire un tel travail.
La commission rejette cet amendement.
Ensuite de quoi, la commission est saisie de l'amendement CF5 de Mme Cendra Motin.
L'article 8 comporte des dispositions spécifiques pour le bâtiment et les travaux publics, l'agriculture, le tourisme, l'industrie, le numérique et la recherche et développement. Je propose d'aller un peu plus loin pour les services à la personne puisque la ministre a entamé une négociation avec la fédération des entreprises de ces services afin que les aides restent totales jusqu'à 1,2 SMIC et non 1,1 SMIC comme c'est actuellement dans le texte. Il s'agit en quelque sorte de respecter un engagement des négociations avec un secteur qui a également besoin qu'on l'aide.
Votre amendement propose de porter à 1,2 SMIC le seuil de dégressivité de l'allégement de cotisations sociales pour les organismes offrant des aides à la personne en direction de publics fragiles. Le Gouvernement propose de rapprocher le dispositif spécifique d'exonération en faveur de l'emploi d'aides à domicile auprès des personnes fragiles de l'allégement général de droit commun. La réforme serait à coût constat, 60 % des structures seraient gagnantes, et il y aurait des perdants plutôt parmi les structures de plus de cinquante salariés.
Votre amendement cherche donc à rendre plus favorable le nouveau dispositif d'allégement spécifique en repoussant à 1,2 SMIC le seuil de dégressivité de l'allégement, contre 1,1 SMIC actuellement dans le dispositif proposé par le Gouvernement. Le point de sortie resterait à 1,6 SMIC. Selon le Gouvernement, l'effort serait concentré sur les rémunérations les plus proches du SMIC. Aujourd'hui, le dispositif est évalué à 1,7 milliard d'euros par an. Le recentrage du dispositif répond à des préconisations formulées tant par la Cour des comptes que par des rapports parlementaires. L'exonération est déjà plus favorable que le dispositif de droit commun. Il n'est pas sûr qu'il faille aller plus loin. Je vous invite à retirer votre amendement et à le redéposer en séance publique pour approfondir le sujet.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie de l'amendement CF86 de M. Éric Coquerel.
Cet amendement conditionne les exonérations de cotisations sociales en tirant les leçons des alertes qui ont eu lieu sur le CICE, qui a été dévoyé. Les entreprises de la distribution en ont été les premières bénéficiaires alors que le secteur est très peu soumis à la concurrence internationale. Les PME en ont très peu profité. Il a très peu créé d'emplois. Afin que ce genre de dévoiements ne se reproduise pas avec les exonérations de cotisations sociales, nous proposons que celles-ci soient attribuées aux entreprises qui en ont réellement besoin et que soient exclues celles dont la bonne santé financière ne nécessite pas de tels cadeaux.
Sur la forme, votre amendement ne fait pas ce qu'il prétend faire. Sur le fond, le mélange de prestations sociales et d'impôt n'est pas forcément de bon aloi. On ne peut pas mettre sur le même plan les cotisations sociales et l'imposition des bénéfices des sociétés. Avis défavorable.
La commission rejette cet amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, l'amendement CF95 du rapporteur, l'amendement CF52 de M. Julien Aubert, ainsi que les amendements CF53, CF55 et CF71 de M. Philippe Chassaing.
Le processus est en cours sur la mesure TODE : tout le monde a compris que nous allions vers une sortie heureuse. L'amendement CF95 est identique à celui qui a été adopté hier en commission des affaires sociales.
Mon amendement CF52 va dans de même sens. Dans mon département, pas moins de 6 000 exploitations étaient concernées, et menacées d'une hausse des cotisations de 12 millions d'euros et d'une perte de chiffre d'affaires de 200 millions d'euros. Et il en est de même dans beaucoup de départements. Je ne peux donc que me féliciter que les rapporteurs aient déposé un amendement qui rétablira ce dispositif TODE : un écart de 3 à 4 euros entre l'Allemagne et la France, signifie chez moi l'arrêt pur et simple de toute agriculture saisonnière. On parle de 180 euros en moyenne ; mais cela peut, dans certains secteurs d'agriculture, représenter 500 euros sur la fiche de paie pour un revenu de 1 200 euros bruts. Il fallait le sanctuariser et je m'en félicite.
J'ai moi aussi proposé deux amendements, CF53 et CF55, qui visent au rétablissement du TODE. Que cette exonération puisse prendre fin est extrêmement problématique pour la pérennité de certaines exploitations. Je me réjouis donc que le rapporteur général ait présenté cet amendement de rétablissement et retire les miens.
Les amendements CF53, CF55 et CF71 sont retirés.
Un amendement similaire a en effet été adopté hier en commission des affaires sociales. J'ai également précisé qu'au cas où aucun dispositif alternatif ne serait proposé par le Gouvernement, j'ai prévu à l'article 36 du PLF un transfert de crédits sur le budget du PLFSS correspondant aux économies réalisées sur la niche Copé, par le biais d'un amendement adopté dans notre commission, de façon à financer ce dispositif. Le Gouvernement aura peut-être d'autres idées d'ici à la séance. En attendant, le dispositif est bordé pour être voté le cas échéant.
Quel en est le coût total ? Vous évoquez deux secteurs très affectés : les fruits et légumes et la viticulture. La somme des deux fait 90 millions. L'ensemble des TODE représente actuellement 170 millions. D'autres secteurs sont-ils donc concernés ?
Si j'ai bien compris l'exposé sommaire, votre amendement CF95, monsieur le rapporteur, propose de maintenir le choix pour les exploitants entre le dispositif de TODE et l'allégement général, y compris le futur 4 %, mais ce n'est pas le texte de l'amendement. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet ?
Je ne suis pas certaine qu'il y ait lieu d'avoir ce débat. Un amendement est proposé par le rapporteur pour avis, le rapporteur général en a fait adopter un hier et nous sommes en attente d'une proposition du Gouvernement pour rectifier le tir. Dans un souci de rapidité et d'efficacité, il n'est pas besoin d'avoir de nouveau le débat sur le TODE ici.
Monsieur Aubert, je sais que vous êtes très impliqué sur le sujet. Parallèlement au maintien du dispositif TODE est prévu le report de l'allégement de cotisations chômage, qui servait à compenser la suppression du TODE, à l'échéance normale de l'automne. Il faut tenir compte de cette articulation.
Très concrètement, les simulations présentées par le ministère de l'agriculture faisaient état des gains du nouveau système et des pertes liés à la suppression du système TODE. On nous a présenté un certain nombre de fiches techniques. Par exemple, pour une exploitation classique – qu'il s'agisse d'arboriculture, de viticulture ou de maraîchage – employant sept salariés permanents en CDI, deux CDD et des saisonniers représentant onze équivalents temps plein annuels, ce qui signifie une plus grande concentration pendant la période de ramassage, en tenant compte des plus comme des moins, la perte se situe aux alentours de 6 000 euros, ce qui correspond à la marge moyenne de ce type d'exploitation. Autrement dit, on pénalise les plus fragiles et ils doivent aller voir leur banquier pour négocier – ce qui est extrêmement facile, comme chacun sait. C'est donc sur la foi de ces documents officiels présentés par le ministère de l'agriculture que nous avons déposé ces amendements.
Si, d'ici à l'examen du texte en séance publique, le Gouvernement analyse les gains et les pertes pour proposer un nouveau régime des TODE garantissant la neutralité, je n'y serai pas opposé. Il faut simplement qu'on ait un système honnête. Je le répète : je suis persuadé que personne n'a vu venir le coup, pour la bonne raison qu'on ne pense jamais aux problèmes liés au travail saisonnier, que ce soit pour les salariés de droit privé, pour les salariés de droit public, pour les professions libérales intermédiaires ou pour les autres.
J'attends donc de savoir si la réflexion du Gouvernement aboutit de manière à répondre à la question. Le dispositif proposé vise à maintenir le système TODE tel qu'il existe, ce qui veut dire qu'il est alternatif au système d'allégement général des charges qui serait mis en place.
Non, monsieur le rapporteur pour avis. Comme vient le dire M. Giraud, le système n'est pas alternatif : les travailleurs saisonniers dépendent du régime des TODE. Les employeurs n'ont pas le choix entre le TODE et le système général.
C'est un sujet essentiel. Ce sur quoi nous sommes d'accord, c'est qu'il reste à définir la juste mesure pour que les exploitants agricoles qui bénéficient actuellement du dispositif TODE ne soient pas perdants dans le cadre de la transformation du CICE. Je me réjouis de cette suppression, mais je reste inquiète quant à l'atterrissage du dispositif dans son ensemble.
À ce stade de la discussion, nous retirons l'amendement CF52, en espérant nous aussi avoir des précisions sur l'atterrissage.
L'amendement CF52 est retiré.
La commission adopte l'amendement CF95.
Elle se saisit ensuite de l'amendement CF97 du président Éric Woerth.
Cet amendement est lié à la question précédente, le TODE n'étant qu'un élément supplémentaire. Il s'agit du report du 1er janvier au 1er octobre de l'allégement de cotisations sur les bas salaires au taux de 4,05 %. Le chômage, en France, concerne surtout les travailleurs non qualifiés. Vous reportez, je ne sais pourquoi, quelque chose qui avait été négocié pour l'ensemble du CICE. Dans ce bloc qu'était le CICE, il y avait la réduction des cotisations patronales, avec quasiment zéro charge au niveau du SMIC. Vous reportez cela au 1er octobre, visiblement pour des raisons financières. Or vous pouviez faire d'autres choix. Celui-là ne me semble pas le bon, parce qu'on est au coeur du chômage pour les non qualifiés.
Nous l'avons déjà dit : le report s'explique principalement par le cumul en 2019 du CICE et de la baisse de cotisations sociales, à raison de 40 milliards au total – 35 ou 37 si vous intégrez l'effet retour et IS. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 8 modifié.
Après l'article 8
La commission se saisit de l'amendement CF4 de Mme Cendra Motin.
Il s'agit d'un amendement d'appel. Nous devons avoir une vraie réflexion sur la taxe sur les salaires qui touche notamment les établissements publics de santé, dont on sait qu'ils ne la paient pas toujours forcément – un rapport a été rédigé sur le sujet. Je vais retirer mon amendement à ce stade, mais je souhaite que nous ayons une discussion sur ce point en séance publique.
Vous soulevez un vrai problème, madame Motin, qui a effectivement été explicité par la Cour des comptes : le dispositif ne s'applique pas et souffre d'une insécurité juridique – qui ne concerne pas, d'ailleurs, que les établissements de santé ; le barème est incohérent et a été compensé par la création d'un abattement ; le dispositif est complexe et incite au recours à temps partiel. Bref, il a de multiples inconvénients. Il faut donc trouver une solution et vous avez tout à fait raison de vouloir y revenir.
L'amendement est retiré.
La commission examine ensuite l'amendement CF72 de Mme Sarah El Haïry.
Cet amendement vise à exonérer l'Établissement français du sang du versement de la taxe sur les salaires. Nous tenons à cette disposition, car l'organisme assure une mission spécifique, qui permet d'assurer l'autosuffisance de notre territoire en produits sanguins. Il y va de notre souveraineté en matière de santé publique.
Le sujet est tout à fait lié au débat précédent : certains sont exonérés, d'autres non, personne ne sait plus où on en est. D'un autre côté, si clarifier c'était exonérer tout le monde, cela coûterait 13 milliards. Faut-il ou non créer des niches ? Nous allons avoir ce débat. C'est la bouteille à l'encre ! Avis défavorable, à ce stade.
La commission rejette l'amendement.
Elle se saisit ensuite de l'amendement CF100 du président Éric Woerth.
Cet amendement s'inscrit dans la même logique que celui que j'ai présenté, dans le cadre du projet de loi de finances, concernant la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Il s'agit ici des impôts de production. La C3S est un impôt de production dont le niveau est extrêmement élevé.
Nous, parlementaires d'opposition, faisons une série de propositions, qui ont évidemment leur cohérence, mais vous pourriez tout à fait en adopter seulement certaines. Je comprendrais ainsi que l'on adopte l'amendement relatif à la CVAE dans le cadre du PLF et pas celui-ci, relatif à la C3S – ou le contraire. En revanche, je ne comprendrais pas qu'on n'adopte ni l'un ni l'autre, parce qu'on est là au coeur de la question de la compétitivité du pays. Les impôts de production sont deux fois plus élevés en France que dans la zone euro et ils affectent directement la compétitivité de nos entreprises. La C3S est un impôt ancien, dont le rendement est de 3,8 milliards. Le précédent gouvernement avait voulu la supprimer, et cela a été fait en partie, de manière progressive. Il en reste quand même une partie importante, puisque ce sont près de 4 milliards d'euros qui sont prélevés sur le chiffre d'affaires des entreprises. La C3S ne dépend donc pas du résultat de l'entreprise – voilà pourquoi nous parlons d'« impôt de production ».
Vous avez raison, monsieur le président : les impôts de production ne sont pas favorables à notre économie, puisqu'on peut avoir un résultat négatif et les payer quand même. Cela dit, la C3S a déjà été pour partie supprimée, au bénéfice des petites et moyennes entreprises. Ce ne sont plus désormais que les très grosses entreprises qui la paient. Il faut en avoir en avoir conscience. La disposition coûte 4 milliards – je n'ai guère d'autres arguments à avancer.
Vous trouverez facilement 4 milliards pour la compétitivité en annulant des mesures inutiles prises précédemment. C'est un choix : vous pouvez maintenir des mesures inutiles et ne pas voter des mesures utiles. Ce n'est pas notre position, et l'opposition a le droit de défendre des mesures telles que celle-là. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas là une affaire de coût.
Certes, mais nous n'avons pas le temps de le faire ici. Je me contentais de répondre à ce que vous et le Gouvernement dites systématiquement sur le sujet : objecter un coût élevé, c'est un peu court.
La commission rejette l'amendement.
La commission examine ensuite l'amendement CF6 de Mme Cendra Motin.
Il s'agit, là encore, de mettre un sujet sur la table. Dans les services à la personne, il n'y a pas que les entreprises, il y a aussi des employeurs particuliers. C'est un écosystème très divers, qui bénéficie de très nombreux allégements de cotisations, de dispositifs dégressifs pour les charges, sans compter les allocations et les diverses aides à la famille. On est un peu dans le bourbier : parmi toutes ces aides, on ne reconnaît plus très bien les statuts du particulier employeur, des associations, des entreprises. Cet amendement a surtout pour objectif de faire prendre conscience au législateur du fait que le système est devenu complètement illisible et qu'il serait intéressant d'y remettre un peu d'ordre. Il s'agit de montrer qu'un des dispositifs d'exonération est mal ficelé et qu'il n'est plus très bien adapté à son objet. Il convient aussi de se poser plus globalement la question des aides pour tout ce qui concerne les services à la personne.
Votre objectif est tout à fait louable et le dispositif serait bénéfique aux usagers : cela garantirait la contemporanéité et la lisibilité de l'aide, contrairement au crédit d'impôt, qui intervient tardivement. Le point qu'il faudra tenter de clarifier en séance est celui de la fluidité du passage entre les deux systèmes et de son impact financier. Cela suppose de trouver des arguments qui portent. Je demande le retrait de cet amendement, qui pourrait être redéposé en séance.
Comme je le disais, il s'agit d'un amendement d'appel : l'objectif était d'ouvrir le débat. Rendre les aides contemporaines, cela coûte entre 6 et 10 milliards. Il va falloir être créatif.
L'amendement est retiré.
La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements CF87 et CF88 de M. Éric Coquerel.
L'amendement CF87 vise à supprimer l'allégement général de cotisations sociales patronales sur les bas salaires. Ce dispositif, il faut le rappeler, était destiné à alléger ce qu'on appelle maintenant le « coût du travail » – alors que le travail a également un prix, mais passons – pour les emplois les moins qualifiés. En réalité, le dispositif a été étendu et il constitue une sorte d'incitation à recruter à bas salaire, y compris pour des salariés qualifiés et diplômés, ce qui, par ailleurs, a un coût pour les finances publiques.
L'amendement CF88 est en faveur de l'égalité salariale hommes-femmes. Quelques rappels : les femmes gagnent 24 % de moins que les hommes en moyenne, et elles représentent 80 % des travailleurs pauvres. La course à la précarisation les touche pleinement, et ce malgré les lois successives qui ont été votées. Nous proposons de supprimer les exonérations de cotisations sociales patronales aux entreprises qui ne respecteraient pas leurs obligations en matière d'égalité salariale.
En ce qui concerne l'amendement CF87, nous avons déjà largement discuté de la question : avis défavorable. Pour l'amendement CF88, ce que vous proposez paraît disproportionné. Au demeurant, des sanctions sont déjà prévues dans le code du travail, et elles paraissent adaptées. Avis défavorable également.
Je ne vois pas de quelles discussions vous voulez parler concernant le premier amendement.
Je parlais de la suppression des allégements de cotisations. Cela fait deux heures que nous en discutons : je n'ai pas nécessairement envie de répéter la même chose pour la quatrième fois.
La commission rejette successivement les amendements.
Article 9 : Extension de l'exonération triennale de cotisations sociales aux créateurs d'entreprises relevant du micro-bénéfice agricole
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 9 sans modification.
Après l'article 9
La commission se saisit de l'amendement CF89 de Mme Sabine Rubin.
L'économie dite collaborative a donné naissance à un nouveau type de travail, reconnu par la loi comme indépendant mais, dans les faits, ceux qui l'exercent ne sont ni salariés ni indépendants. Je veux parler des chauffeurs de voitures de transport avec chauffeur, ou encore des livreurs à vélo. Ils ne sont pas indépendants parce qu'ils ne sont pas libres de fixer leurs prix ni de choisir leur rythme de travail, et ils ne sont pas non plus salariés. En tout cas, ils ne bénéficient d'aucune des protections liées au statut de salarié, notamment s'agissant des accidents du travail.
Si nous entendons favoriser la création d'entreprise et l'activité d'indépendant par le dispositif ACCRE, comme cela a été évoqué, nous devons le faire pour déboucher sur une indépendance réelle, et non alimenter une sorte de salariat déguisé. C'est pourquoi nous demandons que le dispositif ne s'applique pas aux travailleurs placés dans une situation de dépendance économique, notamment ceux des plateformes.
On voit bien votre intention, madame Rubin, et on peut la partager. Mais une telle disposition pénaliserait en réalité les travailleurs indépendants eux-mêmes, qui ne pourraient plus bénéficier des allégements de cotisations sociales. Comme vous le savez, leur situation n'est pas forcément très favorable ; en leur supprimant de surcroît des aides, vous n'atteindriez pas l'objectif que vous visez. En outre, la subordination économique n'est pas définie. Par ailleurs, si un lien de subordination est avéré, le contrat de travail est requalifié en salariat. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Article 10 : Aménagement de la cotisation subsidiaire d'assurance maladie
La commission examine l'amendement CF8 de Mme Valérie Rabault.
En 1999, il semblait équitable que ceux qui ne dépendaient que des revenus du capital, sans avoir de revenus du travail – les rentiers, en quelque sorte –, contribuent à notre système de protection. Or, avec l'article 10, vous augmentez l'abattement de 20 000 à 40 000 euros et diminuez le taux de 8 % à 6,5 %… Un tel cadeau fiscal fait aux rentiers est à nos yeux inacceptable. Nous demandons donc la suppression de cet article. Alors que vous répétez sans cesse qu'il faut que le travail paie, cette disposition favorise la rente. Vous êtes en totale contradiction avec vos belles annonces.
Certains proposent de supprimer complètement le dispositif ; nous, nous le maintenons en l'aménageant. En l'état, il apparaît assez injuste. Le cas typique est celui d'un agriculteur ayant des revenus d'activité inférieurs à 3 900 euros par an, ce qui est extrêmement faible et qui bénéficie de revenus exceptionnels. Le mécanisme est inégal car selon le niveau où l'on se situe, on ne bénéficie pas du même régime. Nous proposons donc à la fois de réduire le taux, qui passera de 8 % à 6,5 %, et de rehausser le plafond à 20 000 euros – il ne s'agit pas de 1 million d'euros, ou que sais-je encore. Typiquement, le cas visé est celui du paysan dont les revenus s'effondrent – il y en a quelques-uns en ce moment –, qui arrête son activité, vend son exploitation et qui se trouve pénalisé de façon importante. Voilà ce que nous voulons éviter.
Vous êtes quand même en complète contradiction avec votre principe selon lequel il faut récompenser le travail : vous favorisez les revenus du capital. On est bien dans l'encouragement de la rente.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 10 sans modification.
Article additionnel après l'article 10 : Extension aux boissons aromatisées à base de vin de la taxe sur les prémix
La commission examine les amendements identiques CF57 du rapporteur pour avis, et CF76 de Mme Sarah El Haïry.
Cet amendement vise à taxer certaines boissons alcoolisées que je qualifierais de sournoises. Dans le passé, on a taxé certaines boissons du type prémix, dont la cible était surtout des jeunes, qu'il s'agissait d'accoutumer à l'alcool. Qui plus est, ces boissons contiennent beaucoup de sucre. Pour échapper à la taxation, certains fabricants ont utilisé du vin comme ingrédient de base, car celui-ci n'est pas soumis à la même taxation. L'amendement CF57 vise à imposer ceux qui veulent contourner le système de sensibilisation précoce de nos jeunes aux risques de l'alcoolisation en jouant sur des taux de sucre élevés.
Mon amendement CF76 a le même objet. Précisons qu'il ne s'agit pas du tout ici de produits tels que ceux qui sont porteurs d'indications géographiques protégées, notamment le vin : on parle de boissons qui sont fabriquées de manière à présenter des taux de sucre extrêmement élevés. C'est une question de santé publique et de prévention.
La commission adopte les amendements.
Article 11 : Atténuation du franchissement du seuil d'assujettissement de la CSG au taux normal sur les revenus de remplacement
La commission se saisit de l'amendement CF73 de Mme Sarah El Haïry.
Il s'agit principalement de relever le seuil à partir duquel les pensions sont assujetties au taux plein de la CSG afin de prendre en compte l'amélioration des comptes publics. Nous prévoyons en outre, par coordination, de relever les plafonds d'application dans les départements d'outre-mer.
Avis défavorable. Madame El Haïry, si on augmente le seuil, on diminue d'autant la baisse de cotisations sociales pour les salariés : ce sont des vases communicants. On ne peut pas faire intervenir d'autres critères pour équilibrer. Il y a environ 20 milliards de CSG supplémentaires qui permettent de financer des cotisations salariales. Je vois donc une forme de contradiction ici, alors même que ce n'est pas le sens de votre démarche.
Certes, mais le mécanisme que nous avons mis en place est bien celui que j'ai décrit : une augmentation de 22 milliards de la CSG, qui permet de financer une baisse des cotisations salariales. En outre, si tout le monde paie la CSG – qui s'applique également, je le rappelle, aux revenus du capital –, 40 % des retraités ne subissent pas son augmentation et, pour les 40 % de la partie intermédiaire, l'augmentation est compensée à hauteur de 34 % – certes avec un léger décalage – par la suppression de la taxe d'habitation. Il s'agit donc d'un système complet, qu'il faut apprécier dans sa globalité.
Je vais faire mûrir ma réflexion sur le sujet, peut-être d'ici à l'examen du texte en séance publique. À ce stade, je retire mon amendement.
L'amendement est retiré.
La commission se saisit ensuite de l'amendement CF9 de Mme Valérie Rabault.
Avec l'article 11, vous corrigez les effets de la hausse de la CSG, mais seulement à la marge, puisque 350 000 foyers seront concernés. Nous déposons le même amendement que l'année dernière. Nous considérons en effet que la hausse de la CSG, qui s'applique à partir d'un revenu de 1 289 euros mensuels pour les personnes ayant moins de 65 ans et de 1 394 euros pour celles ayant plus de 65 ans, est pénalisante : celles qui la subissent ne peuvent pas, par exemple, se payer une maison de retraite, ce que nous considérons comme la jauge essentielle.
À mon avis, la question des maisons de retraite, des EHPAD, ou encore du maintien à domicile est très importante, mais d'une tout autre ampleur que celle qui est posée ici. C'est un défi terrible qui est devant nous et que nous allons devoir aborder avec la création d'un cinquième risque. Ne mélangeons pas tout : il s'agit, d'un côté, de 40 euros environ, et, de l'autre, de 1 000 euros.
Vous proposez, d'une certaine façon, de ne pas appliquer l'augmentation de la CSG pour les revenus de remplacement en revenant au taux de 6,6 %. Or la CSG, je le rappelle au passage, s'applique à tous les revenus : elle s'applique aux revenus du travail, aux revenus du capital et aux revenus de remplacement. Votre amendement pose donc un problème d'équité.
Par ailleurs, comme je viens de l'expliquer à Mme El Haïry, vous remettez en cause mécaniquement, avec cet amendement, une partie au moins de la baisse des cotisations salariales : il faut l'assumer. Tel n'est pas notre choix, car nous voulons valoriser le travail en augmentant sa rémunération. Dans le même temps, nous avons instauré des dispositifs afin que la hausse de la CSG pèse le moins possible sur les retraités ayant des pensions modestes ou d'un niveau moyen.
La commission rejette l'amendement.
Elle émet ensuite un avis favorable à l'adoption de l'article 11 sans modification.
Article 12 : Sécurisation de la participation aux organismes complémentaires santé au financement des nouveaux modes de rémunération
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 12 sans modification.
Article 13 : Poursuivre la simplification de la déclaration et du recouvrement des cotisations
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 13 sans modification.
Article 14 : Simplification de la procédure de dépôt des demandes de modifications mineures d'autorisation de mise sur le marché des médicaments
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 14 sans modification.
Article 15 : Réforme des mécanismes de sauvegarde applicables aux produits de santé
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 15 sans modification.
Article 16 : Mesures en faveur des travailleurs indépendants (12) : Clarification des modalités de calcul des cotisations sociales des travailleurs indépendants
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 16 sans modification.
Article 17 : Modulation des sanctions applicables en cas de travail dissimulé
La commission examine l'amendement CF10 de Mme Valérie Rabault.
En matière de travail dissimulé, une des sanctions applicables consiste à annuler l'ensemble des exonérations de cotisations générales sur la période faisant l'objet du redressement, jusqu'à cinq ans. Pour des raisons de risques de disproportion entre l'infraction et la peine, vous proposez de moduler les annulations de réduction de cotisations de sécurité sociale et même de réduire les majorations de retard quand le paiement intervient rapidement. Nous voyons dans ces mesures un allégement des peines ; il y a un vrai risque de banalisation du travail dissimulé. Nous demandons donc la suppression de cet article, en vous rappelant que ce sont précisément ces sanctions qui dissuadent les entreprises d'avoir recours au travail dissimulé.
La lutte contre le travail dissimulé reste bien sûr une priorité, mais nous considérons que dans le dispositif en vigueur, les sanctions ne sont pas proportionnées à la nature réelle des anomalies. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement, puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l'amendement CF92 de Mme Sabine Rubin.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 17 sans modification.
Article 18 : Mesure d'efficience de la gestion financière des organismes de sécurité sociale
La commission examine l'amendement CF96 du président Éric Woerth.
Cet amendement du président Éric Woerth concerne les allégements de charges sociales, ce qui rejoint l'échange que nous avons eu il y a quelques instants. Les allégements de charges sont concentrés sur les bas salaires, ce qui est tout à fait normal compte tenu du chômage. Toutefois, pour renforcer la compétitivité de notre économie, il faut aussi intervenir sur les salaires dépassant largement le niveau du SMIC. C'est une vraie question au regard de la compétitivité de nos entreprises, comme l'a rappelé Jean-Louis Bourlanges tout à l'heure. L'allégement de charges porte sur les salaires jusqu'à 2,5 SMIC maximum. À travers cet amendement, nous vous proposons d'aller au-delà en l'étendant jusqu'à 3 SMIC. Je rappelle que c'était une réflexion du ministre de l'économie et des finances lui-même. Nous n'allons pas jusqu'à 3,5 SMIC comme le rapport Gallois le préconise.
Le rapport Gallois préconisait d'aller jusqu'à 3,5 SMIC, mais ici vous vous arrêtez à 3, sans doute parce que le président Éric Woerth a systématiquement placé la toise à 3 milliards d'euros dans tous ses amendements. Plus sérieusement, cette proposition, comme les autres, représenterait une dépense trop importante. Il y a d'autres dispositifs pour les entreprises ; c'est une question de choix, comme souvent.
La commission rejette l'amendement.
Elle émet ensuite un avis favorable à l'adoption de l'article 18 sans modification.
TITRE II Conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale
Article 19 : Transfert de recettes entre la sécurité sociale et l'État et entre régimes de sécurité sociale
La commission se saisit des amendements identiques CF11 de Mme Valérie Rabault et CF93 de Mme Sabine Rubin.
Dans la continuité de ce que nous avons dit depuis le début de cette réunion, dans la mesure où l'article 19 vise à organiser un transfert de recettes de la sécurité sociale vers le budget de l'État, nous proposons, par l'amendement CF11, sa suppression.
Bien que les comptes de la sécurité sociale soient de nouveau dans le vert, le modèle social continue d'être attaqué avec, d'une part, la désocialisation des heures supplémentaires et, d'autre part, la suppression du forfait social – soit 440 millions en moins. Notre amendement CF93 tend à également à supprimer l'article qui met en oeuvre ces deux mesures.
Vous ne m'en voudrez pas, je l'espère, l'une et l'autre, si je ne reviens pas sur ce débat que nous avons déjà eu. En ce qui concerne l'attaque dont ferait l'objet le modèle social, madame Rubin, je rappelle que la France est le troisième pays au monde en termes de pourcentage du PIB consacré à la santé, et le premier pour ce qui est de la faiblesse du reste à charge : il est de 7,5 %. Est-ce l'austérité ? Le modèle social est-il mis à mal ? Il y a des difficultés, que je vois aussi bien que vous, mais les excès ne sont sans doute pas utiles dans le débat.
La commission rejette les amendements.
Elle émet ensuite un avis favorable à l'adoption de l'article 19 sans modification.
Article 20 : Reprise par la CADES des déficits portés en trésorerie par l'ACOSS
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 20 sans modification.
Article 21 : Approbation du montant de la compensation des exonérations mentionnées à l'annexe 5
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 21 sans modification.
Articles 22 et 23 : Approbation des tableaux d'équilibre de l'ensemble des régimes obligatoires, du régime général et du FSV pour 2019
La commission émet un avis favorable à l'adoption des articles 22 et 23 sans modification.
Article 24 : Objectif d'amortissement de la dette sociale et prévisions sur les recettes affectées au FRR ou mises en réserve par le FSV
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 24 sans modification.
Article 25 : Habilitation des régimes de base et des organismes concourant à leur financement à recourir à l'emprunt
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 25 sans modification.
Article 26 : Approbation du rapport sur l'évolution pluriannuelle du financement de la sécurité sociale (annexe B
La commission examine l'amendement CF24 de Mme Valérie Rabault.
L'amélioration des comptes de la sécurité sociale et le retour à l'équilibre – et même, on l'espère, à l'excédent très prochainement – sont sûrement de bonnes nouvelles. Il est utile de rappeler que c'est aussi l'aboutissement d'une trajectoire amorcée depuis quelques années, et que cette trajectoire est le fruit des sacrifices consentis par les familles et des efforts de gestion réalisés par tous ceux ayant un lien avec la sécurité sociale. Or le rapport Charpy-Dubertret sur les relations financières entre l'État et la sécurité sociale appelle à transférer les excédents de la sécurité sociale vers les caisses de l'État. Nous ne partageons pas du tout les conclusions de ce rapport et réclamons l'autonomie financière de la sécurité sociale. Nous demandons donc la suppression de cet article.
Je ne reviens pas sur ce débat. Je me contenterai de rappeler que l'imbrication entre activité économique et protection sociale est une réalité. Cela dit, le débat reste totalement ouvert sur ce sujet.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 26 sans modification, de même qu'à l'adoption de la troisième partie modifiée.
QUATRIÈME PARTIE : Dispositions relatives aux dépenses et à l'équilibre de la sécurité sociale pour l'exercice 2019
TITRE Ier Transformer le système de soins
Article 27 : Extension du dispositif de paiement à la qualité des établissements de santé
La commission se saisit, en présentation commune, des amendements CF12 et CF39 de Mme Valérie Rabault.
L'amendement CF12 vise à supprimer l'article 27. En effet, il nous semble qu'avant d'envisager de financer la qualité à partir d'indicateurs, encore faut-il que ceux-ci soient adaptés, ce qui n'est pas le cas. De surcroît, l'article prévoit une pénalisation.
L'amendement CF39 est un amendement de repli : il vise à améliorer les indicateurs en ajoutant des indicateurs de résultats mais aussi de satisfaction des usagers.
Il existe déjà un certain nombre d'indicateurs, madame Pires Beaune – sur l'accueil, la prise en charge par les médecins, les infirmières et les aides-soignantes, la chambre, le repas, ou encore l'organisation de la sortie. Il ne s'agit pas des soins au sens strict : on sait combien l'environnement est important lui aussi. Il existe également des indicateurs purement médicaux, concernant par exemple des événements thromboemboliques, après la pose d'une prothèse de hanche. Tout cela est en construction ; il reste encore beaucoup de progrès à faire. Je partage donc totalement votre préoccupation, mais on ne peut pas dire qu'il n'y a rien. Par ailleurs, la distinction que vous établissez entre indicateurs de procédure et indicateurs de résultats est sujette à interprétation. Je vous demande donc de retirer l'amendement CF39, même si le sujet mérite d'être approfondi.
En ce qui concerne l'amendement CF12, la qualité, comme je l'expliquais à l'instant, on y vient : on a vu les impasses – ou à tout le moins les limites – de la tarification à l'activité, tout comme les limites du budget global. Il faut s'orienter vers la notion de qualité, avec un système de bonus-malus. Il est vrai que le malus peut poser question – c'est le sujet que vous soulevez. Je voudrais toutefois insister sur le fait qu'il existe un certain nombre de garde-fous, de manière à éviter qu'un établissement qui serait en difficulté pour des raisons indépendantes de sa volonté ne soit pénalisé. Nous avons deux ans devant nous pour travailler sur ces questions. Par ailleurs, le seuil minimal de qualité requis doit être mis en cause pendant trois années consécutives, ce qui laisse largement le temps de réagir ; l'établissement peut faire valoir ses observations et les raisons pour lesquelles il n'a pas atteint les objectifs. Bref, on peut appliquer intelligemment le malus. Avis défavorable, par conséquent, à l'amendement CF12.
J'entends ce que vous dites, monsieur Alauzet, mais n'étant pas à l'origine de ces amendements, je ne me sens donc pas autorisée à les retirer. Par ailleurs, si je me souviens bien, l'article prévoit une application de ces mesures en 2020.
Monsieur le rapporteur pour avis, y aura-t-il, oui ou non, dans les indicateurs de qualité, des indicateurs de perception par les malades ?
Ils sont déjà pris en compte, monsieur de Courson. Je les ai évoqués : il y a l'accueil à l'hôpital, la relation avec le médecin et les infirmières, etc.
Certes, mais l'évaluation est-elle précise ? Autrement dit, envoie-t-on des enquêteurs demander aux personnes qui ont été soignées quelle est leur perception ? Les médecins sont tous les mêmes : ils font leurs meilleurs efforts mais ils ne se rendent pas compte du fait que, parfois, le patient n'a pas du tout la même perception.
Je ne peux pas vous répondre avec certitude parce que je ne connais pas la procédure exacte, mais je suppose qu'il y a des questionnaires que le patient doit remplir, parfois même qu'on l'aide à remplir. Quoi qu'il en soit, ces questions de qualité, notamment dans la relation, sont déjà examinées. On recueille d'ores et déjà l'avis du patient : il ne s'agit pas de demander au médecin si son patient est content de son séjour…
La commission rejette successivement les amendements.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 27 sans modification.
Article 28 : Financement forfaitaire de pathologies chroniques
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 28 sans modification.
Article 29 : Amplifier la portée du dispositif d'innovation du système de santé (article 51 LFSS 2018
La commission examine l'amendement CF74 de Mme Sarah El Haïry.
Nous proposons d'aller plus loin que le texte actuel en permettant, pour la mise en oeuvre des expérimentations d'innovation du système de santé, de déroger non seulement aux règles de tarification, mais également aux règles d'organisation. L'idée est de faciliter la coopération de tous les acteurs sociaux, médico-sociaux et du secteur sanitaire. Cet amendement a pour objet de permettre une certaine agilité et une coopération un peu plus large.
Si nous avions été en commission des affaires sociales, je vous aurais dit : « Avis favorable ». Mais, sur ce sujet, nous sommes à la limite du champ de compétence de notre commission. Sagesse.
La commission adopte l'amendement.
Elle émet ensuite un avis favorable à l'adoption de l'article 29 modifié.
Article 30 : Simplification de l'exercice libéral à titre accessoire pour les médecins remplaçants
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 30 sans modification.
Article 31 : Étendre l'objet des sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (SISA) aux pratiques avancées
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 31 sans modification.
Article 32 : Renforcer l'usage du numérique et le partage d'information pour améliorer la qualité de la prise en charge
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 32 sans modification.
Après l'article 32
La commission examine, en discussion commune, les amendements CF29, CF32 et CF33 de Mme Valérie Rabault.
Ces amendements sont chers à notre collègue Guillaume Garot, qui a abordé la question il y a quelques mois dans le cadre d'une proposition de loi. Il s'agit de démographie médicale et du manque de médecins. Nous sommes certainement plusieurs ici à bien nous rendre compte du problème dans des territoires sous-dotés.
L'amendement CF29 concerne plutôt les territoires sur-dotés : il vise à faire en sorte que le conventionnement à l'assurance maladie d'un médecin libéral ne puisse intervenir qu'en concomitance avec la cessation d'activité d'un autre médecin. L'idée est de dire que, là où il y a déjà beaucoup de médecins, le conventionnement ne sera accordé que si l'on prend la place d'un médecin qui exerçait déjà dans la même zone. Il ne s'agit pas de porter atteinte à la liberté d'installation, mais plutôt d'inciter à s'installer dans les zones où la présence du médecin est plus indispensable.
L'amendement de repli CF32 propose de mettre en place ce dispositif d'autorisation de conventionnement dans les zones sur-dotées à titre expérimental, pour une durée de trois ans.
Beaucoup d'efforts ont été faits dans les territoires, avec notamment des contrats de territoire destinés à favoriser l'installation de jeunes médecins, ou encore l'installation de maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) : on voit qu'il y a une véritable mobilisation de nos élus dans les territoires. À travers l'article L. 111-2-2 du code de la sécurité sociale, l'État s'est donné à lui-même l'obligation de garantir l'accès effectif des assurés aux soins sur l'ensemble du territoire. Il ne faut pas que le principe de libre installation conduise à la désertification médicale. L'amendement CF33 vise à faire en sorte qu'un décret en Conseil d'État définisse des mesures conciliant le respect de la libre installation et les besoins d'installation. Il prévoirait notamment les modalités selon lesquelles les prestations effectuées par les praticiens ne respectant pas ces conditions peuvent faire l'objet de restrictions dans le remboursement par les organismes d'assurance maladie.
Monsieur Bricout, il faut prendre en compte le fait qu'un médecin peut faire bien d'autres choses que s'installer en libéral à la fin de ses études. Il peut ainsi travailler dans l'industrie, dans la communication et dans un certain nombre d'institutions. D'ailleurs, seuls 11 % des jeunes médecins s'installent à l'issue de leurs études. Attention, donc, aux fausses bonnes idées, de même qu'à l'illusion selon laquelle il y aurait pléthore dans certains endroits. Il y a effectivement de nombreux médecins à Paris et Lyon et sur la Côte d'Azur, mais il manque des médecins un peu partout, y compris dans les villes. Il n'existe donc pas de réservoir dans lequel on pourrait se fournir. Comme je le disais, les médecins font autre chose que de la médecine libérale. Le problème n'est pas non plus lié uniquement au numerus clausus. Avis défavorable aux trois amendements.
Quand on regarde la carte de France de la démographie médicale, les choses sont tout de même assez claires : les médecins se concentrent sur les bords de mer et dans les grandes villes, pour des questions d'attractivité des territoires – car c'est là le problème essentiel. Nous ne proposons pas, dans ces amendements, de remettre en cause la liberté d'installation. Il s'agit plutôt de dire : « Là, vous êtes trop nombreux, arrêtez de vous y installer. Venez plutôt là où la situation est tendue. »
Je voulais simplement recommander, à la suite du rapporteur pour avis, de prendre garde aux fausses bonnes idées. La sur-dotation se réfère à la population permanente : dans les zones touristiques, ainsi que dans les zones transfrontalières, on constate effectivement, en dépit d'une sur-dotation, des problèmes de couverture médicale. Or ces situations ne sont pas prises en compte. Ce genre d'amendements, que j'appelle « licence IV » – on ouvre un bar licence IV à condition qu'un autre ferme –, risque vraiment de se retourner contre des territoires qui, tout en étant sur-dotés, ont des problèmes d'affectation de médecins en raison de pointes de fréquentation, ou parce qu'une zone de chalandise est située de l'autre côté de la frontière. Comme le volet transfrontalier n'existe dans aucun plan régional de santé, en dépit de la loi qui l'impose, nous nous retrouverions Gros-Jean comme devant. Je vous invite donc à retirer ces amendements.
Le propos de M. Alauzet est tout à fait pertinent : il ne faut pas chercher à contraindre toujours plus l'installation. Les jeunes médecins ont tellement d'autres possibilités que ce sera contre-productif : ils sont déjà de plus en plus nombreux à se tourner vers la médecine salariée. Il ne s'agit pas d'aggraver les déserts médicaux, et il ne faudrait pas interdire à un médecin d'en remplacer un autre. Et puis voyez la pyramide des âges : les médecins désireux de s'installer auront le choix. La conception autoritaire en vertu de laquelle il serait possible de dicter à un médecin le lieu de son installation ne peut fonctionner avec ces jeunes médecins.
Il ne s'agit pas de prendre des mesures coercitives, et nous ne portons pas atteinte au droit d'installation. Simplement, ceux qui s'installent où il y a trop de médecins ne seraient plus conventionnés.
La commission rejette successivement les amendements.
Article 33 : Une santé sans frais en optique, aides auditives et prothèses dentaires
La commission examine l'amendement CF13 de Mme Valérie Rabault.
Nous demandons que soit remis au Parlement, au plus tard le 1er janvier 2022, un rapport d'évaluation portant sur les conséquences de la mise en oeuvre du « 100 % santé » sur l'évolution du prix des complémentaires santé.
Avis favorable : il faut y voir clair. Pour ma part, je voudrais que l'on sache quelle est, au bout du compte, la part prise par les professionnels, la part prise par la sécurité sociale et la part prise par les mutuelles – et, à travers celles-ci, par les patients. C'est l'ensemble qu'il faut considérer.
Je me propose dans ce cas de retirer cet amendement pour le redéposer, une fois réécrit dans le sens suggéré par M. le rapporteur pour avis.
L'amendement est retiré.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 33 sans modification.
Après l'article 33
La commission examine, en discussion commune, les amendements CF42, CF31 et CF30 de Mme Valérie Rabault.
Ces trois amendements concernent tous le tiers payant. L'amendement CF42 a pour objet de le généraliser tandis que les amendements de repli CF31 et CF30 visent à l'appliquer dans les centres de santé et les maisons de santé.
Un autre choix a été fait : celui de passer du tiers payant généralisé au tiers payant généralisable. Voyez le succès, sans contrainte, de la carte Vitale : 99 % des pharmaciens l'utilisent. L'utilité du tiers payant l'imposera plus facilement que la contrainte. Et je vous rappelle que se posait un problème de « tuyauterie » avec 350 ou 400 mutuelles : le Président Hollande lui-même avait prévenu à l'époque qu'il fallait le résoudre au préalable. Nous avons fait le choix du tiers payant généralisable ; nous pensons qu'il s'imposera progressivement.
La commission rejette successivement les amendements.
TITRE II Améliorer la couverture des besoins de santé
Chapitre Ier Lever les obstacles financiers à l'accès aux droits et aux soins
Article 34 : Amélioration du recours aux dispositifs d'aide à la couverture complémentaire santé
La commission se saisit de l'amendement CF56 du rapporteur pour avis.
Cet amendement vise à protéger les bénéficiaires de la CMU complémentaire contributive dans une situation où ils n'auraient pas acquitté leurs droits. Il s'agit de leur permettre de faire valoir leurs observations et d'indiquer, avant que leur couverture complémentaire ne soit suspendue, si leur retard ou leur absence de cotisation s'explique par des raisons légitimes.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement CF67 du rapporteur pour avis.
Cet amendement s'adresse toujours au même public : après avoir donné à l'assuré la possibilité de s'expliquer, il s'agit de lui accorder un délai de quinze jours pour le faire.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 34 modifié.
Article 35 : Exonération du ticket modérateur sur les soins de ville pour les personnes modestes à Mayotte
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 35 sans modification.
Article 36 : Gestion et financement des dispositifs de prise en charge exceptionnelle par l'assurance maladie
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 36 sans modification.
Article 37 : Modification du calendrier des examens de santé obligatoires des jeunes de moins de dix-huit ans
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 37 sans modification.
Article 38 : Création d'un fonds de lutte contre les addictions liées aux substances psychoactives
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 38 sans modification.
Article 39 : Généralisation de l'expérimentation portant sur la vaccination antigrippale par les pharmaciens
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 39 sans modification.
Article 40 : Prise en charge de l'intervention précoce pour l'autisme et les troubles du neuro-développement
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 40 sans modification.
Article 41 : Accélération de la convergence tarifaire des forfaits soins des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 41 sans modification.
Article 42 : Renforcer l'accès précoce à certains produits de santé innovants, tout en assurant la pérennité du système de prise en charge
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 42 sans modification.
Article 43 : Favoriser le recours aux médicaments génériques et biosimilaires
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 43 sans modification.
Après l'article 43
La commission se saisit de l'amendement CF15 de Mme Valérie Rabault.
Cet amendement vise à prendre en compte les investissements en recherche et développement réalisés par l'État, afin d'éviter que le contribuable ne se retrouve à payer deux fois, une première à travers le financement public de la recherche et développement biomédicale et une seconde avec un prix final élevé du médicament, remboursé par l'assurance maladie. Il convient donc de prendre en compte dans la définition du prix du médicament les financements publics qui ont contribué à sa mise au point. En somme, il s'agit de compléter les critères selon lesquels le prix du médicament doit être défini.
C'est un sujet un peu compliqué : effectivement, un certain nombre de critères président aujourd'hui à la fixation du prix des médicaments et à sa révision : le service médical rendu, les résultats de l'évaluation médico-économique, les prix des médicaments comparables, les volumes des ventes, etc. Vous voulez, cher collègue, y ajouter un élément totalement différent : l'aide publique dont auraient bénéficié pendant la période de recherche ces médicaments. La mise en oeuvre du critère me paraît difficile. En l'état, en l'absence de plus d'informations sur une méthode ou une procédure, j'y suis plutôt défavorable. Et, depuis 2010, je le rappelle, les industries ont beaucoup contribué aux économies – à hauteur, je crois, de 7 milliards d'euros.
Dans le doute, j'émets un avis défavorable, mais la question mérite largement débat.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient ensuite à l'amendement CF16 de Mme Valérie Rabault.
Cet amendement fait suite à une observation de la Cour des comptes, qui recommande précisément de renforcer le dispositif de révision des prix des médicaments – révision qui n'est d'ailleurs pas obligatoire aujourd'hui. La Cour recommande d'examiner les critères de révision : à l'issue des cinq années de garantie de prix européen, pour les médicaments les plus innovants ; au bout de trois ans pour les autres médicaments ; en cas d'extension d'indications thérapeutiques.
Le Premier ministre a rappelé devant le Conseil stratégique des industries de santé l'importance de la négociation. Je préfère m'en tenir à privilégier le dialogue et la négociation à des impératifs.
Titre III Moduler et adapter les prestations aux besoins
Article 44 : Revalorisation maîtrisée des prestations sociales
La commission est saisie des amendements identiques CF99 du président Éric Woerth, CF18 de Mme Valérie Rabault et CF94 de Mme Sabine Rubin.
Vous proposez dans cet article de sous-indexer certaines prestations sociales, au premier rang desquelles les pensions. Nous n'admettons pas cette disposition, estimant qu'il faudrait plutôt engager des réformes structurelles qui permettent de réduire la dépense publique, au lieu de raboter le pouvoir d'achat des retraités : pas moins de 3 milliards d'euros seront prélevés sur leur pouvoir d'achat en 2019, puis 6 milliards les années suivantes ! Nous proposons donc, par notre amendement CF99 la suppression de cet article.
L'amendement CF18 a le même objet. La revalorisation de 0,3 % des pensions est très inférieure au taux d'inflation de 1,4 % prévu dans le PLF pour 2019. Mais les retraités ne seront pas les seuls à être touchés, puisque la sous-indexation concerne également les allocations logement et les allocations familiales.
Notre amendement CF94 est identique. La sous-indexation aura un effet direct sur le pouvoir d'achat des retraités et de certaines familles. De façon indirecte, elle affectera donc également la consommation, voire la croissance. Votre politique nous conduit droit dans le mur.
En dix ans de réformes des retraites, les actifs ont été largement mis à contribution ; aujourd'hui, nous demandons un effort aux retraités. Il n'est jamais très facile de voir son pouvoir d'achat réduit, mais il ne faut pas oublier que, parallèlement, le minimum vieillesse va augmenter de 100 euros en trois ans, ce qui ne s'était probablement jamais vu, et que nous prenons par ailleurs un certain nombre de dispositions réduisant les dépenses des retraités et donc améliorant leur pouvoir d'achat : le « reste à charge zéro » en particulier constitue une aide très importante pour ceux qui ont besoin d'être appareillés, ou encore à la réforme de l'ACS qui devrait bénéficier à un million et demi de Français, dont un certain nombre de retraités. La réforme structurelle des retraites nous attend dans l'année qui vient. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 44 sans modification.
Article 45 : Majoration du montant maximum du complément de libre choix du mode de garde pour les familles ayant un enfant en situation de handicap
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 45 sans modification.
Article 46 : Conséquences de l'abaissement de l'instruction obligatoire à trois ans sur les prestations familiales
La commission est saisie de l'amendement CF19 de Mme Valérie Rabault.
Puisque le Président de la République propose d'avancer à trois ans l'âge de la scolarisation obligatoire, ce qui me paraît une bonne mesure, nous proposons que l'allocation de rentrée scolaire soit également versée dès les trois ans de l'enfant.
Pardonnez-moi d'être trivial, mais cette mesure coûterait 475 millions d'euros, alors que la branche famille retrouve à peine l'équilibre. Par ailleurs, ne perdez pas de vue que les familles qui scolarisent leurs enfants voient du même coup leurs frais de garde réduits. L'école permet souvent aux familles de faire quelques économies.
Je souscris à votre analyse, mais la branche maladie affiche malgré tout un excédent prévisionnel de 1,2 milliard d'euros… On reste donc dans les clous budgétaires.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 46 sans modification.
Article 47 : Harmonisation des modalités d'indemnisation du congé de maternité
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 47 sans modification.
Article 48 : Mesures en faveur des travailleurs indépendants : convergence des règles en matière de prestations en espèces vers le régime général
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 45 sans modification.
Article 49 : Amélioration du recouvrement de diverses sommes par les organismes de sécurité sociale
La commission est saisie des amendements identiques CF25 de Mme Valérie Rabault et CF75 de Mme Sarah El Haïry.
Au moment où le Président de la République lance le chantier d'un revenu universel d'activité, il nous semble prématuré de modifier les modalités de recouvrement des prestations versées à tort. Cela risque non seulement d'être inefficace mais également de pénaliser d'abord les plus faibles. C'est pourquoi nous proposons, par notre amendement CF25, de supprimer l'article 49.
Une fois n'est pas coutume, mais mon amendement CF75 a le même objet. Permettre des retenues sur des prestations comme l'AAH ou d'autres minima sociaux que touchent les personnes les plus fragiles risque d'accroître la précarité de ces personnes, qui n'ont absolument pas les moyens de faire face à de tels imprévus. Mieux vaut en l'état supprimer cet article et revoir ultérieurement la question du recouvrement dans une perspective plus globale.
Dans la mesure où nous parlons de personnes en grande difficulté, je n'insisterai pas sur les aspects budgétaires de cette mesure pour les comptes des organismes sociaux. Cela étant, si nous prenons cette mesure, c'est justement pour éviter à ces personnes de subir des mises en demeure, des recouvrements forcés ou des saisies de biens immobiliers, qui sont des procédures autrement plus violentes et bien plus humiliantes.
Dans le revenu universel d'activité, l'ensemble des prestations seront fondues, et je suis donc pour leur fongibilité. Je suis également pour la responsabilisation des bénéficiaires de minima sociaux. Cela n'empêche pas qu'en cas de difficulté majeure, on trouve des solutions pour les accompagner. L'humanité ne se décrète pas, et certainement pas en posant des barrières étanches entre les prestations. Je considère que le principe d'humanité et le principe de responsabilité sont parfaitement compatibles.
Les règles de calcul de ces prestations ne sont pas les mêmes, et on ne peut donc pas encore parler de fongibilité. Je rappelle qu'il s'agit de minima sociaux et donc d'une population extrêmement fragile.
Nous ne sommes pas pour laisser les choses en l'état, au contraire, mais nous vous alertons sur le fait que ces recouvrements ne sont pas nécessairement la conséquence de fraudes et qu'ils peuvent résulter de simples erreurs de calcul. S'en prendre ainsi aux bénéficiaires est donc potentiellement risqué.
J'abonde dans ce sens. Ces prestations ont toutes des modalités et des règles de calcul différentes, et j'imagine que, dans le cadre du chantier qu'ouvre le Président de la République sur le revenu universel, nous aurons à étudier tout cela. Pourquoi se précipiter, au risque de mettre en difficulté des personnes fragiles ?
C'est un sujet difficile. Nous reprendrons le débat en séance. Pour l'instant, j'émets un avis défavorable.
La commission rejette ces amendements.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 49 sans modification.
Article 50 : Modernisation de la délivrance des prestations sociales
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 50 sans modification.
TITRE IV Dotations et objectifs de dépense des branches et des organismes concourant au financement des régimes obligatoires
Article 51 : Dotation de l'assurance-maladie au FMESSP, à l'ONIAM, et de la CNSA aux ARS
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 51 sans modification.
Article 52 : Objectifs de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 52 sans modification.
Article 53 : ONDAM et sous-ONDAM
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 53 sans modification.
Article 54 : Dotations au FIVA, au FCAATA et transfert au titre de la sous-déclaration AT-MP
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 54 sans modification.
Après l'article 54
La commission est saisie de l'amendement CF28 de Mme Valérie Rabault.
Il est proposé par cet amendement de tenir compte du burn-out – un vrai sujet dans les entreprises et même à l'Assemblée – dans le coût des maladies psychiques liées au travail, alors qu'elles sont actuellement supportées par l'assurance maladie. C'est un amendement issu du rapport de Gérard Sebaoun et Yves Censi relatif au syndrome d'épuisement professionnel, dont on sait les dégâts qu'il peut faire dans les entreprises.
Il s'agit d'un sujet extrêmement subtil, multifonctionnel. Bien souvent, les personnes en burn-out réunissent un cocktail de problèmes professionnels, familiaux, divers et variés, pas toujours faciles à pondérer. Vous soulevez le risque que ces pathologies, si elles sont bien identifiées, et ce n'est jamais très facile, soient plutôt fléchées sur la prise en charge par l'assurance maladie alors qu'elles devraient l'être au titre des risques professionnels. Mais le problème se pose aussi dans l'autre sens : certaines pathologies qui devraient être prises en charge par l'assurance maladie le sont par la branche AT-MP. Il est difficile de mesurer la part professionnelle et la part personnelle du burn-out. Avis défavorable.
La commission rejette cet amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CF44 de Mme Valérie Rabault.
Cet amendement est encore lié à la problématique du burn-out, et des problèmes qui se sont manifestés dans les entreprises Renault et France Télécom : il propose une réfection du barème d'invalidité partielle permanente, qui ne correspond plus à la réalité des nouvelles pathologies de souffrance au travail et empêche toute réelle reconnaissance de celles-ci.
Avis défavorable. Cela rejoint une autre discussion que nous avons eue tout à l'heure sur l'ONDAM, l'hôpital, la qualité de vie au travail. Il faut mettre le paquet sur la qualité de vie au travail. En tout cas, pour la part qui ressortit au travail dans le burn-out, c'est par ce biais que l'on réglera le problème.
La commission rejette cet amendement.
Puis elle examine l'amendement CF69 du rapporteur pour avis.
Cet amendement reprend une suggestion de notre collègue Perrine Goulet, qui souhaite empêcher que les accidents du travail survenant pendant le temps de la pause méridienne lors d'une activité sportive organisée par l'entreprise, soient imputés à celle-ci. C'est une bonne pratique de l'entreprise d'offrir à ses salariés une activité récréative et de bien-être mais, en cas d'accident pendant cette activité, la faute peut aujourd'hui être imputée à l'employeur.
Je suis un peu circonspecte. L'objectif visé est certes honorable : plusieurs études démontrent que, quand l'employeur réussit à faire faire du sport à ses employés, cela augmente la productivité, c'est très bénéfique tout à la fois pour les employés et l'entreprise. Mais cet amendement pourrait être mal perçu. La branche AT-MP, en tout cas les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail, fait très bien la distinction. En tant que responsable des ressources humaines, il m'est arrivé d'avoir à gérer un accident de ski en AT-MP au motif que le directeur avait organisé une activité physique dans le cadre d'un séminaire… Si je comprends l'intérêt de l'amendement, je vois aussi les risques qu'il peut faire courir aux salariés et aux employeurs. Je ne suis pas sûre que ce soit très abouti.
Je partage le sentiment de Cendra Motin. On sait que les entreprises qui offrent ces activités à leurs salariés le font dans le cadre du bien-être de leurs salariés. Ce sont en général de grandes entreprises, pas des TPE ni des artisans. Elles peuvent supporter financièrement le risque, et elles ne semblent pas demandeuses d'une telle mesure.
Je me pose pour ma part la question des professions où la pratique du sport est incluse dans le temps de travail – les pompiers et policiers par exemple.
Si nous n'adoptons pas un tel amendement, cela ne risque-t-il pas de dissuader les entreprises de promouvoir la pratique sportive sur le lieu de travail, par crainte du risque que cela peut représenter ? Je pense qu'il faut promouvoir cette pratique et donc la sécuriser.
Je crois que cette proposition de Perrine Goulet est issue de son rapport. Cela résulte donc sans doute d'un travail approfondi. Mme Pires Beaune affirme qu'il n'y a pas de demande, mais j'imagine que Mme Goulet ne l'a pas inventée. Cela étant, je vois que le sujet soulève un débat. Je retire l'amendement à ce stade et nous expliquerons à Perrine Goulet le contenu de nos échanges.
L'amendement est retiré.
Article 55 : Objectifs de dépenses de la branche AT-MP
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 55 sans modification.
Article 56 : Objectifs de dépenses de la branche vieillesse
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 56 sans modification.
Article 57 : Objectif de dépenses de la branche famille
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 57 sans modification.
Article 58 : Prévision des charges des organismes concourant au financement des régimes obligatoires en 2019
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 58 sans modification.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de la quatrième partie modifiée.
Enfin, la commission émet un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du texte modifié.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 17 octobre 2018 à 9 heures 45
Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. Julien Aubert, M. Jean-Noël Barrot, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jean-Louis Bricout, Mme Émilie Cariou, M. Gilles Carrez, M. Michel Castellani, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Jean-René Cazeneuve, M. Philippe Chassaing, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, M. Benjamin Dirx, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, M. M'jid El Guerrab, Mme Sarah El Haïry, M. Nicolas Forissier, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. Romain Grau, Mme Olivia Gregoire, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, Mme Valérie Lacroute, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Vincent Ledoux, M. Marc Le Fur, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Jean-François Parigi, M. Hervé Pellois, Mme Valérie Petit, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. François Pupponi, Mme Valérie Rabault, M. Xavier Roseren, M. Fabien Roussel, Mme Sabine Rubin, M. Laurent Saint-Martin, M. Jacques Savatier, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Jean-Pierre Vigier, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth
Excusés. - M. François Cornut-Gentille, Mme Sophie Errante, M. Olivier Serva, M. Benoit Simian
Assistaient également à la réunion. – Mme Josiane Corneloup, M. Jean-Louis Masson, M. Boris Vallaud
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