Intervention de Marc Peschanski

Réunion du mardi 9 octobre 2018 à 17h00
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Marc Peschanski, directeur scientifique de l'Institut des cellules souches pour le traitement et l'étude des malades monogéniques (I-Stem) :

Dans bon nombre des domaines dans lesquels travaillent les chercheurs, en particulier les biologistes, l'adoption d'une loi de bioéthique n'a pas été nécessaire. Une réglementation a été établie en prévoyant des limites, des contrôles et des validations qui ont été introduites tout naturellement par la communauté scientifique, parfois avec le soutien de comités extérieurs.

Je citerai deux exemples emblématiques. Dans le premier laboratoire où j'ai exercé, nous travaillions sur la douleur. Les tiroirs – bien fermés – contenaient du LSD, une substance dont nous avions besoin pour tester son efficacité pharmacologique. Il va de soi que la réglementation encadrait le laboratoire, habilitait tel et tel chercheur à manipuler le LSD et à le commander auprès de sources spécifiques. Quiconque serait sorti du laboratoire avec du LSD dans sa poche aurait immédiatement atterri en prison. Autrement dit, nous n'avions pas besoin de la loi de bioéthique puisqu'une réglementation existait – et existe d'ailleurs toujours, certains laboratoires travaillant par exemple sur la morphine.

Deuxième exemple, proche de la manière de travailler sur les cellules souches : le droit à l'expérimentation animale. Nous avons le droit de travailler sur des animaux lorsque les laboratoires, régulièrement inspectés, ont reçu une accréditation à ces fins et lorsque les chercheurs concernés ont personnellement reçu une formation leur permettant d'être accrédités, mais aussi après avoir déposé les programmes de recherche auprès d'un comité d'éthique qui les a évalués et a délivré une autorisation signée par le ministère de la recherche. En somme, le cadre réglementaire, en l'absence de loi de bioéthique sur la question, suffit à autoriser les chercheurs à tuer des animaux, ce qui est interdit à toute autre personne – à l'exception des services de dératisation.

Pour des raisons évidentes, la recherche doit parfois s'aventurer sur des terrains inconnus. C'est précisément la raison d'être des chercheurs que d'explorer des terrains non balisés pour lesquels il ne peut pas exister de loi puisque l'on ignore encore ce que l'on y trouvera. On nous demande d'aller sur ces terrains et d'en ramener des connaissances. La limite qui nous est demandée dans ce cadre est la suivante : ne pas imposer à l'espèce humaine, de manière directe ou indirecte, quelque chose qui modifiera son mode de fonctionnement et de vie en société.

Les chercheurs reçoivent une autorisation intrinsèque à leur travail. Elle doit être accordée en fonction des validations données aux chercheurs après qu'ils ont passé les contrôles et examens nécessaires, et que la communauté scientifique elle-même a exercé un contrôle bien plus fin et puissant que n'importe quelle structure extérieure.

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