Intervention de Laurent David

Réunion du mardi 9 octobre 2018 à 17h00
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Laurent David, responsable scientifique de la plate-forme de production de cellules souches induites au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes :

Concrètement, l'un des facteurs qui a permis d'augmenter le succès des FIV, et surtout de cesser de faire des multi-transferts ce qui diminue le taux de grossesses gémellaires, a été de cultiver les embryons jusqu'au stade du blastocyste et de faire le transfert à J+6, après la fécondation – ce qui est la règle au centre de Nantes.

Traditionnellement, les transferts se faisaient plutôt au stade où l'embryon était constitué de deux ou de quatre cellules, voire huit, c'est-à-dire à J+1, J+2 ou J+3. Tous les embryons qui ont été donnés à la recherche avant que les protocoles de transfert passent à J+6 ont donc été congelés à J+1, J+2 ou J+3.

Or, pour comprendre le développement humain, il faut travailler sur des embryons qui ont entre trois et six jours, ce qui signifie que les embryons qui ont été récemment donnés à la recherche ne permettent plus de travailler sur certains aspects du développement préimplantatoire humain. C'est la raison pour laquelle nos projets de recherche portent exclusivement sur des embryons ayant été congelés avant J+3. Par ailleurs les méthodes d'exploration et d'analyse que nous utilisons sont apparues en 2013, ce qui signifie que, si les embryons antérieurs à cette date avaient été détruits, ces travaux seraient impossibles.

À titre personnel, je pense donc qu'instaurer un délai de conservation n'est pas forcément une bonne idée pour la recherche.

Pour ce qui est de la durée de culture des embryons autorisée, il ne me semble pas que la loi française la fixe au jour près, contrairement, par exemple, à l'Angleterre, où elle est fixée à quatorze jours. Aux États-Unis, il n'y a pas de limites légales, mais les scientifiques se sont également accordés sur cette durée de quatorze jours.

La question a été évoquée lors d'un récent congrès de biologistes consacré au développement humain qui s'est tenu en Angleterre et au cours duquel ont été abordés ces enjeux éthiques. Il est ressorti de nos échanges que, dans les faits, la recherche devait toujours motiver ses choix, en l'espèce celui relatif à la durée de culture. En d'autres termes, si on entreprend de cultiver un embryon jusqu'à J+12 ou J+14, il faudra s'être demandé pourquoi ce terme et s'il se justifie scientifiquement. Malgré mon jeune âge, j'ai conscience que la science avance vite, et peut-être un jour prochain serons-nous confrontés à des questions dont les réponses ne pourront être trouvées qu'à J+15. Pour l'instant, quoi qu'il en soit, le consensus international se fait sur une durée de quatorze jours, sans que cela ait véritablement de justification rationnelle et scientifique.

En ce qui concerne enfin les voies alternatives, je préfère parler de modèles complémentaires. Le congrès que j'évoquais était organisé par The Company of Biologists, qui regroupe les meilleurs chercheurs en biologie du développement, au niveau mondial. Ils ont tous, dans leurs laboratoires, des vers de terre comme les C. elegans, des mouches ou d'autres espèces qui permettent des expérimentations impossibles chez les mammifères. Or, si ce congrès était consacré au développement humain, c'est que nous en sommes à un point aujourd'hui où, pour savoir quels sont les modèles à utiliser, pour quel type de question, il faut savoir ce qui se passe chez l'homme.

Il s'agit d'une démarche très descriptive, qui comporte assez peu d'expériences fonctionnelles mais se fonde sur l'observation, avec l'objectif de déterminer que tel processus pourra être étudié chez la souris, tel autre chez le primate, tel autre encore chez le porc ou la vache, voire chez le ver de terre. C'est la raison pour laquelle je parle de modèles complémentaires.

Une initiative internationale a d'ailleurs entrepris l'élaboration d'un Human Cell Atlas, dont l'ambition est de cartographier l'ensemble des cellules du corps humain à tous les stades de développement, pour comprendre ce qui se passe, la manière dont les maladies s'installent et mettre à disposition des chercheurs une base de connaissances qui permette de nouvelles découvertes.

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