Intervention de Jean-Louis Touraine

Réunion du mardi 9 octobre 2018 à 17h00
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine, rapporteur :

L'embryon est donc cet amas de cellules qui se développe après la fécondation. Ce dont nous parlons ici, ce sont les embryons surnuméraires qui ne correspondent à aucun projet parental et qui sont donc destinés à être détruits après que les parents ont fait savoir qu'ils ne les utiliseraient pas. Avant leur destruction, il est possible de prélever quelques cellules dont on peut tirer des lignées de cellules souches : il s'agit des cellules souches embryonnaires.

On peut par ailleurs, prélever chez les enfants ou les adultes des cellules de peau ou de tout autre nature, à partir desquelles on fabrique des cellules induites pluripotentielles, appelées IPS, qui sont des cellules souches pluripotentes et ressemblent, sans leur être strictement identiques, aux cellules souches embryonnaires. Elles ont néanmoins perdu une partie des propriétés des cellules souches embryonnaires, ce qui fait que, si dans certains cas elles leur sont substituables, ce n'est pas toujours possible.

Les cellules embryonnaires ont, en revanche, comme vous l'avez dit, des capacités quasi infinies de pluripotence, de prolifération et d'adaptation, et ouvrent donc des perspectives thérapeutiques bien supérieures aux cellules IPS de nourrisson ou d'adulte.

Vous nous avez cités, Professeur Peschanski, les premiers résultats déjà obtenus, dans un temps qui me semble particulièrement court, notamment en matière de développement de la thérapie génique ou à d'autres avancées thérapeutiques. Malgré ces résultats très encourageants, j'aimerais savoir quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez.

Vous avez parlé d'attaques : je présume qu'il s'agit d'attaques juridiques, dont sont coutumières certaines associations. Pouvez-vous nous préciser en quoi cela entrave votre travail et nous expliquer quelles sont les incidences financières de ces attaques pour vous ou pour l'Agence de biomédecine ? Pèsent-elles sur vos délais de recherche ou sur l'attractivité de votre discipline auprès des jeunes chercheurs ?

Pourriez-vous nous établir une comparaison avec l'étranger ? Je rappelle en effet que, pendant longtemps en France, il était interdit de produire des lignées de cellules souches embryonnaires… que l'on pouvait cependant acheter en toute légalité à l'étranger, ce qui est assez paradoxal. Je crois savoir par exemple qu'aux États-Unis, le président George W. Bush avait interdit que la recherche sur les cellules souches soit financée sur des fonds publics, mais qu'elle se poursuivait néanmoins en catimini dans tous les laboratoires privés. C'est à mes yeux un autre exemple d'aberration qui semble montrer qu'on sacralise l'embryon humain beaucoup plus que le foetus ou le nouveau-né, puisque je rappelle que, depuis une trentaine d'années, la recherche sur les cellules souches foetales ou sur les cellules souches du nouveau-né est autorisée, sans que personne n'y fasse objection.

D'après vous, que pourrait-on donc faire pour lever les obstacles que vous rencontrez ? Vous avez évoqué un système déclaratif : cela signifie-t-il que, pour les cellules souches embryonnaires, une déclaration simple vous paraîtrez préférable à la procédure actuelle ?

Enfin, en ce qui concerne la recherche sur l'embryon, il me semble que nous devons tout faire pour la soutenir, car on ne peut se satisfaire éternellement des résultats sinon médiocres, du moins quantitativement peu satisfaisants, des fécondations in vitro actuelles. Non seulement c'est un problème pour les femmes et les futurs parents, mais n'oublions pas que cela a pour conséquence la production d'un très grand nombre d'embryons surnuméraires. Ceux qui s'opposent à la recherche sur l'embryon s'opposent donc, en définitive, à ce qu'on réduise le nombre de ces embryons surnuméraires, qui sont ensuite jetés par millions. Pourriez-vous nous donner des pistes permettant de faire évoluer la législation en la matière ?

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