Intervention de Cécile Martinat

Réunion du mardi 9 octobre 2018 à 17h00
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Cécile Martinat, présidente de la Société française de recherche sur les cellules souches (FSSCR) :

Les attaques contre nos projets nous ralentissent et nous fragilisent. Tout juste nommée directrice d'unité, j'ai été appelée un 13 août pour m'entendre dire que l'importation d'une lignée de grade clinique pour le développement de nos produits de thérapie cellulaire était attaquée et que nous risquions fort de ne plus y avoir accès, ce qui pouvait mettre fin à dix années de développement et d'investissements, aussi bien financiers que personnels. L'Agence de la biomédecine nous a été d'un grand soutien et je veux saluer ici son travail. Ce n'était pas mon unité qui était visée, mais bien l'Agence de la biomédecine.

Nous avons rassemblé avec elle les arguments permettant de défendre nos dossiers. Nous avons mis en avant le nombre de personnes travaillant sur ces programmes : une quinzaine, et le montant investi : plusieurs millions d'euros. Nous avons insisté sur le fait qu'une condamnation mettrait un point final au développement d'essais de thérapie cellulaire utilisant des cellules souches embryonnaires humaines en France.

Aujourd'hui, nous vivons avec une épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos projets. Nous avons pris l'habitude d'appeler régulièrement l'Agence de la biomédecine pour nous enquérir des dossiers. C'en fut même comique à un moment : sachant que ces fondations nous attaquaient dans un délai de 2 mois et 28 jours, nous faisions en sorte d'éviter que l'attaque ne tombe un 15 août, puisque cela supposait de réquisitionner l'ensemble du personnel. Nous vivons toujours avec l'idée que nous allons être attaqués, nous nous y préparons et aidons l'Agence de la biomédecine à constituer les dossiers.

Nous avons évoqué les sources alternatives, dont les fameuses cellules souches induites à la pluripotence. En quoi ces IPS ne correspondent-elles pas aux cellules souches embryonnaires humaines ? Lors de la dernière révision de la loi de bioéthique, en 2011, nous avions expliqué, avec Marc Peschanski, que les IPS étaient – et restent – des sortes d'OGM, puisqu'obtenues par modification génétique.

Pour pouvoir les comparer, nous avons besoin de disposer de la source physiologique. La littérature scientifique abonde sur ce point : les IPS sont différentes des cellules souches embryonnaires humaines à tous points de vue, sur les régulations très fines du génome par exemple. Si l'on veut pouvoir travailler avec ces cellules, et nous sommes les premiers à le souhaiter, il nous faut le gold standard pour nous assurer qu'elles présentent les mêmes propriétés.

Pour revenir aux attaques, nous vivons en permanence avec la menace de voir nos projets s'arrêter du jour au lendemain et les financements que nous avons eu tant de mal à obtenir – nous consacrons la moitié de notre temps à les rechercher – cesser d'un coup.

L'Agence de la biomédecine fait un travail impressionnant. En tant que citoyenne, j'aimerais savoir combien d'argent et de temps elle consacre à la défense de ces dossiers. De toute évidence, elle n'est plus une agence de réglementation et de conseil, mais une agence qui sert désormais à se défendre d'actions au tribunal administratif. En tant que citoyenne, je comprends mal cette logique.

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