Intervention de Jean-Carles Grelier

Séance en hémicycle du mardi 23 octobre 2018 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Carles Grelier :

… pour ne pas leur donner une place dans l'élaboration du système territorial de santé, tout comme ils n'ont souvent pas leur mot à dire sur la fermeture des maternités ou des services de chirurgie. Madame la ministre, on ne construit pas une réforme juste sans porter une attention particulière à ceux qui en seront les perdants.

J'avais rêvé que l'article 51 de la précédente loi de financement de la sécurité sociale ouvrirait le champ des possibles, que les expérimentations, délestées du régime aveugle des circulaires, des modes d'emploi et des cahiers des charges sortiraient des réflexes administratifs. Et pourtant, depuis douze mois, la démonstration a été faite de l'inverse, devrais-je dire par l'absurde : ainsi l'appel à projets national autour du financement à l'épisode de soins de la prothèse totale de hanche a-t-il fait l'objet d'une circulaire de trente-six pages ! Trente-six pages illisibles, incompréhensibles, et forcément inapplicables !

J'avais rêvé qu'à l'approche du plan Ma santé2022 – qui sera certainement reporté, comme l'a été son annonce – les financements que vous votez sans sourciller permettraient d'accompagner la transition des établissements de santé vers une logique de gradation des soins. Pourtant, plutôt que d'investir dans la formation des professionnels médicaux, plutôt que de faire le pari de l'innovation et de la performance, plutôt que de choisir l'ambition et la qualité, vous allez cette année encore imposer 1 milliard d'euros d'économie à une organisation hospitalière qui n'en peut déjà plus.

J'avais rêvé que vous apporteriez une réelle solution aux services d'urgence dont l'actualité a malheureusement, à de multiples reprises, fait la démonstration des difficultés d'organisation et de fonctionnement. Sans doute est-ce dans cet esprit que M. le rapporteur général s'est cru autorisé à déposer un amendement ne proposant pas moins que de financer à hauteur de 60 euros une consultation de réorientation, à l'issue de laquelle le patient devra quitter l'hôpital sans avoir été soigné, pour aller consulter un hypothétique praticien de ville auprès duquel il s'acquittera de 25 euros supplémentaires. Non, docteur Véran, il ne suffira pas de casser le thermomètre pour faire tomber la fièvre. Tant que vous n'aurez pas restructuré en profondeur la médecine de ville et offert à l'ensemble des Français la possibilité de trouver, en toutes circonstances, au plus près de chez eux et dans les délais les plus courts, un professionnel de santé, votre proposition restera ce qu'elle est aujourd'hui : une vaste mascarade !

Que dire de la création des 4 000 assistants médicaux ? Une fois encore, si le constat de la nécessité d'offrir aux médecins de ville du temps médical supplémentaire s'avère juste, annoncer ces 4 000 postes sans avoir au préalable défini le profil, la formation et les modalités de validation professionnelle de ce nouveau métier, c'est prendre le risque d'un démarrage difficile et d'un positionnement complexe entre les secrétaires médicales, les aides-soignantes et les infirmières diplômées d'État. C'est en tout cas, avec certitude, prendre le problème à l'envers et susciter chez les professionnels de santé plus de doutes que d'assurances quant à l'efficacité et à la pérennité du dispositif.

J'avais rêvé que le médicament ne serait pas une nouvelle fois la variable d'ajustement du financement de la sécurité sociale. Que chacun mesure la dimension stratégique du médicament et de l'indépendance sanitaire de la France, à l'heure où, sous les coups de boutoir budgétaires successifs, l'industrie délocalise ses structures de production, menaçant gravement, à terme, notre approvisionnement pharmaceutique.

En 2017, plus de 500 médicaments essentiels ont été signalés en tension ou en rupture d'approvisionnement, soit 30 % de plus qu'en 2016. Qu'avez-vous fait pour y remédier ? Si la coercition à l'égard des entreprises du médicament semble à vos yeux la meilleure des réponses, elle apparaît, aux nôtres, comme la pire des solutions. Les ruptures d'approvisionnement provoquent une perte de chances inacceptable pour les patients et mettent en danger la qualité et le fonctionnement de notre système de santé.

Face à cette situation, il est urgent d'instaurer une véritable stratégie industrielle nationale et européenne pour recréer les conditions d'une production pharmaceutique de proximité.

À ces difficultés s'ajoutent celles constatées pour les achats de médicaments par les établissements de santé. Notre politique de rationalisation des achats, qui privilégie la massification des appels d'offres, a entraîné une raréfaction des fournisseurs et la multiplication des difficultés d'approvisionnement.

J'avais rêvé que l'on ne ferait pas supporter à l'industrie pharmaceutique, qui compte aussi des TPE et des PME françaises, des coupes budgétaires drastiques qui continueront d'aggraver les problèmes d'approvisionnement et d'attractivité du territoire.

Parce que la chaîne de production et d'approvisionnement est fragile, les patients n'accèdent plus dans des conditions normales au médicament. Une pharmacie ferme tous les deux jours, sous la pression des campagnes de baisse des tarifs des médicaments. Or, les officines sont souvent la dernière présence médicale dans nos territoires, ruraux et urbains, le dernier lien de confiance, l'ultime recours pour les patients.

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