Je vous remercie d'avoir décidé cette visite. L'administration pénitentiaire a pour objectif la prévention de la récidive, de façon à concilier réinsertion et sécurité. C'est le coeur de notre action et, en milieu ouvert comme en milieu fermé, nous cherchons à faire que le temps passé en détention soit utile à cet objectif.
Je tiens aussi à évoquer devant vous la question de la dignité des détenus. La prison est devenue un lieu de droits, ce qu'elle n'était pas lorsque j'ai commencé ma carrière. Le respect de ces droits consacrés par la loi pénitentiaire et par le Conseil de l'Europe est protégé par le juge administratif mais il est encore imparfait, comme en d'autres lieux de la République, et nous pouvons progresser.
À cet égard, il faut tordre le cou à l'idée fausse selon laquelle ce que l'on fait pour les détenus l'est au détriment du personnel ou contre lui. Trente-cinq années d'expérience me permettent de vous dire que non seulement il n'en est pas ainsi, mais que des conditions de vie dignes pour les prisonniers ont des répercussions favorables pour le personnel. J'en donnerai deux exemples. Le premier est celui des unités de vie familiale ; les organisations syndicales, qui, initialement, s'y opposaient, y sont à présent tout à fait favorables car cela contribue à la réinsertion mais aussi à l'amélioration du climat en détention. Le deuxième exemple concerne les douches : on constate qu'au sortir de l'École nationale d'administration pénitentiaire (ENAP), l'un des critères des demandes d'affectation est la présence de douche en cellule, car cela évite des tensions avec les détenus. On le voit, l'intérêt des prisonniers rejoint celui du personnel. Il faut une vision globale des problèmes qui se posent au personnel, auquel je rends hommage ; il travaille, à Fresnes, dans des conditions épouvantablement compliquées, vous l'avez constaté.
Je me dois aussi d'insister sur l'indispensable lien entre politique pénitentiaire et politique pénale ; or, nous subissons beaucoup et ne décidons guère. L'approche retenue dans la loi pénitentiaire, parce qu'elle lie les deux, est la bonne.
Le pragmatisme impose une vision mesurée des choses et l'adaptation de la réponse pénale aux différents publics. Une part de répression est nécessaire mais une réponse pénitentiaire uniquement carcérale serait erronée, en termes d'utilité sociale comme sur le plan budgétaire. Une place en milieu fermé coûte quelque 300 000 euros, montant auxquels s'ajoutent 100 euros au minimum par journée de détention. Il faut réserver la réponse carcérale aux cas les plus lourds et en adapter les modalités en fonction des détenus.
Á ce sujet, l'évaluation des détenus suppose aussi une approche pragmatique, non idéologique, permettant d'insérer la personne détenue dans un parcours d'exécution de peine. Les individus peuvent évoluer, en bien ou en mal, et il faut en tenir compte.