Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du vendredi 26 octobre 2018 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 — Après l'article 29

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Véran, rapporteur général de la commission des affaires sociales :

Cher collègue, dans un cadre expérimental, il me paraît dommage de se priver de la possibilité pour une infirmière d'accueil, dans le cadre de protocoles précis, de continuer à faire ce qu'elle fait déjà depuis des années.

J'assurais des gardes aux urgences il y a quelques années encore – moins récemment, certes, que Thomas Mesnier. Dans le service d'urgence d'un gros CHU, où passent plusieurs centaines de patients par jour, l'infirmière d'accueil est habilitée à éconduire un patient qui se présente pour obtenir le renouvellement d'une ordonnance.

Mais n'allez pas imaginer qu'un patient avec une douleur thoracique ou abdominale importante se verra répondre par une infirmière que, dans le cadre du protocole de réorientation, il ne sera pas examiné. Les médecins ne vont pas perdre complètement la tête ou leur éthique du jour au lendemain parce qu'un forfait de réorientation est instauré. Nous parlons de cas d'angine, d'inquiétude. Car parfois, les gens viennent aux urgences parce qu'ils sont inquiets – j'ai déjà vu aux urgences des patients qui me demandaient s'ils devaient continuer à prendre leurs antibiotiques à l'issue de sept jours de traitement ; ils étaient inquiets parce qu'ils ne trouvaient pas de médecin pour leur répondre. C'est la vraie vie !

Il ne s'agit certainement pas de réorienter des personnes qui ont des fractures ou des douleurs importantes – la douleur est une urgence. Il ne faut pas tout confondre. Les statistiques montrent de manière irréfutable ce phénomène qui n'est pas réservé à la France : au moins un quart, voire un tiers des patients arrivant aux urgences vont en repartir sans examen complémentaire – sans examen de biologie ou de radiologie ; c'est-à-dire qu'un simple échange verbal ou un examen clinique de base permet de dire au patient que son état ne relève pas des urgences et ne justifie pas d'attendre pendant quatre ou cinq heures d'être pris en charge sur place.

En effet, dans la vraie vie, un patient qui entre aux urgences pour un problème de santé non urgent sera vu après les autres ; il va parfois attendre plusieurs heures sur un brancard. Les équipes sont saturées de travail, les infirmières doivent poser des perfusions partout – j'ai le souvenir de patients dont l'état n'était pas grave et qui se retrouvaient, en raison du protocole, avec une perfusion avant même que je ne commence à les examiner. Une entrée aux urgences, c'est un dossier informatique à créer – quels sont votre adresse, votre numéro de téléphone, les personnes à contacter, votre complémentaire ? Si vous êtes dans un CHU, vous serez d'abord examiné par un étudiant, qui va ouvrir un dossier, vous examiner, pratiquer un électrocardiogramme, puis par un interne, voire par un senior. Cela prend un temps fou et n'apporte pas grand-chose, en sécurité et en qualité des soins, à des malades qui pourraient être mieux pris en charge ailleurs.

Pour que chacun comprenne, je termine en donnant à nouveau l'exemple de l'hôpital de Poissy – ici, les chiffres sont un argument irréfutable.

Les urgences pédiatriques y accueillent 23 000 enfants par an. Considérant que c'était beaucoup trop pour les capacités du service, le directeur a ouvert une maison médicale de garde, non pas à cinq cents mètres, mais dans le service des urgences lui-même. Il a demandé à des pédiatres et des généralistes libéraux...

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