Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du mardi 23 octobre 2018 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Véran, rapporteur général de la commission des affaires sociales :

… de l'ordre d'une vingtaine de milliards d'euros. C'est donc un vrai plaisir que de pouvoir présenter aujourd'hui une copie budgétaire qui contraste avec le passé.

C'est aussi un plaisir parce que ce PLFSS est celui des engagements tenus, qui vient amplifier le mouvement engagé l'année dernière. Je pense évidemment aux mesures fortes en faveur du pouvoir d'achat, que Mme la ministre a rappelées, en particulier à l'exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires. Cette mesure, chère à la présidente de notre commission, est un engagement du Président de la République ; elle entrera en vigueur dès l'année prochaine. L'exonération sociale, qui représentera plus de 2 milliards d'euros, se traduira par un gain de 300 euros net par an pour un salarié au SMIC effectuant quatre heures supplémentaires par semaine. Elle complète la suppression des cotisations salariales maladie et chômage, adoptée il y a un an et désormais effective. Elle vise à augmenter le pouvoir d'achat des Français, qui constitue une priorité tant pour nos concitoyens que pour le Gouvernement.

Je pense également aux mesures en faveur de la compétitivité des entreprises. L'année dernière, nous avions amorcé ou préfiguré la transformation du CICE en suppression de cotisations patronales. En 2019, ces cotisations seront réduites de plus de 10 points pour un salarié au niveau du SMIC, là où l'effet sur l'emploi est réputé le plus important. Ainsi renforcé, l'allégement général deviendra plus favorable que nombre de dispositifs spécifiques, en conséquence réformés ou supprimés.

Des inquiétudes se sont exprimées quant à la disparition de certains dispositifs, concernant en particulier les travailleurs occasionnels et demandeurs d'emploi – les fameux TODE – dans le domaine agricole. Nous aurons l'occasion d'y revenir en séance. Je rappelle qu'un amendement visant à maintenir le dispositif en l'état a été adopté à l'unanimité en commission. En outre, j'ai bien entendu l'intervention de M. le ministre de l'agriculture tout à l'heure, lors des questions au Gouvernement : elle me semble avoir apporté une réponse à la fois concrète, cohérente et complète, voire ambitieuse, aux inquiétudes exprimées par le milieu agricole. Mais avant de préempter le débat, je voudrais dire, au nom de la majorité, que le message du Gouvernement a été entendu et fortement apprécié.

Le PLFSS pour 2019 est également celui de l'écoute. C'est à ce titre que 350 000 retraités ne subiront pas de hausse de CSG sur leurs pensions. L'augmentation du taux de droit commun votée l'année dernière pour financer la suppression des cotisations salariales maladie et chômage a renforcé les conséquences, préexistantes, du franchissement du seuil de revenus au-delà duquel ce taux de droit commun s'applique. Aussi, afin d'éviter que le franchissement exceptionnel du seuil de revenus au cours d'une année donnée n'entraîne l'application du taux normal, le texte prévoit une subtile mesure de lissage, qui permet tout de même d'exonérer 350 000 retraités de l'augmentation de la CSG. Cette mesure va au-delà de la promesse faite par le Premier ministre, qui devait concerner initialement 100 000 personnes.

Par ailleurs, des mesures favorables aux exploitants agricoles entreront en vigueur. Je pense à la prolongation de l'année blanche pour les jeunes agriculteurs ou à la réforme des paramètres de la cotisation PUMa – la protection universelle maladie – , qui a pu faire débat parmi les oppositions. Mais nous en reparlerons.

L'écoute, c'est également celle des plus fragiles d'entre nous, puisque ce PLFSS comporte des avancées majeures en matière d'accès aux soins et de lutte contre les inégalités sociales, comme l'a dit Mme la ministre. Il vient concrétiser les premières mesures des deux plans importants présentés en septembre par la ministre et le Président de la République : le plan santé et le plan pauvreté.

Tout d'abord, ce PLFSS est celui du reste à charge zéro. Beaucoup de choses ont été dites aujourd'hui, en réaction à un article de presse annonçant une prétendue augmentation importante des cotisations des complémentaires santé, qui résulterait de cette mesure. Or celle-ci a une portée sociale et sanitaire majeure pour les Français, auxquels elle permettra de bien voir, de bien entendre et de pouvoir bien mastiquer. Elle concernera en premier lieu les retraités. Pour répondre aux simulations annonçant prétendument une augmentation des cotisations des complémentaires santé, je rappellerai que, si l'effort de la sécurité sociale est de 750 millions d'euros, l'effort demandé aux complémentaires sera de 250 millions d'euros ; si l'on rapporte ce montant aux 36 milliards d'euros de cotisations visant des prestations de santé, voire aux 54 milliards d'euros de cotisations globales, incluant la prévoyance, on n'arrive pas à 6 %, mais tout juste à 0,4 %, et encore… J'aurai certainement l'occasion de le redire au cours de nos débats.

Ce PLFSS comporte une autre mesure très forte, dont nous parlons depuis très longtemps : la suppression de l'aide au paiement d'une complémentaire santé. Ce dispositif, trop complexe, ne fonctionnait pas : il se caractérisait par un taux de non-recours extrêmement important et une couverture insuffisante. Il sera remplacé par une CMU complémentaire contributive, qui permettra à 1 million de bénéficiaires – voire 1,5 à 2 millions de bénéficiaires si le taux de non-recours se réduit – , notamment aux personnes âgées et aux retraités les plus fragiles, de disposer d'une meilleure couverture complémentaire santé pour un coût moindre. Pour un retraité, cette mesure pourra représenter une baisse de cotisations de complémentaire santé pouvant atteindre 30 euros par mois. Quand on touche 900 euros, ce n'est pas rien !

Ce PLFSS marque aussi des avancées importantes en faveur des familles les plus fragiles. Comme l'a dit Mme la ministre, le montant maximal du complément de libre choix du mode de garde augmentera de 30 %. Dans la lignée du plan pauvreté, nous voulons permettre aux mères isolées de retrouver rapidement le chemin de l'emploi. Personne ne doit être éloigné de l'emploi pour des raisons matérielles. Le versement de cette aide en tiers payant permettra aux familles de bénéficier immédiatement de l'aide reçue.

Nous allons discuter de la prime de naissance, qui a fait débat en commission comme elle le fait dans cette assemblée depuis sa réforme en 2014 – elle est désormais perçue après la naissance, et non plus avant. La commission a rejeté des amendements visant à anticiper l'attribution de cette prime, mais nous en débattrons sans doute à nouveau dans l'hémicycle.

Certaines mesures amélioreront considérablement la situation des travailleuses indépendantes et des exploitantes agricoles en congé de maternité, notamment grâce à l'harmonisation des règles d'indemnisation de leur congé avec celles applicables aux salariées. Je salue l'énorme travail de notre collègue Marie-Pierre Rixain, qui a proposé plusieurs amendements que la commission a retenus. J'espère vivement que le Gouvernement leur donnera un avis favorable, ce qui permettrait de concrétiser les travaux de notre collègue.

Il y a aussi une mesure très forte – c'est le neurologue qui parle – en faveur des enfants atteints de troubles neurocomportementaux, qui s'inscrit dans le cadre de la stratégie nationale pour l'autisme 2018-2022. Elle permettra aux familles en attente de percevoir les allocations ad hoc, de faire soigner leurs enfants sans compter leurs sous et de consulter des professionnels de santé tant pour le diagnostic que pour la prise en charge des enfants atteints d'autisme. Jusqu'ici, elles pouvaient difficilement le faire car ces soins ne sont pas remboursés par l'assurance maladie. C'est une mesure extrêmement forte. Bravo, madame la ministre !

Ce PLFSS est, enfin, celui de la responsabilité. Personne ici ne peut dire que le redressement des comptes sociaux se fait d'un claquement de doigts : il est permis par la contribution des Français, à travers les cotisations sociales, mais aussi par l'effort demandé depuis plus d'une décennie aux acteurs sociaux, aux professionnels de santé, aux usagers et aux hôpitaux. C'est très important ! Alors que le déficit de la sécurité sociale aurait eu dix-huit ans si nous n'avions pas agi, nous transmettrons aux générations à venir une sécurité sociale confortée, modernisée, plus forte. Ainsi, nous agissons en responsabilité, ce qui ne nous empêche d'ailleurs pas de prévoir un relèvement de l'ONDAM. Il avait été convenu que ce dernier n'augmenterait que de 2,3 %, ce qui était déjà une hausse significative – en tout cas, plus importante que celle des années précédentes – , mais il connaîtra finalement une hausse de 2,5 %. C'est donc l'ONDAM le plus élevé que nous ayons à examiner depuis au moins six ou sept ans, de mémoire.

Alors que la sécurité sociale pourrait devenir excédentaire, nous nous rendons compte qu'il existe encore des dettes sociales non prises en charge. La dette prise en charge par la CADES s'élève à 100 milliards d'euros et est en cours de remboursement – d'ici à 2024, elle aura été soldée. L'ACOSS portait encore une dette de plus de 20 milliards d'euros, mais celle-ci sera transférée à la CADES avec les financements ad hoc, afin de la solder et de laisser aux générations futures quelque chose de très propre. Nous devons saluer cette mesure. Ces relations entre l'État et la sécurité sociale font évidemment l'objet de débats, car une partie des excédents fictifs de la sécurité sociale ira dans le budget de l'État ; or ce dernier est très endetté et on peut difficilement parler d'excédents face à une dette pareille. Toutefois, je l'ai dit en commission et je le rappelle ici : la majorité appréciera évidemment tous les gestes que nous pourrons faire, dans les années à venir, en faveur de l'écologie, de la qualité de vie au travail ou des transports collectifs – des domaines qui ne relèvent pas forcément de la sécurité sociale mais dont l'impact social et sanitaire est très important pour les Français.

Responsabilité, enfin, au regard des défis qui nous attendent. Ainsi, la prise en charge de la dépendance est un chantier majeur, pour lequel la ministre a ouvert une grande concertation, qui nous permettra enfin de prendre à bras-le-corps et de façon concrète un défi qui a été tant de fois repoussé : celui des conséquences du vieillissement de la population.

Des mesures fortes ont déjà été prises en faveur des EHPAD – nous y reviendrons – et des salariés à domicile, avec un relèvement des allègements généraux, mais ce grand plan dépendance est très attendu au sein de la majorité.

Ce PLFSS comporte aussi des mesures de transformation structurelle, avec la mise en place d'un forfait pour la prise en charge de pathologies chroniques à l'hôpital, la poursuite de l'extension du périmètre de l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, qui permet d'expérimenter le financement au parcours de soins ou à l'épisode de soins. Sur l'ensemble du territoire national, plus de 270 équipes ont fait savoir, en moins d'un an, qu'elles étaient très intéressées par l'idée de répondre à l'appel à projets et de participer concrètement à cette expérimentation. Cela va au-delà de tout ce que nous avions imaginé et cela signifie donc qu'il faut poursuivre. Certains blocages subsistent toutefois, que ce texte vise à lever.

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