Intervention de Olivier Véran

Réunion du mercredi 17 octobre 2018 à 9h35
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Véran, rapporteur général :

Depuis un peu plus de dix ans, les établissements de santé se voient accorder des autorisations pour certains types de prise en charge, notamment la chirurgie carcinologique, dite « lourde ». Ces autorisations sont fondées sur des critères de qualité, de sécurité, mais surtout d'activité, tenant compte de seuils.

Le rapport de Guy Vallancien a démontré il y a une quinzaine d'années que lorsqu'une équipe n'a pas suffisamment de pratique en chirurgie cancérologique, le risque de complications pour le patient opéré augmente de façon sensible. Des seuils ont donc été mis en place dans les établissements de santé, ce qui a permis, avec une politique d'accompagnement des établissements, une concentration des plateaux techniques susceptibles d'opérer les malades atteints d'un cancer. Beaucoup d'établissements qui opéraient des patients ne le font plus.

Toutefois, cela n'est pas suffisant. Il faut savoir que, pour le cancer du sein, et pour ne citer que celui-ci, 4 % à 5 % des patientes, soit 2 000 femmes, sont encore opérées dans des centres qui ne disposent pas d'une autorisation, et dont l'activité est insuffisante pour garantir la sécurité et la qualité des soins. Sur 500 centres hospitaliers accueillant des patientes atteintes d'un cancer du sein, une centaine ne sont pas autorisés à le faire.

Or, avec le développement sur l'ensemble du territoire des centres de lutte contre le cancer et l'organisation de plateaux techniques dotés d'équipes très expérimentées et matures dans la prise en charge du cancer, il existe une offre. De surcroît, il ne s'agit pas d'une prise en charge en urgence, comme dans le cas d'une infection virale, puisque plusieurs semaines peuvent s'écouler entre le moment où l'indication chirurgicale est posée et l'intervention. Toute patiente peut donc être orientée. Elle peut aussi, si elle hésite sur le choix de la filière de soins, prendre conseil auprès du centre de lutte contre le cancer.

Les conséquences sont importantes. Il est attesté que la mortalité à un an et à deux ans après la chirurgie d'un cancer du sein est multipliée par 2, voire par 2,5, si la patiente a été opérée dans un centre qui n'avait pas une activité suffisante.

Or on constate qu'il n'y a pas de communication aujourd'hui entre la main gauche, qui accorde l'autorisation, et la main droite, qui finance : un établissement qui n'est pas autorisé à exercer cette activité continue de percevoir les financements qui y sont liés.

Cet amendement ne vise en aucun cas à dérembourser le patient, qui n'y est pour rien et qui n'a de surcroît aucun moyen de savoir si l'équipe qui va l'opérer est autorisée à le faire – il arrive que celle-ci ne le sache pas non plus.

Il prévoit que l'assurance maladie pourra récupérer auprès de l'établissement de santé les sommes indûment facturées au titre de la chirurgie de ces cancers. Ce remboursement n'est pas systématique, car il arrive que, dans un établissement non autorisé, des patients soient opérés en urgence – on peut découvrir au bloc un cancer de l'ovaire chez une patiente admise pour une péritonite, par exemple. Dans ce cas, l'établissement ne sera pas pénalisé. Il peut aussi arriver que, dans un établissement dont l'activité n'est pas suffisante pour assurer la qualité et la sécurité des soins, un patient en fin de vie subisse une chirurgie compassionnelle pour le soulager de grandes douleurs, et sans avoir à attendre plusieurs semaines.

En revanche, des équipes continuent d'opérer des malades alors qu'elles ont été averties et que les risques de complications sont avérés. Dans ces cas, la désincitation financière via le remboursement des sommes facturées est une solution.

Cet amendement a reçu de très nombreux soutiens, notamment de la part du président de l'institut national du cancer (INCa), de la direction générale de l'offre de soins (DGOS), de l'assurance maladie et de la présidente de la Ligue contre le cancer.

Il ne s'agit pas de stigmatiser qui que ce soit, mais d'améliorer l'offre de soins de qualité et la sécurité. Les seuils sont bas au regard de ce qui existe à l'étranger, et nous avons une tolérance à la pratique bien plus élevée que chez nos voisins. Pour certains cancers, les seuils sont même inexistants. Cela ne relève pas de la loi, mais des travaux sont en cours du côté de l'INCa pour fixer des seuils là où ils n'existent pas. En chirurgie du cancer de l'ovaire, l'application d'un tel seuil ferait que 60 % des patientes actuellement traitées le seraient dans des centres sans autorisation. Vous le constatez, on peut vraiment progresser.

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