Intervention de Julien Denormandie

Réunion du mardi 9 octobre 2018 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires :

Je vous prie de m'excuser, madame la présidente, de ne pas vous avoir répondu dès mon propos introductif sur l'Agence nationale de la cohésion territoriale (ANCT). Je vais le faire maintenant pour répondre également aux députés qui ont évoqué la question. Cette agence est à mes yeux essentielle comme symbole de la transformation sur le terrain de l'action de l'État aux côtés des collectivités locales. Je le dis avec d'autant plus de conviction qu'ayant été fonctionnaire pendant dix ans, je sais par coeur comment fonctionne une administration : son action est plus souvent centrée sur la procédure que sur le projet, sur la réglementation que sur le conseil, sur le policier que sur l'accompagnement. Je le dis en toute humilité, et sans aucune réserve sur le travail fantastique des fonctionnaires territoriaux. Il n'empêche que, pendant des années, on a plutôt privilégié la procédure sur le projet. L'Agence nationale de la cohésion des territoires vise à inverser cette approche. C'est dans la droite ligne de notre loi pour une société de confiance. Il y aura un « avant l'agence » et un « après ». Avant, les élus locaux devaient comprendre le système d'accompagnement de l'État ; après, le fonctionnaire de l'agence se lèvera le matin en se demandant comment faire pour accompagner les élus locaux, car l'agence est à leur service. Trop souvent en administration centrale, ce fonctionnaire commence par s'intéresser à ce que son directeur ou les ministres lui ont demandé ; mon objectif est que demain, en arrivant au travail, il se demande d'abord ce que les élus locaux et les entrepreneurs du territoire ont demandé, avant de penser à ce que les ministres veulent – mais mes équipes écoutent, donc je précise qu'il faut quand même répondre aux demandes des ministres ! Tel sera donc l'esprit de la nouvelle agence.

En second lieu, plusieurs d'entre vous ont insisté sur la nécessité de fournir une ingénierie aux collectivités. L'agence apportera cet appui. Un élu local qui se demande comment accélérer le dispositif numérique AMEL, devra pouvoir appeler l'agence qui lui donnera l'ingénierie nécessaire pour développer le projet. Actuellement, cette capacité manque à certains échelons, du fait aussi des réformes institutionnelles. Il y a une solidarité entre communautés certes, mais il importe que l'État apporte l'ingénierie nécessaire.

L'agence devra donc concilier les pôles d'ingénierie déjà existants au sein des services de l'État, comme à l'Agence du numérique, à l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA), mais également s'appuyer, sans forcément les intégrer, sur les autres structures qui accompagnent les projets sur le territoire, comme le CEREMA, l'ANRU ou l'ANAH, pour devenir une structure au bénéfice des élus locaux, des porteurs de projet et qui puisse faire le lien entre ces élus et l'ensemble des compétences dont disposent l'État et ses opérateurs.

Où en sommes-nous ? Une proposition de loi a été déposée par le groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) du Sénat – n'y voyez aucun lien avec le ministre Jacques Mézard – il y a plus d'une semaine. Le calendrier d'examen n'a pas encore été acté, mais, a priori, le Sénat devrait procéder à une première lecture courant novembre. Vous pouvez consulter cette proposition sur le site du Sénat.

Madame Zivka Park, oui, nous nous sommes fermement engagés à maintenir, au moins, les crédits de la politique de la ville, et ils augmentent en fait de 85 millions d'euros, dans des postes essentiels à nos yeux, l'éducation, la formation et les crédits pour les associations. Vous avez évoqué l'aide aux maires bâtisseurs. J'y crois profondément, mais l'ancien dispositif n'était pas le bon, d'où son arrêt en 2017. Il s'agissait d'une aide purement budgétaire, écrêtée d'année en année et dont il ne restait que quelques millions d'euros à la fin. Nous réfléchissons à un nouveau dispositif, avec pour objectif qu'il soit discuté dans le cadre de ce PLF. On sait qu'avant les élections municipales, les villes construisent moins. Il faut donc introduire cette nouvelle aide dès maintenant. Nous aurons plaisir à vous associer aux réflexions en cours.

Monsieur Jean-Marie Sermier, merci de votre propos. Je pense qu'il reflète le climat de confiance et l'esprit de co-construction dans lequel nous avons travaillé pendant de longs mois sur de nombreuses dispositions du projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) pour aboutir à une commission mixte paritaire (CMP) conclusive ce qui, pour une loi sur le logement, ne va pas de soi. Je vous en remercie chaleureusement, vous et l'ensemble des groupes. Oui, les territoires ont besoin d'argent. Pour parvenir à contractualiser, nous maintenons notre volonté politique de limiter les dépenses, mais sans recourir aux diminutions de dotations que vous avez connues ces dernières années. Les territoires ont besoin d'ingénierie, je l'ai dit à propos de l'ANCT. Mais vous ajoutez qu'ils auraient besoin qu'il y ait moins de normes. Je ne peux que partager cet avis.

Je peux vous donner plusieurs éléments. D'abord, on ne pouvait jusqu'ici expérimenter que si le résultat était ensuite diffusé sur tout le territoire. C'était même inscrit dans la Constitution. On va changer cela, en introduisant une différenciation entre eux. Ensuite, pour plus d'efficacité, ce Gouvernement a fait un immense effort pour nettoyer la masse des circulaires, qui sont parfois de véritables Ovni. On en a ainsi supprimé 10 000, ce qui dit à quel niveau d'empilement on en était. Enfin, le Premier ministre s'était fermement engagé à ce que toute nouvelle norme conduise à réduire deux autres normes. Il se trouve que, alors qu'on présentait auparavant des dizaines de normes, bizarrement, ce n'est plus le cas : c'est qu'il est très facile de créer une nouvelle norme, mais très difficile d'en faire disparaître. Les fans de la norme, dont nous ne sommes ni l'un ni l'autre, en ont été intimidés.

S'agissant d'« Action coeur de ville », j'y insiste : les 5 milliards d'euros qui y sont alloués ne sont pas des crédits recyclés. Ainsi, Action Logement va mettre 1,5 milliard d'euros supplémentaires, qui ne seront pas pris sur les crédits de la rénovation urbaine ou sur ceux qu'il utilise avec les bailleurs sociaux, mais seront de nouveaux crédits.

La procédure AMEL que nous avons créée permet aux collectivités, avant de lancer de nouveaux projets publics de déploiement du très haut débit, de se demander s'il n'est pas possible de faire intervenir les sociétés privées, très intéressées par le numérique. Certains nous critiquent, d'autres nous encouragent à le faire. Ce serait folie de se priver d'un tel dispositif. Nous rendrons publics les résultats d'ici la fin de l'année. Cet été, les procédures déjà engagées correspondaient au financement d'environ un million de prises nouvelles.

Madame Aude Luquet, l'hébergement d'urgence est un sujet à aborder avec beaucoup d'humilité. Il s'agit de donner un toit à chacun et d'héberger les plus fragiles. Actuellement, nous finançons 135 000 places tous les jours, soit environ la population d'Amiens. Ce n'est très certainement pas assez. Chacun le constate, et l'hiver approche, du fait de la paupérisation de certains, de la pression migratoire, les demandes sont très importantes. Il faut donc poursuivre l'effort d'accompagnement d'urgence, et les crédits sont en augmentation. Avec les associations, nous préparons l'hiver pour identifier des sites, mettre en place des mécanismes nouveaux. L'étape suivante est de passer de l'hébergement au logement : faute d'adresse, la réinsertion est difficile. Nous y consacrons 5 millions d'euros d'ici la fin du quinquennat, avec des dispositifs comme l'intermédiation locative, les prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI) adaptés, les pensions de famille, comme nous en avons visité avec Mme la présidente il y a quinze jours. J'ai participé à Amiens il y a quelques jours aux rencontres de la fédération des acteurs de la solidarité, présidée par M. Louis Gallois. J'y ai dit clairement que, dans les CHRS, les différences de coût de fonctionnement vont du simple au double. Souvent cela s'explique, mais il importe aussi de se fixer une cible. La diminution des crédits consacrés aux CHRS résulte de la prise en compte de ce coût cible de gestion. Mais de manière générale, les crédits d'hébergement d'urgence augmentent. Ce que nous avons fait pour les CHRS pose de vrais problèmes dans certains cas. Je me suis donc engagé auprès des acteurs de la solidarité à financer, dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté, un certain nombre de centres en grande difficulté, surtout ceux qui accueillent des familles et soutiennent le passage de l'hébergement au logement. J'en profite pour saluer l'action menée par les associations.

Vous m'interrogiez aussi sur le rôle des associations. Pendant très longtemps, on a considéré qu'elles étaient là pour faire ce que l'État n'était pas capable de faire. Il était donc satisfait de les voir agir derrière les politiques publiques. Cela dépend, certes, des ministères. C'est peut-être caricatural, mais j'ai passé plusieurs années à Bercy, où je n'ai jamais vu une association dans les couloirs. Or quand on fait de la politique d'aménagement, il faut s'appuyer sur les associations ! Dans mon ministère, il ne se passe pas un jour sans qu'on travaille avec l'une d'elles. À mes yeux, elles sont de vrais acteurs des politiques publiques et il faut définir celles-ci avec les élus locaux et avec les associations et partenaires économiques. À ne pas le faire, on compromet « le dernier kilomètre », celui qui importe tant puisqu'il touche l'Homme, que l'on veut remettre au centre. Quant au financement de ces associations, leurs lignes budgétaires augmentent de 15 millions d'euros, avec une attention particulière pour les petites associations. J'ai passé une matinée, vendredi dernier, avec celle que vous évoquez, Tous en stage, dont l'action est formidable. Il faut les accompagner différemment de ce qu'on fait pour les grosses associations. Nous allons donc financer 1 000 adultes relais en plus, pour porter leur nombre de 4 000 à 5 000. D'autre part, il faut cesser de faire des appels à projets pour tout, car c'est écarter les petites associations qui n'ont pas la capacité d'y répondre. Mes équipes sont en train de travailler dans ce sens.

Monsieur Guy Bricout, permettez-moi quelques rectifications. Vous parlez de réduction des dotations aux collectivités. C'était avant.

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