Monsieur Cazenove, vous avez raison, l'exposition aux rayonnements ionisants est beaucoup plus importante dans le secteur médical et chez les patients que dans les installations nucléaires ; 96 % des travailleurs du nucléaire sont exposés à moins de 1 millisievert, à savoir la dose maximale d'exposition du public. En revanche, il y a un gros effort à réaliser dans le secteur médical, en termes de radioprotection.
J'ai évoqué le risque lié au développement des techniques nouvelles, mais aussi de l'usage du scanner. Un usage qui va se multiplier, la population étant vieillissante ; de plus en plus d'examens seront prescrits dans les années à venir.
Pour progresser sur ce sujet, compte tenu des incidents que vous avez rappelés, il nous faut travailler davantage avec les praticiens, le milieu médical, les sociétés savantes et les fournisseurs d'équipements ; ces risques doivent être réduits au strict minimum et des mesures de prévention doivent être mises en place.
Je crois beaucoup à l'évaluation par les pairs – que j'ai pu expérimenter au COFRAC. Tous les laboratoires de biologie médicale en France ont une obligation d'accréditation. Or l'évaluation des bonnes pratiques d'un laboratoire de biologie médicale est réalisée par les pairs. Je suis persuadé que, outre le contrôle de l'ASN, l'intervention d'un pair pour mieux maîtriser, conseiller, mieux voir les insuffisances, est un plus.
Il s'agit là d'un axe de réflexion qui pourrait être mis en oeuvre, même s'il est nécessaire de continuer de travailler avec la totalité des acteurs du monde médical sur cette question.
S'agissant de la centrale de Fessenheim, j'entends ce que vous dites, ainsi que l'annonce qui a été faite, et qui n'est pas de la responsabilité de l'ASN ; il s'agit d'un choix politique et industriel.
Si cette annonce est vérifiée, elle va entraîner des investigations de la part de l'ASN. Le scénario qui prévalait jusqu'à présent était celui d'une fermeture de la centrale en 2019, liée à la mise en service de l'EPR. Pour cette raison, un certain nombre d'opérations de contrôle n'ont pas été programmées. En effet, la centrale de Fessenheim n'a pas fait l'objet d'une visite décennale – comme Triscatin 1 – ni d'un réexamen de sûreté. De la même manière, un certain nombre d'équipements post-Fukushima n'ont pas été mis en place.
De sorte que, si cette annonce est confirmée, l'ASN devra définir, avec l'exploitant, les mesures qui doivent être mises en place pour cette éventuelle prolongation.
La centrale de Fessenheim n'a jamais posé de problème de sûreté. Mais si sa prolongation est confirmée, elle se mettrait en écart par rapport aux exigences réglementaires.
En ce qui concerne la durée de vie des centrales, la législation française ne prévoit pas de limite au fonctionnement d'une centrale. Certes, il n'est pas infini, et à un moment donné, il n'est pas raisonnable de poursuivre l'activité. En revanche, régulièrement, des réexamens de sûreté sont réalisés, et c'est à ce moment-là qu'il convient de déterminer s'il est préférable de la démanteler ou de poursuivre l'activité, en fonction du coût de la mise à niveau du réacteur au dernier standard.
La mission de l'ASN est de faire en sorte que tous les réacteurs en service soient le plus proche possible du dernier standard de sûreté, qu'ils soient en bon état et en conformité. La décision d'arrêt n'est pas liée à une date, mais à la possible conformité ou non au dernier standard.
S'agissant des informations que l'ASN a l'obligation de publier, et qui l'auraient été avec retard, je n'ai pas d'exemple en tête. Mais il convient de savoir que l'information que doit publier l'ASN est le résultat d'une chaîne d'acteurs. La détection doit d'abord être faite par l'exploitant qui doit ensuite la déclarer – une déclaration qui peut être tardive. Nous avons de nombreux exemples concernant des défauts sur les soudures des circuits Vapeur vive principale (VVP).
C'est la raison pour laquelle, je l'ai indiqué, il convient de renforcer la capacité à déclarer en toute transparence les écarts présents sur les installations. Un point qui a été mis en exergue dans le rapport d'activité de l'ASN en 2017.
En ce qui concerne CIGÉO, vous avez rappelé, Monsieur Potier, l'avis de l'ASN sur la maturité technique du projet, même si des compléments sont à apporter. Ces compléments doivent être apportés en 2019 ; je n'ai aucune information sur ceux-ci.
Vous n'avez pas évoqué le cas des déchets bitumés. Une question qui doit être posée, même si elle n'a pas fait l'objet de demande de complément. Les déchets bitumés ne sont pas des déchets issus de combustibles usés, mais des déchets très anciens – goudron, asphalte, brais… Les fûts de déchets bitumés sont bien maîtrisés, pour les plus récents, en termes de contenu, mais les plus anciens le sont moins.
Il s'agit là d'un vrai sujet d'investigation afin de déterminer, par expertise, la possibilité de mettre en place un pré-traitement visant à réduire les risques liés à la présence de déchets contenant du bitume dans ces installations en profondeur. Un sujet compliqué, car traiter ces déchets a un impact sur l'environnement.
Indépendamment des commentaires de l'ASN sur le projet CIGÉO, un débat aura lieu dans le cadre du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs ; mais ce projet appelle aussi un débat de société. Or l'une des missions de l'ASN est d'éclairer les débats de société par ses propres avis. Le choix du stockage en couches géologiques profondes sera une question importante dans ce débat, au regard des risques et de la durée pendant laquelle ces déchets, à moyenne et haute activité à vie longue, seront présents. Vie longue veut dire plusieurs centaines de milliers d'années. Or à cette échelle de temps, personne ne peut garantir le bon état d'une installation en subsurface. C'est la raison pour laquelle le stockage en couches géologiques profondes est celui qui s'approche le plus des conditions de sûreté.
L'ASN s'est exprimée, jusqu'à présent, pour éclairer le débat, mais il ne lui appartient pas de faire un choix ; ce choix sera fait par les autorités.
S'agissant de la transparence, l'accès aux dossiers des exploitants peut poser des problèmes en termes de sécurité. Plus l'exploitant, à la demande de tiers, fournit de documents, plus il dévoile d'informations susceptibles d'être exploitées ; il s'agit vraiment d'un sujet compliqué. Certes, les exploitants ne doivent pas abuser de cet argument pour ne fournir aucun document, mais cette question de l'accès aux dossiers pose un réel problème de sécurité.
Madame Brunet, vous m'apprenez la diminution des ressources du programme 181 « Prévention des risques », qui peut en effet être un vrai sujet si celle-ci affectait le budget de l'Autorité de sûreté nucléaire. Ce serait en tout cas, pour moi, une très mauvaise nouvelle.