Intervention de Vincent Bru

Réunion du mercredi 10 octobre 2018 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Bru, rapporteur :

La Cour de Justice de l'Union européenne porte une partie de nos espoirs. Confrontés à la question de l'application du mandat d'arrêt européen en Pologne ou encore bientôt de la situation de la Cour suprême polonaise, les juges de Luxembourg ont émis cette année une jurisprudence intéressante, qui laisse à penser que les droits fondamentaux et le respect de l'État de droit font désormais pleinement partie des prérequis à la bonne application du droit européen. Il ne faut pas oublier à cet égard que la Cour de Justice de l'Union européenne s'appuie désormais pleinement sur les dispositions de la Charte des droits fondamentaux, qui a aujourd'hui la même valeur que les Traités.

La Commission européenne a également proposé de mettre en place un instrument de conditionnalité des fonds européens au respect de l'État de droit. L'idée est d'infliger, dans certains cas délimités, une sanction immédiate et rapide. Cette procédure, qui doit s'inscrire dans le prochain Cadre financier pluriannuel, vise à protéger l'usage des fonds européens en cas de défaillance systémique de l'État de droit au sein d'un État membre. Cette proposition est séduisante à de nombreux égards, et pourrait d'ailleurs gagner à s'accompagner d'une incitation financière en faveur des organes garants de l'État de droit. Elle allie les vertus de la simplicité et de l'efficacité. Nous estimons toutefois qu'il faut garder une certaine prudence en la matière, puisque les populations risquent une double peine : subir les violations de l'État de droit et perdre le financement européen de leurs projets. Un tel instrument doit donc être particulièrement bien calibré pour ne pas pénaliser les populations. Nous avons bien conscience qu'aucun pays n'est parfait, mais souhaitons, en amont faire progresser l'État de droit.

Le Parlement européen a, quant à lui, émis une proposition très intéressante dans le cadre du rapport de Sophie In't Veld, celui d'un semestre de l'État de droit. Inspiré du Semestre européen, il s'agirait, pour un panel d'experts juridiques, d'émettre des recommandations sur la situation de l'État de droit au sein de chacun des États membres. En cas de risque grave de violation, le panel pourrait recommander l'activation de l'article 7, charge à chacune des institutions européennes d'expliquer, par un avis public et motivé, les raisons qui l'ont poussée à suivre, ou non, les recommandations. Le panel pourrait enfin, dans les cas moins graves, proposer à la Commission européenne des recommandations pays par pays, dans le cadre d'un dialogue politique comparable, là encore, à celui du Semestre européen actuel.

La diversité de nos rencontres et des avis recueillis sur le sujet nous a enfin amenés à préconiser la création d'un comité des parties prenantes, regroupant autorités publiques des États membres en cause, représentants de la société civile et experts juridiques. Cette instance de dialogue permettrait de mettre tout le monde autour de la table pour engager une discussion autour de l'État de droit et faire émerger des solutions adaptées à chacun des contextes, évitant ainsi d'en arriver à la phase punitive que connaissent actuellement la Hongrie et la Pologne. En tout état de cause, et à court terme, nous soutenons la démarche des institutions européennes. Nous estimons qu'il existe en effet des cas manifestes de violation grave de l'État de droit en Pologne et en Hongrie. Nous avons également constaté que les évolutions récentes en Roumanie quant à la lutte contre la corruption ne permettaient pas de lever, à l'heure actuelle, le Mécanisme de Coopération et de Vérification, qui a permis de grands progrès en la matière depuis l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne.

La préservation de l'État de droit au sein de l'Union européenne n'est pas la seule affaire de la Commission européenne. La pleine expression démocratique dans l'ensemble de notre continent concerne tous les États, et spécialement, tous les parlements nationaux. Les évolutions actuelles en Europe suscitent notre inquiétude, c'est le sens de la proposition de résolution européenne que nous vous proposons de voter. Il ne s'agit pas ici de stigmatiser les États, de diviser l'Europe entre ceux qui seraient de valeureux garants de l'État de droit et ceux qui ne le respecteraient pas. Nous souhaiterions montrer au contraire que le dialogue doit être poursuivi avec les États dont on a parlé. Les citoyens européens doivent être défendus.

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