Intervention de Cécile Martinat

Réunion du mardi 9 octobre 2018 à 17h00
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Cécile Martinat, présidente de la Société française de recherche sur les cellules souches (FSSCR) :

Je fais partie de ces scientifiques qui, au début des années 2000, ont commencé à mener des travaux aux États-Unis sur les cellules souches, ce qui leur a permis de réaliser quel potentiel elles offraient, notamment en matière des pistes thérapeutiques – je travaillais pour ma part sur la maladie de Parkinson. Quand la révision de la loi bioéthique est intervenue en 2004, j'ai rejoint le premier institut dédié à la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines, créé par M. Marc Peschanski dans le but d'identifier de nouvelles thérapeutiques applicables aux maladies génétiques.

Aujourd'hui, c'est moins en tant que directrice de recherche à l'INSERM qu'en tant que présidente de la Société française de recherche sur les cellules souches (FSSCR) que je m'exprime. Créée en 2017 sous l'impulsion d'une poignée de scientifiques, dont M. Laurent David, qui est à mes côtés, elle poursuit un triple objectif : fédérer et mieux organiser la recherche sur les cellules souches en France ; augmenter la visibilité de ces recherches à l'échelon international ; mieux communiquer avec le grand public sur les bénéfices et les dangers de ces recherches. Elle s'apprête à tenir son deuxième congrès annuel à Nantes au début du mois de novembre, qui sera également ouvert au grand public. Notre conseil d'administration compte quatorze membres, qui ont été élus par nos 350 adhérents : il s'agit soit de scientifiques, soit de cliniciens, répartis sur tout le territoire.

L'une des raisons qui nous a poussés à créer cette association est l'inquiétude croissante de la communauté scientifique face aux attaques que subissent nos programmes de recherche, inquiétudes dont nous avions fait part dans une tribune publiée le 30 mars 2017 dans Le Monde.

Depuis la loi de 2013, qui était plus permissive quant à l'utilisation des cellules souches embryonnaires humaines, trente-trois programmes de recherche ont été attaqués devant un tribunal administratif et aujourd'hui onze font l'objet de procédures en cours sur environ quatre-vingt-dix demandes d'autorisation validées par l'Agence de la biomédecine. Ces actions, même si elles ne sont pas engagées à l'encontre des chercheurs eux-mêmes, mettent en péril le développement de nos recherches, le recrutement des personnels nécessaires et nos sources de financement.

Notre droit, en l'état actuel, ne permet plus de prendre en compte les avancées scientifiques. Nos attentes pour la révision de la loi de bioéthique portent sur deux champs de recherches principaux : les cellules souches embryonnaires humaines et les embryons, qui font l'objet d'un même régime juridique depuis 2004. Quatorze ans après, il apparaît nécessaire d'instaurer une distinction. Il est aujourd'hui clairement établi que les cellules souches embryonnaires humaines n'ont pas le potentiel d'un embryon entier. Après les avoir extraites de l'embryon originel et les avoir cultivées in vitro, elles sont incapables de former un nouvel embryon. Nous considérons qu'une fois prise la décision de destruction de l'embryon surnuméraire, l'usage fait des cellules qui en sont issues ne relève plus de la problématique de la recherche sur l'embryon. Il nous paraîtrait donc légitime de soumettre la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines non plus au même régime juridique que l'embryon mais à un simple système déclaratif, comme nous l'avons fait valoir au Comité consultatif national d'éthique (CCNE).

De façon plus large, l'un des souhaits de la FSSCR est que l'encadrement de la recherche, qui doit rester exigeant, soit mieux adapté, plus cohérent et plus simple. Pour mener des recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines, il faut actuellement faire une demande d'autorisation auprès de l'Agence de la biomédecine, en remplissant un épais dossier. Une fois l'autorisation donnée, nous devons rendre un rapport annuel et accueillir des membres de l'Agence de la biomédecine qui viennent vérifier régulièrement les conditions dans lesquelles nous travaillons. Et il nous faut suivre la même procédure à chaque renouvellement d'autorisation, ce qui est extrêmement lourd.

Nous souhaiterions que l'encadrement des recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines puisse mieux faire coïncider des garanties de principes éthiques et la temporalité des avancées scientifiques. Les personnes qui nous attaquent mettent en avant des sources alternatives de matériel. Depuis 2007, il est en effet possible de convertir des cellules de sang en cellules qui présentent des propriétés similaires à celles des cellules souches embryonnaires humaines. Nous considérons toutefois que ces cellules diffèrent des cellules souches embryonnaires humaines et que nous devons conserver la possibilité de comparer ces cellules souches et les IPS.

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