Ne mélangeons pas les travaux. C'est pour cela que nous souhaitons faire une distinction entre les embryons destinés à la recherche et ceux destinés aux travaux cliniques. Faire des découvertes, par exemple l'édition du génome pour comprendre le développement pré-implantatoire, voilà mon travail ; déterminer si la société française s'en sert et les applique, voilà votre travail. C'est cette distinction que nous voulons mettre en lumière : à chacun sa part du travail. Non, nous ne souhaitons pas aller plus loin. Non, nous ne sommes pas tentés de faire des choses interdites. Nous exerçons notre travail de la manière la plus consciencieuse et transparente qui soit. Peut-être manque-t-il encore de transparence ; c'est sans doute ce qui a motivé le débat sur la recherche sur les cellules souches dans le grand public.
Venons-en aux stades de la cellule. Au début, la cellule après fécondation est unique. Au terme de trois cycles de division, elle s'est transformée en huit cellules équivalentes ; il est possible de faire un individu complet avec chacune d'entre elles. Puis survient une première différenciation : les cellules extérieures acquièrent des caractéristiques moléculaires qui leur permettent de produire du placenta – nécessaire pour interagir avec la mère – au septième jour, tandis que les cellules intérieures perdent cette capacité de produire du placenta mais conservent la capacité de produire l'ensemble des tissus foetaux. Le passage de l'embryon au foetus se produit lors de l'organogenèse, c'est-à-dire au début de la mise en place des organes – le coeur, le système nerveux central, et ainsi de suite. Au septième jour, les cellules pluripotentes, encore très précoces, ne peuvent pas encore produire d'ébauches de tissus différenciés ; elles ne sont pas spécialisées et peuvent tout faire. Or, il est nécessaire d'accéder à ce qui se passe ensuite pour produire des cellules de foie destinées à être injectées à des patients souffrant d'insuffisance hépatique aigüe et en état de surdose de paracétamol, par exemple, ou encore pour produire des cellules de la rétine, des cellules neuronales et tout autre type de cellule. C'est cette partie que nous peinons à comprendre chez l'homme et qui nécessite dans certains cas de disposer de modèles cellulaires issus de la deuxième semaine de développement, c'est-à-dire entre l'implantation et le foetus.
C'est pourquoi nous souhaitons qu'un suivi de ces recherches soit réalisé, moyennant une déclaration nous permettant d'utiliser ces cellules souches embryonnaires. La loi française n'interdit pas aux chercheurs d'utiliser des cellules souches pluripotentes induites (IPS) – trop nouvelles pour figurer dans la loi – afin de fabriquer des chimères interespèces. L'avons-nous fait ? Non. Souhaitons-nous le faire ? Oui si cela semble pertinent au regard de telle ou telle question scientifique, mais nous ne le ferons pas sans que nos pairs s'accordent sur le fait qu'il n'existe aucune autre alternative sur le plan intellectuel. Il est également possible ou presque de produire des gamètes, des ovules et des spermatozoïdes à partir des IPS. Pourtant, nous n'avons jamais entrepris de provoquer des fécondations au moyen de telles cellules. En effet, si la création d'embryons est interdite, les étapes antérieures ne le sont pas.
C'est pour cela qu'un comité de suivi est nécessaire afin de contrôler ces questions éthiques sensibles, qui se posent tant pour les IPS que pour les cellules souches embryonnaires. Sur le plan international, la distinction ne se fait guère entre les unes et les autres. L'enjeu est celui de la pluripotence – la capacité à tout faire.