Mercredi 10 octobre 2018
Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission
La séance est ouverte à 16 h 40.
I. Suite de la présentation du rapport d'information de Mme Coralie Dubost et M. Vincent Bru et examen de la proposition de résolution européenne sur le respect de l'État de droit au sein de l'Union européenne
Après nos premiers échanges sur ce sujet, je souhaite que nos débats se poursuivent aujourd'hui dans la sérénité. Afin de permettre à chacun d'étudier le texte et d'exercer son droit d'amendement, j'ai décidé de rouvrir les délais de dépôt d'amendement. Nous avons d'ailleurs été saisis d'un amendement déposé par la France Insoumise. Au vu de nos échanges la semaine passée, j'ai également pris la décision de saisir le bureau de la commission afin d'établir un délai minimum entre la communication aux membres de la commission d'une proposition de résolution et son examen. Ce délai minimal n'ayant jamais été fixé, il est important que les choses soient clarifiées. Les différents groupes politiques pourront ainsi prendre connaissance du texte dans de meilleures conditions et exercer pleinement leur droit d'amendement.
Je m'exprime au nom du groupe Les Républicains. Une semaine après le début de l'examen de cette proposition de résolution européenne, la commission est à nouveau réunie. Cette semaine a donné à chacun, je l'espère, le temps de réfléchir. La semaine dernière notre groupe vous a fait à vous, Madame la Présidente, – et non au whip du groupe LaREM – un certain nombre de remarques et de propositions. Je rappelle qu'après mon intervention Mmes Danièle Obono pour la France Insoumise et Marietta Karamanli pour le groupe Socialistes et apparentés ont tout comme nous exprimé le souhait que les oppositions soient associées au débat et que les propositions de résolution ne soient pas présentées à la va-vite. L'essentiel de notre demande vise à ce que vous associez, Madame la Présidente, les oppositions à ce travail majeur pour plusieurs raisons. D'une part, et à l'évidence, du fait de l'importance du sujet. D'autre part, l'actualité a considérablement évolué depuis le moment en janvier dernier où le bureau de la commission a décidé de créer un rapport d'information sur ce sujet. À l'époque, l'article 7 venait d'être activé, et, depuis, le Parlement européen s'est exprimé sur la Hongrie. Nous ne sommes donc pas dans le même cadre ; la situation est totalement différente de celle qui prévalait en janvier 2018 : d'autres pays sont concernés et le Parlement européen s'est exprimé. Troisième raison : l'intitulé du rapport a changé. Nous sommes passés d'un rapport sur l'État de droit en Europe à un rapport sur le respect de l'État de droit au sein de l'Union européenne. Quatrième observation : le vote par le Parlement européen il y a à peine un mois d'un rapport demandant l'activation de l'article 7 contre la Hongrie est un vote important qui nous engage. Il est issu d'une assemblée démocratiquement élue où sont représentés tous les pays de l'Union. Des procédures sont en cours et doivent être respectées. Les institutions européennes – Parlement et Conseil – doivent être respectées. À moins que vous ne souhaitiez sous-entendre, Madame la Présidente, que le vote de notre commission a plus d'importance que celui du Parlement européen ? Cinquième observation : qu'apporte cette résolution vis-à-vis de nos partenaires européens ?
Je souhaiterais terminer. Notre commission n'est pas là pour lancer des anathèmes contre nos partenaires qui dans certains cas peuvent s'avérer des alliés de poids – je pense notamment aux questions militaires ou agricoles. Enfin, comme je l'ai rappelé la semaine dernière, la recherche d'un consensus et de l'association fructueuse de la majorité et de l'opposition est un état d'esprit qui doit à nos yeux prévaloir dans la commission. Cela a toujours été le cas. L'excellent et récent rapport sur la politique agricole commune de nos collègues André Chassaigne et Alexandre Freschi et leur proposition pour une agriculture durable au sein de l'Union européenne en sont la parfaite illustration. Ils ont démontré que majorité et opposition peuvent travailler ensemble pour défendre les intérêts de notre pays ; ils ont produit un rapport de grande qualité et nous avons voté dans l'hémicycle à l'unanimité leur proposition de résolution.
Nous réitérons solennellement, Madame la Présidente, notre demande de la semaine dernière. Nous souhaiterions avoir un délai pour examiner de manière associée ce rapport et la proposition de résolution qui en découle car le sujet démontre les limites d'un système où la majorité s'adresse à la majorité. L'Europe mérite mieux que l'instrumentalisation politique qui nous est proposée cet après-midi.
Merci pour vos propos. Nous avons bien pris note et je vais faire des propositions au bureau de la commission qui iront dans votre sens. Je tiens toutefois à souligner que, depuis le mois de janvier, personne dans votre groupe n'a réagi. Ce sujet est sur la table depuis fin janvier. Je suis tout autant attachée que vous à la bonne marche de la commission – nous avons d'ailleurs toujours tenu compte de l'opposition. Tout ce que vous venez d'évoquer sera à l'ordre du jour du prochain bureau, au besoin d'un bureau extraordinaire. Nous allons mettre en place des mécanismes pour garantir à chacun son droit d'expression et d'amendement dans un cadre clair. J'aimerais que nous en venions aujourd'hui à la présentation du rapport. Vous ne pouvez pas toujours vous prévaloir du passé ; il n'y a pas forcément eu alors autant de sujets européens qui portaient à crispation comme c'est le cas actuellement. Je suis pour ma part très attachée aux valeurs démocratiques et aux droits d'une opposition qui montre ce qu'elle a à dire. C'est indissociable de l'État de droit et vous pouvez compter sur moi. J'invite les Républicains à être présents au bureau que je convoquerai prochainement.
Je vous donne acte et j'ai bien entendu ce que vous indiquez pour l'avenir. J'ai juste une question : quelle est votre décision quant à l'examen de ce rapport ? Nous accordez-vous un délai supplémentaire afin d'associer les oppositions ?
Vous avez déjà eu un délai supplémentaire et vous auriez pu, comme l'a fait la France Insoumise, déposer un ou plusieurs amendements. À présent il est temps de donner la parole aux rapporteurs et que nous discutions du fond, ensemble, de manière démocratique.
Les membres du groupe LR quittent la salle.
À titre liminaire – et alors que nous sommes en train d'assister au départ des Républicains qui ne se parlent qu'à eux-mêmes puisqu'ils n'écoutent même pas la présentation des rapporteurs – je voudrais dire que, contrairement à ce qu'ils sous-entendent, la situation n'est pas nouvelle. Les procédures à l'endroit de la Pologne ont été activées en 2017 et celles à l'encontre de la Hongrie ont commencé en 2015. Je ne crois pas que l'on puisse dire que les circonstances ont changé du jour au lendemain. Par ailleurs, les Républicains ont eu une semaine de délai supplémentaire pour déposer des amendements, ce qu'ils n'ont pas fait et c'est dommage car cela aurait contribué au débat. Quant à cette idée de traditionnel consensus dans notre commission, il me semble pour ma part que le problème est surtout l'absence de consensus sur ces questions au sein du groupe LR. J'en prends pour preuve les déclarations de Mme Valérie Pécresse, condamnant sans réserve et au nom des Républicains le démantèlement de l'État de droit en Hongrie, le recul de la liberté de la presse, des libertés des universitaires, de l'indépendance de la justice et de la séparation des pouvoirs incompatibles avec les valeurs européennes, tandis que M. Laurent Wauquiez a déclaré que Viktor Orbán avait toute sa place au sein du Parti populaire européen. On comprend bien qu'ils aient eux-mêmes une difficulté à trouver un consensus, ce qui n'empêchera pas le reste du pays, des oppositions et de la majorité, à travailler sur des sujets de fond qui sont effectivement primordiaux et pour lesquels nous vous remercions d'être présents.
Notre rapport porte sur la situation de l'État de droit dans l'Union européenne et non pas spécifiquement sur un État en particulier. Nous avons plus particulièrement étudié trois États : la Pologne, la Hongrie et la Roumanie. Il est certain qu'entre le moment où l'on décide de faire un rapport et le moment où celui-ci est publié, il y a des évolutions naturelles et on ne va pas rediscuter à chaque fois du mandat qui nous a été donné. C'est absurde ! Dans ces conditions, nous ne pourrions jamais présenter un rapport. Il me semble assez logique que nous présentions le nôtre malgré le vote important du Parlement européen en septembre dernier.
« Bienvenue dans le dernier bastion de la justice indépendante qui sera contraint de rendre les armes dans trois semaines ». C'est par ces mots que Mme Malgorzata Gersdorf, ex-présidente de la Cour suprême polonaise, nous a accueillis lors de notre visite à Varsovie le 6 juin dernier. Nous souhaitons partager avec vous ce que nous avons vécu lors de nos déplacements en Hongrie, Pologne et Roumanie. Bien que ces États aient des contextes économiques, politiques et culturels propres, certains constats convergent. Dans chacun de ces États, nous avons rencontré des sociétés civiles vibrantes, des forces vives très concernées par le projet européen, des magistrats fiers d'exercer leurs missions. Nos interlocuteurs hongrois, polonais, roumains, nous ont témoigné leur amitié et leur sympathie et nous ont rappelé la force des liens qui unit la France à ces États membres de l'Europe centrale. Je souhaiterais à ce stade adresser mes pensées aux proches de Ján Kuciak, Daphne Caruana Galizia et Viktoria Marinova, les trois journalistes qui ont été tués, victimes d'une politique d'atteinte à la liberté de la presse, évidemment inacceptable en Europe.
Notre rapport a pour objet d'examiner la situation de l'État de droit dans chacun de ces pays ; leurs situations ne se confondent pas et il importe de refuser la facilité d'un amalgame. Pourquoi ces trois États membres spécifiquement ? De nombreuses alertes ont été émises, tant par la Commission européenne que par le Parlement européen, la Commission de Venise ou d'autres organes. À chaque fois, l'alerte a concerné le coeur de notre patrimoine européen : la mise en cause de principes d'organisation démocratiques, droits fondamentaux et valeurs dont l'application n'est pas négociable. Les traités européens ont affirmé l'universalité de ces valeurs fondatrices de notre patrimoine européen ; chaque État membre s'engage à les respecter dès le moment où il adhère à l'Union, et même en amont, lors de la candidature d'adhésion – la satisfaction des critères dits de Copenhague est une exigence incontournable.
Comment pourrions-nous accepter ensuite que ces États, qui font à présent partie de l'Union européenne, portent atteinte à ce patrimoine commun en choisissant de ne plus garantir l'indépendance de la justice, la pluralité des médias, le respect du principe de constitutionnalité et la lutte contre la corruption ? Certains ont tenté d'arguer qu'il s'agit là de questions purement nationales et que l'Union européenne – et donc la France – n'aurait aucune légitimité pour s'en saisir. Bien évidemment la violation de l'État de droit ne saurait se dissimuler derrière le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures. C'est un argument fallacieux : non seulement cela résulte explicitement de l'article 2 du Traité sur l'Union européenne, mais, en sus, la remise en cause de principes fondateurs de l'Union pourrait entacher la confiance mutuelle et la coopération loyale entre les États membres. Ce qui se passe dans ces États concerne la communauté des États dans son ensemble.
Les principes de confiance mutuelle et de coopération loyale entre États membres mais aussi entre les juridictions nationales fondent en effet la réalisation même de l'Union. Qu'adviendra-t-il de chacun d'entre nous si nous ne pouvons plus coopérer en confiance ? C'est notamment ce qui a amené la Cour de Justice de l'Union européenne à reconnaître en juillet dernier la possibilité pour un État de vérifier les conditions d'extradition vers la Pologne. En effet, sans garantie juridictionnelle, sans indépendance des organes judiciaires, comment s'assurer à terme de l'application uniforme du droit européen ou encore du bon usage des fonds européens ou de l'égalité d'accès des candidats aux marchés publics ? Étroitement lié aux questions de démocratie et de droits fondamentaux, un État de droit garantit avant tout la bonne application du principe de légalité via l'indépendance de la justice. La puissance politique d'un État doit avant tout respecter des principes qui lui sont supérieurs, qui ont été édictés par des peuples constituants dans des normes fondamentales durables et indépendantes des majorités politiques contingentes.
L'État de droit suppose tout d'abord le respect des règles constitutionnelles, au sommet de la hiérarchie des normes dans tous les États, et qui fixent les règles du jeu politique, les compétences des organisations et des organes du pouvoir. Le respect de la Constitution permet d'assurer la continuité de l'État au-delà des alternances politiques en empêchant des majorités de redéfinir en fonction de leur propre intérêt les règles qui doivent être respectées par tous. C'est la raison pour laquelle le respect de la Constitution assuré par un organe indépendant nous semble extrêmement important.
L'État de droit suppose également la garantie d'une justice indépendante, d'une part dans son organisation interne, mais aussi dans les organes qui sont chargés de la nomination, de la mobilité et des éventuelles sanctions apportées aux magistrats de l'ordre judiciaire. Il existe à cet égard au sein de l'Union européenne une importante variété d'organisations judiciaires. Il est certain que les garanties peuvent être perfectibles – comme c'est le cas pour le Conseil supérieur de la magistrature en France dont le fonctionnement sera amélioré par la révision constitutionnelle à venir – mais il est important qu'un organe puisse garantir l'indépendance et donc l'impartialité des magistrats. En ce qui concerne le parquet, il faut garantir son indépendance non pas organique mais fonctionnelle, c'est-à-dire faire en sorte que les membres du parquet puissent librement assurer les poursuites lorsque cela est nécessaire. Cette autonomie du parquet nous semble fondamentale dans des pays ravagés par les tentatives et les affaires de corruption et où les procureurs reçoivent des ordres du pouvoir en place pour les dissuader de lancer des poursuites contre les personnes soupçonnées de corruption.
Enfin, un État de droit doit pouvoir permettre un débat nourri au sein de la société civile. Pour cela, il est important de garantir la liberté de la presse. Les citoyens doivent avoir accès à une presse pluraliste, à l'information la plus large possible, pour nourrir ce débat démocratique et non pour l'appauvrir. La liberté de la presse est extrêmement importante car elle conditionne au fond l'existence d'élections libres. L'élection n'est pas seulement le respect d'une procédure électorale. L'État de droit se manifeste également par l'existence d'un débat public nourri par une presse pluraliste. Les citoyens doivent pouvoir avoir accès à une pluralité d'informations, sans laquelle le débat démocratique est singulièrement appauvri.
Nous avons malheureusement constaté, sur ces quatre points et à des degrés divers, des violations de l'État de droit, en Hongrie et en Pologne, qui légitiment les démarches engagées à ce sujet par l'Union européenne.
Nous avons auditionné des juristes à Paris et à Bruxelles, entendu les institutions européennes, mais surtout effectué nos déplacements dans l'idée de juger sur place de la situation en matière d'État de droit. Nous avons rencontré l'ensemble des parties prenantes, autant les autorités publiques que les ONG ou les représentants des organes judiciaires. Nous avons été frappés par la diversité des opinions sur ce qui se passait, c'est pourquoi nous avons également appuyé notre analyse sur des sources textuelles. Qu'il s'agisse des rapports de la Commission de Venise, d'organes du Conseil de l'Europe ou des Nations Unies, les réformes engagées en Hongrie depuis 2010, en Pologne depuis la fin de l'année 2015, et même, à certains égards, actuellement en Roumanie, convergent vers une remise en cause de principes européens fondamentaux.
Ces trois États sont bien évidemment encore à l'heure actuelle des démocraties, et nul ne peut remettre en cause la validité des élections. De la même manière, il ne s'agit pas de remettre en cause des politiques nationales au prétexte qu'elles iraient à l'encontre des politiques européennes. Il n'est pas question de parler ici des politiques migratoires.
Il n'en demeure pas moins que nous avons repéré, notamment en Pologne et en Hongrie, de nombreux indices d'une politique fondée avant tout sur le sentiment national et sur le sentiment des majorités parlementaires en place, de représenter l'ensemble du peuple. La formation de ce qu'on pourrait appeler un « État majoritaire » entraîne l'affaiblissement d'un grand nombre de contre-pouvoirs, parfois présentés par les autorités publiques comme des freins à l'expression de la souveraineté nationale. M. Jaroslaw Kaczynski, président du PiS, le parti Droit et Justice actuellement au pouvoir, a fait de ce qu'il appelle « l'impossibilisme légal » son ennemi. Dans cette hypothèse, il est loisible à une majorité parlementaire, y compris lorsqu'elle n'a pas le nombre requis de députés, d'agir comme une constituante, de modifier la composition du Tribunal constitutionnel ou de refuser de publier ses décisions. Autant de griefs que la Commission européenne a adressés aux autorités polonaises lorsqu'elle a proposé au Conseil l'enclenchement de l'article 7, le 20 décembre 2017.
Cela nous amène à la question de savoir quoi faire désormais, alors que nous sommes confrontés à ce que des spécialistes de la question appellent un « retour en arrière » de l'État de droit au sein de l'Union européenne. La Commission européenne, parfois – il faut le dire – bien seule dans cette matière, a initié en 2014 une procédure de dialogue relatif à l'État de droit, appliquée à la Pologne dès 2016. Ce dialogue n'a toutefois abouti à aucune solution constructive, au contraire. Le paquet législatif voté en 2017, qui engageait une réorganisation complète de l'architecture judiciaire polonaise et a abouti, entre autres, à suspendre le Conseil supérieur de la magistrature polonais du réseau européen des Conseils de justice, a obligé la Commission européenne à activer l'article 7.
Les défauts de cette procédure sont toutefois bien connus. En réclamant l'unanimité des États membres pour mettre en place des sanctions, comme la privation de droits de vote au Conseil, ce qui est souvent présenté comme une bombe nucléaire se transforme souvent en « pétard mouillé ». La Hongrie s'est ainsi déclarée immédiatement opposée à la condamnation de la Pologne, et les auditions des autorités polonaises devant le Conseil Affaires Générales n'ont pas pour l'instant permis de sortir de l'impasse. Les modifications législatives polonaises n'ont été que cosmétiques, tandis que la situation en Hongrie, par exemple, s'est fortement détériorée cet été, notamment pour les défenseurs des droits humains. Cela explique notamment le vote par le Parlement européen d'une résolution en faveur de l'activation par le Conseil de l'article 7 à l'encontre de la Hongrie, le 12 septembre dernier. Il n'empêche toutefois que le problème de l'unanimité demeure, condamnant l'Union européenne à une forme de passivité impuissante face à la dégradation de l'État de droit chez une partie de ses membres. Nous avons retenu plusieurs propositions intéressantes pour permettre aux institutions européennes de passer à l'action dans ce domaine. Ce ne sont en effet pas les informations sur les risques pour l'État de droit qui font défaut puisque, outre la Commission de Venise, l'Agence des Droits Fondamentaux, adossée à la Commission européenne depuis 2007, exerce une activité de surveillance de la situation des droits fondamentaux au sein de l'Union européenne. Malheureusement, il ne ressort de cette masse d'information que l'incapacité des institutions européennes à enrayer cette régression de l'État de droit.
La Cour de Justice de l'Union européenne porte une partie de nos espoirs. Confrontés à la question de l'application du mandat d'arrêt européen en Pologne ou encore bientôt de la situation de la Cour suprême polonaise, les juges de Luxembourg ont émis cette année une jurisprudence intéressante, qui laisse à penser que les droits fondamentaux et le respect de l'État de droit font désormais pleinement partie des prérequis à la bonne application du droit européen. Il ne faut pas oublier à cet égard que la Cour de Justice de l'Union européenne s'appuie désormais pleinement sur les dispositions de la Charte des droits fondamentaux, qui a aujourd'hui la même valeur que les Traités.
La Commission européenne a également proposé de mettre en place un instrument de conditionnalité des fonds européens au respect de l'État de droit. L'idée est d'infliger, dans certains cas délimités, une sanction immédiate et rapide. Cette procédure, qui doit s'inscrire dans le prochain Cadre financier pluriannuel, vise à protéger l'usage des fonds européens en cas de défaillance systémique de l'État de droit au sein d'un État membre. Cette proposition est séduisante à de nombreux égards, et pourrait d'ailleurs gagner à s'accompagner d'une incitation financière en faveur des organes garants de l'État de droit. Elle allie les vertus de la simplicité et de l'efficacité. Nous estimons toutefois qu'il faut garder une certaine prudence en la matière, puisque les populations risquent une double peine : subir les violations de l'État de droit et perdre le financement européen de leurs projets. Un tel instrument doit donc être particulièrement bien calibré pour ne pas pénaliser les populations. Nous avons bien conscience qu'aucun pays n'est parfait, mais souhaitons, en amont faire progresser l'État de droit.
Le Parlement européen a, quant à lui, émis une proposition très intéressante dans le cadre du rapport de Sophie In't Veld, celui d'un semestre de l'État de droit. Inspiré du Semestre européen, il s'agirait, pour un panel d'experts juridiques, d'émettre des recommandations sur la situation de l'État de droit au sein de chacun des États membres. En cas de risque grave de violation, le panel pourrait recommander l'activation de l'article 7, charge à chacune des institutions européennes d'expliquer, par un avis public et motivé, les raisons qui l'ont poussée à suivre, ou non, les recommandations. Le panel pourrait enfin, dans les cas moins graves, proposer à la Commission européenne des recommandations pays par pays, dans le cadre d'un dialogue politique comparable, là encore, à celui du Semestre européen actuel.
La diversité de nos rencontres et des avis recueillis sur le sujet nous a enfin amenés à préconiser la création d'un comité des parties prenantes, regroupant autorités publiques des États membres en cause, représentants de la société civile et experts juridiques. Cette instance de dialogue permettrait de mettre tout le monde autour de la table pour engager une discussion autour de l'État de droit et faire émerger des solutions adaptées à chacun des contextes, évitant ainsi d'en arriver à la phase punitive que connaissent actuellement la Hongrie et la Pologne. En tout état de cause, et à court terme, nous soutenons la démarche des institutions européennes. Nous estimons qu'il existe en effet des cas manifestes de violation grave de l'État de droit en Pologne et en Hongrie. Nous avons également constaté que les évolutions récentes en Roumanie quant à la lutte contre la corruption ne permettaient pas de lever, à l'heure actuelle, le Mécanisme de Coopération et de Vérification, qui a permis de grands progrès en la matière depuis l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne.
La préservation de l'État de droit au sein de l'Union européenne n'est pas la seule affaire de la Commission européenne. La pleine expression démocratique dans l'ensemble de notre continent concerne tous les États, et spécialement, tous les parlements nationaux. Les évolutions actuelles en Europe suscitent notre inquiétude, c'est le sens de la proposition de résolution européenne que nous vous proposons de voter. Il ne s'agit pas ici de stigmatiser les États, de diviser l'Europe entre ceux qui seraient de valeureux garants de l'État de droit et ceux qui ne le respecteraient pas. Nous souhaiterions montrer au contraire que le dialogue doit être poursuivi avec les États dont on a parlé. Les citoyens européens doivent être défendus.
J'ai échangé il y a peu avec des députés roumains qui se posent des questions sur l'évolution de leur pays et sur les décisions prises par la majorité et le Gouvernement actuels. Merci, chers collègues. Le sujet que vous avez traité est effectivement compliqué et important. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous avez souhaité vous emparer d'une telle question ? Avez-vous rencontré des entraves ? Comment se sont passés vos échanges avec les autorités des États membres que vous avez rencontrées ?
Tout d'abord, je tiens à souligner que nous voulions être présents pour interroger les rapporteurs. Vous nous avez fait des propositions, Mme la Présidente, et je tenais à saluer vos initiatives pour faire en sorte que la pluralité des groupes politiques puisse être respectée pour l'ensemble des rapports. Il apparaît que l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme, en tant que mécanisme et dispositif de garantie des droits fondamentaux, n'est pas suffisamment abordée. La Cour de Justice de l'Union européenne avait rendu un avis négatif il y a quelques années sur cette adhésion en l'état. Pour reprendre les propos de la Haute Représentante de l'Union pour l'action extérieure : les règles établies de concert ne constituent pas une contrainte, mais une garantie pour tous. Où en est-on à ce sujet, car cela touche à l'État de droit ?
À propos de l'agence européenne des droits fondamentaux, votre titre annonce qu'elle est « attentive mais impuissante ». Elle dispose de 20 millions d'euros, contre 70 millions pour la Cour européenne des droits de l'homme, soit moins par État mais avec deux fois moins d'États et beaucoup moins de citoyens. Sa visibilité est faible et son action peu efficiente. Quels sont les rôles que les États lui assignent ?
Enfin, vous évoquez la proposition d'un réseau d'agences, qui seraient des acteurs de la surveillance et du respect des droits. L'Union européenne a délégué une partie de ces activités à des agences dont l'activité peut conduire à la violation de droits et dont le contrôle est difficile. Je pense notamment à Frontex. Où en est la réflexion dans cette matière ? Quelles sont vos propositions et initiatives pour qu'il y ait plus de respect au niveau des agences ?
Je déplore le départ de nos collègues du groupe Les Républicains. Sur un tel sujet, je pense qu'il n'y a pas de positionnement partisan. Nous sommes capables de défendre, avec nos singularités et nos principes, ces enjeux de droits et libertés fondamentales au niveau de l'Union européenne. Nous serons attentifs à ce que l'on puisse avoir des débats plus consensuels par la suite. Une question se pose autour de l'activation de l'article 7, qui explique l'amendement que le groupe La France insoumise a déposé. Il y a un décalage entre le fait que l'adhésion à l'Union européenne nécessite l'accord avec des principes fondamentaux et l'absence de mécanisme qui permettrait de s'assurer que c'est effectivement le cas. L'article 7 est utilisé en ce sens. Il y a des contraintes liées au non-respect des règles économiques, mais pour ce qui est des droits fondamentaux, ce n'est pas le cas. La question de l'unanimité est un frein en ce sens. Comment dépasser le « dilemme de Copenhague » sur l'impuissance de l'Union à protéger les citoyens ? Il faudrait faire en sorte que le Parlement européen joue un rôle beaucoup plus important et éviter, - c'est ce que nous pointons dans notre amendement et je note que cela a été pris en compte - qu'il y ait un retournement de ces mesures qui sanctionnent davantage les populations que les dirigeants. Quelles suites donner à ces propositions ?
Ce travail permet de nous éclairer, ainsi que les citoyens, sur l'État de droit, essentiel à la construction de l'Union européenne. Le pluralisme des médias et des sources d'information et la liberté de la presse sont des piliers de la démocratie. Or, des articles de la presse nationale ont pu mettre en avant la quasi-absence de cette liberté dans les pays que vous avez visités. Pire, cette presse, on l'attaque, on l'assassine, sur fond d'accusations de corruption. Je tiens à rendre hommage à ces journalistes victimes de lâches assassinats. Ma question est simple : les médias privés ont-ils encore les moyens d'exercer leur contre-pouvoir ?
Quand on parle de l'Europe, je pense qu'il y a beaucoup de points communs entre les groupes politiques. J'appartiens à la majorité de ceux qui croient en l'Union européenne, qui croient qu'on doit se battre pour préserver les droits de l'homme. Vous avez bien fait de rappeler qu'une démocratie se mesure à la manière dont la presse est traitée, à l'équilibre entre les pouvoirs judiciaire et exécutif. Cela compte beaucoup dans l'adhésion d'un État membre à l'Union européenne. On ne peut pas adhérer, chapitre par chapitre et puis, au gré d'un changement de gouvernement, remettre en question un sous-chapitre. L'Union européenne doit se doter de leviers pour mettre l'accent sur ce point, sous la forme de contrôles ou de sanctions. J'adhère à vos propositions, même si on en connaît bien les limites. J'ai une question concernant le semestre de l'État de droit, qui est une bonne proposition. Les pays qui seront contre cette proposition seront ceux qui ne veulent pas être contrôlés. Je ne vais pas les citer, vous les connaissez aussi bien que moi. J'arrive de Hongrie et de République Tchèque, dans le cadre de mes fonctions à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, et j'ai été surpris d'entendre certains parlementaires hongrois, j'ai cru revenir quarante ans en arrière. Le semestre de l'État de droit est une bonne proposition, je la voterai. Mme Karamanli a parlé de la Cour européenne des droits de l'Homme, qui est l'émanation du Conseil de l'Europe. Est-ce que vous avez pu rencontrer des membres de la Cour européenne des droits de l'homme et des parlementaires des pays, tendant à dériver par rapport à nos exigences européennes ?
Je vais commencer par répondre à M. Mendes. Nous avons tous les deux des appétences personnelles sur ces sujets : M. Bru a été constitutionnaliste et moi-même j'ai travaillé dans le domaine du droit international, du droit européen et des droits de l'homme. Ces questions nous préoccupaient dans nos parcours antérieurs. Cela étant, la véritable motivation pour nous intéresser à ce sujet, c'est la demande de la Commission européenne, le 20 décembre 2017, faisant le constat d'une violation grave de l'État de droit en Pologne. Cela nous est parvenu par la presse française, qui relatait des mouvements de magistrats qui tiraient la sonnette d'alarme, en pointant des atteintes à l'indépendance et à l'impartialité de la justice. Des lois discriminatoires ont été adoptées, instituant un traitement différent entre magistrats femmes et hommes. Cela était suffisamment grave pour faire descendre des magistrats dans la rue et motiver cette décision de la Commission européenne. Nous sommes des parlementaires nationaux et non européens, il faut faire montre de solidarité avec les citoyens des autres États membres. Nous sommes préoccupés par la situation de nos voisins. Je tiens à souligner que très récemment, des rapports du même type sont instruits par d'autres parlements nationaux, qui suivent le mouvement et tiennent à faire savoir leur attachement à l'État de droit, ce qui me semble une très bonne chose.
Avons-nous rencontré des entraves ? Quand nous travaillons sur des sujets aussi sensibles que l'indépendance de la justice ou le respect du pluralisme des médias, les informations données ont parfois été parcellaires et ont fait l'objet d'avis opposés. Mais nous prenons en compte l'ensemble des opinions, que ce soit à Bruxelles, à Paris ou lors de nos déplacements. Nous avons vécu des annulations de dernière minute de rendez-vous très politiques, notamment avec certains ministres. Nous sommes arrivés en Roumanie et quinze minutes après notre atterrissage, la Cour constitutionnelle venait de prendre deux décisions constitutionnelles qui retiraient ses pouvoirs au Président de la République qui tentait, tant bien que mal, de défendre la Procureure anti-corruption, Mme Laura Codruta Kövesi. Nous avons vécu, peu ou prou, la même chose en Pologne et en Hongrie, nous arrivions au moment où les choses se passaient. Cela a été très mouvementé.
Après ces huit mois de travail, pendant lesquels nous avons sollicité toutes les autorités publiques, pour pouvoir échanger très librement sur les sujets et permettre d'entendre tous les arguments, nous avons subi quelques pressions. Des courriers ont été adressés au Président de l'Assemblée nationale et à la Présidente de la Commission des affaires européennes, émanant notamment d'autorités publiques étrangères. Cela nous semble inacceptable quand cela a trait à un travail parlementaire et je tiens à remercier notre Présidente et le Président de l'Assemblée nationale, d'avoir soutenu les rapporteurs.
Nous avons affaire ici à une sorte de cancer qui mine l'Union européenne. Il faut prendre conscience des dangers de la progression de ces idées qui vont à l'encontre des valeurs fondamentales de l'Union et réfléchir ensemble à une manière de lutter contre ce phénomène. Il faut imposer le respect des critères de Copenhague, exigé pour tous comme un prérequis à l'entrée dans l'Union. Il est vrai que nous avons subi des pressions, notamment pour donner connaissance de notre rapport avant même qu'il ne soit présenté à la commission des affaires européennes. Je veux saluer ma co-rapporteure dans sa détermination à résister à ces pressions.
Pour répondre à Mme Obono, ce qui nous a préoccupés c'est de trouver de nouveaux moyens de contourner le déclenchement de l'article 7, notamment en instaurant des systèmes préventifs qui éviteraient d'y recourir. Il y a énormément de documents disponibles sur les risques d'atteinte à l'État de droit et aux libertés. Ce n'est donc pas l'information qui manque, mais plutôt les moyens d'action pour en tirer les conclusions nécessaires. Nous avons fait des propositions, comme ce comité des parties prenantes, ou le semestre de l'état de droit, qui permettraient d'agir plus rapidement qu'avec la procédure particulièrement lourde de l'article 7. Le rôle des commissions des affaires européennes dans les Parlements est aussi de présenter des propositions de résolution, pour soutenir le Parlement européen et les institutions de l'Union européenne.
Je voudrais insister sur l'accueil qui nous a été réservé par les acteurs de la société civile, très inquiets de leur situation. Nous avons véritablement entendu des appels à l'aide. Notre proposition du comité des parties prenantes vise à redonner une voix à ces acteurs qui en sont privés. Les représentants des États et des organisations issues de la société civile pourraient ainsi disposer d'une enceinte pour renouer les fils d'un dialogue rompus dans leur pays. Cette question du respect des droits fondamentaux est d'une actualité brûlante en Europe, mais plus largement dans le monde, comme en témoignent les résultats du premier tour des élections présidentielles brésiliennes. La remise en cause des droits de l'Homme nous pose question, et l'on voit bien que la mise en cause d'une justice indépendante est l'un des premiers signaux d'alerte qui doivent nous interpeller.
Pour répondre à la question de notre collègue Marietta Karamanli, nous avons auditionné des experts au sein du Conseil de l'Europe et consulté de nombreux rapports de la Commission de Venise, mais la question de l'adhésion de l'Union à la CEDH en tant que telle ne se posait pas dans notre rapport. Cela constitue un sujet connexe, mais pas identique. L'article 2 du Traité dit en effet que « L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes ». Pour de nombreux experts rencontrés, le concept d'État de droit tel que défini dans cet article est imparfait. Nous pensons qu'une clarification serait la bienvenue. Nous avons donc retenu, dans le cadre de notre rapport, une définition qui se caractérise par la capacité pour les citoyens « d'exercer leur droit à un recours devant une juridiction indépendante, dont les décisions ont l'autorité de chose jugée. Ces recours varient d'un État à l'autre, tant dans leurs appellations que dans leurs contenus, mais forment généralement un ensemble de mécanismes, de procédures et d'institutions propres à surveiller l'exercice des pouvoirs exécutifs et législatifs. » On voit bien que la mise en cause de l'indépendance des juridictions, si elle ne constitue pas en elle-même une atteinte aux droits de l'homme, entraîne par ricochet un risque. Et c'est ce que l'on observe dans ces pays, avec la mise à mal de la séparation des pouvoirs. Deux cents présidents de Cour ont par exemple été limogés en Hongrie : cela ne peut que nous inquiéter.
Sur la question de l'exercice de leur mission par les médias, il faut dire que nous sommes tous inquiets de la situation de la presse dans ces pays, à des degrés différents. Pour la Hongrie, dès l'arrivée de M. Orbán, deux lois ont été votées sur la presse, et l'on assiste à une concentration très forte des médias tant régionaux que nationaux. Or, dans les provinces rurales, l'accès à internet reste compliqué, ce qui ne favorise pas le pluralisme. Il y a eu des rachats d'organes de presse par des intérêts proches du pouvoir en place. D'après nos interlocuteurs, près de 80 % de la presse est contrôlée par le pouvoir politique. En 2012, on a créé un Conseil supérieur des médias chargé de traiter des questions de déontologie. Mais ses membres sont nommés par le Parlement, où le parti au pouvoir, le FIDES rassemble 133 membres sur 199, soit une majorité absolue. Cette majorité lui permet d'ailleurs de réviser la Constitution très librement. L'agence de presse Duna, quasiment officielle, permet au gouvernement une mainmise très étroite sur l'information. En outre, des campagnes sont financées par de l'argent public, notamment la campagne « Stop Soros », qui met en cause la liberté académique.
En ce qui concerne la Pologne, il y a eu des campagnes de diffamation, notamment à l'encontre des juges, et financées par de l'argent public. On voit là la pression très forte exercée par le pouvoir politique sur les médias et l'opinion publique.
En Roumanie, il y a aussi des craintes sur l'influence exercée sur l'information par le pouvoir avec des campagnes gouvernementales menées à l'échelle nationale et qui mettent en cause la Commission européenne.
Pour compléter les propos de Vincent Bru sur la liberté de la presse, je vais vous donner quelques exemples patents. En Pologne, tous les directeurs de radio et de télévision publiques ont été remplacés par des militants du parti majoritaire au pouvoir, ce qui s'est traduit par le licenciement de 225 journalistes. Tomasz Piatek, journaliste d'investigation à Gazeta Wyborcza, quotidien d'opposition, est actuellement poursuivi devant un tribunal militaire pour avoir publié un livre critique intitulé « Macierewicz et ses secrets » sur le ministre de la défense. En Hongrie, l'organe décrit par Vincent Bru, permet de contrôler et suggérer des contenus et peut désormais obliger les médias publics et privés, en les menaçant de lourdes peines financières, à corriger des informations pour manque d'objectivité politique. Je précise que la directrice qui vient d'être nommée à la tête de cet organe est une proche du Premier ministre. Voilà où en est la presse, qui à mon avis, n'est pas en mesure de jouer le rôle de chienne de garde qu'évoque la Cour européenne.
Chers collègues, il nous reste une série de questions avant de passer à l'examen de la proposition de résolution.
Mme la Présidente, je tiens d'abord à vous féliciter d'avoir pris en compte les remarques de l'opposition et de lui avoir donné du temps pour examiner cette proposition de résolution. Je vous félicite également de créer une nouvelle procédure pour que tous les groupes politiques aient à l'avenir le temps nécessaire à la réflexion avant l'examen des résolutions. Notre assemblée doit prendre des positions claires sur des sujets primordiaux. Si notre commission ne prenait pas position sur des sujets fondamentaux qui préoccupent nos concitoyens et les responsables politiques, elle n'aurait pas lieu d'être. Nous sommes là précisément dans notre rôle. Le commentaire fait par notre collègue Michel Herbillon est juste : ce sujet est en évolution permanente. Mais ma conclusion est différente de la sienne. Nous devrions nous repencher sur ce sujet de façon régulière. J'ai donc une question pour vous, Mme la présidente. Pourrait-on constituer un groupe d'études ou un cercle chargé de nous apporter des informations régulières sur ce qui va se passer au cours des six à huit mois à venir ?
Il y a de toute façon un droit de suite qui pourrait – c'est à voir avec les rapporteurs – être ouvert plus largement aux députés intéressés.
Étant maître de conférences en droit privé et ayant eu des responsabilités dans mon université, je suis très attachée aux libertés académiques. La construction de l'espace européen de l'enseignement supérieur repose sur des principes et valeurs reflétés par la Magna Charta Universitatum adoptée en 1988 à Bologne. Cette charte érige en principe fondamental de la vie universitaire la liberté de recherche, d'enseignement et de formation. Une épée de Damoclès pèse au-dessus de l'université de l'Europe centrale illustrée par le conflit ouvert entre George Soros et le gouvernement de Viktor Orbán. En parallèle, les études de genre sont bannies, on enseignerait aux jeunes Hongrois que la place des femmes est à la cuisine ou auprès des enfants. Quel état des libertés académiques dressez-vous dans votre rapport ? Sont-elles aussi menacées qu'on le dit par ailleurs ?
Dans le cadre des négociations pour la future PAC entamées en juin dernier, la Pologne est un allié précieux de la France pour s'opposer aux coupes budgétaires envisagées par la Commission. Les aides agricoles sont en effet stratégiques pour la Pologne où 12 % de la population vit dans ce secteur. Si la France est l'État membre qui perçoit le plus d'aides au titre de la PAC, la Pologne est le 5ème et reçoit environ 4,5 milliards d'euros d'aides. Pensez-vous que cette reconnaissance par notre assemblée de la violation de l'État de droit en Pologne puisse avoir des conséquences sur son soutien à la France pour maintenir un budget de la PAC ambitieux ?
Je félicite nos deux rapporteurs et regrette l'absence de nos collègues Républicains dans la discussion. Je voudrais revenir sur la question de la conditionnalité comme instrument pour faire respecter l'État de droit. Vous avez rappelé les conséquences de l'application de la conditionnalité pour les populations civiles. J'aimerais savoir à quels outils vous pensez pour que la conditionnalité n'ait pas d'impact négatif sur la population.
Existe-t-il en dehors de ce rapport d'initiative française d'autres rapports d'autres pays de l'Union européenne sur l'État de droit ? Mon autre question porte sur le travail des journalistes internationaux présents dans ces pays. En avez-vous rencontré ? Y a-t-il encore des correspondants étrangers en Pologne, en Hongrie, en Roumanie ? Vous ont-ils fait part de leurs conditions de travail ? Votre rapport a vocation à être diffusé dans la presse nationale, internationale et dans les territoires également. En effet, ma région compte un fort pourcentage de population d'origine polonaise et celle-ci n'a pas conscience de ce qui se passe actuellement Pologne.
Je me joins aux félicitations de mes collègues sur ce très bon rapport qui prend parfaitement en compte ce qui s'est passé au cours des derniers mois en faisant référence au rapport Sargentini et au vote du Parlement européen. Par ailleurs, en réponse à nos collègues Républicains qui affirment ne pas avoir disposé de temps pour examiner la proposition de résolution, je dirais que le Parlement européen a publié des rapports dès 2011 et qu'on ne découvre pas la situation. L'Assemblée nationale doit examiner, contrôler, débattre de la démocratie et de l'État de droit dans les États membres de l'Union européenne. C'est la moindre des choses. Ce rapport adopte à mon avis la bonne approche. C'est un rapport réaliste, sobre, nuancé qui traduit des convictions. Je regrette donc que certains groupes politiques aient fait le choix de sortir de la salle. Le projet de déconstruction politique de l'Union européenne ne se limite pas à brader les principes d'humanisme mais affecte tous les mécanismes de décision sur les réformes fondamentales à faire. Je pense évidemment à la réforme de la zone euro, au budget européen et à la question migratoire. Avez-vous senti, dans les pays où vous êtes allés, une remise en cause plus globale du projet européen, au-delà de celle des principes de l'État de droit ?
Merci à nos deux rapporteurs pour leur travail remarquable qui nous éclaire sur une réalité très inquiétante. Il faut conserver ce trésor qu'est la démocratie. Les élections européennes vont être un moment crucial au cours duquel nous nous rendrons compte qu'il faut se battre et se mobiliser pour ce trésor que nous avons en main. J'aimerais savoir comment se manifeste concrètement les atteintes à l'État de droit pour la femme et l'homme de la rue des pays que vous avez visités ?
Je déplore le comportement ubuesque d'une partie de l'opposition qui, sur un sujet important, délicat et sérieux, fait le choix de la posture et d'une esbroufe exacerbée. J'aimerais vous interroger sur l'alinéa 41 de la proposition de résolution portant sur la mise en place d'un « comité des parties prenantes, comprenant juristes reconnus, représentants des médias, des ONG et des autorités publiques, pour traiter des questions relatives à l'État de droit. » Comment la création de ce comité pourrait-elle permettre une amélioration de la situation ?
Notre Union européenne est basée sur une communauté de valeurs. À l'occasion d'un déplacement à Bruxelles qui portait sur le RGPD (Règlement général sur la protection des données personnelles), j'avais constaté que nos collègues polonais essayaient de freiner l'application de ce texte important sur les libertés dans le domaine du numérique. Avez-vous pu discuter du développement des technologies et du risque de cyber surveillance avec les collègues que vous avez rencontrés ?
Sur la conditionnalité des fonds, il faut avoir une certaine prudence pour que ce ne soient pas les citoyens qui subissent les conséquences d'une décision politique qui est censée les aider. Il ne faudrait pas que, pour garantir l'État de droit, on lèse des citoyens européens, qui subissent déjà des décisions qui ne leur correspondent pas. Le mécanisme est en train d'être pensé par la Commission européenne pour faire en sorte que cela ne touche pas les acteurs privés et ceux qui protègent la démocratie au quotidien.
Le Comité des parties prenantes doit permettre de donner une voix à ceux qui en sont privés et de retrouver un dialogue avec les autorités publiques. Il faut remettre tous les acteurs autour de la table.
Il y a effectivement eu d'autres rapports, notamment le rapport Sargentini, et ceux de la Commission européenne et de la Commission de Venise. Il y en a eu pléthores, afin d'alerter à chaque nouvelle évolution de la situation dans ces États membres. Nous avons ressenti, dans nos échanges sur place, dans les inquiétudes de la population et des associations qui nous ont sollicités, que derrière cette atteinte à l'État de droit, il y avait une musique tendant à faire croire que l'Union européenne devenait la nouvelle URSS, et que le pays n'avait pas d'avenir s'il ne se repliait pas sur lui-même. Il y a eu des campagnes très dures à l'endroit de nos démocraties. La France a parfois été décrite comme une civilisation décadente, aux mauvaises moeurs, avec une majorité qui se moque de ses citoyens. C'est une instrumentalisation du discours pour séparer l'avenir du pays du caractère europhile de la population. Or ce sont des populations très europhiles.
Il faut souligner que la Pologne a touché 86 milliards d'euros dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020, et pour la Hongrie, cela représente plus de 4,5 % de son PIB. On estime notamment que les fonds européens représentent plus de la moitié des investissements en Hongrie. Il n'y a pas de rejet de l'Europe, dans la population polonaise ou hongroise. D'ailleurs, M. Orbán ne dit pas qu'il veut quitter l'Europe mais seulement la transformer. Nous sentons que les jeunes sont attachés à l'Europe, pour des raisons économiques et de niveau de vie mais aussi parce qu'ils réagissent davantage aux attaques à l'État de droit. Ainsi, ils s'expatrient : on compte plus d'un million de Polonais vivant en dehors de leur pays, il y a beaucoup de jeunes qui quittent les universités hongroises pour les autres universités européennes. Il y a donc un déficit d'intelligence et de ressources pour l'avenir qui est très inquiétant.
Sur la liberté académique, nous avons de fortes inquiétudes. En Hongrie, des lois visent à réguler un enseignement académique libre et critique à l'endroit des autorités locales. Concernant le paquet législatif en date du 4 avril 2017, la Commission de Venise et la Commission européenne ont successivement tiré la sonnette d'alarme. Cette loi a été adoptée en arguant que cela concernait toutes les universités alors que cela en visait une spécifiquement, mettant à sa charge des contraintes administratives excessives pour tenter de l'empêcher d'enseigner. En France, cette situation est impensable, tant l'indépendance académique est importante. C'est la raison pour laquelle certains citoyens quittent leur pays, car ils n'ont pas accès à un enseignement de qualité. Cette situation est très préoccupante, à l'endroit de la liberté académique mais aussi des ONG, qui subissent des taxes spécifiques si elles aident des populations en difficulté, notamment des minorités et des migrants.
Dans le quotidien, sans juge impartial, le droit n'est pas du tout assuré d'être respecté. En cas de capture des données personnelles par l'État, par exemple, si le citoyen veut les récupérer, l'autorité de régulation peut être contrôlée politiquement. Si le citoyen va devant le juge et que celui-ci est également sanctionné en raison d'une trop grande indépendance, alors le droit au respect de la vie privée et aux données personnelles n'est pas respecté.
Nous allons à présent procéder à l'examen de la proposition de résolution. Je précise auparavant comment vont se dérouler les travaux de l'Assemblée sur cette résolution qui met en cause plusieurs États membres au regard du respect des valeurs sur lesquelles l'Union européenne est fondée, conformément à l'article 7 du Traité sur l'Union européenne. À l'issue de nos travaux, la présidence de l'Assemblée nationale saisira la commission permanente compétente ; celle-ci disposera d'un mois pour examiner cette résolution. Je proposerai au président de la commission qui sera saisie au fond d'organiser une audition commune des ambassadeurs de Hongrie et de Pologne avant l'examen de la résolution. Nous recevrons par ailleurs de notre côté une délégation de la commission des affaires européennes de Roumanie le 30 octobre prochain ; ce sera l'occasion de mettre ce sujet sur la table. Tout cela montre bien, contrairement à ce qu'affirment certains membres de l'opposition, que nous pouvons affirmer nos valeurs sans rompre le dialogue.
À l'issue de la présentation du rapport d'information, la commission a examiné la proposition de résolution européenne.
La commission examine l'amendement n° 1 de Mme Danièle Obono.
Mon amendement est un amendement d'appel. Comme je l'ai indiqué lors de la dernière réunion, nous sommes globalement en accord avec les éléments développés dans la proposition de résolution. Toutefois, ayant eu le temps d'examiner le texte, nous souhaiterions souligner un point qui nous semble problématique à l'alinéa 39. En effet, le fait de « soutenir la proposition de la Commission européenne visant à mettre en place, au sein du prochain Cadre Financier Pluriannuel, un instrument de protection du budget de l'Union européenne en cas de défaillance systémique de l'État de droit » ne nous paraît pas opportun. Cette conditionnalité de l'aide est pour nous une fausse bonne idée, qui risquerait avant tout de pénaliser les populations. L'impact de ce type de mesure sur les populations n'est pas seulement une question théorique et de principe, mais une question très pratique. C'est précisément en raison de la réalité des politiques qui sont menées par les États que les peuples vont rejeter les principes démocratiques ; la vie quotidienne des citoyens et citoyennes de ces pays est aussi importante ; ce n'est pas qu'une question de droits démocratiques et politiques mais aussi de droits économiques et sociaux. À notre avis, le recul de ces derniers droits dans ces pays est une des raisons qui expliquent l'arrivée et le maintien au pouvoir d'un certain nombre de régimes qui remettent en cause les droits fondamentaux. Il faut être très attentif à cela. Nous estimons également qu'il serait intéressant de travailler à consolider les outils de contrôle de l'Union européenne sur l'affectation réelle des fonds qui sont distribués. Il serait intéressant de renforcer le travail de l'Office de lutte anti-fraude face aux détournements des fonds alloués à un certain nombre de pays, au profit des pouvoirs en place et au détriment des populations.
Les rapporteurs ayant eux-mêmes déposé un amendement qui répond à ce souci, je suis prête à le voter et à retirer le mien, dans un souci constructif et en cohérence avec ce que mon groupe défend ici, à l'Assemblée nationale comme au niveau du Parlement européen.
Juste un mot pour remercier Mme Obono et affirmer que nous ne sommes pas du tout fermés à la discussion, bien au contraire. Nous sommes contents qu'un dialogue s'établisse autour de ce rapport et de cette proposition de résolution et que les choses ne soient pas figées. Nous regrettons que certains n'aient pas compris cela.
Je vous remercie aussi d'avoir été dans ce dialogue constructif et d'avoir attiré notre attention sur ce point-là.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement n° 2 de Mme Coralie Dubost et M. Vincent Bru, rapporteurs.
Il s'agit de recommander un instrument qui permette de sanctionner les États et non les populations, qui, elles, ne sont pas responsables.
Lors de la journée d'étude qui a été organisée par nos collègues Coralie Dubost et Ludovic Mendes, nous avons entendu des élus locaux s'inquiéter de cette mesure, notamment eu égard au manque d'hôpitaux et d'infrastructures dans ces pays. Il faut faire attention à ce que les citoyens ne subissent pas une double peine en plus des atteintes à l'exercice de leurs libertés et de la remise en cause du système démocratique. Une élection ne se résume pas au respect de règles formelles le jour de l'élection : il s'agit aussi d'avoir des juges impartiaux et indépendants qui assurent le contentieux électoral. Nous ne voulons pas pénaliser les citoyens, mais, à titre de menace, rappeler les États à leur devoir de respecter l'État de droit.
J'ajoute que la Commission européenne a précisé que les bénéficiaires individuels des fonds de l'Union européenne – étudiants Erasmus, chercheurs et organisations de la société civile notamment – ne peuvent pas être tenus responsables de ces violations et donc être touchés par la sanction financière.
L'amendement n° 2 est adopté.
La proposition de résolution ainsi modifiée est adoptée à l'unanimité :
« L'Assemblée nationale,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu les articles 2, 7, 19 et 49 du Traité sur l'Union européenne (TUE),
Vu la Communication de la Commission européenne " Un nouveau cadre de l'UE pour renforcer l'État de droit ", du 11 mars 2014,
Vu les recommandations de la Commission européenne, notamment les recommandations (UE) 20161974, (UE) 2017146 et (UE) 20171520,
Vu la proposition motivée conformément à l'article 7, paragraphe 1 du Traité sur l'Union européenne concernant l'État de droit en Pologne de décision du Conseil relative à la constatation d'un risque clair de violation grave, par la République de Pologne, de l'État de droit, du 20 décembre 2017,
Vu la proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection du budget de l'Union en cas de défaillance généralisée de l'État de droit dans un État membre, du 2 mai 2018,
Vu la proposition de résolution du Parlement européen du 15 novembre 2017 sur la situation de l'État de droit et de la démocratie en Pologne (20172931(RSP)),
Vu le rapport relatif à une proposition invitant le Conseil à constater, conformément à l'article 7, paragraphe 1, du traité sur l'Union européenne, l'existence d'un risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs sur lesquelles l'Union est fondée (20172131(INL)), de Mme Judith Sargentini, du 4 juillet 2018,
Sur l'État de droit au sein de l'Union européenne
Considérant que l'Union européenne est une communauté de droits fondée sur des valeurs énumérées à l'article 2 du TUE,
Considérant que l'État de droit est cité parmi les valeurs de l'article 2 du TUE et constitue l'un des principes fondateurs de l'Union européenne, issu de la tradition constitutionnelle des États membres,
Considérant que les États candidats à l'adhésion à l'Union européenne doivent respecter les critères issus des conclusions du Conseil européen des 21 et 22 juin 1993, dont notamment la démocratie, la primauté du droit et les droits de l'homme,
Considérant que la formulation actuelle de l'article 2 peut prêter à confusion quant au champ exact de l'État de droit,
Considérant toutefois que des efforts appréciables de définition ont été fournis par la Commission européenne, dans la Communication établissant nouveau cadre de l'UE pour renforcer l'État de droit,
Considérant en particulier que l'État de droit comprend des principes issus d'une jurisprudence constante de la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE),
Réaffirme son attachement à l'ensemble des valeurs de l'Union européenne, telles que définies à l'article 2 du TUE,
Estime qu'une prochaine révision des Traités pourrait permettre de clarifier la notion d'État de droit à l'article 2 du TUE, en s'appuyant notamment sur la Charte des droits fondamentaux,
Estime néanmoins que la Commission européenne est légitime pour s'appuyer sur les critères dégagés par la CJUE afin de garantir le respect de l'État de droit au sein des États membres, et veiller ainsi à l'application des Traités, ainsi que le dispose l'article 17 du TUE,
Sur la situation des États membres au regard du respect de l'État de droit
Considérant la remise en cause substantielle, dans certains États membres, d'un contrôle effectif et indépendant de constitutionnalité, de l'indépendance de la justice, du pluralisme des médias, de la lutte contre la corruption,
Considérant que le respect de la hiérarchie des normes ne peut être assuré que par une protection juridictionnelle effective de la Constitution, via un organe indépendant du politique,
Considérant que l'indépendance des juges doit être garantie notamment par leur inamovibilité et par des mécanismes de promotion et de sanction indépendants des pouvoirs exécutif et législatif, ainsi que par l'exercice d'un pouvoir disciplinaire propre à l'organisation juridictionnelle, sans immixtion ni influence du Gouvernement et du Parlement,
Considérant en particulier que l'abaissement soudain de l'âge de la retraite des magistrats est de nature à perturber la qualité du travail de ces derniers ainsi que leur indépendance et caractérise une discrimination en fonction de l'âge,
Considérant que les mises à la retraite forcées, les nominations rapides et le remplacement de facto d'une génération de juges par une autre sont de nature à vider l'État de droit de sa substance, et portent atteinte au principe fondamental de non-discrimination sur deux critères, l'âge et les convictions politiques,
Considérant que le pluralisme des médias et des sources d'information, d'expression et d'opinion sont les piliers de la démocratie et un axe cardinal de la vie démocratique,
Considérant que la lutte contre la corruption est indispensable à la garantie d'un État de droit et d'une société démocratique,
Considérant que les violations systémiques à l'État de droit peuvent remettre en cause la confiance mutuelle entre États membres, et donc l'application uniforme des principes fondamentaux de l'Union européenne à l'ensemble des États membres,
Soutient les institutions européennes dans leurs efforts pour lutter contre les violations systémiques de l'État de droit,
Soutient, à ce titre, le dialogue entre la Commission européenne et la Pologne au titre de l'État de droit, ainsi que la proposition motivée de la Commission européenne au Conseil, au titre de l'article 7, paragraphe 1,
Dénonce la dégradation de l'État de droit, motivée par un programme idéologique contraire aux valeurs européennes et démocratiques, en Hongrie et en Pologne,
Estime que les évolutions législatives en Pologne, et en particulier la remise en cause de la composition de la Cour suprême le 2 juillet 2018, ne permettent pas de mettre fin à la procédure inscrite à l'article 7, paragraphe 1,
Considère que le Conseil doit être prêt, en l'absence de progrès significatifs en Pologne quant à l'indépendance de la justice, à constater l'existence d'une violation grave et persistante des valeurs visées à l'article 2,
Estime que la situation de l'État de droit en Hongrie, notamment en matière de respect du Défenseur des droits de l'homme, de liberté académique, du pluralisme des médias, d'indépendance de la justice, justifie le constat, par le Conseil, de l'existence d'une violation grave de l'État de droit,
Considère que, en l'état, le Mécanisme de Coopération et de Vérification a toujours vocation à s'appliquer à la Roumanie, afin d'aider les autorités publiques roumaines à lutter contre la corruption et de soutenir les progrès vers un système judiciaire transparent, indépendant et impartial,
Sur les instruments de l'Union européenne pour assurer le respect par les États membres de l'État de droit,
Considérant la nécessité pour le Conseil européen de statuer à l'unanimité pour constater l'existence d'une violation grave et persistante par un État membre des valeurs visées à l'article 2, au titre de l'article 7, paragraphe 2 du TUE,
Considérant que, dans la situation actuelle, une telle unanimité est inenvisageable,
Soutient la proposition de la Commission européenne visant à mettre en place, au sein du prochain Cadre Financier Pluriannuel, un instrument de protection du budget de l'Union européenne en cas de défaillance systémique de l'État de droit ; souhaite toutefois attirer l'attention sur la nécessité de calibrer cet instrument de telle sorte que seuls les responsables des violations de l'État de droit subissent, le cas échéant, des sanctions financières,
Estime nécessaire que soient mis en place de nouveaux mécanismes visant à assurer le respect effectif de l'État de droit par l'ensemble des États membres de l'Union européenne,
Recommande la mise en place d'un comité des parties prenantes, comprenant juristes reconnus, représentants des médias, des ONG et des autorités publiques, pour traiter des questions relatives à l'État de droit,
Soutient la proposition de création d'un mécanisme global de l'Union pour la démocratie, l'État de droit et les droits fondamentaux, qui s'appliqueraient à tous les États membres ainsi qu'aux trois principales institutions de l'Union, ainsi que la mise en place d'un semestre européen de l'État de droit,
Souhaite la mise en place d'un réseau d'autorités administratives indépendantes nationales et de juristes experts en matière d'État de droit, échangeant informations et bonnes pratiques, doté d'un pouvoir d'alerte auprès de la Commission européenne, dès le constat d'une violation répétée de l'État de droit,
Encourage la Commission européenne à s'appuyer sur l'OLAF (Office européen de la lutte antifraude) ainsi que sur les rapports de la Cour des Comptes européenne pour disposer d'informations aussi précises que possible relatives au respect de l'État de droit, notamment dans le cadre de la passation de marchés publics. »
Par conséquent, la commission autorise la publication du rapport d'information.
Notre prochaine réunion aura lieu demain jeudi 11 octobre à 10 heures. Nous entendrons Mme Sandrine Gaudin, secrétaire générale des affaires européennes.
La séance est levée à 18 h 25
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Éric Bothorel, M. Vincent Bru, Mme Marguerite Deprez-Audebert, Mme Coralie Dubost, M. Pierre-Henri Dumont, M. Alexandre Freschi, Mme Valérie Gomez-Bassac, Mme Christine Hennion, M. Michel Herbillon, M. Alexandre Holroyd, Mme Marietta Karamanli, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Constance Le Grip, Mme Nicole Le Peih, M. Ludovic Mendes, M. Thierry Michels, Mme Danièle Obono, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Damien Pichereau, M. Jean-Pierre Pont, M. Joaquim Pueyo, M. Didier Quentin, Mme Sabine Thillaye
Excusés. - Mme Sophie Auconie, M. Jean-Louis Bourlanges, Mme Fannette Charvier, Mme Françoise Dumas, M. Éric Straumann, Mme Liliana Tanguy